Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
|
|||
|
Par David (09 juin 2003)
1985 – 1987 : l'explosion Capcom.Époque faste pour Capcom. À peine lancée sur un marché en pleine croissance, cette société nippone accumule les hits à une vitesse impressionnante - grâce principalement à ses deux uniques designers, Tokuro Fujiwara et Yoshiki Okamoto : deux talents exceptionnels dont l'extraordinaire potentiel créatif permit à la compagnie d'éditer quelques-unes des plus grandes réussites du monde de l'arcade. À peine licencié de chez Konami où il avait développé dans la quasi-clandestinité le génial Time Pilot, puis le fabuleux Gyruss, Okamoto profita de son arrivée chez Capcom pour s'imposer comme le numéro un d'une équipe cherchant encore ses marques. 1942, puis 1943, Final Fight et même le hit interplanétaire Street Fighter II font partie des quelques grandes réussites de ce génie du jeu vidéo. L'esprit de rivalité qui s'installa très vite entre Fujiwara et Okamoto permit à ce premier de puiser efficacement dans ses ressources et de répondre aux superbes réussites de son compère en créant les non moins superbes Commando et Ghosts'n Goblins. L'incroyable jouabilité de tous ces titres ne fait aucun doute. Mais c'est surtout leur formidable réalisation technique qui à l'époque séduisit des myriades de joueurs avides de sensations nouvelles. Finis les énormes pixels et les couleurs criardes : c'était désormais de gros pixels aux couleurs vives qui illuminaient les écrans. La nuance est d'importance. Après la sobriété graphique d'un Exed Exes ou d'un Vulgus, sortis en 1984, et avant le gigantesque bond technologique que représenta en 1988 le système CPS-1 et sa flopée de titres cultes tels que Ghouls'n'Ghosts ou Strider, parurent toute une série de hits considérés par beaucoup comme étant la quintessence du jeu d'arcade à l'ancienne. Tous ces hits ne furent pas le fruit de la réflexion d'Okamoto et de Fujiwara. Le succès aidant, Capcom vit son équipe de recherche s'élargir, donnant ainsi l'occasion à quelques petits nouveaux de s'imposer au plus haut niveau. C'est ainsi que naquirent des titres aussi inoubliables que Tiger Road, Trojan, Gunsmoke... et Black Tiger, dont voici la présentation détaillée. Mettez un Tigre Noir dans votre moteur.Pour autant, pas la moindre trace d'un tigre, fût-il noir, dans ce jeu. Il serait d'ailleurs intéressant de comprendre pourquoi Capcom, en exportant sa borne en occident, décida de ne pas conserver le titre de celle-ci, Black Dragon, autrement plus cohérent. Mais jugez plutôt. « Il y a de cela bien longtemps, trois dragons descendirent des cieux dans un grand fracas, détruisant tout un royaume et le plongeant dans l'obscurité. De cette lente agonie surgit un courageux guerrier ». La représentation de l'aire de jeu est on ne peut plus classique : de profil, le héros ainsi que les ennemis se détachent parfaitement d'un décor de grottes entièrement constitué de plateformes et de colonnes faisant office, une fois n'est pas coutume, d'échelles. L'ensemble se meut dans une fluidité parfaite : votre guerrier dispose d'un nombre confortable d'étapes d'animation, donnant vie au moindre de ses mouvements. L'ennemi n'est pas en reste : squelettes, orques, diablotins, plantes carnivores... Tous ont bénéficié d'un soin tout particulier dans leur conception artistique. L'accroche visuelle, marque de fabrique de tout soft Capcom, est donc là, et bien là. D'un point de vue sonore, sobriété et efficacité sont les maîtres mots servant à qualifier une bande-son qui ne restera, certes, pas dans les annales, mais qui a au moins le mérite de sonner très arcade des eighties. Nostalgie, quand tu nous tiens. Reste donc à évaluer l'essentiel, à savoir l'intérêt intrinsèque d'un énième jeu de plateformes dont l'originalité ne semble, hélas, pas être le point fort. Règle numéro un : ne pas se fier aux apparencesTout d'abord, il faut bien admettre que, malgré son apparent classicisme, Black Tiger dispose d'arguments à même de séduire le plus grand nombre. En premier lieu, son univers Heroic-Fantasy a peu de chance de déplaire. Le bestiaire rencontré tout au long des 7 niveaux de ce jeu s'avère en effet suffisamment varié et pensé pour que chaque rencontre avec l'ennemi impose une tactique d'affrontement différente. Il est ainsi hors de question de foncer tête baissée sur un orque, alors que pourchasser une chauve-souris à peine apparue sur l'écran sera une nécessité de tout premier ordre si l'on veut ne pas se faire prendre à revers. La progression dans les niveaux, qui mettent essentiellement en scène de sombres catacombes ainsi que de gigantesques châteaux, sera rendue de plus en plus difficile par l'apparition de monstres disposant d'une intelligence de déplacement de plus en plus marquée. Ainsi, les diablotins volants, qui ne sont pas sans rappeler l'un des monstres les plus pénibles de l'histoire du jeu vidéo, j'ai nommé la célèbre gargouille de la série des Ghosts'n Goblins, vous forceront à bondir en tout sens tandis que des magiciens apparaîtront, le temps d'un instant, pour lancer un sort de feu couvrant plusieurs mètres. Un tel déséquilibre dans les forces en présence serait excessif si, de temps à autres, de vieux sages ne vous proposaient divers cadeaux en échange de leur libération. Argent, temps supplémentaire... les (bonnes) surprises sont nombreuses. Certains de ces vieillards iront même jusqu'à ouvrir leur boutique afin que vous puissiez y dépenser les Zenny (l'unité monétaire traditionnelle récurrente chez Capcom) que vous aurez accumulés jusqu'alors. Dans la série des excellentes surprises, notons également ces pots d'argile qui, une fois cassés, révèlent un contenu souvent appréciable. Idem pour ces coffres dont l'ouverture à l'aide de clés laissent apparaître de nombreuses richesses. Hélas, s'approcher de tels trésors entraîne souvent de funestes conséquences. Ainsi, il n'est pas rare de déclencher un piège aux effets redoutables : gerbes de flammes provenant du sol ou des murs, gaz empoisonnés... Tous les poncifs du genre y passent, pour le plus grand plaisir de l'amateur du genre médiéval-fantastique. Malgré le rythme effréné du combat qui fait rage, l'on se surprend alors à avancer avec la plus grande prudence dès lors qu'un coffre se trouve à proximité : les déplacements deviennent plus stratégiques, l'agilité prend alors toute son importance. Règle numéro deux : qui dit jeu maniable dit jeu jouableÀ l'instar de bon nombre de blockbusters made in Capcom, Black Tiger s'avère être d'une maniabilité exemplaire. Le héros répond au doigt et à l'œil, et les sauts, élément essentiel de tout jeu de plateformes qui se respecte, peuvent se faire au millimètre. Contrairement à bon nombre de titres du genre, il est impossible de régler la hauteur de son saut en fonction de la durée d'appui du bouton, ni même de repartir dans l'autre sens en plein vol en braquant soudainement la manette dans la direction opposée. En d'autres termes, une fois le bouton saut pressé, il n'y a plus qu'à espérer retomber au bon endroit. Pas facile au début – l'erreur n'est tout simplement pas permise - mais essentiel afin de profiter pleinement de l'arsenal offensif du héros. Et c'est précisément ici que réside toute l'originalité de ce Black Tiger. En attribuant au joueur pas une arme, mais deux, suffisamment différentes et complémentaires pour être utilisées simultanément, Capcom a fait le pari osé d'un rapprochement entre l'un des styles de jeu les plus classiques de tous les temps, la plateforme, et un genre totalement étranger à cet univers : le shoot them up. Très vite, on apprend alors à user de ces deux modes d'attaques avec intelligence. Très vite aussi, on comprend à quel point l'option du saut « non modifiable » est la meilleure : elle autorise en effet le joueur à faire volte face dans les airs et d'asséner de multiples coups à l'ennemi tout en s'éloignant de celui-ci. Un saut plus important étant déclenchable à tout moment (sans bouger, une pression du bouton saut suivie immédiatement d'une poussée de la manette vers la droite ou vers la gauche), toutes les actions, ou presque, sont réalisables. Depuis Black Tiger, de nombreux jeux de plateformes ont repris le principe du shoot intégré. Contra, de Konami, sortit la même année ; de même que Psycho-Nics Oscar de Data East, qui mit en scène un robot armé jusqu'aux dents ; jeu qui, à son tour, permit à un certain Manfred Trenz, deux ans plus tard à la table de la pizzeria Turricano's, d'imaginer son propre jeu de plateforme à la sauce shoot, et d'éviter de justesse le dépôt de bilan de son équipe, Factor 5. Règle numéro trois : une bonne idée se doit d'être exploitée jusqu'au boutEt pour ceux d'entre vous qui se demanderaient ce que serait devenu Black Tiger sans l'ajout des couteaux, ne cherchez pas plus loin : vous avez la réponse devant les yeux. Le résultat est sans appel : Black Tiger en devient quasi-injouable. Le parfait équilibre qui subsistait entre plateforme et shoot them up s'effondre littéralement sous les yeux du joueur : affronter le moindre ennemi devient un véritable calvaire. Seule solution : trouver au plus vite un marchand qui, contre menue monnaie, vous remettra un antidote vous rendant l'usage de vos couteaux. Les plus prévoyants d'entre vous auront fait des réserves – il est en effet possible d'accumuler nombre de ces antidotes dans votre équipement. Certains auront peut-être préféré augmenter la résistance de leur armure ou auront acheté des élixirs de vie à même d'augmenter leurs chances de survie une fois leur armure détruite. D'autres, enfin, auront choisi de mettre le prix fort en boostant sensiblement la puissance de frappe de leur arme principale – un choix crucial au vu de la robustesse de certains ennemis à venir, et du temps limité dont dispose le joueur pour atteindre la sortie d'un niveau. À l'évidence, Black Tiger ne se contente pas de l'estampille jeu de plateformes. En ajoutant à ses ingrédients une bonne dose d'action frénétique et un soupçon de stratégie, il réussit le mix parfait entre deux genres jusqu'alors profondément dissociés, mais cohabitant de longue date dans les salles d'arcade de l'époque : la plateforme et le shoot them up. Quand Castlevania rencontre R-Type... Black Tiger + PC-Engine = Son Son IIBien que le nombre quasi-inexistant de conversions nippones de ce méga-hit puisse surprendre, il faut surtout y voir l'aveu d'impuissance de nombreux éditeurs qui, face à l'indéniable avance technologique des bornes d'arcade Capcom, préférèrent ne pas tenter le pari risqué d'une conversion réussie. Les Nippons, qui l'avaient fort bien compris, patientèrent un an jusqu'à la sortie des consoles 16-bits pour se lancer dans de telles conversions – Ghouls'n Ghosts sur Megadrive reste l'un des exemples les plus mémorables dans ce domaine. Alors certes, la NES bénéficia, en Nipponie, d'une adaptation de ce hit, mais, étrangement, la cartouche, développée en interne chez Capcom, ne fut jamais commercialisée. Sans doute doit-on y voir là la déception de la firme confrontée à une adaptation en-deça de ses critères de qualité. En Europe, seul l'éditeur US Gold, qui avait racheté les licences Capcom, se lança dans l'aventure. Évidemment, aucune des conversions 8-bits ne fut convaincante : du ZX-Spectrum au Commodore 64 en passant par l'Amstrad CPC, les trop faibles capacités de ces machines ainsi que la présence d'un unique bouton sur leurs joysticks rendirent ces adaptations peu maniables et franchement laides. Sur Amiga et Atari ST, en revanche, le résultat s'avéra autrement plus fidèle à l'original – à défaut d'être, là encore, parfaitement maniable. On retrouvait enfin tous les niveaux de l'arcade, retranscrits dans un graphisme agréable et coloré. Seule l'animation perdit en fluidité et, surtout, en rapidité lors de son passage sur 16-bits. En fait, c'est sur PC-Engine, console 8-16-bits faut-il le rappeler, qu'il fallait trouver la seule adaptation réellement intéressante. D'une part parce que le terme adaptation prend ici tout son sens – plutôt que de tenter une conversion au pixel près perdue d'avance, Capcom et NEC Avenue décidèrent de travailler sur un nouvel univers reprenant beaucoup des principes déjà rodés dans Black Tiger deux ans auparavant ; et d'autre part parce que cette adaptation met en avant suffisamment d'éléments nouveaux pour qu'elle parvienne à se différencier avec brio de son illustre aîné. Suite officielle d'un vieux titre de Capcom sorti en arcade en 1984, Son Son II repompe en fait assez allègrement une quantité astronomique de hits de l'époque, dont l'extraordinaire Wonderboy in Monster Land de Sega - ennemis dans le plus pur style « kawaii », niveaux de plus en plus vastes et réclamant de gros efforts de recherche, clés menant aux niveaux suivants, discussions avec divers autochtones, inventaire représenté en cases, portes reliant de nombreux sous-niveaux entre eux... Les emprunts sont légion. De Black Tiger, Son Son II aura conservé le déplacement du héros (les deux techniques de saut décrites plus haut ont été retenues), le système d'échelles suspendues, de nombreux monstres (dont les fameux "jelly" et les pièces tournoyantes indestructibles), le système de jarres renfermant moult trésors, les secrets dans les murs, les Zennys... Bref, tout ce qui fait de ce titre un réel clone du Tigre Noir. Le résultat de cette compilation géante ? Un jeu ma foi fort agréable. Profitant d'une réalisation simple mais efficace, Son Son II reprend avec succès tous les ingrédients des classiques du genre. La difficulté, bien dosée, la longueur des niveaux ainsi que la pléiade de secrets qu'ils recèlent promettent aux plus courageux d'entre vous de longues heures de jeu. Il reste toutefois évident que sans la dualité des armes si plaisante de Black Tiger, ce Son Son II ne partage au final que peu de points communs avec celui-là. Plus axé sur la recherche, il perd toute la fougue qui fit de Black Tiger le grand hit d'arcade qu'il fut, mais gagne dans un domaine où Wonderboy régnait jusqu'alors en maître incontesté. Un avis sur l'article ? Une expérience à partager ? Cliquez ici pour réagir sur le forum (21 réactions) |