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Thomson
Ambiance camembert qui obstrue la RS232 et gros rouge qui tâche le clavier-gomme avec ce résumé du parcours de Thomson sur le marché de la micro dans les années 80, et du légendaire "plan informatique pour tous" estampillé Fabius/Chevenement.
Par Mickmils (11 novembre 2004)

Thomson. Certains ont la GX4000, moi j'ai Thomson.

La mention de cette marque sur Grospixels évoque, à la reflexion, a peu près tout et n'importe quoi si on pousse un peu le bouchon. "Thomson" sur ce site, c'est un peu quand la politique rencontre l'informatique dans les années 80. La politique, c'est aussi l'économie, et l'informatique, c'est aussi les jeux vidéos. Dit comme ça, ca ressemble a un imbroglio pas possible. Pour moi, Thomson, c'est un souvenir. Le premier contact avec ces étranges claviers, ces mystérieuses bandes magnétiques, ces énigmatiques "RUN" et "LOAD", et cette étrange sensation de controler ce qui se passe sur un écran. Quand on inclinait le stick a gauche, le personnage se déplaçait a gauche, et ca, c'était phénoménal. Passé ce premier contact, je suis passé au ST, aux consoles 8/16-bits, puis au PC... Y Serais-je passé sans Thomson ? Serais je sur Grospixels sans Thomson ? A la reflexion, surement pas. Si vous êtes allés a l'école dans les années 80, vous connaissez peut être les ordinateurs Thomson. En effet, le 25 janvier 1985, le gouvernement Fabius, épaulé de Jean-Pierre Chevenement, entreprend de former les sauvageons actuels aux nouvelles technologies :

"Il s'agit d'initier à l'outil informatique tous les élèves de toutes les régions de France. Les 11 Millions d'élèves de nos établissements publics pourront désormais dans chaque commune, avoir accès à l'ordinateur au cours de leur scolarité, afin de permettre une meilleure égalité des chances. [...] Tout cela veut dire concrètement que cette année 11 000 ateliers informatiques seront installés dans les établissements scolaires comprenant chacun plus de 6 micro-ordinateurs familiaux ou semi-professionnels, cependant que les 33 000 écoles de taille plus modeste recevront, elles, l'équipement minimum d'un ordinateur Ainsi seront installés en 1985 120 000 micro-ordinateurs supplémentaires pour un coût total, avec la formation, de près de 2 milliards. Le fonctionnement devra être mis en place dès la prochaîne rentrée."

Ils ne s'imaginaient surement pas etre sur grospixels un jour. La consécration, enfin.

Ce truc va couter 2 millliards de francs. Je dis "truc" parce que le plan informatique pour tous (P.I.T) a vraiment été un semi-bide. Regardez autour de vous aujourd'hui : a t'on réussi à former tout les élèves de l'époque à l'ordinateur ? En fait, l'intérêt d'un plan aussi couteux était franchement limité. La micro-informatique de 1985 n'est pas l'informatique de 2004. Indispensable et omniprésente aujourd'hui, elle n'était que balbutiante (oserais-je dire "experimentale ?) à l'époque. Vous me direz au contraire qu'elle était en plein boom. En effet, pour les jeux vidéos, beaucoup y voient une époque bénie. Mais pour un usage familial et personnel, l'intérêt était moindre. Les traitements de texte sur micro ordis familiaux jouissaient d'une popularité relativement limitée (quand aux tableurs et bases de données n'en parlons pas). L'utilité principale des micro-ordinateurs de l'époque, c'était le jeu et la programmation (en BASIC le plus souvent). Autre problème de poids : l'informatique, ca ne s'improvise pas. Surtout à l'époque. Et la formation manquait.

Cette petite fille ne fera surement jamais un 10 "PRINT COUCOU "

Le potentiel était bien sûr là pour autre chose. On pouvait voir ce plan informatique pour tous comme une idée de génie visionnaire, qui avait compris le rôle que jouerait l'informatique dans l'avenir, mais concrètement, il consistait surtout à éduquer les élèves à faire des "10 PRINT "COUCOU" | 20 GOTO 10" et a dessiner des spirales en LOGO. Un plan lancé un peu trop tôt probablement. J'ai parlé de "semi" échec car je serais bien mal placé pour critiquer ce plan : l'informatique m'a été initiée peut etre par quelques un des derniers avatars de ce plan informatique, ce qui fait qu'il y avait un Thomson à la maison quand j'étais tout gamin. Je suppose que malgré tout, dans de nombreuses familles, on a voulu ensuite avoir un micro ordinateur pour faire plaisir au petit. On se forçait à sourire en se disant que c'était super éducatif (alors qu'on sait TOUS pourquoi le gamin voulait un micro).

Des générations d'infographistes te doivent tout.

Pas question de faire sur ce site de polémique politique, néanmoins on attribue souvent également l'échec du PIT au choix de Thomson. Thomson ! En septembre 1982, Thomson présente une étrange machine : un micro-ordinateur français. Il s'appelait le TO7, et il était vraiment pas mal du tout. L'alimentation était intégrée, on pouvait le relier à la TV via une Peritel, le clavier était AZERTY et toute la doc était en français... autant d'éléments pour convaincre les français de s'y mettre ! Thomson parvient donc à vendre nombre de ses micros à l'Education Nationale. Pour les particuliers, c'est plus compliqué, surtout quand les vendeurs de micros de l'époque étaient plus spécialement habitués à vendre des postes de TV. Le TO7 avait beau être une bonne machine 8-bits et avoir eu un relatif succes commercial, quelque chose clochait, n'inspirait pas confiance. Le TO7-70 faisait pourtant presque jeu égal avec le Commodore 64, mais ce qui devait faire la force des Thomsons fut sa perte.

WAAH !

Si vous postez sur des forums étrangers et que vous mentionnez les ordinateurs Thomson, on va vous regarder bizarrement. Et pour cause, le Thomson était un ordinateur Franco-Français-Franchouillard-Cocorico-Camembert. Tout ce qui tournait dessus était en langue française. Impérativement. Logique, car la cible n'était pas les hardcore gamers de l'époque, mais le grand public de l'époque. Je l'ai déja sous-entendu : le succès d'un micro dans les années 80 se determinait en fonction de ses jeux... Et en effet, de nombreux développeurs et éditeurs n'ont pas voulu gaspiller du temps ou de l'argent à porter leurs jeux sur un ordinateur qui aurait un mal fou à percer les frontières hexagonales (tout juste en a t'on retrouvé quelques uns en Allemagne). Le PIT à voulu imposer Thomson comme le "Micro-officiel de la famille française" (je caricature), il a réussi, mais ce micro était fatalement voué à être sectarisé. Rapidement, plus personne n'y croit. Sauf Thomson qui multiplie ses efforts avec de multiples déclinaisons de ses ordinateurs, certains étant vraiment performants, mais avec, toujours, toujours, ce même défaut de s'adresser à une base coupée du reste du monde. Le manque de jeux de qualité programmés avec efforts va se faire ressentir très vite, et Thomson commencera à être mis en difficulté. En France, c'est surtout ce satané crocodile d'Amstrad qui va se tailler la part du lion. Ah la vache ! Ils étaient bien les jeux sur Amstrad ! Sur Thomson aussi mais... si peu, si peu.. si peu... Et il y avait des défauts techniques, aussi. Commençons par le début. Regardez le TO7, premier micro Thomson à avoir vu le jour. Je ne suis pas une star du hard(ware) mais je vais faire un effort pour vous : TO7 ! Montre moi ce que t'as dans le ventre !

Ah je vois ! Ton CPU est un 6809E à 1 Mhz ! Tu as 8ko de RAM dont 4 exploitable et tu nous fais du 320*200*8 couleurs ! En 1984, ce n'était pas si mal. Le 6809 était l'un des processeurs 8-bits les plus puissants, bien plus que le Z80 ! Okay, TO7 ! Tu enfonces donc largement le Sinclair, mais pour le reste tu vaux quoi ? Pas de panique ! Tu enfonces l'Oric ! Par contre ta RAM disponible fera super pitié le jour où l'Amstrad et le C64 débarqueront, genre, juste après. Mais fermons les yeux pour l'instant, ils ne sont pas encore là. La machine se présente sous forme monolithique, comme il en est l'habitude a l'époque. Sauf que l'achat du lecteur de disquette 5.25 pouces (de 80ko, ce qui était déjà ridicule !) est séparé. Et oui, va encore falloir raquer !

Ca vous fait pas rever ca ?

Mais de toute facon, qui en voudrait..... Absolument rien n'est sorti dessus. En gros tu es une bonne machine mais tu es chère. Les années qui suivront verront des baisses de prix super importante, à faire s'évanouir une Xbox. Et il y a de quoi, parce que bon à 7000 francs la bécane... Ah ! Tu as un port cartouche en standard ! Evidemment, il servira pas, ou presque pas (à part pour la cartouche de Basic, non intégrée. RIDICULE). On imagine que les ingénieurs de Thomson ont voulu en mettre un quand ils ont vu les temps de chargement incroyablement long de leur lecteur de cassette... Coté son : 1 voix sur 4 octaves. Oui c'est naze.

Le port cartouche, et sa cartouche (La seule qui serve)

Alors bon, Thomson, tu as la puissance nécessaire à ton époque, mais sur le terrain, qu'est ce que tu vaux ?
Et bien pas grand chose. On dira ce qu'on veut des programmeurs français, l'essentiel des jeux sortis sur TO7 ne valaient franchement pas grand chose tant ils étaient mal fichus. Certains me sauteront à la gorge pour oser dire un truc pareil, mais sincerement, même sur Oric ou Sinclair le tableau général était plus glorieux.

Le thomson TO7 sans sa cartouche Basic : Un éventail de possibilités (vive les télé/ordinateurs système !)

En fait, tout le problème vient d'un grave défaut de jouabilité dans de nombreux jeux, malheureusement programmés en BASIC, langage qui n'est guère réputé pour sa rapidité d'éxécution. Si j'étais de mauvaise foi, je dirai que c'est parce que ce BASIC a été conçu par une petite société alors peu connue du nom de Microsoft, mais non, je me le permettrai pas. Le Basic, ca reste du Basic. Pour les jeux, ca craint. Du coup, sur Thomson il y a eu plein de portages de tout plein de hits des salles d'arcade : Ouais ! Enduro Racer sur Thomson et... Oh Mon Dieu ! Green Beret ! Woohoo ! Génial non ? En fait, si vous arrivez à supporter les 3000 heures de chargement (sacré lecteur cassette !), c'est la lenteur du jeu qui vous tuera, genre, 2 images à la seconde. Je vous laisse imaginer la jouabilité du truc. Si vous n'arrivez pas à imaginer, testez les émulateurs. Du coup, les Oric et les Spectrum s'en sortent bien mieux tout en étant moins puissant, et surtout moins chers.

Ah mon dieu.... Konami sur ton TO7
Sega aussi ! Autant Green Beret est relativement jouable, autant ça...

Et je vous parle même pas de Yie Ar Kung Fu 2. Sisi, il est sorti. Non non, il est grave nul car injouable. En plus, la logithèque du TO7 ne sera guère très étoffée. On notera tout de même certains très très bons jeux développés en assembleur 6809. Si vous vous souvenez du celebre "5eme axe", c'est sur Thomson TO7 qu'il a débuté ! Ah ces graphismes et surtout cette animation super fluide ! Il fallait voir courir le sprite du perso dont les mouvements étaient presque aussi bien décomposés qu'un Prince Of Persia ! Et ce scrolling ultra fluide ! Hallucinant !

Du pur bonheur sur TO7

Autres portages réussis, ceux d'Arkanoid et de Boulder Dash (subtilement rebaptisé La mine aux diamants, ah, francophonie...), ainsi qu'un clone de Lode Runner (mysterieusement nommé Androides), et également du mythique Sorcery (très inspiré de Cauldron). Histoire de continuer à sauver l'honneur, on trouve une adaptation presque identique a l'originale de L'Aigle D'Or, un clone de Donkey Kong assez réussi du nom de Yeti (ca alors !), une version lente mais jouable de Choplifter, un jeu d'échec, euh, de l'époque du nom de Blitz et une sorte de Solstice pas trop mal fichu du nom de Sortilèges.

Autres adaptations a succès sur TO7

Coté jeux de sports, c'est grave grave la honte. Je me souviens particulièrement d'un certain Numéro 10 absolument injouable, avec la tronche de Platini (alors tout à fait dans le coup) qui s'affichait à l'écran. Surement l'origine de son déclin d'ailleurs. On y voyait s'affronter deux équipes astucieusement nommées "Noirs" et "Bleus" (heureusement on pouvait les renommer, ouf...). Il y'avait aussi une sorte de Track & Field qui s'appelait Les dieux du stade : Le jeu se déroulait aux jeux olympiques de Paris de 92 (hé oui) et nous cassait les oreilles au début de chaque partie avec une reconstitution immonde de la mélodie des Chariots de feu. Après il fallait casser la manette en la secouant comme un malade pendant que le sprite se déplacait à deux à l'heure.

Bah oui... (que fait ce joueur bleu loin derriere le but ?)

Le TO7 sauve donc l'honneur avec quelques jeux de qualité, mais avoir quelques bons jeux ne suffit pas à compenser un reste assez médiocre, et de toute façon en quantité insuffisante. Et surtout, bien que plus puissant, son prix ne se justifie pas face à un Oric ou à un Sinclair qui fait aussi bien, voir souvent mieux, avec une ludothèque plus étoffée et surtout, surtout, un prix largement inférieur. Sans maitrise, la puissance n'est rien, comme dit l'autre. Alors après Thomson a sorti une évolution du bazar. Le TO7-70 avec 48 ko de RAM. Le voici donc presque aussi puissant qu'un C64, dommage, la ludothèque est la même et les jeux seront pas plus rapides pour autant.

Les TO7 sont sortis en deux versions : clavier à gomme (les petites touches qui s'enfoncent et restent collés, façon ZX81) et clavier mécanique (des vrais touches qui font tac tac). Enfin Thomson, visionnaire, propose une extension MINITEL, car selon Thomson la multiplication des réseaux, c'est l'avenir ! (ou comment avoir tort et raison à la fois). Et puis le TO7, c'était aussi le fameux Crayon Optique, d'une qualité douteuse et surtout qui envoyait des décharges électriques en série, et qui servait à... pas grand chose en fait. Le clavier était vachement plus pratique dans la plupart des cas, mais bon, admettons... Le TO7, c'était aussi l'apprentissage du LOGO et du Basic. Mais à un prix luxueux, toujours...

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