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Sorcery +
Année : 1985
Système : Amstrad CPC
Développeur : The Gang of Five
Éditeur : Virgin Interactive
Genre : Plate-forme
Par Lyle (31 mars 2003)

Une bonne demi-heure. Voilà à peu près le temps qu'il fallait attendre pour charger Sorcery si l'on avait la " chance " de posséder un CPC 464 à cassette. Une demi-heure au terme de laquelle on entendait, comme une récompense, le fameux thème de l'Apprenti sorcier de Dukas. On pouvait enfin commencer une partie. Inutile de vous dire qu'une fois le jeu chargé, on en voulait pour notre patience. Curieusement, voilà le genre de contraintes technologiques qui, il y a 20 ans, plutôt que de décourager le joueur, l'incitait d'autant plus à s'acharner sur un jeu, probablement parce qu'il savait qu'une fois la machine réinitialisée, il aurait à se farcir une nouvelle demi-heure de "uuuuuuuuuuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii " (cris aigus typiques du chargement cassette) avant de pouvoir y retourner.

En fait, peu lui importait : Sorcery faisait vraiment partie des indispensables de la ludothèque 8-bits. Développé sur une multitude de supports, du Thomson TO7 à l'Atari ST en passant par le C64 et le spectrum, son succès commercial incita ses programmeurs à sortir une nouvelle version exclusivement sur CPC intitulée Sorcery +, certainement la meilleure disponible. Elle reprend l'univers de Sorcery en le modifiant un peu : objets déplacées, salles ajoutées et buitages retravaillés. Dans un monde qui n'est pas sans rappeler celui d'un Druid ou d'un Cauldron, le petit sorcier que vous incarnez a pour objectif de délivrer huit de ses compagnons emprisonnés par un nécromancien. Sorcery prenait fin une fois cette mission accomplie. Dans Sorcery + vous devrait, une fois le premier objectif atteint, en finir avec le nécromancien lui-même, en retrouvant quatre cœurs magiques dans un monde totalement inédit. Cette seconde aventure, tout aussi intéressante que la première, est aussi bien plus difficile.

Sorcery + vous propose un sympathique mélange d'action, de recherche et d'exploration. Chaque cellule contenant un prisonnier peut être ouverte grâce à un objet bien spécifique. Bien sûr, les programmeurs se sont fait un plaisir de disposer l'objet suffisamment loin de la cellule qui lui correspond. Et comme votre petit sorcier volant ne peut en porter qu'un seul objet à la fois, vous ferez de nombreux aller-retours. C'est là qu'interviennent les ennemis, au contact desquels votre énergie, représentée par un pourcentage, fond comme neige au soleil. Les éviter ne constitue qu'une solution de court terme, car les plus dangereux doivent être éliminés grâce à diverses armes trouvées en chemin. Les épées vous débarassent des sorcières, les fléaux d'arme détruisent les yeux et les visages... Plus radical, des étoiles ou des espèce de bourses vous débarasserons de tout type de monstres si vous les utilisez correctement.

Dans certaines salles, vous trouverez des chaudrons bouillonnants. N'allez pas croire qu'ils vous sauveront nécessairement la mise ! Certains vous donnent de l'energie, d'autres vous en enlèvent. Et à chaque partie, la fonction de chaque chaudron est déterminée aléatoirement. A moins de 20% d'énergie, il est carrément suicidaire de poser sur un chaudron sans en connaître l'effet, car vous n'avez qu'une seule vie dans Sorcery. D'autre part, votre petit sorcier est aussi piètre nageur que bon magicien. Tout plongeon met fin à l'aventure. Attention, donc, à l'eau rencontrée ça et là dans les tableaux. Après ça, vous n'avez plus qu'à vous concentrer sur la recherche et la bonne utilisation des nombreux objets. Les objets les plus courants, en plus des armes, permettent généralement d'ouvrir des portes ou des trappes. Les objets rares, qui existent en deux ou trois exemplaires maximum, ouvrent les cellules des prisonniers.

Tous ces objets sont plutôt bien répartis dans les salles, si bien que l'on a plusieurs itinéraires possibles pour mettre la main dessus. On peut également se servir de la structure arbitraire du monde pour utiliser des raccourcis. Plus agaçante, en revanche, est l'absence de liens entre la nature et la fonction d'un objet. On se doute bien qu'une clé sert à ouvrir une porte, mais pourquoi une bouteille grise ou un chandelier ? Dans les premières parties, on passe surtout son temps à essayer des objets au hasard (un écueil dans lequel tombent beaucoup de jeux d'action / aventure en ce temps-là). Les choses s'améliorent une fois que l'on a mémorisé la fonction des objets essentiels. Signalons enfin que le temps lui aussi joue contre vous. Vous devrez avoir délivré vos huit compagnons avant que le grimoire affiché en bas à droite de l'écran ne disparaisse complètement.

Des jeux d'action / aventure sur micro 8-bits, il y en a eu beaucoup au milieu des années 80 (et la 3D isométrique était la représentation de prédilection du genre). Si Sorcery est de ceux que l'on a retenus plus que les autres, c'est autant pour ses qualités techniques que pour son intérêt. Peu de concepteurs étaient capables de faire oublier la grossièreté du mode 0 sur CPC : Raphael Cecco, David Perry, Dynamic... Ceux de Sorcery + y sont également parvenus. Ce sont de petites choses : les reflets sur les tuiles du château, le lierre sur les murs, l'animation des torches ou de l'eau . Malgré la très faible résolution du mode 0 (160x200), tous les éléments graphiques, décors, objets ou ennemis, utilisent un maximum les 16 couleurs disponibles. Seul le ciel, tout noir, se passe du moindre détail, mais il permet en même temps aux éléments graphiques de ressortir pour créer un rendu global très plaisant. Pour les sceptiques, allez voir l'ensemble des jeux CPC sortis au milieu des années 80, la différence de qualité est flagrante. Sorcery + a beau faire partie de la première génération de titres CPC, il est toujours resté l'un des plus beaux titres de la machine.

La variété et la richesse des décors étaient telles qu'elles suffisaient à nourrir l'imaginaire. Il y avait comme une satisfaction à constater que certains décors servaient seulement pour une salle précise, alors que tant d'autres jeux recyclaient en permanance un nombre limité d'éléments. Enfin, l'animation du personnage et des ennemis est fluide et rapide en toutes circonstances. Votre sorcier fend l'air avec un grâce qui donnerait des complexes à Harry Potter et passe d'un écran à l'autre dans un grincement de porte caractéristique. En fait, ce grincement à quelque chose d'amusant. Il représente à lui seul l'identité sonore du jeu. On pourrait faire une expérience, faire entendre ce bruit à quelqu'un qui a enchaîné les parties il y a quinze ans mais qui ne s'intéresse pas spécialement aux anciens jeux, et qui donc n'en a plus entendu parler de Sorcery ensuite. Il y a fort à parier que ce bruitage parlerait immédiatement à sa mémoire auditive, même quinze ans après... Sorcery + reste l'un des plus dignes représentants de la ludothèque CPC.

Lyle
(31 mars 2003)
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