Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par Jean-Christian Verdez (16 avril 2002)
Lorsque j'ai joué à Solstice pour la première fois (peu après sa sortie en France), ce fut une vraie révélation : un jeu où aucun chemin n'était vraiment tracé. Un niveau unique mais immense, au sein duquel on pouvait se perdre complètement, mais sans jamais être totalement bloqué. Si l'absence de structure traditionnelle (un niveau, un boss, un niveau, un boss, etc.) a pu rebuter pas mal de joueurs, c'est au contraire ce qui m'a fasciné. C'est d'ailleurs l'un des jeux qui m'ont poussés à acheter, certes tardivement, une NES ! Le scénario est un classique du genre, pour ne pas dire un prétexte facile. Morbius le maléfique s'apprête à sacrifier la princesse Eleanor au cours d'un rituel (à effectuer la nuit du solstice d'hiver) qui lui permettrait d'acquérir le pouvoir de dominer le monde. Seul le sceptre de Demnos pourrait anéantir ses ambitions maléfiques. Mais paradoxalement ce même objet magique donnerait au tyran, s'il s'en emparait, des pouvoirs sans limite. C'est d'ailleurs pour cette raison que les Anciens avaient en leur temps brisé le sceptre en six morceaux qu'ils avaient ensuite fait disperser aux quatres coins du monde. L'arme destructrice d'hier étant devenu l'unique espoir d'aujourd'hui, c'est au magicien Shadax que va incomber la tâche de reconstituer le sceptre afin de détruire Morbius, libérer la princesse, et ainsi sauver le monde. De son côté, Morbius avait bien entendu tenté durant des années de récupérer le précieux bâton mais ce qu'il ignorait et que Shadax savait, c'est que l'arme suprême était en réalité cachée dans la plus audacieuse des cachettes: la propre demeure de l'ennemi, le terrifiant château Kâstleröck... Le château de Morbius est divisé en plus de 250 salles, toutes réunies en un seul et même grand niveau. En effet, même si le jeu est graphiquement divisé en plusieurs zones (les mines, les jardins, la cour, etc.), il n'y a aucune rupture dans le rythme du jeu. Ici, point de boss de fin de niveau. Vous devez trouver le sceptre en explorant les méandres du château et c'est tout. C'est tout mais ça ne va pas être si facile pour autant : puisque l'on peut aller quasiment partout sans avoir le moindre indice sur la position du sceptre, il ne faut pas plus de quelques minutes pour être complètement perdu. C'est sans aucun doute la plus grande difficulté de ce jeu, et les moins patients ont dû très vite se lasser face à un jeu où il ne se passe finalement pas grand chose. Deuxième épreuve pour les nerfs, la 3D isométrique a tendance à tromper le joueur sur la position des objets à l'écran, et ici ce « défaut » est utilisé volontairement afin d'ajouter encore de la difficulté dans les déplacements. Pourtant avec le recul, cette tromperie visuelle reste assez discrète si on la compare à Equinox sur SuperNES, qui lui, joue avec la 3D de façon constante. En revanche, le château de Solstice est conçu sur plusieurs étages. Résultat, il ne faut pas hésiter à se jeter dans le vide pour progresser, même si l'on ne sait pas où l'on va tomber ni même comment on pourra en revenir. On trouve même des tours, constituées de plusieurs salles les unes au dessus des autres. Il faudra par exemple monter de plusieurs étages via des petits ascenseurs pour passer par dessus des pics et s'emparer d'un objet à priori inaccessible. Il est parfois possible de déplacer des petits blocs où de monter dessus. En fait, chaque salle s'apparente à une sorte d'énigme à résoudre pour progresser vers une autre salle. Autre difficulté, le héros ne possède aucune arme et aucun point de vie. Du coup, chaque monstre, chaque pic, chaque herse, est un danger mortel. Il existe par exemple une salle dont les dalles sont en fait des tapis roulants, allant tous dans des sens différents et dont certains disparaissent sous vos pieds... le tout en 3D isométrique au-dessus d'un sol jonché de pointes, quel enfer ! Toutefois, tout n'est pas si sombre dans ce château puisque l'on trouve aussi des items bienfaisants : quatre clefs sont éparpillées dans l'aire de jeu. Leur action est immédiate, mais c'est à vous de trouver quel effet elles ont créé, et surtout à quel endroit. Par exemple, la première clef fait apparaitre 2 petits blocs dans une autre pièce, qui permettent d'accéder à une porte auparavant trop haute pour vous. D'autres clefs font apparaitre des portes dans ce qui n'était avant qu'un mur. Cela dit, il n'y a pas de grande difficulté à déterminer leur effet dans le jeu, car leur position est assez logique. Elles n'ont d'autre but véritable que de vous inciter à emprunter la direction idéale, histoire de ne pas être trop perdu dans ce dédale de pièces. Il y a aussi des potions magiques aux propriétés variant selon leur couleur : la potion bleue (Bouclier de Vie) est une potion d'invincibilité. Elle vous permet d'être insensible aux monstres si ces derniers vous touchent. Ça peut s'avérer pratique pour leur monter sur la tête et ainsi atteindre une plate-forme inaccessible autrement. Attention toutefois car invincible ne signifie pas immortel : les pics sont toujours dangereux... La potion jaune (Gardienne du Temps) fige dans l'espace tous les monstres ou objets en mouvement. Concernant les objets vous pouvez toujours les ramasser ou les déplacer. Mais méfiez-vous toujours des monstres car si ceux-ci sont immobiles, vous n'êtes pas invulnérable pour autant. À noter aussi que les tapis roulants ne sont pas affectés par l'effet d'immobilisation... La potion verte (les Yeux de l'Aveugle) permet de faire apparaître dans une pièce des dalles qui étaient jusque là invisibles. Astuce : si certaines dalles sont invisibles, elles existent malgré tout. Donc si vous êtes sur de votre coup (si vous connaissez déjà leur emplacement parce vous avez déjà utilisé la potion lors d'une autre partie par exemple), sautez dessus pour les faire apparaitre... Enfin la potion pourpre (Elixir de Destruction) détruit tous les objets en mouvement dans la pièce. Idéal lorsqu'une mine vous bloque le passage par exemple. Son défaut est qu'elle détruit aussi les éventuels items que vous souhaiteriez récupérer. Suivant les circonstances, il vaut dont mieux lui préférer la potion bleue. Notez de toute façon que les effets des potions ne sont pas irréversibles (il suffit de quitter la pièce puis d'y rentrer à nouveau) mais qu'ils durent aussi longtemps que vous ne quittez pas la pièce. Pour finir, sachez que les effets sont cumulables : imaginez qu'un objet tombe dans le vide et menace de disparaitre. Vous utilisez alors la potion d'arrêt du temps... Malheureusement en faisant ça un monstre s'est figé juste dans le passage. Il vous suffit d'utiliser aussi l'invulnérabilité pour sauter dessus sans en être affecté... Les potions ne servent qu'à de rares occasions, toutefois elles ont leur importance et s'avèrent même indispensables à la fin du jeu. À utiliser avec parcimonie donc. Au début de l'aventure vous possédez 2 doses de chaque type de potion. Vous pouvez en accumulerr jusqu'à 4 de chaque en récupérant des flacons sont éparpillés un peu partout dans le jeu. On trouve aussi des vies, des crédits qui permettent de sauvegarder votre progression lorsque vous vous en emparez (ils ne sont pas déplaçables, mais vous pouvez décider de revenir les utiliser plus tard si vous ne sentez pas le besoin de sauvegarder à ce moment précis. Cela peut être une décision risquée mais d'un autre côté les crédits ne sont pas légion et il faut éviter de les gaspiller trop vite), et même une paire de bottes magiques qui permet de sauter plus haut, ce qui devient très rapidement primordial dans l'aventure. Enfin, un menu détaille les différents items récupérés. Vous pouvez ainsi visualiser le nombre de vies restantes, le nombres de clefs et de morceaux de sceptre récupérés, ainsi que la quantité restante pour chacune des 4 potions (on notera au passage que les bottes et le nombre de crédits accumulés n'apparaissent pas). Par ailleurs, une petite carte se construit au fur et à mesure de votre exploration de l'antre de Morbius. Cette carte n'est pas consultable en « grand », mais elle offre un aperçu des pièces alentours déjà visitées et indique votre position actuelle par un petit point au centre. De plus, si une pièce permet d'accéder à un étage supérieur ou/et inférieur, elle se distinguera par des contours surbrillants. Idéal pour mettre en évidence des chemins secrets, mais c'est à vous qu'il appartiendra de trouver le moyen d'accéder à ces pièces cachées. L'ambiance du jeu est très originale. Les graphismes sont agréables, clairs et colorés. Les décors sont un peu statiques, ce qui est aussi dû au fait que chaque salle s'affiche entièrement à l'écran et qu'il n'y a donc aucun scrolling, contrairement à sa suite sur SuperNES par exemple. Pour les mêmes raisons, l'écran peut parfois sembler vide. Cela contribue à cette sensation d'être perdu dans un lieu hostile. Et puis l'atmosphère est surtout très bien rendue grâce aux somptueuses musiques ou plutôt, du fait qu'il n'y a qu'un seul niveau, à l'unique musique ingame. En effet, la bande-son du jeu ne totalise que 6 morceaux (en comptant les séquences d'intro, de fin, de game over, etc.) et c'est toujours la même musique qui vous accompagne durant la phase de jeu. Mais ces rares thêmes sont vraiment riches en sonorités et très réussis (merci Timothy Follin). Un style à tendance un peu médiévale, qui renforce l'ambiance heroïc-fantasy déjà assez présente graphiquement. Ma préférée reste la longue musique de l'écran titre. Solstice pose un problème assez curieux concernant sa durée de vie : le jeu ne comporte pas de sauvegarde, et il peut sembler impossible d'en arriver au bout s'il faut recommencer dès le début à chaque fois. Pourtant sa seule vraie difficulté réside dans le fait que le joueur se perd. Du coup au fil des parties, on finit par apprendre à se repérer dans le château, et finalement avec de la mémoire il est possible de terminer le jeu très vite une fois qu'on le connaît. La difficulté n'est pas excessive et un habitué peut arriver à libérer la princesse en moins d'une heure sans se presser. Cela dit, par sa conception même (un niveau unique sans cinématique ni rebondissement scénaristique, et une absence totale d'indice concernant le chemin à prendre), Solstice peut aisément provoquer une lassitude chez les joueurs les moins assidus. Ainsi beaucoup ont dû rester perdus à jamais dans le château Kâstleröck, une certaine nuit de solstice. Il est finalement assez étrange de constater que le jeu est victime de ses propres qualités, à savoir une inhabituelle liberté de mouvement. La suite de Solstice mettant en scène Glendaal, le fils de Shadax (qui pour l'occasion sera rebaptisé Shadaax avec deux « a »), est apparue sur SuperNES en 1993 et fut logiquement baptisée Equinox. Le jeu est encore plus riche et bien plus varié, généralement moins labyrinthique et plus conventionnel dans sa construction (division en 8 niveaux distincts, armes de jets, points de vie, boss de fin de niveau...) mais doté d'une ambiance excellente et poussant à fond le concept des « défauts de visibilité » liés à la 3D isométrique; certains pièges visuels y sont d'ailleurs absolument diaboliques. Dommage qu'il ait eu tant de peine à trouver son public. Un avis sur l'article ? Une expérience à partager ? Cliquez ici pour réagir sur le forum (69 réactions) |