Mastodon
Le 1er site en français consacré à l'histoire des jeux vidéo
Philips CDi
1988 - 1997
Fidèle à sa tradition d'innovation Philips lance un hybride console / lecteur multimédia de salon qui laisse le grand public perplexe. Un échec immérité.
Par Marc G. (03 novembre 2003)

Een beetje geschiedenis*

Aaaaaah, Philips. Qui ne connaît ce nom légendaire ? L'histoire du CDi commence en 1979 : les sociétés Sony, Hitachi et Philips débutent alors les recherches sur le successeur du disque microsillon (vinyl) et de la cassette audio. Quelques années plus tard, 3 pour être précis, le développement est enfin terminé. Le fruit de ces recherches est dévoilé au professionnel lors d'une présentation à Eindhoven : le Compact Disc est né. 3 autres années passent, nous sommes maintenant en 1985, et fort de son expérience en loisir informatique (Videopac, ordinateur MSX) et en électronique grand public, l'entreprise se penche sur la conception d'un nouveau type de machine : Le projet CDi (Compact Disc Interactif) est maintenant sur les rails. Le cahier des charges est des plus simples : la bête se devant d'être grand public (elle ne sera donc pas cantonnée à la chambre -console- ou au bureau -ordinateur-) et facile d'emploi (Plug & Play), elle doit réunir plusieurs types d'applications (films, éducatifs, jeux, ...), et surtout, développer la technologie du CD. Le projet se termine en 1987 et se retrouve lancé sur le marché professionnel en 1988 (en partenariat avec Kyocera pour le marché nippon). Une présentation pour la commercialisation grand public du produit est faite aux Etats-Unis à la fin de l'année 1991...

Le CDi-205 : premier modèle grand public à être commercialisé en Europe.

Logistique, technique...

Durant cette présentation, on apprend que la machine est soutenue par les plus grandes sociétés : Sony, Matsushita, Kodak, Kyocera, Pionner, Sanyo, Yamaha, Goldstar, j'en passe et des meilleures. Philips ne se retrouve donc pas seul pour imposer son produit sur le marché, chacun des partenaires pouvant commercialiser un ou plusieurs modèles. Techniquement parlant, le standard se défend bien : un Motorola 68340 spécialement développé pour Philips, un lecteur CD tournant à 150 Ko/s (simple vitesse, donc), des modes graphiques allant de 384X280 (normal) jusqu'au 768X560 (haut) avec une palette de plus de 16.700.000 couleurs dont 256.000 affichables simultanément. Pour le son, la machine dispose bien sûr de la technologie CD, restituée sous 4 formats différents (la seule modification pour chacun étant la place prise sur le CD) : son laser de CD Audio (72 minutes en stéréo), son hi-fi (2 heures), son FM (4 heures) et son AM ou discours (9 heures). Pour les entrées/sorties : 2 entrées périphériques, 2 sorties vidéo (dont 1 S-VHS), 1 Péritel, 1 sortie casque, 1 entrée contrôleur, 1 alimentation et spécialement pour les modèles pros, clavier, RS232, SCSI... La RAM de 1Mo, la ROM de 512 Ko et la NV/RAM de 8 ou 32 Ko viennent clôturer le chapitre.

... et software

Une machine n'étant rien sans softs, ici encore des noms sont dévoilés. Un total de plus de 150 entreprises soutiennent d'ores et déjà le système. Des plus connues (Nintendo, Time Life, Infogrames...) aux petits nouvelles (Capitol Disc Interactive, Fathom Pictures, ...). En bref, vieux routards et jeunes vierges se côtoient pour le meilleur et pour le pire, ce qui donne une première fournée relativement éclectique : Battleship, The Palm Springs Open, 35mm Photography... Malheureusement, on retrouve aussi des programmes bien connus des microteux (ce qui n'est pas péjoratif) : Defender Of The Crown, Dark Castle... Heureusement, Nintendo, dans une tentative de rapprochement avec Philips qui inclut alors la possibilité d'une compatibilité entre le CDi et l'hypothétique lecteur de CD pour Super NES (qui ne verra finalement jamais le jour), annonce des adaptations de ses plus grandes licences (Mario, Zelda, Donkey Kong) dans des versions retravaillées pour le média interactif du géant hollandais. Nous voici donc avec une logithèque réduite et variée, mais qui n'exploite pas encore les capacités de la bête. Le meilleur reste donc à venir. Terminons en précisant que l'appareil lit aussi bien les CD Audio que les CD Photo, sans oublier les programmes propres à la machine.

La n-ième version du très célèbre Defender Of The Crown : Ni meilleure (sauf les musiques), ni pire que les versions 16-bits. C'est bien ce qu'on lui reproche.

Philips, c'est déjà demain...

Lancé début 1992 aux Etats-Unis, au prix de 800 dollars, et début septembre/octobre en Europe (le 1er septembre en France, le 17 en Allemagne, Suisse et Autriche et le 1er octobre en Italie et Espagne) à environ 6000f/900€ et accompagnés de softs s'échelonnant entre 150fr/28€ et 350fr/52€, le système, malgré son aspect novateur, ne rencontre pas le succès escompté. Rétrospectivement parlant, on peut trouver plusieurs raisons à ce fait. En premier lieu, le prix : bien trop onéreux pour un marché de masse. Ensuite, le manque de programmes marquants : un jeu de golf, une bataille navale, des rééditions d'anciens titres, de l'éducatif, du culturel... Il y en a pour tous les goûts, mais rien de vraiment transcendant. Pour finir, le positionnement hybride de la machine (mi-jeux, mi-éducatif, mi-culturel) ne favorise pas sa reconnaissance par le public.

Philips n'a pas encore su expliquer, et surtout démontrer, les avantages du multimédia à sa cible, pourtant exceptionnellement large. Résultat, fin 1993, seulement 300.000 lecteurs ont trouvé acquéreur. L'entreprise temporisera en signalant que le taux de pénétration est tout de même supérieur à celui du CD Audio pour une période identique. Heureusement pour le géant néerlandais, la révolution est en marche.

...mais c'est surtout hier

Elle prend la forme d'un accessoire s'enfichant dans le lecteur : je veux bien sur parler de la cartouche Digital Video. Grâce à elle, le CDi peut enfin lire les films au format Video CD (compression MPEG1, un brin supérieur au VHS mais à des années lumières du Laser-Disc), mais peut surtout combiner l'interactivité du système à la vidéo. Ce surcroît de puissance donne donc naissance à une nouvelle race de programmes.

Par devant, par derrière, voici vraiment un pack bien pensé : un lecteur CDi 450 accompagné de la carte "Digital Video". En plus, on pouvait choisir 2 jeux en renvoyant le coupon disposé à l'intérieur de la boîte. C'est en fait la version cheap de la gamme, destinée à concurrencer les autres consoles de jeux CD .

Des titres comme The 7thGuest, Mad Dog Mc Cree ou Lost Eden n'ont, graphiquement, pas d'équivalent sur les autres machines. L'objectif pour la fin de l'année 1994 est maintenant fixé à 1 million de machines vendues : Il ne sera atteint qu'au printemps 1995, 55% des ventes se réalisant sur le marché européen. Mais malgré un prix de vente bien plus compétitif (plus que, hem, 3500fr/525€) et un catalogue couvrant tous les genres et comprenant désormais quelques incontournables (Philips ayant eu l'intelligence de débaucher les plus gros éditeurs), le système ne remplit toujours pas son contrat. La concurrence est maintenant rude. Dépassé sur le ludique par les autres machines (consoles CD japonaises et américaines, mais aussi PC et Mac), en retrait sur l'éducatif et le culturel par rapport aux ordinateurs, le CDi peine à trouver sa voie. Pire encore : la vétusté du concept commence à se faire sentir (technologie de fin des années 1980). Son incapacité à évoluer le destine tout droit à la ferraille. En bref, ça sent le sapin. Après avoir décliné son standard sous plusieurs marques et formes (modèles professionnels, CDi Playback Board pour PC), la multinationale hollandaise abandonne le hardware en 1997. Elle continuera cependant à éditer et distribuer des programmes et autres Video CD bien après la mort du CDi. Quant au nombre de lecteurs vendus, nous nous passerons bien d'en estimer le total : marché professionnel, grand public, borne interactive... le tout dans différentes marques et sur divers continents. Difficile dans de telles conditions de donner des chiffres précis.

T'as le look coco

Point de vue design, on aura eu droit à tout les déguisements : lecteur de salon, console de jeux, système professionnel, portable, borne interactive, machine de démonstration... et j'en oublie probablement. Notons que les modèles sont parfois (souvent ?) similaires d'un constructeur à l'autre : Goldstar, Sony, Digital Video System, Bang & Olufsen, Memorex, Grundig, Kyocera, NBS, Vobis... sont autant de fabricants qui commercialisent le standard. Les systèmes décrits ci-dessous ne représentent qu'une petite partie des versions commercialisées sur les différents marchés.

Ce Philips CDi 615 comprenant un lecteur de disquettes, un port clavier et la Digital Video fut spécialement créé pour les écoles.

Un des systèmes professionnels lancé au Japon en 1988 par le tandem Philips/Kyocera. Composé de 2 lecteurs de disquettes, de ports SCSI et parallèles, il est cependant totalement incompatible avec la Digital Video. Il s'agit ici de la série CDi 182.

Philips CDi 360 : le premier portable de la marque. Son écran était de grande qualité, ce qui le rendait vraiment onéreux. Un modèle moins cher mais de qualité d'écran inférieure (Sharp au lieu de Philips) fut aussi commercialisé sous le nom de CDi 350.

Le Philips CDi 490 représente le haut de la gamme grand public. Il comprenait une NV/RAM de 32 Ko et la Digital Video de base.

La mini chaîne FW380i comprenait un ampli tuner, double lecteur de cassettes, fonctions horloge et alarme... Elle fait partie de la tentative de banalisation du standard commencée aux environs de 1994 par Philips. Pas top pour les joueurs fous.

La corne d'abondance

Du côté des accessoires, ici encore, on se trouve devant un large choix. Au vu de l'étendue de la gamme d'appareils, il ne pouvait en être autrement. En voici une liste non exhaustive, certains étant déclinés en moult versions.

- Cartouche "Digital Video' : c'est le plus important du standard. Grâce à lui, on accède à la vidéo plein écran et à un surcroît de mémoire. Ce qui améliore considérablement les programmes.

- Kit de connections Internet : vendu sous l'appellation CD-Online en Europe (Web-I aux Etats-Unis), il contient un modem 14400 bps et toute la connectique nécessaire.

- Contrôleurs : je ne vous cite ici que les gammes disponibles. Manettes avec ou sans fil, joypad, télécommande, clavier, pistolet optique, souris, trackball, tablette graphique... Ouf, je pense que nous y sommes.

- Accessoires pour portables : batteries rechargeables, mallettes, câbles... Du classique.

Pour terminer : les câbles vidéo/audio et autres alimentations. Sans oublier le module pour brancher un second contrôleur.

Une logithèque conviviale

Une fois de plus, le choix est énorme : des logiciels éducatifs, culturels, ludiques, des films, des applications professionnelles. La logithèque du CDi peut se targuer de plusieurs centaines de titres à son actif (avec l'indispensable cartouche FMV). En ce qui concerne les jeux, on peut constater plusieurs choses : Les shoot'em up, courses automobiles et autres jeux d'arcade n'ont jamais été la panacée du système. La raison est simple : basé sur une variante du 68000, le standard de Philips n'a pas spécifiquement été prévu pour ce type de programme. La bête ne gère donc pas les scrollings et autres tonnes de sprites comme le font les autres machines de l'époque.

Ici, tout est à programmer, ce qui a longtemps refroidi les grands éditeurs. Philips s'est même vu contraint de les payer pour développer sur son usine à gaz (il n'y avait pourtant pas de royalties).

Seconde constatation : il y a une fracture très nette entre l'avant et l'après Digital Video. Comparons les Dark Castle et autres Defender Of The Crown du début, ou même Inca et Kether, avec les 7Guest et autres Chaos Control. Le surcroît de mémoire et l'accès à la vidéo plein écran permettent vraiment au CDi de donner sa pleine mesure. Fort de ce bilan, on peut enfin commencer l'énumération des titres les plus marquants de la plate-forme : de l'action (Mutant Rampage, Rise Of The Robots...), de la réflexion/gestion (The 7Guest, Earth Command...), des adaptations d'arcades (Pac Panic, Dragon's Lair...), de l'aventure (Lost Eden, Burn Cycle...) en passant par les shoots (Chaos Control, Mad Dog Mc Cree...), sans oublier la plate-forme (Litil Divil, The Apprentice...), presque tous les genres sont représentés et ce de fort belle manière.

La preuve en images :

The 7 Guest : la meilleure adaptation de ce célébrissime programme (voir le test de JC). Le pack comprend aussi l'envoûtante bande audio du jeu.

Pour qui aime l'humour des Guignols, voici une excellente adaptation du concept. A noter que le package, sous forme de livre, est vraiment réussi.

Kether et Chaos Control : le premier sans et le second avec cartouche FMV. Chaos Control se vendra à plus de 60.000 exemplaires. Un hit pour le CDi.

Après les Doom-likes et les Alone-likes, voici le Myst-like : ce jeu à base de digitalisations vous propose une aventure dans l'antre du Mont-Saint-Michel (brrrr...)

Fans de Shadow Runner, levez-vous : voici enfin une aventure cyberpunk digne de ce nom. Ce jeu, Burn Cycle en l'occurrence, sera n°1 des ventes en Angleterre

Avec Marco Polo, on a encore droit à une édition de qualité : double CD (le second étant une base de données), carte de l'Asie. Cette aventure/gestion plaira à tous les capitalistes en herbe.

Contrairement à ce qu'indique le titre, ce jeu n'est pas spécialement une affaire : une enquête honnête et des doublages, euh... spéciaux. Un stick apposé sur la boîte venait corriger l'erreur du livret (PC CD-ROM).

Mamma mia, mais qu'est-ce que je fais là ? Caesar's Palace, un jeu de boxe échappé de la Megadrive enrobé de quelques cinématiques. C'est aussi ça le CDi.

Graphisme, animation et musique impeccable. The Lost Ride est malheureusement gâché par une jouabilité minimaliste (c'est un "ride"). Puisqu'on vous dit que c'est une machine interactive. Un des derniers titres de Philips (1998).

Lost Eden : C'était le temps ou Philips tentait d'imposer sa machine face aux consoles concurrentes... et ou Cryo proposait encore de bons, mais faciles, jeux d'aventures.

Quand Hollywood et jeu font bon ménage : armé de votre caméra, investiguez chez cette famille aux moeurs un brin étrange. Bon mais court, un programme qui porte bien son nom.

Vous aimez les jeux funs et rapides ? Alors passez votre chemin : ici, tout n'est que finesse et maîtrise. Un très bon jeux de gestion environnementale.

Ici encore, un packaging de luxe pour ce programme interactif. Peter Gabriel s'est grandement impliqué dans la conception du logiciel. Anglophobes s'abstenir.

Voici encore d'autres facettes couvertes par le standard hollandais : éducatif sur la grossesse, encyclopédie générale, documentaire animalier... Avec cet appareil, Philips s'adressait vraiment à un très (trop ?) large public.

D'une manière générale, les logiciels de réflexions, d'aventures et de vidéo interactives n'ont pas leur pareil chez la concurrence. A noter que les éditeurs français tirèrent leur épingle du jeu (ah ah ah) avec ce système (spécial thanks to Infogrames, si si si). A noter que les Video CD sont compatibles avec n'importe quel lecteur répondant à cette norme, notamment la plupart des lecteurs DVD de salon récents.

Conclusion

Philips, grand inventeur devant l'éternel. Evolution du CD Audio (1982) et du CD-ROM (1985), le CDi n'est pas perçu comme une machine à part entière par le géant hollandais : Ce n'est en fait que l'évolution d'un concept bien plus ancien. Le produit est d'ailleurs lui-même upgradé : Photo CD (1990) et Video CD (1993). Au moment ou le système arrive à maturité, il est déjà trop tard : la concurrence se fait trop forte. Son positionnement multimédia (qui a semé le trouble dans plus d'un esprit), les consoles 32-bits, les ordinateurs et Windows 95 (pour le plug&play) ont eu raison du standard.

Pour les collectionneurs et autres curieux, cette machine est une véritable aubaine : la recherche de tous les modèles prendra probablement plus d'une vie et je ne parle même pas de la logithèque. Malgré une couverture médiatique importante, mais une presse spécialisée relativement frigide, le CDi n'a jamais eu la place qu'il méritait. Un appareil finalement méconnu et dont la mauvaise réputation est, selon moi, totalement injustifiée.

* Un peu d'histoire

Marc G.
(03 novembre 2003)
Un avis sur l'article ? Une expérience à partager ? Cliquez ici pour réagir sur le forum
(23 réactions)