Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par JPB (08 octobre 2004)
Une salle de jeu, dans une rue du centre-ville de Clermont-Ferrand : chez Romeu. Elle est sombre et tout en longueur, avec des jeux de chaque côté ; à peine la place d'y passer à deux de
front quand il y a des joueurs qui jouent à leur borne d'arcade préférée. Ahh, Battlezone, sa borne avec ses deux manettes et son fameux "périscope" (je ne vois pas comment l'appeler autrement, alors on va se contenter de ça, OK ?)... Inoubliable. J'adore ce jeu : d'abord parce qu'il est réellement prenant, ensuite parce que je suis assez grand - physiquement j'entends - pour pouvoir y jouer, ce qui n'est pas le cas de tous mes copains. Je farfouille dans ma poche, je mets les deux pièces de 1F dans le monnayeur, j'appuie sur le petit bouton "Start", j'empoigne les deux manettes et je colle les yeux contre le périscope... À ce moment-là, plus rien d'autre n'existe, l'environnement extérieur disparaît, me laissant seul dans mon tank, sur cette planète morte... La guerre des nerfsL'écran affiche un monde dévasté, éclairé par une lune blafarde. Dans le lointain, une chaîne de montagnes ; parmi elles se trouve un volcan en éruption, qui crache des blocs par moments. Plus près, ici et là, des blocs de structures régulières semblent sortir du sol, mais sans aucun ordre.
Un tank apparaît.
Je fonce en avant, j'esquive de justesse le projectile. Hélas, le tank ennemi ne perd pas de temps, et il tourne sur lui-même pour continuer à m'avoir dans sa ligne de mire :
il tire obus sur obus, avec heureusement un court temps de chargement entre deux... Je me place tout près de lui, pour qu'il manœuvre vers moi, et au dernier moment je recule
pour l'abattre d'un tir direct.
Bien d'autres ennemis m'attendent... Une technologie de pointeL'idée de Battlezone fut lancée en 1980 par Morgan Hoff, et fut réalisée par un programmeur d'Atari : Ed Rotberg. Au départ, Rotberg voulait quelque chose de plus impressionnant et de plus prenant que les titres sortis auparavant. Hélas, les jeux vidéo étaient pratiquement tous en bitmap, et les piètres capacités de cette technologie en 1980 ne suffisaient pas à son projet.
C'est ainsi qu'il utilisa la technique des vecteurs, déjà utilisée sur Asteroïds. Les vecteurs sont des lignes tracées
mathématiquement sur un écran à haute résolution (on définit leur point de départ, leur orientation, leur longueur...) Contrairement aux bitmaps, cette technologie était
beaucoup plus performante, et visuellement bien plus impressionnante... malgré un affichage en fil de fer. À l'écran apparaissaient des images très fines, aux formes plus
ou moins géométriques, qui se déplaçaient sans le moindre à-coup. En fait, si on prend du recul, la technique des vecteurs était celle qui convenait le mieux à Battlezone, elle ne pouvait pas mieux servir le jeu : les déplacements du tank du joueur, les mouvements des véhicules ennemis, les changements de taille dus à leur éloignement... tout était tellement plus fluide grâce à cette technologie ! À l'époque, réaliser un tel jeu en bitmap aurait nécessité une masse de travail colossale... et aurait été visuellement ridicule. La console Vectrex reprit quelques années plus tard ce principe des vecteurs et des filtres colorés : pour ceux qui l'ont connue, elle était effectivement impressionnante. Si ça ne vous dit rien, c'est le moment d'aller faire un petit tour sur la page correspondante (en cliquant sur le nom de la console). Quake avant l'heure
En second lieu, Rotberg voulait absolument que le joueur soit pris par l'action, et qu'il s'implique totalement. La technologie lui permettant de créer le jeu de la manière
qu'il voulait, il décida de ne pas dessiner l'avatar du joueur à l'écran, comme c'était la norme dans tous les jeux vidéo... mais de faire en sorte que le joueur "voie" comme
s'il était réellement dans le tank. Au final, il réalisa le premier FPS de l'histoire des jeux vidéo. Du coup, pour permettre au joueur de coller le nez au périscope et de ne pas sans arrêt détourner son attention, Rotberg conçut deux manettes pour commander le tank. Ceci eut plusieurs points positifs : - d'abord, les joueurs avaient vraiment l'impression de piloter un tank, car les contrôles reprenaient le principe standard : une manette = une chenille. Et les possibilités offertes par cette combinaison sont bien plus élevées que s'il y avait eu un simple joystick. - ensuite, ce maniement était le plus simple possible et le plus approprié. N'oubliez pas que pour jouer, il fallait regarder dans un dispositif qui cachait à la vue du joueur tout ce qui n'est pas l'écran de jeu ; et de plus l'action était tellement stressante qu'il était impensable d'oser quitter l'écran des yeux une seconde. Ainsi, les joueurs gardaient constamment les mains sur les manettes, pas besoin de regarder ou de tâter pour appuyer sur le bon bouton (imaginez ce qu'aurait donné Battlezone s'il avait eu le panneau de contrôle de Defender Comment jouer à Battlezone ?
1er commandement : "Sachez tout d'abord reconnaître vos ennemis."
2ème commandement : "Sachez ensuite diriger votre tank."
3ème commandement : "Sachez utiliser le radar et votre équipement."
4ème commandement : "Sachez tirer parti du terrain."
5ème commandement : "Sachez rester calme en toutes circonstances." Grâce à ces commandements, vous pourrez tenter de battre le record officiel, tenu par Jack Haddad, le 05 mai 1983, avec 21 851 000 points (quand même...). Quelques anecdotes par Ed Rotberg lui-même
L'autre jeudi, comme toutes les semaines, on déjeunait ensemble Ed et moi, et justement il me disait... À propos de la création et de l'impact de Battlezone :
À propos du volcan en éruption, que j'avais trouvé mystérieux et menaçant, Ed Rotberg explique d'où est venue l'idée :
Conversions et suites
Avec le succès que Battlezone reçut de la part des joueurs, il n'est pas étonnant que l'armée américaine fut elle aussi séduite par le jeu. Il paraît qu'elle fut tellement impressionnée
par la qualité de l'interface et de l'action, qu'elle commanda à Atari une version modifiée qui puisse servir de borne d'entraînement aux pilotes de tanks. En parenthèse, Ed Rotberg réalisa en même temps que Battlezone un simulateur de combat aérien : Red Baron. Ce jeu, plus difficile à manier, n'eut pas le succès escompté. Battlezone fut adapté sur de nombreux supports, avec plus ou moins de réussite, mais le concept était toujours respecté et le jeu toujours intéressant. Seule exception notable, la version Atari 2600 réalisée en bitmap pour des raisons techniques (voir tableau ci-dessous).
De nombreuses versions non officielles (des clones pour différents micros) sont sortis. Mais surtout, Activision rendit un grand hommage à Battlezone en sortant en 1997 un jeu, tournant sous PC / Windows 95, qui se basait sur le principe original mais l'améliorait énormément : gestion visuelle en 3D pleine, multi engins, stratégie poussée... Ce jeu s'appelait, tout simplement, Battlezone. Il eut un très grand succès, une suite vit le jour en 1999 : plus aboutie visuellement et tactiquement, elle s'appelait (forcément) Battlezone II. ConclusionUn jeu super prenant (pari réussi par Morgan Hoff et Ed Rotberg), superbement réalisé, à l'approche instinctive... Battlezone tient toutes ses promesses, son succès est immédiat. Les parties sont courtes au début, mais une fois assimilées les techniques qui permettent de combattre les tanks quand ils ne sont pas à l'écran (ce qui est le plus délicat), les progrès sont fulgurants, et on se prend à rejouer et rejouer encore. Le concept de vue subjective fait merveille et au final, Battlezone fait aujourd'hui partie de ces jeux qui ont écrit l'histoire des jeux vidéo. Ce qu'il a apporté aux jeux d'aujourd'hui est immense. C'est un titre qui se joue encore avec plaisir de nos jours, sans ce côté simplement nostalgique de tant d'autres, tellement son gameplay est parfait. Un jeu que je vous conseille d'essayer sans la moindre hésitation si un jour, vous le voyez au fond d'une salle... Un avis sur l'article ? Une expérience à partager ? Cliquez ici pour réagir sur le forum (17 réactions) |