Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par DSE76 (14 mars 2017)
Les années 90 sont une époque charnière du jeu vidéo : alors que les consoles se battent sur le terrain des graphismes en 2D 16-bits, en arcade, les constructeurs se tournent vers l’avenir : la 3D. En fait, depuis les années 80, certaines sociétés essaient de rajouter de la profondeur à leurs jeux. Si certaines expériences fonctionnent, la majorité s’avérent peu convaincantes sur le plan technique. Arrive alors Sega, la fameuse firme qui voulait conquérir le marché arcade. Pour cela, les ingénieurs de la firme d’Haneda ont une sacré ambition : développer un système affichant de la 3D en temps réel à pleine vitesse. Pour parvenir à cet exploit, Sega décide de travailler avec un partenaire expérimenté : General Electric Aerospace, une filiale de Martin Marietta qui fabrique des simulateurs de vol pour la NASA (rien que ça !). Après deux années de travail, un nouveau board accompagné d’un jeu tout neuf sort : Virtua Racing, premier véritable jeu de course en 3D. Sorti en 1992, Virtua Racing est un grand succès, impressionnant les foules par sa 3D novatrice, posant les bases des jeux de course AM2. Mais l’année suivante, Namco, le grand rival de Sega en arcade, réplique avec le System 22, un des premiers boards à faire de la 3D texturée, et un jeu : Ridge Racer. Heureusement Sega a prévu le coup et poursuit son partenariat avec General Electric Aerospace pour un second board, capable lui aussi de faire de la 3D texturée. Et en 1993 est présenté en grande pompe le prototype d’un jeu destiné à imposer le Model 2, réalisé encore une fois par l’AM2 : Daytona USA. L’idée de Daytona USA vient du voyage des États-Unis d’un des membres de l’AM2, Toshihiro Nagoshi (qui est en fait le directeur du jeu), où il découvrit un genre de course populaire là-bas (mais pas tellement au Japon, ni en France), la NASCAR (nom d'un des organisateurs les plus connus de courses de stock-car) et voulut le reproduire dans un jeu. Toutefois, le projet est assez casse-gueule : si une course de stock-car est impressionnante à regarder, y participer ne l'est pas. L’AM2 décide de relever le défi en rendant le jeu... le moins réaliste possible. Après l'acquisition du nom Daytona auprès de l’International Speedway Corporation, le jeu est nommé Daytona USA, du nom d’un célèbre circuit. Notons également qu'après After Burner qui était une adaptation très libre du film Top Gun, Daytona USA est très inspiré de Jour de tonnerre avec le même Tom Cruise. Daytona USA reprend la base de son illustre ancêtre : Virtua Racing. On y retrouve bon nombre d'éléments du jeu de 92, qui reprend le fameux système VR, avec quatre boutons permettant de changer la vue selon celui pressé. Le rouge est une vue interne, le bleu une vue capot, le jaune une vue externe (vue par défaut) et le vert une vue externe éloignée. Il y a aussi le choix d’une boîte manuelle ou automatique, avec comme différence que la boîte manuelle est plus performante que l’automatique. Mais l’une des caractéristiques que Daytona USA a reprises de Virtua Racing et popularisées, ce sont les bornes link. En effet, SEGA en avait commercialisé de telles pour Virtua Racing, dans une version renommée Virtua Formula. La firme d’Haneda décide ici de reprendre cette idée en proposant de relier jusqu'à huit bornes deluxe de Daytona USA entre elles. C’étaient donc huit joueurs qui pouvaient se tirer la bourre sur le même circuit. Évidemment, seules les salles les plus fréquentées pouvaient se permettre une telle installation... et les plus spacieuses, car ça prend quand même de la place ! Bon, le jeu en lui même à présent : Daytona USA est un jeu de course dans lequel on pilote une voiture de stock-car et le but est de terminer à la première place. Il reprend les mécaniques habituelles de la course arcade : la partie est en temps limité et le joueur doit franchir le checkpoint le plus vite possible pour avoir un bonus de temps, afin d’espérer franchir la ligne d’arrivée. Le jeu dispose de trois niveaux comme Virtua Racing, à savoir une piste facile (renommée plus tard Three Seven Speedway), une moyenne (renommée plus tard Dinosaur Canyon) et une difficile (renommée plus tard Sea Side Street Galaxy). Ces tracés disposent chacun d'un thème visuel et de difficultés propres. Les circuits de NASCAR sont généralement de forme ovale, peu passionnante dans un jeu, mais l’AM2 a décidé de les convertir en tracés classiques. Seul le circuit le plus simple se rapproche vaguement d'un oval classique. Les contrôles sont assez standard : un volant pour tourner, une pédale de frein et un accélérateur ainsi qu’un levier de vitesse 4 rapport en cas de choix d’une boîte manuelle. Le matériel est de qualité, ce qui permet une excellente conduite. Toutefois, le véhicule est assez difficile à manier mais l’AM2 a décidé d’introduire une nouvelle mécanique devenue classique dans les jeux de course arcade : en appuyant sur le frein tout en tournant le volant (ou en utilisant le levier de vitesse en mode manuel), il est possible de déraper pour prendre des virages serrés. Et dans Daytona, vous en aurez bien besoin. La conduite est totalement farfelue et peu réaliste, conçue pour que le joueur en tirer le maximum de fun. Les voitures ont une intelligence particulière : plus vous conduisez bien, moins elles vous laisseront passer et évidement, l'inverse se vérifie aussi. Vos concurrents peuvent aussi bien vous gêner que vous aider. En effet, si vous tapez l’arrière d’un véhicule, vous transférez une partie de votre vitesse à votre adversaire. Évidemment, vous pouvez subir vous même cet effet si un adversaire vous percute par l’arrière. Le circuit le plus facile se fait en départ lancé, le fameux "Rolling Start", et en départ arrêté pour les deux autres. A ce propos, une astuce : lors d’un départ arrêté, maintenez le frein et accélérez afin de maintenir le compte-tour dans le jaune. En relâchant le frein pile au moment où le compte-à-rebours atteint 0, vous aurez le droit à un boost non négligeable qui laissera sur place nombre de vos concurrents. Mais si Daytona USA s’est fait connaître, c’est avant tout par sa technique. Le jeu n’est malheureusement pas le premier à utiliser de la 3D texturée mais force est de constater que celle-ci est incroyable de finesse, très détaillée et tout comme Virtua Racing, Daytona USA regorge de détails sur le bord de la route qui lui donnent du charme durant la course. Il dépasse largement son concurrent Ridge Racer en termes de finesse graphique et de variété des circuits. L’animation n’est pas en reste puisque elle est finement réalisée. Surtout, Daytona USA permettait jusqu’à 40 voitures de prendre part à la course, le tout à 60 FPS constants. Un véritable petit exploit technique. Évidemment, il y a quelques bémols : l’un des gros défauts du board Model 2 est l’absence de Gouraud Shading, qui permet d’arrondir les polygones, bien que ça ne soit pas très visible dans ce titre. D'autre part, il y a un léger clipping durant la course (des éléments de décor ne s'affichent que quand on en est proche). La bande musicale du jeu est certainement un de ses atouts les plus mémorables. Elle se compose en grande partie de musiques chantées, composése par Takenobu Mitsuyoshi, qui a rejoint en 1990 le SST Band, groupe formé par l'élite des musiciens de Sega. Il avait auparavant composé une partie de l'OST de Virtua Racing. L’ambiance sonore est également de bonne facture, avec les sons enregistrés de vraies courses pour renforçant l'immersion. Surtout, le jeu se dote d’un annonceur, ainsi que d’un chef de stand qui annonce au joueur la situation de la course (certaines phrases sont gravées dans la mémoire de ceux qui y ont joué). On a pu le voir, Daytona USA emprunte beaucoup à Virtua Racing sur sa borne ou son gameplay. Mais ce n’est pas tout : il y a la fameuse animation de carambolage lorsque le véhicule se paye un mur, où ce dernier décolle du sol, tourne plusieurs fois sur lui-même avant de retomber sur, bien cabossé. Mais heureusement, il est possible de réparer les dégâts en allant sur le stand (autre idéee conservée de Virtua Racing) mais cela fait perdre beaucoup de temps. Le jeu fourmille de secrets en tout genre : par exemple, sur le Three Seven Speedway, il est possible d’appuyer sur Start devant la machine à sous géante sur l’arche pour arrêter les cadrans. Obtenir trois symboles permet de rajouter du temps supplémentaire. Il y a un chemin caché dans Dinosaur Canyon qui fait apparaître le message "Félicitations, vous avez perdu vos sponsors !". Quant à Sea Side Street Galaxy, il est possible d'y faire danser la statue de Jeffry en maintenant Start. Et ce n’est pas tout : en appuyant sur l’un des bouton VR pendant l’écran "Gentlemen, Start your engines", il est possible de changer de musique et chaque bouton est lié à une chanson (Rouge : King of Speed, Bleu : Let’s Go Away, Jaune : Sky High et Vert : Pounding Pavement). Cette astuce est d’ailleurs le seul moyen d’écouter Pounding Pavement durant la course. Enfin, durant l’écran des noms, certaines initiales rentrées peuvent lancer une petite musique : V.R lance la musique de Virtua Racing, H.O, celle de Hang On... et KOS lance King of Speed, la musique du premier circuit. Le succès du jeu en arcade conduisit irrémédiablement à un portage sur console : en 1994, alors que la Saturn pointe le bout de son nez, l’AM2 travaille à une conversion. Malheureusement, la sortie de la console sera précipitée (à cause de la Playstation) et le port Saturn de Daytona le sera tout autant. Cette version propose la version arcade avec un menu. Toutefois, un mode Saturn permet de sélectionner de nouvelles voitures et dispose de cheat codes supplémentaires. L’ennui, c’est la technique : le jeu a été bâclé pour sortir en même temps que la console. En résultent des textures granuleuses et surtout un énorme clipping durant la course. Néanmoins, les sensations originales sont présentes et pour bon nombre, c’est le principal. Aussi, Sega profite des capacités sonores de la Saturn et son lecteur CD pour introduire des chansons de plus grande qualité, en particulier pour ce qui concerne la voix de Mitsuyoshi (la version arcade de samples pour les pistes vocales, ce qui faisait un effet assez étrange). À noter que cette version a été portée sur PC, mais en utilisant du vieux matériel, et elle se lance difficilement sur un ordinateur moderne. Suite à cette première version Saturn peu mirobolante, Sega décide d'en publier une seconde : Daytona USA Championship Circuit Edition (CCE) . Il s’agit d’une refonte du soft qui utilise plus efficacement le hardware de la console : le clipping a été réduit, l’animation et le framerate ont été grandement améliorés. Le hic est que ce portage se fonde sur la conversion de Sega Rally Championship sur Saturn (et pour cause, c’est l’AM3 qui est derrière). Du coup, les sensations de conduite ne sont pas du tout les mêmes. Autre souci, les musiques : elles n’ont pas été enregistrées par Mitsuyoshi mais par le duo Richard Jacques / Jun Senoue. Du coup, la bande son fait plus penser à Sonic R ou Sonic Adventure 2 qu'à Daytona USA. Daytona CCE propose deux courses supplémentaires : National Park Speedway et Desert City, plutôt réussies. Il propose pas moins de huit véhicules aux caractéristiques différentes, et la possibilité de choisir sa bande son pour chaque circuit. Surtout,il ajoute le mode deux joueurs, absent du premier Daytona sur Saturn. La version jap, nommée Circuit Edition, est sortie plus tard et ajoute la possibilité de jouer à une période de la journée, augmente la distance d’affichage et rend le dérapage un peu plus proche de l’original. Une version Net Link développée pour les États-Unis permettait, avant l’heure, de jouer en ligne. Elle est extrêmement rare de nos jours. Il y a également une troisième version, sur PC : Daytona USA Deluxe, qui se veut la version ultime. Elle est fondée sur la Circuit Edition (donc la version jap si vous suivez) avec l’utilisation de Direct 3D. Le jeu dispose d’une distance d’affichage plus grande et d’un affichage en 640X480 en couleurs 16-bits. Un patch a été codé pour améliorer les textures et la distance d’affichage. Daytona USA Deluxe reprend le contenu de la Circuit Edition : les cinq circuits, la possibilité de courir à n’importe quel moment de la journée, un réglage de la voiture poussé, huit véhicules disponibles et les remixes. Toutefois cette version rajoute un nouveau circuit : Silver Ocean Causeway, qui mérite à lui seul l’achat. Il est en plus possible de déverrouiller la Hornet originale. Pour couronner le tout, on peut jouer jusqu’à huit en link (comme sur la borne originale). L’histoire ne s’arrête pas là . En 2001, Sega lance un nouveau portage, cette fois sur sa Dreamcast : Daytona USA 2001, réalisé par Amusement Vision (qui est dirigé par ... Toshihiro Nagoshi) et aussi ... Genki, ce qui n’est pas une bonne nouvelle vu que Hang On 96 et le port de Virtua Fighter 3 sur DC n’ont pas grande réputation. Le jeu sort en 2000 dans le monde. Cette version est censée être une amélioration de l’original en d’arcade. Le jeu se voit refondu graphiquement : il est plus beau et surtout doté d'une distance d’affichage énorme. L'expérience a été repensée comme un jeu de course classique dans ses menus, avec championnat, course simple, course contre la montre, mode deux joueurs... mais pas de mode en ligne, sucré dans la version PAL. Daytona 2001 dispose d’un contenu plus soutenu que son ancêtre en arcade : il y a quatre voitures disponibles, plus d’autres à débloquer. Chacune d’entre elles a des caractéristiques spécifiques en tenue de route, accélération et vitesse maxi. Concernant les circuits, il y a les trois de l’arcade, les deux de la version CCE plus trois originaux, portant le nombre à 8. Là où le bât blesse, c’est sur la maniabilité : elle est très sensible, empêchant toute précision. Le dérapage est assez délicat à sortir sur certaines voitures et celles-ci glissent sur des centaines de mètres. Résultat, la conduite n'égale pas la version arcade. En plus, les concurrents sont soit assez durs à rattraper, soit très faciles. Bref, ce n’est pas un mauvais jeu de course en soi mais son gameplay pose de vrais problèmes. L’espoir d’avoir un portage console satisfaisant semblait s'amenuiser mais en 2010, Sega ressort son jeu de course en arcade sur Ring Wide. Nommé Sega Racing Classic (oui, entretemps, Sega a perdu la licence Daytona), il s’agit juste du Daytona USA original avec un écran HD (en 720p pour être plus précis), sans autre amélioration. Mais Sega profite de cette réédition pour porter son jeu sur Playstation 3 et Xbox 360, avec la licence cette fois. Daytona USA sur "PS360" est donc adaptée de cette deuxième version arcade, fait par l’AM Conversion Team. Il s'agit, enfin, du portage "arcade perfect" que tous attendaient : tout a été parfaitement repris et le léger clipping de la borne originale a même disparu. En plus du jeu original, on dispose de modes supplémentaires : challenges (des défis), karaoké (juste les chansons en instrumental pour que vous puissiez provoquer une averse) et survival (gagner du temps en évitant de crever les pneus). Véritable titre de l’année 1994, Daytona USA a contribué à l’Histoire du jeu vidéo et fait rêver nombre d'amoureux de l’arcade. Même s’il a fallu 17 ans pour bénéficier d'un véritable portage, force est de constater qu'il reste intemporel et a beaucoup fait pour la 3D dans le jeu vidéo. Récemment, il a été annoncé qu'un nouveau Daytona allait sortir, preuve que la série est toujours vivante. DSE76 (14 mars 2017) Un avis sur l'article ? Une expérience à partager ? Cliquez ici pour réagir sur le forum (16 réactions) |