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Sonic R
Année : 1997
Système : Saturn ...
Développeur : Sega
Éditeur : Sega
Genre : Jeu de Course
Par Shenron (04 janvier 2010)

Dire que la Saturn partait mal dans la vie est un doux euphémisme. Un lancement occidental catastrophique, dû en grande partie à la concurrence de la 32X (qui elle-même a souffert de l'annonce de la sortie de la Saturn, le marketing chez Sega c'est plus fort que toi), et sans aventure de la mascotte de la firme pour donner des repères aux joueurs... Car mis à part le remake (réussi certes) de Sonic 3D Blast et la compilation Sonic Jam, avec le fiasco de Sonic X-Treme, il y avait de quoi ronger son frein. Mais c'était sans compter sur le studio Traveller's Tales qui, après une séance de brainstorming sûrement éreintante, s'est dit qu'après tout, puisque Sonic courait vite, on n'avait qu'à faire un jeu de course. Ce n'était pas vraiment une première, puisqu'on avait déjà eu droit aux Sonic Drift sur Game Gear, clones éhontés de Super Mario Kart de sinistre mémoire.

Les cinq courses. On peut débloquer le mode reverse plus tard dans le jeu.
Le mode deux joueurs est jouable, mais le clipping est très présent.

Comme il fallait bien combler les trous dans le planning des sorties, Sega a dit « OK », et nous voilà donc avec Sonic R qui ne propose pas des courses avec des véhicules (sauf exception), mais uniquement avec les pieds. D'aucuns diront que c'est aussi un peu comme ça qu'a été développé le jeu, mais ce sont des mauvaises langues, et nous les ignorerons donc. Prout donc.
Sonic R propose de se tirer la bourre avec 10 personnages (dont 6 déblocables) sur 5 pistes différentes :

- Resort Island, territoire bucolique typique des premiers stages des Sonic.
- Radical City, qui a certainement inspiré la Speed Highway de Sonic Adventure.
- Regal Ruine, qui rappelle fortement Sandopolis de Sonic & Knuckles.
- Reactive Factory, la traditionnelle base pas super secrète de Robotnik.
- Je vous laisse la surprise de la dernière course, obtenue en terminant les quatre premières en tête.

Chaque course propose ses difficultés et particularités propres : raccourcis, pièges, passages secrets, obstacles divers et bumpers sont là pour que la vitesse ne soit pas le seul paramètre important pour remporter la victoire. De plus, la route est parsemée d'anneaux qui ne permettent pas d'aller plus vite à l'instar de Mario Kart, mais ont deux usages :

- Ouvrir des portes, qui arborent le nombre d'anneaux nécessaires pour cela. Elles donnent accès à des raccourcis ou des bonus. C'est par là qu'il faudra souvent chercher les émeraudes.
- Utiliser les accélérateurs. Quand vous passez dessus, ils vous confèrent une accélération dont la durée est proportionnelle à votre nombre d'anneaux, 50 étant le nombre maximum que vous pouvez utiliser à la fois.

Et comme dans tout Sonic qui se respecte, vous tomberez aussi parfois sur des bonus de vitesse ou des boucliers.
Bon, jusqu'à présent, tout va bien. Les stages respectent bien l'esprit des épisodes MD, que ce soit pas leur thématique ou leur topographie, puisqu'on retrouve même les fameux loopings, et certains passages qui allient vitesse et précision sont un plaisir à parcourir.

Oh, des Flicky !
À gauche, une porte. Droit devant, un accélérateur.

Bon point aussi pour le nombre de personnages, avec même des inédits comme Puppet Tails ou Mecha Knuckles, qui ont chacun leur maniabilité. Cerise sur le gâteau, le jeu possède même un mode Time Attack (encore heureux pour un jeu de course, cela dit) et plusieurs modes deux joueurs : la traditionnelle course en versus et un mode « Ballons » qui consiste à explorer les stages à la recherche de ballons de baudruche dispersés ici et là. L'architecture labyrinthique des niveaux se prête bien à ce genre d'épreuve et j'a passé pas mal de bons moments sur ce mode.
Au niveau technique, c'est un peu la douche écossaise : l'écran titre en haute résolution est splendide, les menus atroces, mais une fois dans la course on est bien obligé de reconnaître que c'est super beau... tant qu'on ne bouge pas. Les décors sont vraiment très colorés, assez riches, il y a deux-trois textures intéressantes... mais Dieu que l'animation est souffreteuse ! Elle est rapide mais absolument pas fluide, le jeu est truffé de bugs de collisions, et pour tout dire il donne un peu mal à la tête.

Une variation sur le thème du casino...
Une émeraude ! Malheureusement je suis dernier...

La jouabilité est extrêmement délicate... bon allez, va pour catastrophique. On passe les premières courses à se cogner partout, on râle à cause de l'impossibilité manifeste de tenir une trajectoire en ligne droite, alors qu'une fois à l'arrêt, pour faire demi-tour par exemple ou choper un ballon, c'est la croix (directionnelle) et la bannière. Les premières minutes (heures ?) sont extrêmement pénibles, et franchement il est impossible d'en vouloir à quelqu'un qui s'est arrêté rapidement. Mais si on persévère, on se rend compte que les personnages se dirigent un peu comme les vaisseaux de Wipe Out et que l'usage des gâchettes (et si possible du stick analogique) fait partie intégrante du gameplay. On finit alors par réussir à peu près ce qu'on veut, au prix de quelques millions de neurones, mais bon, il en reste plein. Ah, et une chose, il ne faut pas accélérer en allant vers l'avant, mais en appuyant sur B !
Pour parachever le tableau, les persos ne sont pas du tout équilibrés : les personnages lents mais maniables ne tiennent pas la distance face aux fusées que sont Sonic, Robosonic ou Puppet Tails, car les circuits ne sont pas assez techniques pour qu'ils puissent rattraper leur retard dans les courbes. Même ceux qui ont des capacités spéciales, comme voler sur l'eau, se font dépasser par un simple saut. Les courses en versus se limitent à donc à être le premier qui arrive à choisir Super Sonic (oui c'est un spoil mais c'est un secret de polichinelle, hein...). Une fois qu'on a pris le coup la difficulté n'est pas très élevée, et on a vite fait d'arriver premier. Par contre, conserver les émeraudes et pièces trouvées est bien plus délicat puisqu'il faut également avoir atteint la première place, ce qui n'est pas évident quand on a passé la moitié de la course à se promener. Surtout que l'architecture des niveaux n'aide pas forcément à se repérer. Il faudra donc faire des runs dédiés uniquement à la recherche des objets avant d'espérer allier trouvailles et performance.

Les décors ont fait l'objet de gros efforts, mais les tracés sont chaotiques.
Les sphinx ont des têtes de Knuckles.

Maintenant, il est temps d'aborder un point crucial. LE élément qui accroche le joueur à son pad comme une mouche sur les dents d'un motard, LE élément complètement irrationnel qui fait de Sonic R un indispensable de la Saturn : les musiques. Qualifier les musiques de Sonic R est un exercice délicat. Imaginez un mélange entre du Corona et When the Rain begins to Fall de Jermaine Jackson et Pia Zadora, ajoutez une pincée de substances prohibées, et vous aurez une idée du truc. Toutes les musiques du jeu (à l'exception de celles des menus) sont chantées. Oui oui, chantées, avec des paroles et tout, mais elles ont également fait l'objet d'un soin certain au niveau de l'orchestration et des arrangements. Composées par le célèbre Richard Jacques (déjà responsable des compositions de la version Saturn de Sonic 3D Blast), elles n'auraient pas fait tâche sur NRJ en 1991.

Une médaille pas très bien cachée.
D'une pierre deux coups : une accélération et un gros bug

Ce sont donc quasiment les musiques qui tranchent sur l'avis final du joueur : soit il déteste et là c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase, il arrête de jouer et balance le CD à son chien, soit il aime car c'est trop gros pour être vrai et elles renforcent le capital sympathie du soft. Ces morceaux sont d'ailleurs devenus instantanément cultes et figurent sur quasiment toutes les compilations de musiques SEGA. Pour peu qu'on ait un peu de patience, qu'on aime Sonic et qu'on ait des goûts musicaux déviants (ce qui fait certes pas mal de conditions), Sonic R est donc un jeu sympathique qui, qu'on l'aime ou pas, laisse un souvenir impérissable à quiconque l'a essayé. Ça n'en fait pas forcément un vrai bon jeu, mais eh, une console ne se définit pas que par ses succès, et à ce titre Sonic R est plutôt représentatif du support qui l'abrite.

À propos de la version PC, par DSE76

Les ventes moyennes sur Saturn feront que SEGA décidera d’un port PC en 1998. Toutefois, alors que la plupart des jeux SEGA portés à l’époque sont quasiment sans amélioration, n'étant que de simples ports de la version originale, Sonic R a bénéficié de quelques améliorations. Après ce jeu, Traveller's Tales partira voir de nouveaux horizons, mais ils retravailleront avec eux lors du port du jeu dans Sonic Gems Collection.

Sur cette version PC, les graphismes sont plus fins, le clipping réduit et le tout tourne à 60 FPS... même le PCiste de l’époque avait de quoi d’être impressionné. En plus, Traveller's Tales pousse le bouchon plus loin en intégrant des effets météos dans le jeu. C’est loin d’être plastique : la pluie réduit l’adhérence tandis que la neige gèle l’eau, qui permet de marcher dessus.
À sa sortie, Sonic R était considéré comme un exploit graphique : alors qu’on considérait la Saturn incapable de faire la moindre transparence, voilà un jeu capable de faire 12 niveaux de celle-ci pour imiter la Nintendo 64. Sur PC, c’est encore mieux : tout a été amélioré pour profiter du supplément de puissance.

Ajoutons néanmoins que la version PC apporte quelques désagréments liés aux limitations du code ; notamment, la sauvegarde est manuelle. Rappelez-vous en quand vous voulez quitter le jeu ou vous perdrez votre progression. D’ailleurs, le menu quitter n’est pas dans le menu principal... n’ayant pas la place de rajouter une cinquième icône, les développeurs ont intégré le bouton « Retour à Windows » dans l’écran des options. Assez cocasse !

Shenron
(04 janvier 2010)
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