Mastodon
Le 1er site en français consacré à l'histoire des jeux vidéo
Thunder Force 3
Année : 1990
Système : Arcade, Megadrive, SNES
Développeur : Technosoft
Éditeur : Sega
Genre : Shooter
Par Lyle (09 mars 2003)

Plus que la SNES, la Megadrive avait comme une prédisposition aux shoot'em ups. Ses routines cablées et sa gestion des sprites facilitaient la programmation des scrollings et des vagues de tirs et d'ennemis. En fait, durant les trois premières années du règne de la machine, le genre est même surreprésenté comparé aux autres.

Thunder Force sur NEC PC-88
Thunder Force 2 sur Megadrive

Parmi la myriade de titres disponibles (dont beaucoup sont convertis de l'arcade avec plus ou moins de réussite), on trouve Thunder Force 2, suite d'un obscur shoot apparu sur NEC PC-88 et Sharp X1 en 1984, et sorti dans l'indifférence générale. Et pour cause : tout ce qu'il propose d'un peu particulier, ce sont quelques niveaux à scrolling multi-directionnels dans lesquels le joueur peut évoluer librement, tout comme son prédécesseur, façon Time Pilot. Pour le reste, il ne s'agit que d'un shoot honnête parmi tant d'autres. À ce moment-là, la série n'est à l'évidence pas destinée à la plus brillante des carrières.

L'introduction pour chaque niveau
Un boss impressionnant

La productivité s'avère payante. Fin 1990 la Megadrive compte déjà plusieurs shoots de qualité. Gaïares, M.U.S.H.A Aleste ou Elemental Master sont nerveux, efficaces, très bien réalisés et n'ont rien à envier aux meilleurs titres du genre sortis sur Coregraphx à la même période. Il manque encore le choc technologique, le shoot-vitrine qui exposera toute l'étendue du potentiel graphique et sonore de la machine. C'est à ce moment qu'arrive Thunder Force 3. Quand il pointe le bout de son nez dans les magasins pratiquant l'import, il fait immédiatement sensation. Il convient d'ailleurs de préciser que c'est précisément à cette époque que l'import commence à trouver une partie de son public. La presse exclusivement console n'existe pas encore, mais certains mensuels (Tilt en tête) ne prennent plus la peine d'attendre les versions officielles et ne manquent pas de souligner la supériorité du NTSC sur le PAL. Et c'est vrai que découvrir un titre comme Thunder Force 3 en 60 hz et en plein écran, c'est quand même autre chose.

Le boss du deuxième stage
Les ondes fournissent la meilleure couverture

Le joueur livre bataille dans un système solaire composé de cinq planètes gravitant autour d'une étoile. Libre à lui de commencer par la planète qu'il désire. Ce détail à son importance : compte tenu de la place qu'occupe la puissance de feu dans le jeu, mieux vaut commencer par la planète dans laquelle on s'arme le mieux et/ou le plus facilement. L'environnement de chacune des planètes est de type élémentaire (végétal, volcanique, aquatique, rocailleux, glacial). Une fois les cinq planètes nettoyées, l'étoile au centre du système perd son incandescence pour montrer son vrai visage, celui d'une gigantesque base spatiale protégée par son Cerbère, un vaisseau-forteresse non moins gigantesque. À l'intérieur de la base, il restera à trouver son ordinateur central, machine autonome responsable de tous les maux de la galaxie.

La planète aquatique
Un bouclier qu'il ne faut pas laisser passer !

Thunder Force 3 réutilise le système d'armement de son prédécesseur, avec un total de cinq tirs sélectionnables. Aux deux tirs de base upgradables (avant et arrière) s'ajoutent trois autres armes qu'il faut collecter. Les ondes ont un bon rapport couverture/puissance, les missiles latéraux sont utiles pour détruire les tourelles et les hunters, tirs à tête chercheuse, servent dans la plupart des situations. L'efficacité de toutes ces armes est encore décuplée par l'ajout éventuel de modules rotatifs. Une arme acquise ne l'est pas définitivement. Perdre une vie revient à perdre l'arme utilisée au moment de l'impact. Et en Mania (le mode de difficulté maximal), c'est tout l'arsenal collecté qui disparaît à chaque fois, y compris les modules. On trouve aussi dans certains niveaux un ultime bonus (pas toujours évident à collecter), un bouclier capable d'encaisser trois impact. Ce bouclier fait bien plus qu'économiser des vies. Il permet l'essentiel, c'est-à-dire la conservation de l'armement. Car on le verra plus loin, les armes sont tout dans Thunder Force 3.

Le Styx contre le homard, duel au sommet !
La planète de glace

En 1990, les shoot'em ups sont encore assez " monocordes " sue le plan de leur déroulement : mêmes vagues d'ennemis, mêmes éléments de décor, même rythme tout au long d'un même niveau. Heureusement, R-Type a ouvert la voie à plus de variété interne trois ans auparavant, et Thunder Force 3 fait partie des titres qui ont su lui emboîter le pas. La première planète végétale laisse une fausse impression de classicisme, car ensuite le scrolling accélère, fait marche arrière, bifurque, les décors se déplacent, s'écroulent, les obstacles naturels (colonnes de lave, courants marins ou encore stalactites) sont autant de dangers à éviter... Thunder Force 3 attira jadis l'attention grâce à certains de ses effets ou de ses passages : la gargouille géante du premier monde, haute comme l'écran, les flammes tout en sinusoïdes du deuxième ou les lasers titanesques du Cerberus. En plus de ce goût du luxe, on trouve des emprunts directs à R-Type. Les petites cellules encombrant le monde rocailleux ou la base rappellent celles du quatrième niveau du titre phare d'Irem. Le Cerberus, lui, doit beaucoup à son fameux troisième niveau.

Admirez le design des boss
Arrivée fracassante du Cerberus

Certains décors ont clairement vieilli, surtout sur les premières planètes assez dépouillées. Le rendu graphique reste plaisant grâce à la qualité de design des engins ennemis. En outre, Tecno Soft a su garder le meilleur pour la fin et la base spatiale, bourrée de détails technologiques animés, est toujours aussi magnifique. D'une manière générale, le style graphique fait beaucoup penser à Gate of Thunder, sorti deux ans plus tard sur le CD-ROM de la Coregrafx. L'animation est une autre performance : quel que soit le nombre de sprites, on cherche en vain la plus petite saccade dans le rythme effrené du jeu. Tout au plus peut-on remarquer de timides clignotements deux ou trois fois en huit niveaux. On ne peut que s'en réjouir quand on sait à quel point les ralentissements sont le fléau numéro un du genre (fléau n'affectant pas nécessairement les titres les plus médiocres). Thunder Force 3 ne fut pas le premier shoot à la fois très rapide et parfaitement fluide (bien des shoots NEC compilaient ces qualités avant lui). En revanche, il fut certainement le premier accumuler autant d'effets, de mouvement et de sprites démesurés dans ses niveaux.

Le tir arrière upgradé est aussi très puissant
La base spatiale

À tel point que le découvrir à l'époque donnait l'impression d'un shoot impossible : trop rapide, trop d'obstacles à éviter, tout simplement trop de mouvement... Plusieurs testeurs l'ont ainsi classé dans la catégorie " destinés aux pros uniquement " et beaucoup de joueurs, à la fois fascinés et effrayés par ce qu'ils voyaient à l'écran, se contentaient de regarder. Au contraire, s'il y a un titre qui permet à ceux qui désirent s'initier au genre de le faire sans voir leur appareil se faire désintégrer toutes les cinq secondes, c'est bien celui-ci. Thunder Force 3 convient à merveille aux débutants et n'importe quel joueur peut le terminer, au moins en Normal, avec un crédit et un peu de pratique. Plusieurs raisons à cette accessibilité. D'abord Thunder Force 3, c'est en gros 95 % d'anticipation et 5 % d'agilité. Les obstacles naturels ne sont impressionnants qu'au début. Une fois que l'on sait où se placer, on ne s'en soucie plus guère. Contrairement à ce qui se passe dans le shoot d'arcade moyen, la plupart des ennemis ne visent pas votre vaisseau. La direction de leurs tirs est le plus souvent prédéterminée. En réglant la vitesse de l'appareil au maximum (parmi quatre degrés), on parvient facilement à se mettre à l'abri des trajectoires de missiles. Rares sont les situations dans lesquelles il faut se faufiler entre un bouquet de tirs serrés, comme on le ferait dans un Raiden ou un " *bullet hell shmup ".

Au rythme d'une musique mémorable

Autre facteur facilitant la progression, les armes. À cette époque, le défaut commun à beaucoup de shoots sur consoles était leur logique un peu trop binaire : bien armé, vous faites un massacre. Perdez vos armes dans les niveaux avancés et vous êtes perdu, à moins de tomber immédiatement sur quelques bonus (cf. M.U.S.H.A Aleste, Eliminate Down, Gunhed, la série des Soldier..). Thunder Force 3 n'échappe pas à la tendance. Il l'exacerbe même, mais dans le sens de la facilité. Equipé du laser et des modules, on serait presque trop puissant : les malheureux ennemis de base ont à peine le temps d'entrer en scène qu'ils se font pulvériser avant même de pouvoir attaquer. Les boss (intermédiaires ou de fin de niveau) ne tiennent pas plus de quelques secondes. Et les graphistes, direz-vous, à quoi ça sert qu'ils se donnent autant de peine ! En Mania, la situation n'est pas bien différente malgré la lourde sanction imposée par la perte d'une vie. Ajoutez à cela la présence des boucliers, plus un nombre généreux de vies supplémentaires accordées en bonus ou au score, et vous obtenez un jeu qui plaira beaucoup aux débutants, qui divertira les joueurs moyens mais risque bien de faire bailler les plus doués.

Thunder Force A.C. (arcade)

Mais on s'en moque après tout. Ces derniers ne sont qu'une minorité. Et puis Thunder Force 3 est un de ces jeux qu'on refait maintes et maintes fois pour le plaisir. Pour admirer sa technique, son esthétique, ses musiques aussi. **La bande son est excellente, avec de superbes compositions très variées, et de vraies mélodies impeccablement arrangées. Même les musiques de boss ont été soignées. Comme souvent sur les jeux Megadrive de Sega, il est possible de les écouter dans le menu d'intro. Il y a eu deux conversions de Thunder Force 3, en arcade et sur Snes, pour lesquelles les programmeurs ont retravaillé certains niveaux : un inédit dans l'espace, encombré de météorites, et une base spatiale assez différente de l'originale. La version arcade, Thunder Force AC, est de bonne qualité à part au plan sonore (l'arrangement des musiques, surtout). La version SNES, renommée Thunder Spirits, est moins convaincante. Pour qui a l'habitude de la version Megadrive, les ralentissements fréquents sont insupportables. En fait, il s'agit plus d'un portage bâclé que d'une véritable conversion.

Thunder Spirits (SNES)

C'est bel et bien avec à son troisième épisode que la série est entrée dans le cercle fermé des grands noms du genre. Son successeur enfonça le clou en s'imposant comme le meilleur shoot'em up de la machine, et le cinquième et malheureusement dernier épisode fait partie des plus grandes réussites de la Saturn juste derrière le divin Radiant Silvergun. Mais pour qui désire s'initier en douceur à la série, la meilleure option reste le troisième volet, les deux suivants s'adressant déjà à des joueurs plus expérimentés. Un grand shoot'em up.

Lyle
(09 mars 2003)
Sources, remerciements, liens supplémentaires :
* Cette expression employée par les anglo-saxons désigne ce qu'on pourrait appeler le shoot'em up " moderne ", l'école Atlus/Cave/Raizing (même si d'autres développeurs se sont essayés au genre). L'expression traduit bien le sentiment qu'éprouve le joueur assailli par des centaines (littéralement) de tirs. Même avec les armes les plus puissantes, on ne peut compter que sur sa capacité à esquiver pour rester en vie. Pour se faire une idée, voir quelques uns des meilleurs représentants du genre, par exemple DonPachi, DoDonPachi, Guwange, ESP Ra.De, Giga Wing, Mars Matrix...

**Anecdote perso : j'appréciais tellement les musiques de Thunder Force 3 que je finis par les connnaître absolument par cœur. Au bout d'un moment, je commençai même à m'en servir, inconsciemment, pour mémoriser les séquences de jeu. Je savais qu'à telle mesure, telles colonnes de feu jailliraient de la lave, tel ennemi apparaîtrait etc...Je m'en suis rendu compte en jouant à la version PAL à sa sortie, moi qui était habitué à la version japonaise : il y avait un décalage entre l'animation et la musique par rapport à la version jap, probablement à cause du passage en 50 hz, si bien que par moments, privé de mes repères auditifs, je n'arrivais même plus à jouer ! Cela montre qu'une bande son exceptionnelle peut, involontairement, servir et conditionner le gameplay.
Un avis sur l'article ? Une expérience à partager ? Cliquez ici pour réagir sur le forum
(13 réactions)