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Nintendo
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1990 - 1995 : La deuxième génération

Un an après l'arrivée de la Mega Drive, Nintendo dévoile enfin la Super Famicom (Super NES), qui va, cette fois lutter contre une concurrence sérieuse.

1990

La Super Famicom.

Le 21 novembre, la Super Famicom sort au Japon et il faudra deux ans de plus pour qu'elle connaisse une distribution mondiale. Au Japon le succès est immédiat, toutes les unités fabriquées en vue de la sortie nationale étant vendues en 3 jours. Le Nintendo World Championship, compétition imaginée par les scénaristes du film The Wizard, devient une réalité avec la tenue de la première édition, qui a lieu dans 30 importantes villes américaines. Les compétiteurs s'affrontent dans un triathlon de jeux avec au menu Super Mario Bros, Rad Racer et Tetris. La NES commence à connaître quelques difficultés à prendre systématiquement le dessus sur ses concurrents. Certains titres sortent directement sur Mega Drive, et Nintendo se voit obligé de mettre fin à sa politique de label de qualité, qui lui vaut une image de moins en en moins nette auprès du public.

Les proçès fusent de toutes parts : Nintendo n'accepte toujours pas que de petites sociétés se sucrent sur son dos en vendant des jeux NES ou des accessoires, comme le Game Genie, distribué par Galoob, une cartouche qui permet de tricher aux jeux NES, et dont Nintendo parviendra à faire cesser provisoirement la commercialisation aux USA... Si la compagnie d'Hiroshi Yamauchi tient à ce point à protéger sa supériorité, c'est tout simplement parce que malgré les percées de la Mega Drive et de la PC Engine, Nintendo détient toujours 85 % des parts de marché. 7.5 millions de NES sont encore vendues cette année là, 70 millions de cartouches, et 3.2 millions de Game Boy.

1991

à gauche la Super NES européenne, identique à la Super Famicom. à droite, la version américaine de la console, au boîter redessiné. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, les couleurs des boutons du pad ne sont pas choisies par souci d'ergonomie, mais d'esthétique. Elles correspondent à celles de la console ou de son logo.

En août sort la Super NES aux USA, avec un peu d'avance sur l'Europe, ce qui ne compte pas puisque l'on y trouve déjà depuis quelques mois la Super Famicom, en import, à un prix trois fois supérieur à celui de la sortie officielle prévue pour l'été 92. Dans toutes les zones la console est fournie avec Super Mario World, quatrième épisode de la série, et fait l'objet d'une campagne promotionnelle de 25 millions de dollars. Elle connaît un démarrage difficile sur un marché occupé en partie par Sega, mais elle ne tarde pas à s'imposer, grâce à son hardware d'un très bon niveau (cette fois, Nintendo n'a pas joué petit bras comme avec la NES), aux possibilité insoupçonnées (les jeux sont d'une qualité toujours grandissante). C'est aussi cette année que Yoshi, le petit dragon qui assiste Mario dans ses différentes quêtes, devient une figure vedette de Nintendo. Quant à la Game Boy, à l'occasion de la sortie de Metroid 2, un de ses meilleurs jeux, elle est lancée aux Etats-Unis et ne manque pas de connaître un fort succès. à la fin de l'année, Nintendo autorise 53 sociétés à produire en toute indépendance des jeux pour ses consoles...

Design du lecteur de CD pour Super NES que Sony devait produire.

On arrive alors à l'affaire du SNES CD. Au départ, Nintendo veut commercialiser un lecteur de CD-ROM pour la Super NES. Dans un premier temps la compagnie s'adresse à Sony, co-inventeur du support (avec Philips), qui se lance dans un projet nommé Super Nintendo Play Station. Au CES de juin 91, le lecteur Play Station existe et est présenté, mais Sony et Nintendo se brouillent. Un ancien contrat passé entre les deux compagnies stipule que si Sony devait fabriquer un nouveau support pour Nintendo, il aurait le contrôle total sur les jeux distribués l'utilisant. Qu'un tel accord s'applique au Play Station est inacceptable pour Nintendo, qui annule le projet. De plus, Philips vient de lancer son CD-I, une console hybride multi-application utilisant le support CD-ROM, dont Nintendo entend s'attribuer la logithèque en faisant fabriquer par Philips un lecteur compatible CD-I pour Super NES. Nintendo décide donc de s'associer uniquement avec Philips, et Sony se retrouve avec son projet Play Station quasiment terminé sur les bras. Pour des raisons culturelles, les entreprises japonaises se poursuivent rarement entre elles, c'est un fait qu'il faut savoir pour comprendre pourquoi au lieu de traîner Nintendo devant les tribunaux pour rupture de contrat, Sony a préféré poursuivre le projet Play Station vers la création d'une console 32-bits, la Playstation. C'est à un tournant dans l'Histoire de Nintendo qu'on vient d'assister, puisque la Playstation deviendra son plus redoutable concurrent.

Le hardware de la Super NES permet des effets de zoom et de rotation que certains jeux exploitent pour des phases d'action dans l'axe de profondeur (Axelay, à gauche), ou faire pivoter de larges pans de décor (Super Castlevania IV, à droite).

D'un point de vue chiffres, c'est en 1991 que Nintendo devient leader des entreprises japonaises en passant devant Toyota en terme de chiffre d'affaires, dépassant même Sony. Il est incroyable de noter que la NES, qui est pourtant complètement dépassée, s'est encore vendue à 2.7 millions d'exemplaires, ainsi que 28 millions de jeux. Ce succès interminable conduira d'ailleurs Nintendo, par la suite, à précipiter la disparition commerciale de ses consoles vieillissantes à chaque sortie d'une nouvelle génération. En 1991 sont aussi vendues 7 millions de Game Boy, plus 25 millions de jeux Game Boy, et la Super NES continue son ascension avec 4 millions de consoles vendues.

1992

En juin, la SNES sort en Europe officiellement, ainsi que le Super Scope (un pistolet optique), la Super NES Mouse, et le logiciel Mario Paint qui va avec. Le très attendu The Legend of Zelda 3: A link to the Past fait un carton dès sa sortie et achève de faire de Shigeru Miyamoto un créateur mondialement connu et estimé.

Boîtiers de Yoshi's Island et The Legend of Zelda : A link to the Past sur Super NES. Comme les cartouches étaient très solides en elles-mêmes, la plupart des jeux SNES étaient vendus dans des boîtes en carton qui s'abimaient très vite et n'ont pas résisté au temps. Les exemplaires encore en bon état sont aujourd'hui beaucoup plus chers que les cartouches vendues en "lose", sans emballage.

Super Mario Land 2: 6 Golden Coins sort sur Game Boy et met en scène pour la première fois Wario, le pendant maléfique et vénal de Mario. Un autre jeu fait un tabac, Super Mario Kart, jeu de course très fun qui sera la cartouche la plus vendue de l'histoire de la Super NES. Gunpei Yokoi et son équipe se mettent à l'étude d'une nouvelle console, la Virtual Boy, fondée sur l'idée d'un casque virtuel. Une fois de plus, Yokoi transcende par son inventivité le simple concept d'une console branchée sur une télévision, mais cette fois il va se tromper. La Virtual Boy se classe parmi les échecs de Nintendo.

Super Mario Land, Super Mario Land 2: 6 Golden Coins, et Tetris, sur Game Boy. La résolution d'écran de cette console est de 160x144 avec seulement 4 nuances de gris. La NES affiche 256x240 pixels en 25 couleurs, et la SNES 256x224 en 256 couleurs.

Des éditeurs prestigieux comme Electronic Arts, Lucas Arts, et même Disney signent des accords juteux avec Nintendo, qui devient plus important qu'Apple et même IBM. Philips et Nintendo annoncent la sortie du Super NES CD pour Noël, mais un peu plus tard, cette sortie est repoussée à début 1993. Entre temps, Sega sort le Mega CD, un lecteur de CD-ROM pour Mega Drive qui ne rencontre pas le succès escompté. En août sort le Super FX (développé par la société anglaise Argonaut), une puce à inclure dans les cartouches de jeux qui augmente la puissance de la Super NES et lui permet d'ajouter des jeux en 3d polygonée, devenus incontournables, à son catalogue. Le SNES CD doit inclure cette extension pour que les jeux sur CD en profitent, ce qui retarde encore sa sortie.

1993

Starfox sur Super SNES, et The Legend of Zelda: Link's Awakening sur Game Boy.

Nintendo continue de promouvoir le chip Super FX, avec le jeu Star Fox (Star Wing en Europe), qui est une date importante dans la ludothèque de la Super NES. Nintendo annonce par ailleurs l'étude d'une console 64-bits, conçue avec l'aide de Silicon Graphics, sous le nom de projet de Project Reality. La machine doit utiliser un processeur 64-bits RISC cadencé à 100 Mhz, et doit sortir fin 1995, l'accent étant mis sur les jeux en 3d. La NES refait en attendant une apparition, vendue à bas prix accompagnée des jeux Final Fantasy 1 & 2, et se vend à 1 million d'exemplaires. Le quatrième volet de Legend of Zelda, Links Awakening, sort sur Game Boy, ainsi que Super Wario Land.

A propos de Mario, le 28 Mai voit la sortie de Super Mario Bros The Movie, réalisé par Rocky Morton et Annabel Jankel (auteurs de Mort à l'arrivée et créateurs de Max Headroom), avec Bob Hoskins dans le rôle du plombier moustachu et John Leguizamo dans celui de son frère Luigi. Le film, malgré le talent de ses réalisateurs, est de l'avis général un échec artistique, ne fait que peu de recettes, et va amorcer le désintéressement d'Hollywood pour les jeux vidéo, qui n'ont dans l'ensemble engendré que des navets (doublés de bides commerciaux) lors de leur portage à l'écran (Street Fighter, Mortal Kombat), faute d'une réflexion réelle sur le matériau d'origine.

En parlant de Mortal Kombat, une très bonne adaptation du jeu sort sur Super NES, mais contrairement à la version Mega Drive le sang et la violence y ont été édulcorés, voire supprimés, à la demande de Nintendo, ce qui laisse le champ à Sega pour se présenter comme une alternative "pour adultes" bien que visant un public adolescent, concept appelé à un bel avenir sur le marché des jeux vidéo. Apparaissent alors des slogans comme Genesis does what Nintendon't (Genesis est le nom américain de la Mega Drive), devenu une fois traduit et dépouillé de publicité comparative Sega c'est plus fort que toi.

Début 93, Nintendo et Philips annoncent de nouvelles spécificités pour le SNES CD, et on parle de versions CD de Street Fighter 2 et de jeux sous licence Zelda. La date de sortie de l'appareil a été encore repoussée à l'automne. Un peu plus tard, la sortie est à nouveau repoussée à début 94, et les fans commencent à s'impatienter sévèrement. Pour les calmer, de nouveaux jeux Super FX sortent comme Stunt Race et Vortex, ainsi qu'un nouveau Mario, Super Mario All Stars qui regroupe tous les épisodes NES sur une seule cartouche. Fin 93, Nintendo est toujours largement leader sur le marché des jeux vidéo. En revanche le SNES CD ne sortira jamais. L'accord Nintendo-Philips n'a débouché que sur quelques jeux pour CD-I sous licence Nintendo (deux épisodes de Zelda, notamment).

Super Mario All Stars est une mine d'or : on y trouve Super Mario Bros, Super Mario Bros 2 (version américaine dérivée de Doki Doki Panic), Super Mario Bros 3, et le SMB2 japonais très difficile qui n'était pas sorti ailleurs (rebaptisé The Lost Levels). Tous les jeux disposent de graphismes améliorés et d'un système de sauvegarde beaucoup plus souple que les originaux sur NES. Hélas, Nintendo n'a plus jamais sorti de compilations aussi généreuses.

1994

Une grande année pour Nintendo. Le Super Game Boy sort, qui permet de jouer à des jeux Game Boy sur une Super NES en profitant d'un affichage colorisé sur un écran de télévision, et Nintendo commercialise auprès des compagnies aériennes le Nintendo Gateway System, dispositif permettant de jouer à des jeux Game Boy incorporé aux sièges des avions de ligne. C'est aussi cette année que Nintendo fête sa milliardième cartouche vendue (toutes consoles confondues).

On apprend que le projet Reality n'utilisera pas, comme tout le monde le pensait, des CD, mais des cartouches. La nouvelle surprend beaucoup la presse spécialisée, qui ne croit pas que la console pourra faire face au succès foudroyant de la Playstation, d'autant plus que le support cartouche fera flamber le prix des jeux. La console est renommé Ultra 64, et c'est la première fois que Nintendo communique en premier lieu sur son avance technologique.

Super Metroid et Donkey Kong Country.

De nouveaux jeux événementiels sortent sur Super NES. Super Metroid, qui ne se vend pas aussi bien qu'espéré mais fait l'unanimité sur sa qualité (cela restera sans doute à jamais le meilleur Metroid), et Donkey Kong Country. Ce dernier est exceptionnel à plus d'un titre. Tout d'abord, il marque le grand retour sur le devant de la scène de Donkey Kong après des années de disgrâce. Ensuite, le jeu est une prouesse technique qui rend perplexe sur les capacités de la Super NES, semblant s'accroître à chaque nouveau jeu : graphismes en pseudo 3d bluffants (les personnages ont été conçus sur des stations Silicon Graphics puis convertis en bitmap), animations très fluides et bande sonore mémorable, même si à la base c'est un platformer en 2d de facture classique.

Ce jeu est l'oeuvre du studio anglais Rareware (ex-Ultimate), qui a développé de nombreux hits sur les micros 8-bits européens avant de se reconvertir sur NES (Battle Toads, R.C. Pro-Am) et entamer une longue collaboration avec Nintendo. Donkey Kong Country se vend à 8 millions d'exemplaires et montre que malgré l'apparition de consoles 32-bits comme la Playstation et la Sega Saturn, la SNES n'est pas dépassée, d'autant que de nouveaux jeux Super FX sortent, et on annonce même le Super FX 2.

La Virtual Boy ressemble à un concept des années 70 : elle propose une expérience nouvelle, certes, mais y jouer fait mal au dos et donne la nausée, on joue sans voir le joypad, et les jeux ont un affichage monochrome rouge sur noir pas très attirant. En outre, le fait qu'on ne puisse pas y jouer n'importe où la prive de son statut de portable.

Pendant ce temps, la Virtual Boy, nouvelle console portable imaginée par Gunpei Yokoi, est présentée au ShôShinkai (salon annuel de démonstration des nouveaux produits Nintendo) et ne fait pas l'unanimité. La presse la descend, et y voit une tentative de la part de Nintendo d'attirer l'attention en attendant d'être en mesure de sortir l'Ultra 64, à une époque où tout le monde n'a d'yeux que pour la Playstation. Les jeux montrés sont jugés sans intérêt et le projet est mal parti. La console doit sortir fin 94, mais son lancement est repoussé.

En février 1994, le dernier jeu à sortir officiellement sur NES s'intitule Wario's Woods, c'est un jeu comparable à Tetris. La console s'est vendue au total à 60 millions d'exemplaires, dont quarante livrés avec Super Mario Bros, ce qui en fait le jeu le plus vendu de tous les temps.

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