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Nintendo
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1995 - 1997 : la concurrence, enfin.

Après avoir beaucoup tergiversé, Nintendo lance la Nintendo 64 sur un marché quasiment trusté par Sony et sa Playstation. Pour la première fois depuis le début des années 80, la fime de Kyoto fait figure d'outsider.

1995

Nintendo et Silicon Graphics annoncent que l'Ultra 64 est prête et sortira dans le monde entier simultanément, en avril 96. En octobre, la machine est renommée Nintendo 64, et on commence à en voir les premières photos, avec un joypad révolutionnaire équipé d'un petit joystick analogique qui semble ouvrir de nouvelles perspectives pour les jeux 3d. Les spécifications techniques de la console (processeur, RAM, résolutions graphiques, sortie vidéo) n'impressionnent plus personne, mais Nintendo promet du jamais vu pour les jeux.

La première mondiale de la Nintendo 64 a lieu au ShôShinkai où 13 jeux sont mis en démonstration, parmi lesquels Super Mario 64, Star Fox 64 et Mario Kart 64, autant de productions totalement en 3d présentant des animations superbes et des graphismes supérieurs à ce que l'on peut voir dans les jeux Playstation. La console affiche un look futuriste noir, presque agressif, qui tranche avec les précédents produits de Nintendo. Comme prévu la console utilise des cartouches, mais Yamauchi annonce dans son discours annuel qu'un lecteur de CD-ROM sortira très prochainement.

Rareware, derrière la série Donkey Kong Country, est devenu un studio second-party pour Nintendo qui en détient plus de 30% des parts. Les Anglais développent sur SNES les deuxième et troisième volets de DKC, ainsi que le jeu de combat Killer Instinct, tous très appréciés et qui se vendent par millions.

Super Mario 64 : grâce au mini-stick analogique, le joueur peut se déplacer dans tous les azimuths, très librement et à la vitesse qu'il veut. Partant de cette idée, Shigeru Miyamoto décide de mettre l'accent sur l'exploration, et incorpore les phases de plateforme dans un jeu d'aventure où Mario doit s'approprier un univers en débloquant des zones de jeu, par la réussite de défis d'adresse, mais aussi d'énigmes.

Super Mario World 2: Yoshi's Island, utilisant le Super FX 2 (même si c'est un jeu en 2d), fait une sortie très remarquée sur Super NES, ainsi que Comanche, un simulateur d'hélicoptère au gameplay très accessible. Certains succès du PC sont ainsi adaptés sur Super NES, parfois avec une fidélité qui surprend compte tenu de la différence de puissance énorme entre les deux systèmes. Le 21 juin, la Virtual Boy est lancée au Japon mais ne se vend guère, comme on pouvait le craindre, malgré la sortie de quelques bons jeux. C'est le premier échec notable de Nintendo, qui aboutira au départ de Gunpei Yokoi, même si le lien entre les deux faits n'a jamais été établi. La console est lancée aux USA, sans succès, et pour l'Europe Nintendo préfère renoncer. La production sera arrêtée l'année suivante, seulement 500.00 exemplaires ayant trouvé preneur.

1996

Le 1er février, Nintendo annonce que la Nintendo 64 portera ce nom dans le monde entier, et que la sortie US est fixée au 30 septembre. Le 10 septembre se produit un événement qui n'est pas d'une importance capitale, mais reflète bien l'évolution du marché des consoles dans la deuxième moitié des années 90 : la société Square Soft, créatrice des jeux de rôle Final Fantasy, en offre l'exclusivité à Sony. Ainsi, c'est sur Playstation que sortiront les prochains volets de cette série qui comptait parmi les atouts majeurs des consoles Nintendo. La raison invoquée est technique : le support sur CD, plus généreux, convient mieux à ce genre de jeu, dont le 7e épisode sera entièrement en 3d et bourré de séquences cinématiques. En réalité, il y a fort à parier que Square Soft, comme presque tout le monde, ne croit pas que la Nintendo 64, malgré sa légère supériorité technique, pourra détrôner la Playstation. Pour la première fois, la nouvelle console de Nintendo sort au Japon quelques mois après la sortie aux USA, ceci pour créer un effet d'attente. Le résultat est là : à sa sortie, la N64 se vend à 500.000 exemplaires rien que le premier jour, et au Japon les joueurs font la queue pour en acheter une.

Final Fantasy VI sur Super NES (à gauche) c'est du passé, l'avenir c'est Final Fantasy VII sur Playstation (à droite).

La Super NES continue pendant un temps d'être alimentée en bons titres, avec Super Mario RPG (développé par Squaresoft) et Donkey Kong Country 3. La Game Boy, elle, connaît sa propre version du Tamagotchi, nouvelle coqueluche des enfants, ainsi qu'une nouvelle sortie dans une version au format réduit, nantie d'un affichage amélioré, sous le nom de Game Boy Pocket, qui marche très fort et relance la production de jeux pour l'increvable mini-console de Nintendo.

La Game Boy Pocket.

Malgré ce succès, Gunpei Yokoi quitte Nintendo le 15 août, quelques semaines seulement après la sortie de la Game Boy Pocket, après 30 années passées dans l'entreprise, à battre en brèche les préjugés et inventer des jeux dont tout le monde parle des années après leur sortie, dans un marché où tout est si éphémère.

1997

Le 1er mars, la Nintendo 64 sort en Europe (mais il faudra attendre le mois de septembre pour qu'elle sorte en France), au moment même où un jeu apparemment anodin sort sur Game Boy : Pokémon, développé par le studio Game Freak (qui travaille exclusivement avec Nintendo), et qui va connaître un succès foudroyant, se vendant même deux fois plus que Final Fantasy VII sur Playstation. La Game Boy revient sur le devant de la scène et éclipse la N64, surtout en Europe. Aux états-Unis en revanche, la 64-bits triomphe. Il faudra attendre la Dreamcast deux ans plus tard pour qu'une console connaisse un démarrage aussi foudroyant outre-atlantique. Nintendo ne laisse pas encore tomber la Super NES, dont les jeux sont enfin vendu à un prix décent, et pour laquelle de nouveaux titres sortent sans cesse. à Noël, les publicités pour les nouveaux jeux Super NES semblent même plus nombreuses que pour ceux de sa grande sœur, même si la tendance va brutalement s'inverser l'année suivante. Du côté de la concurrence, les choses vont mal pour Sega et la Saturn, et de mieux en mieux pour Sony.

Le 4 octobre 97 est un jour de deuil pour Nintendo : Gunpei Yokoi meurt dans un accident de circulation, à l'âge de 56 ans. C'est maintenant à Shigeru Miyamoto de perpétuer son savoir-faire, et il est à la hauteur : le titre responsable du succès de la N64 est, de l'avis général, Super Mario 64, version 3d des aventures du héros made in Nintendo, supervisée par Miyamoto et qui se vend presque à autant d'exemplaires que la console (qui est fournie sans jeu, pratique initiée par les 32-bits).

Gunpei Yokoi (1941 - 1997) et Shigeru Miyamoto, en 1994.

Le lancement réussi de la N64 prouve qu'en dépit des rumeurs, Nintendo possède toujours la reconnaissance et le talent suffisants pour assurer le succès de ses produits, même lorsque leur supériorité à ceux de la concurrence est discutable. Cela dit, la Playstation est, dans l'esprit de tout le monde, LA console de troisième génération, et Nintendo ne parvient pas, avec sa stratégie habituelle et ses valeurs sûres, à renverser la vapeur. La N64, malgré son hardware finalement suffisant, est desservie par le choix du support cartouche. Ses jeux excèdent rarement les 32 Mo de données alors que la Playstation en jette avec ses superproductions qui tiennent sur plusieurs CD de 600 Mo chacun (Metal Gear Solid, Gran Turismo...) et contiennent tous des vidéos en haute résolution qui impressionnent le public en ces temps où les jeux vidéo commencent à lorgner vers le cinéma. De plus, les jeux N64 ne sortent pas au même rythme effréné que les jeux NES et Super NES autrefois, en raison de leur complexité de réalisation, et Nintendo n'a pas l'attrait de la nouveauté que propose Sony, qui excelle dans le façonnement d'une image branchée pour la Playstation. Le problème est que Sony prend beaucoup de risques, là où Nintendo joue encore et toujours les mêmes cartes : Mario, Castlevania, Pilotwings, Starfox, autant de licences largement pratiquées sur SNES. Même Goldeneye 64 , FPS signé Rareware qui sort des sentiers battus, s'avère résulter d'un calcul financier fondé sur l'achat d'une licence à succès : James Bond.

Au milieu de l'année, le prix de la Playstation est revu à la baisse, et Nintendo ne peut faire autrement que suivre le mouvement...

Les publicités pour la Playstation multiplient les images étonnantes, voire choquantes. Nintendo ne s'intéressera jamais à ce type de communication.
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