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Battletoads
Année : 1991
Système : NES ...
Développeur : Rare
Éditeur : Nintendo
Genre : Plate-forme / Action / Beat'em all
Par MTF (10 décembre 2012)

Au cours de mes traversées dans l'espace internet, j'ai rencontré sur les sites anglophones un terme qui, je crois, n'est pas encore trop employé sur le web francophone ou, du moins, assez rarement : selon un certain nombre de personnes, il y a les jeux durs (hard) et il y a jeux durs façon NES (NES hard). Ce terme est intéressant, car il dissimule au moins trois présuppositions. La première, c'est qu'il existerait, concernant la difficulté dans le jeu vidéo prise comme un élément objectif (ce qui est toujours discutable bien entendu) un « avant » et un « après » Nes. Il faut préciser encore ce qu'on entend par là : la Nes a été, je crois qu'il faut le dire, la première console depuis l'Atari 2600 a avoir eu autant de succès de par le monde. Contrairement, cependant, à cette dernière, elle fut la première à présenter en nombre des jeux « narratifs », c'est-à-dire avec une suite de niveaux différents s'enchaînant les uns après les autres et non pas un challenge typé « arcade des premières heures » où l'on joue, encore et encore, à la même séquence avec une difficulté accrue. De ce point de vue-là, donc, les jeux Nes se démarqueraient largement de ce qui a été fait précédemment.
La seconde, c'est que cette difficulté irait décroissante après la Nes. Cette notion peut, quant à elle, se défendre plus ou moins en considérant que les jeux proposés, le plus souvent, ne proposaient pas de méthode de sauvegarde ou, encore, de mots de passe, de cheats ou de « mode facile » ce qui obligeait, ainsi, à les compléter d'un seul tenant. Même un jeu comme Super Mario Bros 3, qui n'est pourtant pas réputé pour être particulièrement ardu, devient délicat à finir d'une seule traite, du moins si on ne sait atteindre les warp-zones. Enfin, que cette difficulté est identifiée et reproductible, à tel point que certains jeux récents ou indépendants sont qualifiés parfois de Nes Hard : le terme a en effet été utilisé pour décrire des titres comme Battle Kid, Super Meat Boy ou même Dark Souls.

Battle Kid et Super Meat Boy.

Cette terminologie, cependant, n'est apparue que récemment, avec le recul des années et la constatation faite, à tort ou à raison, que les jeux sortis à compter, dirons-nous, de la Playstation ont tiré leur difficulté vers le bas ; et elle s'est construite par l'intermédiaire d'un certain nombre de jeux, découverts ou redécouverts au moment où l'émulation battait son plein et que les joueurs écumaient les romsets pour revenir vers leurs souvenirs d'enfance ou découvrir des perles oubliées.
Ces jeux dits NES hard peuvent être divisés en deux catégories. Il y a les « injustes », qui sont difficiles pour le plaisir d'être difficiles : ils peuvent être injouables (Dr Jekyll & Mr Hyde), vous privent de continue (Dick Tracy), ne vous donnent qu'une seule vie (Double Dragon 3) ou vous tuent en un seul coup (Silver Surfer). Cette catégorie ne nous intéresse guère, aussi j'y passe rapidement : force est à parier qu'à part pour les joueurs qui se font un point d'honneur à tout essayer, ils finiront par être oubliés. La deuxième catégorie, qui nous regarde davantage, sont les jeux « intenses ». C'est-à-dire qu'ils sont jouables, parfois même assez jolis au regard de la console, vous offrent des continues, des vies supplémentaires, des barres d'énergie et la possibilité de reprendre la partie grâce à une sauvegarde ou un mot de passe mais, en contrepartie, leur complétion demande énormément de maîtrise du pad, une faculté de mémorisation hors normes, un peu de chance et beaucoup, beaucoup de temps devant soi. Les plus connus seraient sans doute les Megaman, Ghosts'n Goblins, Mr. Gimmick (qui commence à être de plus en plus cité, j'en suis heureux) et Battletoads.

Mega Man et Mr. Gimmick.

Curieux jeu que ce Battletoads. Très curieux, même. Il a un statut étrange, entre le chef d'œuvre reconnu de tous, la perle rare que l'on se plaît à redécouvrir tous les cinq ou six ans et l'inconnu au bataillon, malgré plusieurs suites et adaptations directes sur Game Boy, Megadrive, Snes, Game Gear ou Arcade. Battletoads fascine à plusieurs niveaux, avec raison sans doute, mais il a tout du cadeau empoisonné : et si lors des premières minutes de jeu l'on ne peut s'empêcher de se demander pourquoi tout le monde ne cite pas ce jeu aux côtés des Zelda, des Mario et des Ninja Gaiden dans le panthéon de la console, une fois arrivé au troisième niveau on comprend mieux pourquoi. Et, de rage, on s'efforce de l'oublier avant de se faire avoir une autre fois, quelques années plus tard.

Ben, il est super bien ce jeu, je vois pas ce qui... AAAAH, la souffrance, la souffrance !

Let's get mad, bad and crazy, 'Toads!

Recentrons-nous un instant. Sorti en 1991 sur Nes, à une époque où le monde entier regardait déjà du côté des 16-bits et issu des cerveaux dérangés de Rareware, que l'on ne présente plus, Battletoads avait à l'époque produit son petit effet. Bien avant le succès de Donkey Kong Country et leur reconnaissance mondiale avec la N64, le développeur avait déjà été à l'origine de plusieurs grands succès sur Nes avec des titres comme la série des Wizards and Warriors, Snake Rattle'n Roll ou encore RC Pro-AM même s'il n'existait pas encore, à l'époque, l'étiquette « Rareware » accolée, de façon bien visible, sur la boîte du jeu.
De là, Battletoads a bénéficié d'un soin à présent attendu de la part de la maison, chose se ressentant à la fois sur les plans techniques (le jeu peut sans sourciller rivaliser, sur certains points, avec les premiers jeux Snes, mais je viendrai à cela dans un instant) et sur celui du gameplay, proposant une variété de situations et d'épreuves qui rendraient jaloux Yoshi's Island lui-même. Il est heureux d'ailleurs que l'émulation, notamment par l'intermédiaire des save-states ait pu permettre aux joueurs de parcourir le jeu de long en large car une telle densité était, et est encore rare dans un jeu vidéo.

Deux niveaux consécutifs. J'aime ça !

C'est à cause de cela, notamment, qu'il est compliqué de classer de façon absolue le jeu et de le faire rentrer dans une case précise. Si on le considère généralement comme un beat'em all - ce que le crossover avec Double Dragon et la version arcade semblent indiquer par ailleurs -, seuls quelques niveaux et, plus précisément, quelques sections au sein de ces niveaux relèvent clairement de cette catégorie. Le reste du temps, c'est plutôt à un jeu de plateformes auquel nous avons affaire, mâtiné d'un jeu de course comme vous le verrez quand je m'attarderai sur les différents mondes. Battletoads, en soi, est sa propre et meilleure définition tant il me paraît difficile de lui trouver un équivalent, indépendamment de ses suites. Je ne prétends pas tout connaître mais, très sincèrement, je n'arrive pas à me représenter un autre jeu au feeling similaire.
Ce qui est certain, en tous cas ce que l'on peut arguer, c'est que le jeu semble s'inspirer de la formidable popularité des Tortues Ninjas, puisqu'il met en scène des animaux humanoïdes aux capacités surnaturelles naviguant dans un monde marqué par la haute technologie. Cependant, si les tortues explorent « notre » monde et la ville de New-York, Battletoads préfère jouer la carte de l'univers parallèle. Le manuel du jeu stipule en effet qu'à l'origine, les BattleToads étaient des êtres humains, plus précisément des informaticiens. Ils se sont retrouvés « coincés » dans un monde de jeu vidéo et se sont alors confrontés à la Dark Queen qui a juré leur perte à tout jamais : en effet, ils ont joué malgré eux un rôle décisif lors d'une guerre interstellaire l'opposant à un débonnaire empereur, dont la fille avait été enlevée par la susnommée. Tandis que Rash, Zitz et Pimple (ou, dans la langue de Molière, « Éruption cutanée », « Grain de beauté » et « Pustule », bon appétit à tous), les BattleToads en question, rentrent mettre la princesse en lieu sûr, la Reine Sombre l'enlève ainsi que Pimple dans son gigantesque vaisseau spatial, le Gargantua, qui atterrit alors sur la planète Ragnarok. Ce sera donc à Zitz et Rash, aidés par le Professeur T.Bird, leur mentor, d'aller les secourir.

Nos héros, et le SS Vulture, leur vaisseau.
Le professeur T.Bird et la Dark Queen, qui est sans doute l'une des femmes les plus sexys du monde du jeu vidéo.
Are you a bad enough toad?

The Dark Queen don't surf !

Si l'introduction du jeu présente donc trois grenouilles, le joueur ne pourra diriger que Rash (joueur 1) ou Zitz (joueur 2) au cours du jeu. Contrairement à Pimple qui est la plus musclée du trio, ceux-ci sont assez fluets bien qu'ils sachent se défendre : étant des grenouilles, ils sont capables de faire des bonds prodigieux (avec le bouton A) et distribuent à qui mieux-mieux des torgnoles à tout ce qui bouge (bouton B) : pour l'occasion, et avec le prétexte de la « réalité virtuelle », leurs membres se transforment totalement, leurs poings deviennent énormes, leurs pieds deviennent des bottes lourdes et lorsqu'ils donnent des coups de boule, des cornes de bouc leur apparaissent. De là, battre les ennemis se fait particulièrement jouissif tant la violence des coups apparaît à l'écran : et les pauvres hères se font expulser manu militari, se déglinguent ou s'enfoncent dans le sol meuble avant de se faire houspiller la face.
Il faut noter également que les coups que porteront les Battletoads diffèrent en fonction de l'ennemi rencontré et de la situation dans laquelle ils se trouvent, astuce élégante pour diversifier le combo de base qui, quant à lui, ne varie que rarement (une série de coups rapides suivie par un coup plus puissant). Enfin, les 'Toads peuvent saisir quelques objets, soit pour s'en servir comme arme de proximité ou pour les balancer ci et là (bouton B), et empoigner leurs ennemis pour les balancer (bouton A et B simultanément), action qui peut s'effectuer, également, sur son partenaire... Car oui, hélas et malheureusement, les deux joueurs peuvent mutuellement se faire du mal et se mettre KO. Ce n'est qu'un des nombreux éléments qui rendent le jeu incroyablement difficile, même pour les standards de l'époque.

Quelques exemples de la panoplie de mouvements des Toads et les déformations qu'ils subissent. Tirer la langue permet d'avaler des mouches pour regagner de la vie à certains endroits des niveaux. Vous pourrez noter que la dernière image, qui renvoie à la réaction des 'Toads face à l'apparition d'un boss fait écho à la réaction de Diddy et Dixie face à la même situation dans Donkey Kong Country 2.

Le jeu est composé de douze niveaux, tous distincts les uns des autres, et d'un combat contre la Dark Queen. Il est possible de répartir les niveaux en trois catégories, chacune ayant ses propres règles :

  • Les niveaux de beat'em all à proprement parler, où il faut tuer tous les ennemis à l'écran pour progresser. Ce sont les niveaux 1 (Ragnarok's Canyon), 2 (Impact Crater) et quelques bouts localisés des niveaux 3 (Turbo Tunnel), 5 (Surf City) et 7 (Volkmire's Inferno). Ici, les Toads réapparaissent au même endroit s'ils perdent une vie et peuvent circuler autant sur un plan en deux dimensions qu'en profondeur, comme dans Double Dragon.
  • Les niveaux de plateformes, où l'accent est mis sur l'esquive et l'agilité. Ce sont les niveaux 4 (Arctic Caverns), 6 (Karanth's Lair), 8 (Intruder Excluder), 9 (Terra Tubes) et 12 (The Revolution). Ces niveaux possèdent des checkpoints (deux ou trois selon le niveau), et les Toads réapparaissent à ceux-ci en cas d'erreur. Dans le niveau 12, il faut se débarrasser des ennemis présents pour pouvoir progresser mais les 'Toads ne peuvent circuler que sur un plan en deux dimensions, comme dans les autres niveaux de cette catégorie.
  • Les niveaux de course, où il s'agit, parfois en complément d'une section de beat'em all, de foncer à travers le niveau en évitant les obstacles. La moindre erreur ou imprécision est fatale. Si ce n'est pour le niveau 11 (Clinger Wingers) qu'il faut faire en une seule traite, ces niveaux sont découpés en trois sections ou plus, le début de celles-ci faisant office de checkpoint. Ce sont les niveaux 3 (Turbo Tunnel), 5 (Surf City), 7 (Volkmire's Inferno), 10 (Rat Race) et 11. Les niveaux 3 et 5 se déroulent autant en longueur qu'en profondeur, les niveaux 7, 10 et 11 uniquement sur un plan horizontal.

À côté de cela, la plupart des niveaux (sauf les mondes 2, 3, 4, 6, 7 et 9) se terminent par un combat contre un boss, qui fait aussi office de point de contrôle : mourir face à lui n'entraîne aucune pénalité du moment que l'on a des vies.

Deux exemples de boss. Bizarrement, et à part pour The Dark Queen, leur design ne me plaît guère.

Le joueur possède, à côté de cela, trois continues (en utiliser un remet le score à zéro et ramène le joueur au début du niveau en cours, bien évidemment) et débute l'aventure avec trois vies (symbolisées par des cœurs). Les vies se gagnent en collectant les objets « 1up » dissimulés ci et là et à chaque palier de 100 000 points franchis. Même si le jeu n'affiche que cinq cœurs en haut de l'écran, le jeu garde en mémoire jusqu'à neuf vies au maximum ; cependant, à part à un ou deux endroits précis du jeu (dans Impact Crater et Surf City), il n'existe pas à ma connaissance de moyens d'en gagner facilement. Enfin, les Toads possèdent jusqu'à six points de vie, symbolisés par de petits carrés. Si cela semble suffisant, il convient de se rendre compte qu'énormément de pièges sont mortels au contact (comme les pics, le gaz ou les canards en plastique... hé oui) ou enlèvent une moitié de barre de vie d'un seul coup (comme l'électricité ou certaines attaques de boss). Compte tenu, du reste, qu'il n'y a aucune frame d'invincibilité après un choc (uniquement après la perte d'une vie lors d'un niveau beat'em all ou d'un combat de boss), il est très fréquent de mourir en un clignement de cil car l'ennemi, ou l'obstacle, nous aura touché deux fois de suite sans que l'on ne puisse rien y faire.
Ainsi, incidemment aux nombreux obstacles propres à un jeu de plateformes classiques (gouffres sans fonds, pics mortels...), ce paramètre le colore d'un petit aspect die'n retry qui rappellera sans doute des bons souvenirs aux férus du micro qui suivent Rare/Ultimate Play the Game depuis leurs débuts mais qui fait résolument office d'hapax dans la ludothèque Nes du début des années 1990.

Et une vie en plus, une ! À droite, il faut faire rebondir les corbeaux contre le mur pour engranger des points et donc des vies.

Keep a cool head and you'll be okay!

Mais si le jeu fait également figure d'hapax, c'est aussi concernant ses aspects plus techniques. Il n'est pas peu dire que Battletoads fait partie des jeux les plus beaux de la Nes, pas tant sur le plan purement esthétique je pense - Mr. Gimmick, encore une fois, est largement plus coloré et sympathique à l'œil - mais bien sur le plan de l'esbroufe : de la même façon que Donkey Kong Country criera à la face du monde sa beauté « m'as-tu-vu », Battletoads est un déluge d'effets pyrotechniques et de prouesses graphiques et serait à la Nes ce que Michael Bay est au cinéma.
Que ce soit du point de vue de l'animation, d'une fluidité et d'une rapidité exemplaire sans le moindre ralentissement visible à l'écran, et ce concernant autant les décors que les ennemis qui se déforment et hurlent sous les coups, que des décors, riches de nombreux effets tel le dernier niveau, The Revolution, où les 'Toads tournent autour d'un gigantesque pilier ou du moins, nous semble tourner car tout est toujours affaire de point de vue, il y a dans ce jeu une véritable maîtrise du hardware et même parfois des idées formidables qui méritent que l'on s'y arrête. Pour un peu, l'on croirait même voir du Mode 7 ou de la 3D avant l'heure ; Snake Rattle'n Roll nous avait certes déjà fait connaître les joies de la 3D isométrique, mais Battletoads inaugure réellement, en ce sens et selon moi, la débauche que seront les DKC. La musique, de même, n'est pas en reste : ce sera ici David Wise, que l'on ne présente plus, qui se charge de la composition et ses pistes sont longtemps restées en mémoire, dynamiques ou au contraire oppressantes. La bande originale fait figure de chef d'œuvre et il arrive très régulièrement qu'on l'entende ci et là dans les vidéos émaillant l'internet tant elle sait donner du peps à tout ce qu'elle touche.

La vitesse d'animation, la rotation... Un vrai travail d'orfèvre.

Holy Hip-hop,'Toads!

Malheureusement, mais c'est aussi l'une des marques de fabrique de Rare, le jeu souffre de limitations et d'approximations dans le gameplay en lui-même. Les hitboxes des 'Toads ou des éléments du décor sont parfois délicates à distinguer, ce qui rend certains combats ou certains sauts incroyablement difficiles à réaliser ; il arrive fréquemment de tomber de l'espace de jeu par accident, sans pour autant qu'il n'y ait de trous à cet endroit précis ou même de passer à travers les murs ou les plateformes ; enfin, il y a ici et là quelques bugs qui peuvent soit jouer à votre avantage, en vous permettant de finir un niveau plus rapidement, soit vous bloquer définitivement. Par exemple, il était impossible, en version américaine, de finir le jeu en mode « deux joueurs », puisque le joueur 2 ne pouvait pas terminer le niveau 11 et accéder au niveau 12 ; fort heureusement, l'erreur a été corrigée en version européenne.
Mais finir le jeu à 2 joueurs, même si, théoriquement, cela devrait être bien plus simple que tout seul, est une sinécure tant l'exercice même frôle l'impossible. Si, à deux joueurs, les phases de beat'em all deviennent un vrai plaisir (on peut même jouer au tennis avec les boss en se les envoyant à grands coups de poing, sans qu'il ne puisse toucher le sol), il est cependant malheureux de constater que lors des niveaux de plateformes ou de courses, si votre partenaire échoue, ce sont les deux joueurs qui reviennent au checkpoint. Du reste, si l'un des compagnons épuise son stock de vies, l'écran de game over s'affiche et s'il utilise un continue, les deux amis repartent au début du niveau... sans que le nombre de vies de l'autre joueur soit remis à 3 ! Pour palier cela, il faut donc que l'autre joueur termine le niveau en cours puis que le second appuie sur « Start » pour revenir dans la partie, ce qui va à l'encontre de toute inclination naturelle... De là, finir le jeu en couple est quasiment impossible. Ajoutez à cela le fait de pouvoir se blesser et de se tuer mutuellement et vous obtenez l'un des rares jeux où avoir une aide physique peut se solder par un désastre virtuel ! La chose est devenue proverbiale : James Rolfe, alias l'Angry Video Game Nerd, consacre un épisode entier de sa célèbre émission sur ce seul point, et le site Screwattack, achevant sa liste des « 10 jeux Nes les plus durs de tous les temps » par Battletoads mettait quiconque au défi de finir le jeu à deux, en récompense de quoi ils offraient l'intégralité des DVDs produits par l'équipe (ce qui représentait à l'époque plus d'une cinquantaine de galettes). Il aura fallu presque 8 mois pour que le challenge soit remporté, c'est vous dire la complexité de l'affaire.

Téléportation ! À droite, le canard-psychopathe... Il n'y en a que quatre dans tous le jeu, mais Dieu qu'ils vous feront pleurer.

Non : Battletoads se joue seul, c'est un duel entre vous et la machine. Certains niveaux sont si délicats que les solutions « officielles », s'entend celles données dans des magazines type Nintendo Power ou que l'on peut trouver sur divers sites recommandent de prendre des warp-zones, dissimulées ci et là et qui vous permettent de sauter un monde à chaque fois, pour finir le jeu. Car même en mettant de côté les « errances » de gameplay dont je faisais état à l'instant, le jeu est difficile. Très difficile. Pas insurmontable, certes : mais cruel. La difficulté, il faut le dire, ne tient pas aux phases beat'em all, mais bien aux phases de plates-formes et de courses. Dans ces deux cas, il faudra bien plus que des réflexes, il faut de la patience et de la mémoire. La plupart du temps, l'obstacle ne peut être surmonté à moins de prédire son existence ; et si l'on arrive, au bout d'un moment, à « sentir » le level-design et à prédire l'arrivée et de tel ou tel élément, on finit toujours par se faire avoir.
Je pense sincèrement que la musique a ici un rôle à jouer : alors qu'elle nous pousse constamment à la vitesse et à l'empressement, il faut apprendre à observer, à temporiser, à laisser couler les choses pour ne pas faire d'erreurs. Cela semble contre-nature, mais Battletoads n'est pas Ninja Gaiden, où la vitesse est souvent récompensée ; il s'approcherait plutôt, en esprit, d'un Megaman où l'observation et la maîtrise de l'environnement sont les clés de la réussite.

Se hâter avec lenteur, voici le secret.

Not so fast battlejerks!

Comme je viens de le dire, Battletoads est un jeu difficile. Très difficile. Mais dieu, qu'il sait récompenser vos efforts ! Il n'est pas un seul niveau qui ressemble au précédent, qui n'introduise un élément de gameplay nouveau repoussant toutes vos limites. Un petit tour d'horizon vous en convaincra, je pense...

Petit montage de la carte donnée dans le jeu. À lire de gauche à droite.

Niveau 1 : Ragnarok's Canyon

Le premier niveau du jeu est une véritable promenade de santé. Parmi les choses intéressantes, notons la possibilité de chevaucher une créature volante crachant des boules de feu et un boss sympathique, dont le point de vue se situe dans son cockpit (on voit donc la chose selon une vue se rapprochant de celle d'un fps). Les plus rapides pourront trouver une warpzone vers le niveau 3.

Et l'aventure commence !

Niveau 2 : Wookie Hole

Le deuxième niveau se déroule à la verticale, les héros étant suspendus à des filins. Le niveau n'est pas très compliqué, il faut juste à penser à jouer constamment sur la hauteur pour éviter les ennemis. Si vous êtes bons, vous parviendrez même à jongler avec les corbeaux et à amasser des vies. Vous en aurez vite besoin...

Robots et barrières électriques sont au programme.

Niveau 3 : Turbo Tunnel

Voici le niveau que sans doute la majorité des joueurs n'ont jamais dépassé à l'époque. Si la première partie du stage est une phase de beat'em all classique, il se compose majoritairement d'une grande phase en moto supersonique assez délicate. La moto peut sauter (il ne faut pas hésiter, au cas où) mais il faut surtout éviter des murs de briques, parfois posés devant vous au dernier moment et prendre des tremplins pour franchir de larges gouffres. La dernière section est un cauchemar : vous irez tellement vite qu'il faut être d'une perfection exemplaire, et je veux dire au pixel près, pour réussir. Si vous êtes rapides, vous pourrez prendre la warpzone vers le niveau 5.

Les petits Space Invaders, à gauche, vous volent vos carrés de vie.
Et si foncer à trois-cents à l'heure n'était pas suffisant, que diriez-vous si on faisait apparaître les obstacles au dernier moment, et que les gouffres se succédaient brutalement ? Bienvenue dans l'horreur du Turbo Tunnel...

Niveau 4 : Arctic Caverns

Gla gla ! Ce niveau de plateformes est délicat compte tenu de sa physique particulière. Vous ferez néanmoins de belles batailles de boules de neige avec des bonhommes (de neige), et la warpzone vous conduira au niveau 6. Le niveau n'est pas des plus compliqués cependant, à condition de prendre son temps.

Un niveau « cool »... Vous avez saisi ?

Niveau 5 : Surf City

Vous remplacez les motos par des planches de surfs, et roulez petits bolides ! Rassurez-vous, la chose est nettement plus abordable que le monde 3. En général, un niveau assez aisé.

Un niveau assez complet où l'influence des Tortues Ninjas se fait bien ressentir.

Niveau 6 : Karanth's Lair

Ah, ah. Un conseil : prenez la warpzone vers le niveau 8, et n'en parlons plus.

Bon, parlons-en un peu. Voici le deuxième niveau que les joueurs n'ont pas su passer à l'époque. Dans ce niveau qui doit beaucoup au fameux Snake, les Toads doivent escalader des serpents géants qui errent ci et là dans de grandes grottes tout en évitant les pics mortels. Les bestioles vont très vite, les sauts sont millimétrés, le niveau est une horreur. Pour les imbéciles - oui, il n'y a pas d'autres mots - qui auraient raté la warpzone de la deuxième grotte, sachez qu'il est possible de terminer la quatrième section du niveau assez facilement en évitant de se farcir le chemin programmé par les développeurs. Je continue d'ailleurs à me demander si l'astuce est accidentelle, ou si elle a été voulue de base... Mystère, mystère.

L'horreur, l'horreur... Un conseil : quand vous serez à l'endroit de la dernière image, sautez vers la droite. Vous ne me remercierez jamais assez.

Niveau 7 : Volkmire's Inferno

Vous avez aimé les motos ? Vous avez adoré le surf ? Vous allez hurler de plaisir pour les petits avions ! Cette course vous fera crier de douleur tant il vous faudra être d'une précision exemplaire avec le pad pour se faufiler dans des trous de grandes barrières électriques, éviter un barrage de boules de feu et des missiles téléguidés.

Non mais regardez dans quel trou de souris vous devez passer !

Niveau 8 : Intruder Excluder

Ce n'est pas tant que le niveau est long (la preuve, il n'a qu'un seul checkpoint, si on excepte le combat de boss) mais il peut être retors si on se presse tant les sauts doivent être millimétrés et qu'il ne suffit d'un rien pour tomber dans un trou, se faire aspirer par un ventilateur ou suffoquer à cause du gaz mortel.

C'est là que vous saisirez que l'écran vous suit en montant, mais non en descendant. Autrement dit, une fois qu'une plate-forme sort de votre champ de vision, elle n'existe plus et une chute devient mortelle.

Niveau 9 : Terra Tubes

Voici, en revanche et selon moi, sans doute le niveau le plus compliqué de tous. La première phase de jeu vous demandera d'échapper à de gigantesques roues crantées qui menacent de vous écraser, tandis que la seconde vous fera connaître les joies de l'exploration sous-marine. Malheureusement, la maniabilité ici est on ne peut plus perfectible et il est difficile de nager, d'éviter les pics et les poissons... Sans parler des canards jaunes qui vous tuent en un seul coup et que l'on ne peut détruire définitivement, juste assommer pour un court laps de temps.

Saloperies.

La maniabilité ici est délicate. En bas à droite, les derniers instants du niveau... Attention au canard. Saloperie.

Niveau 10 : Rat Race

Adieux, piètres artifices mécaniques ! Pour courir, rien de tel que ses jambes ! Rat Race vous demande de dépasser à la course des rats qui veulent activer des bombes ce qui signerait automatiquement votre mort. Attention, épreuve plus difficile qu'on ne le croit...

Patience angélique et précision diabolique : voilà vos armes. Le boss est très dur ; s'il vous touche une seule fois, il enchaîne les coups et vous mourrez sans n'avoir rien pu faire.

Niveau 11 : Clinger Wingers

Finalement, les machines, ça a du bon. Chevauchant des sortes de coupe-pizzas (je vois pas trop comment décrire ça autrement), les Toads doivent échapper à une boule à facettes géante (idem) en remontant une piste parfaitement folle s'étendant dans tous les sens. Il ne s'agit ici « seulement » que d'imprimer la bonne direction sur le pad, mais votre délai de réaction doit être exemplaire : sinon, la boule-disco vous écrasera sans même y réfléchir.

Sans dessus-dessous !

Niveau 12 : The Revolution

Enfin. Et ouille. The Revolution ne possède qu'un seul et unique checkpoint, et cela est on ne peut plus dommage. La première partie est assez classique : monter, éviter les obstacles et surtout les rhinocéros qui peuvent vous tuer très facilement. Surtout ne pas oublier, au premier étage, de récupérer la barre en métal.
La deuxième moitié est plus ardue : de gros nuages apparaissent et un souffle vous envoie ad patres, sauf si vous avez l'esprit de rester accroché ci et là. À la fin du niveau vous affronterez la Dark Queen qui, si elle n'est pas le boss le plus dur de l'histoire du jeu vidéo, pourra vous surprendre.

Viva la Revolution...

Come to me now, if you dare!

Ouaip, jeu très étrange que ce Battletoads. Célèbre pour ses graphismes, sa musique et sa difficulté exemplaire. Peu joué, précisément pour ses raisons, enfin, surtout pour cette dernière à dire vrai. Il me semble qu'au fur et à mesure du temps les joueurs reviennent vers Battletoads de plus en plus, qu'on lui consacre, tout du moins, de plus en plus de visibilité.
Les autres épisodes, après les avoir expérimentés, sont plus ou moins du même tonneau bien qu'étant, globalement, bien moins délicats que cette version initiale. Je ne saurai même que trop vous recommander la version Arcade, on ne peut plus amusante à jouer même si je doute qu'elle restera dans les annales du genre. Son animation, cependant et encore une fois, vaut le coup d'œil.

La fin du jeu. La Dark Queen est mignonne en colère, y'a pas.

Battletoads, Battletoads, Battletoads... Quand donc pourrons-nous vous revoir sur nos consoles ? Je sens dans mon ventre comme un sentiment d'acte manqué, d'inachevé, même, que seule une suite pourra guérir. Allez, Rare, vous pouvez bien nous offrir ça, non ?

Go get 'em 'Toads!

Voici le dernier écran du jeu... Vous comprenez un peu pourquoi je parlais « d'inachevé » ?
MTF
(10 décembre 2012)
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