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Nemesis
Année : 1988
Système : Game Boy
Développeur : Konami
Éditeur : Konami
Genre : Shooter

NEMESIS
(Gameboy, 1990)

1990 est une grande année pour le shoot them up. Elle marque, en quelque sorte, le point culminant d'un genre qui, depuis la sortie de Space Invaders en 1980, ne cessera de gagner en popularité.

Longtemps en avance sur les machines de salon, les salles d'arcade exposent avec fierté des monuments tels que R-Type (Irem, 1987) Forgotten Worlds (Capcom, 1988), UN Squadron (Capcom, 1989) ou encore Raiden (Seibu Kaihatsu, 1990).

Très en avance sur son temps, tant au niveau du gameplay que de sa réalisation, R-Type Fut une pierre tournante dans l'histoire du shoot them up. De façon générale, la puissance, remarquable pour l'époque, des jeux d'arcade de Capcom étaient l'objet de tous les fantasmes - par exemple, Forgotten Worlds et son système de visée original faisant de lui un ancêtre des shoots modernes à deux sticks comme Omega Five (Natsume, 2008).
UN Squadron devra attendre la sortie de la Super Nintendo deux ans plus tard pour se voir adapté avec succès sur une machine de salon. Même Raiden qui, en 1990, ne payait pas de mine, se révéla très complexe à convertir du fait de sa grande quantité de sprites affichés simultanément.

De leur côté, les micros peinent à reproduire la beauté et la fluidité hypnotiques de ces mastodontes de puissance mais, avec le temps, parviennent à sortir leur épingle du jeu, faisant fi de leurs limitations techniques grâce à l'usage de lignes de code toujours plus optimisées. C'est ainsi que l'Amiga offrira à ses fans un shoot que beaucoup considéreront digne d'un jeu d'arcade, Battle Squadron (Innerprise, 1989), ou que le ST accueillera avec succès le très impressionnant Xenon 2(Mirrorsoft, 1989), aussi disponible sur la machine de Commodore.

Battle Squadron fut l'oeuvre d'une équipe danoise très talentueuse dont la fibre arcade très développée aboutit un peu plus tôt à Sword of Sodan et Hybris. A droite, Beau comme tous les jeux Bitmap Brothers, Xenon II dissimule hélas assez mal sa lenteur, son manque de fluidité, et la pauvreté de son level design.

Mais c'est surtout du côté des consoles qu'il faut se tourner pour constater à quel point l'écart qui sépare les salles d'arcade du salon devient ténu. Grâce au sang frais qu'apportent les nouvelles consoles, les choses bougent considérablement. Alors que les micros 16-bits les plus populaires en sont grosso modo à leur cinquième année d'existence, la PC-Engine et la Megadrive commencent à peine à cracher leurs tripes, dévoilant un niveau de puissance que l'on aurait eu bien du mal à soupçonner lors de leur sortie. Certes, la PC-Engine avait sidéré les joueurs du monde entier en dévoilant une conversion de R-Type quasiment aussi bonne que l'original dès 1988, mais on était encore loin de la maestria d'un Gunhed(Hudson Soft, 1989) ou d'un Super Star Soldier (Hudson Soft, 1990).

Gunhed et Super Star Solider sont les créations de deux développeurs bien connus des amateurs de jeux d'action japonais : Compile et Kaneko. Gunhed fut souvent qualifié de "jeu d'arcade à domicile" par les journalistes de l'époque.

Il en va de même pour la Megadrive : sortie en 1988, la toute nouvelle console de Sega peine à montrer l'étendue de sa puissance avec des titres comme Thunder Force II (Tecno Soft, 1989) ou Tatsujin (Toaplan, 1989), mais très vite, des petits génies de la programmation parviennent à égaler sans mal les plus belles productions d'arcade au travers de titres aussi grandioses que M.U.S.H.A. Aleste (Compile, 1990), Elemental Master (Tecno Soft, 1990) ou Thunder Force III(Tecno Soft, 1990).

À gauche, Thunder Force II ; à droite, sa suite, sortie simplement un an plus tard. En très peu de temps, les progrès accomplis par Tecno Soft sur Megadrive sont considérables. Le niveau de feu de Thunder Force III reste dans toutes les mémoires.
Tatsujin, aussi connu sous le nom de Truxton, symbolise nombre de shoots verticaux convertis par Toaplan sur Megadrive : une réalisation propre mais sans esbrouffe, et une large bande noire cachant une bonne partie de l'action.
M.U.S.H.A. Aleste est résolument plus moderne : action en quasi plein écran, scrolling à vitesse parfois prodigieuse, effets de profondeur parfois bluffants... Une génération entière semble séparer ce titre du classique de Toaplan.

Dans le domaine du shoot them up, la médiocrité ne semble plus avoir sa place ; c'est désormais l'excellence qui prévaut. Cet état d'esprit n'est pas nouveau chez Konami, où chaque nouveau titre a toujours semblé surpasser le précédent, pourtant déjà excellent. Après Nemesis II et III en 1987 et 1988, c'est Space Manbow en 1989 qui remporte la palme du shoot them up le plus réussi sur MSX. En arcade, Vulcan Venture en 1988 a précédé l'arrivée du très agréable Thundercross et du mythique Parodius Da! en 1990.

Thundercross, un titre passé inaperçu en France mais ayant cartonné outre-Manche (à ne jouer que dans sa version japonaise)...
... et Parodius Da!, qu'on ne présente plus, et qui initia la mode des jeux à tendance parodique et délirante.

La mise sur le marché de la toute nouvelle console portable de Nintendo, la Gameboy, doit être l'occasion pour Konami de démontrer à nouveau tout son savoir-faire. La console n'est qu'une 8-bits ? Elle n'a que quelques mois d'existence ? Qu'importe ! Le premier grand projet de la marque sur la Gameboy devra marquer les esprits par la qualité de sa réalisation et de son gameplay. Très vite, un nom s'impose : Gradius.

Sorti quelques mois avant l'arrivée de Gradius III sur Super Famicom, très librement inspiré des épisodes qui l'ont précédé, Gradius sur Gameboy (qui a repris le nom de Nemesis, question de bien troubler les esprits) n'a pour seul objectif que d'offrir aux possesseurs de la toute nouvelle console portable de Nintendo un shoot'em up digne de ce nom. Les contraintes inhérentes au hardware - processeur 8-bits, résolution graphique faible, écran monochrome - contraignent les développeurs de chez Konami à prendre de nombreuses libertés par rapport à la série, mais l'essentiel est là : le système d'armement est intact, les grandes stars de la saga répondent présents (les Moaïs, le Big Core, la base finale...), et certaines musiques reprennent des thèmes bien connus. En outre, la réalisation (de ce qui s'avère être tout de même une des premières productions de la machine) est exceptionnelle : le graphisme, qui utilise à merveille les quatre niveaux de gris, fourmille de détails ; l'animation ne souffre d'aucun défaut majeur (elle se permet même d'afficher des ennemis de taille très imposante) ; la bande-son, fidèle à la série, est riche et dynamique. Le jeu, lui, se prend très facilement en main : malgré un terrain d'action réduit, tout reste parfaitement lisible. De quoi faire de ce Nemesis la cartouche idéale de démonstration des capacités d'une Gameboy encore balbutiante.

Le tableau n'est toutefois pas totalement rose, le jeu souffrant d'un défaut assez rédhibitoire : il est court, très court. Prévoyez un petit quart d'heure pour traverser ses ses cinq petits niveaux, à la facilité en outre assez déconcertante.

La page d'introduction en met plein les mirettes. C'est fou ce qu'on peut faire avec un blanc, un noir et deux niveaux de gris. Le public de la Gameboy étant potentiellement très jeune, il est possible de commencer sa partie au niveau que l'on désire. Si vous voulez profiter un minimum de cet épisode, optez immédiatement pour le niveau de difficulté no.2.

Niveau 1 - Volcano

L'action débute bille en tête au beau milieu du niveau 1 du jeu d'arcade originel. La musique, identique, nous plonge immédiatement dans l'ambiance. Le nombre d'options maximal est de deux. Les lasers, minuscules, trahissent la faiblesse du hardware. Les missiles, en revanche, sont upgradables deux fois, ce qui est une première dans la série. Le principe sera largement développé dans le futur Gradius Gaiden.

Le niveau 1 se termine par la scène des volcans et l'attaque du Big Core. Le bouclier frontal du Vic Viper (ici dénommé Warp Battler, symbolisant ainsi la distance que prend cet épisode par rapport aux autres de la série) est en réalité l'équivalent du 'Force Field' de Vulcan Venture et Gradius III puisqu'il protège absolument tous les flancs du vaisseau - de quoi largement faciliter la vie du joueur.

Niveau 2 - Biological Area

Sans transition, le jeu enchaîne sur un niveau très organique dans lequel des masses difformes expulsent des nuées de molécules géantes. On croise évidemment dans ce niveau les amibes, éléments récurrents de la série, qui traversent sans la moindre difficulté tout élément du décor. Le décor, justement, tente une incursion dans le domaine de la clautrophobie en divisant par deux la marge de manoeuvre du joueur.

Peu de temps avant la fin du niveau, un mi-boss vient narguer le Warp Battler en lui envoyant des escadrons de petits vaisseaux assez inoffensifs.

Les plantes laissent alors leur place à l'espace, où le thème musical précédant la parade des boss rententit. Une multitude d'ennemis apparaissent de nulle part, fondant sur le joueur.

Cruelle désillusion : la parade des boss n'aura pas lieu. À la place, un boss unique (mais inédit) en forme de moule géante pas fraîche projette des lasers verticaux que les tirs du Warp Battler ne peuvent transpercer. Il faut donc slalomer entre ces lasers pour atteindre l'œil, seul point sensible du boss. Par intermittence, de plus petits ennemis viennent se méler de ce qui ne les regarde pas tandis que la moule effectue une ruade vers l'avant, obligeant le joueur à se déplacer dans un lieu confiné.

Niveau 3 - Moai

Passage absolument obligé de la série, les statues de l'Île de Pâques se montrent tout aussi agressives sur Gameboy. En revanche, lorsque le mi-boss du niveau 2 se joint à la fête, la petite console jette l'éponge et décide de recourir à de très vilains scintillements.

Une étrange boule précède le boss du niveau. Bondissant aux quatre coins de l'écran, elle finit par se diviser en plusieurs petits morceaux. On ne peut pas parler d'imagination débordante. Plus impressionnant que réellement intéressant, le boss proprement dit se contente de projeter une poignée d'étoiles en arc de cercle tout en ruant dans les brancards à la façon de son copain la moule.

Niveau 4 - Wasteland

Ce niveau, qui pourrait s'apparenter au niveau des squelettes de Gradius sur micros 8-bits et PC-Engine, est en réalité un panachage de diverses idées glanées ici ou là. Les têtes squelettiques cèdent en effet rapidement leur place à une pluie de météorites, semblable à celle de Nemesis II sur MSX puis à un réseau de couloirs accidentés qui n'est pas sans rappeler le niveau final de tous les épisodes précédents. Le placement assez vicieux des squelettes oblige à de périlleuses manœuvres. Les plus téméraires pourront même partir à la recherche d'un passage secret dissimulé dans ce niveau.

À la sortie du dédale, deux grosses soucoupes volantes, ressemblant à celles qui ponctuent le niveau 4 de Gradius, bondissent au sol et au plafond tout en arrosant le Warp Battler de quelques balles bien placées.

Puis, le chef de tout ce beau monde fait son apparition. Cette tour gigantesque monte et descend, faisant apparaître des tourelles avides de vengeance, tandis que des silos situés plus bas se chargent de mettre quelques missiles en orbite. Avec son armement au maximum, le joueur n'a en fait rien à craindre.

Niveau 5 - Fortress

L'arrivée dans la forteresse est précédée de la fameuse phase de chauffe dont s'était exempté jusqu'alors cet épisode. À l'intérieur de la base, rien n'a changé. Des tourelles continuent inlassablement de vomir leur bile.

Très vite, les couloirs se rétrécissent, et des blocs de décors lévitent afin de contraindre le joueur à franchir de minuscules passages le plus rapidement possible. Totalement emprunté à Nemesis II, ceci constitue l'unique véritable "difficulté" du jeu.

Sorti sain et sauf de ce traquenard métallique, le joueur se retrouve nez à nez avec un boss final d'une platitude absolue : quelques projectiles de ci de là, une poignée de robots bipèdes, et c'est sans surprise que la machine cède sous la puissance de feu redoutable du Warp Battler. Aucun cerveau décérébré ne fera irruption ensuite.

La base ennemie détruite, le joueur est invité à repartir à l'assaut, à un degré de difficulté plus élevé.

Bilan

Nemesis version Gameboy donne l'impression d'un coup d'essai, certes réussi, mais au goût désagréable d'inachevé. Si chaque niveau se parcourt évidemment avec plaisir, si le jeu a forcément impressionné à sa sortie, il n'est pas certain qu'il laisse une trace indélébile dans l'esprit du joueur actuel. Trop léger en contenu, trop facile, souffrant d'un manque d'inventivité gênant au vu du nom qu'il porte, il aura simplement permis aux équipes de Konami de se faire la main avant de passer à des choses beaucoup plus sérieuses.

Le projet suivant, nettement plus ambitieux, confirmera tout le savoir-faire de la firme d'Osaka. Face au succès remporté par ce que certains appelèrent un simple "brouillon", Konami mit immédiatement en chantier la suite de Nemesis, toujours sur Gameboy.

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