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Gradius III
Année : 1988
Système : Arcade, SNES
Développeur : Konami
Éditeur : Konami
Genre : Shooter

Gradius III - Densetsu kara shinwa e
(arcade, 1989)

Sous-titré De la Légende au Mythe, Gradius III aurait mieux fait de s'intituler De la Légende à l'Oubli. Véritable échec commercial, cet épisode mit prématurément fin à la série dans le monde de l'arcade - pour un temps en tout cas. Deux raisons principales à ce manque d'engouement : la concurrence directe de la suite tant attendue de R-Type, et une difficulté ridiculement élevée. Pourtant, au-delà de ces deux obstacles majeurs, Gradius III présente tous les arguments attendus par les fans : une réalisation qui, bien que vieillissante, ne souffre d'aucun défaut totalement rédhibitoire, et un univers immédiatement reconnaissable, mêlant clins d'œil au passé et idées novarices. Hélas, c'est précisément ce dernier aspect, indispensable à l'unité de la série, qui est la cause de la difficulté excessive de cet épisode : tous les éléments déjà vus dans les précédents épisodes mutent ici en de redoutables pièges à peine franchissables tandis que les nouveautés, imaginatives mais totalement impitoyables (et parfois sans intérêt), profiteront de leur effet de surprise pour définitivement anéantir le moral du joueur. Peu surprenant alors que Gradius III, au final peu inspiré, n'ait pas été exporté hors du continent asiatique.

Les vraies bonnes idées n'abondent pas dans Gradius III. En voici cependant une, qui sera reprise dans bon nombre de titres ultérieurs : non content de proposer au joueur les désormais traditionnelles quatre configurations d'armement en début de partie, cet épisode introduit un "edit mode" permettant de sélectionner, case après case, les armes qui équiperont le Vic Viper. Plus intéressant encore : les armes disponibles dans ce mode sont, pour la plupart, totalement inédites, et pas forcément faciles d'utilisation. Le joueur sera donc confronté à un choix cornélien avant même de débuter sa partie : jouer la sécurité en optant pour l'une des configurations fixes à l'efficacité éprouvée, ou miser sur l'originalité et donc, tirer un trait sur certaines armes à priori indispensables à sa survie.

Notons également la présence d'une case supplémentaire dans l'échelle d'armement : le point d'exclamation qui correspond, dans les configurations initiales, à une bombe détruisant tout sur l'écran. En mode "edit", cette bombe peut être remplacée, entre autres, par un "speed down", parfois utile lorsqu'on a malencontreusement validé trop de "speed up".

Niveau 1 - Sand Storm

Le niveau d'introduction est une transposition de celui de Vulcan Venture dans un décor cette fois fermé et couvert de montagnes sablonneuses. On retrouve donc les longs dragons de feu - ici faits de sable -, accompagnés des traditionnels robots bipèdes et de lions bondissant du sol au plafond. Inutile de préciser qu'en réduisant ainsi l'espace de manœuvre du Vic Viper, le niveau de difficulté a, depuis le précédent épisode, fait un bond en avant gigantesque.

Le boss s'inspire du fourmilion, cet insecte vivant sous le sable, et dont les mandibules acérées déchiquettent la moindre proie engluée dans son trou en entonnoir. Les énormes mandibules s'ouvrent et se referment par intermittence, protégeant le point vital de la bête de façon perfectible. Quelques araignées tissent une toile qui, hélas, n'a aucune incidence sur le déroulement du combat. Ce premier boss est à l'image de l'épisode tout entier : une série de redites maladroitement mêlées à quelques idées nouvelles mal exploitées et donc, sans la moindre espèce d'intérêt.

Niveau 2 - Aqua Illusion

Ce niveau s'adresse à tous les hardcore gamers pour lequels le niveau 3 de Vulcan Venture n'a plus aucun secret. Cette fois, ce sont des bulles qui, à l'image des blocs de cristal du précédent épisode, se divisent en plusieurs bulles de plus petite taille tout en rebondissant les unes sur les autres. L'intérêt ? Rendre la tâche plus ardue, pardi ! Comme le cliché le montre ici très bien, les bulles peuvent atteindre des tailles démesurées, ne laissant au joueur guère d'autre choix que de leur tirer dessus - et donc, de les démultiplier - afin d'espérer trouver un passage où se frayer un chemin. Notons toutefois que, de par leur nature sans doute, les bulles sont bien moins véloces que leurs collègues de cristal ; mais avouons que c'est là une bien maigre contrepartie, d'autant que des tourelles et des générateurs d'escadrilles ne se gênent absolument pas pour arroser copieusement le Vic Viper. De nombreux fans de la série mépriseront Gradius III pour le côté totalement aléatoire et injuste de ce niveau, les rebonds des bulles ne laissant parfois aucune échappatoire.

Pour que la fête soit plus folle, certaines bulles renferment des ennemis qui, une fois libérés, filent droit vers le Vic Viper. Attribuer à l'ennemi des compétences dépendant des actions du joueur est une excellente idée qui sera vite surexploitée, notamment dans la façon dont les boss des shoot'em up à venir modifieront leurs types d'attaques selon leur degré de dommages.

Et Quoi de plus logique que d'affronter le chef des bulles pour clore ce niveau cauchemardesque ? Aucune originalité à attendre en tout cas : les mouvements rapides du boss ont pour simple but d'écraser le Vic Viper tandis que des bulles de taille modérée se divisent puis rebondissent sur les bords de l'écran. Armement maximal hautement conseillé.

Niveau 3 - In the Wind

La traditionnelle "planète à l'envers" gagne en complexité : les plateaux sont plus nombreux, et les tourelles et générateurs d'escadrilles sont placés de telle sorte que le joueur se sente obligé de valider une arme souvent délaissée : le "tail gun". Les volcans sont aussi de la partie, mais là encore, leur positionnement se révèle des plus vicieux : l'étroit passage qui sépare les deux spécimens du cliché ci-dessus ne laisse aucune ambigüité quant à la difficulté de se frayer un chemin au milieu d'une pluie de météores provenant à la fois d'en bas et d'en haut.

Mais le plus drôle est encore à venir. La planète à l'envers recèle ensuite un gigantesque souterrain, dont l'ampleur sera habilement retranscrite par l'usage du scrolling vertical. Ceux qui auront franchi avec succès le labyrinthe de la première partie devront creuser la roche à coups de laser, en prenant garde d'éloigner le plus possible les "options" les unes des autres pour espérer creuser suffisamment large et, ainsi, ne pas filer droit dans un cul-de-sac. Fidèle à la tradition instaurée par le niveau organique du tout premier épisode, le décor destructible ne l'est pas par l'arme à visée verticale la plus facile à obtenir (le missile - comme c'est méchant), et il cache, grande nouveauté à la perfidie extrême, des blocs de roche totalement indestructibles qui, une fois délogés par le tir malheureux du pauvre joueur, viennent s'écraser sur le sol, bloquant ainsi le passage ouvert par ce dernier. S'ensuivent, souvent, morts idiotes, redémarrages très éloignés du lieu du décès, et mots fatalement injurieux.

Comme à l'accoutumée, ce niveau se clôt par l'arrivée d'une multitude de petits volcans volants envahissant progressivement l'écran ; puis, c'est au tour du boss d'entrer en scène. Celui-ci deviendra très vite un classique de la série, tant il concentre tout ce que Gradius a toujours voulu mettre en oeuvre : des ennemis gigantesques aux points faibles multiples dont les capacités offensives restreignent considérablement celles du joueur. Ici, deux épais faisceaux horizontaux enferment le Vic Viper dans un étroit couloir parcouru de salves de laser rebondissant de paroi en paroi. L'effet, saisissant, ne laisse que quelques dixièmes de secondes à Burton pour se placer correctement et éviter le crash.

Niveau 4 - Underground

Ce niveau transitoire est une funeste plaisanterie. Influencé par la mode du bitmap zoomé imposé par les grands classiques de Sega (Space Harrier, Outrun, Galaxy Force II...), Konami a tenté d'adapter le concept à son shoot'em up phare en faisant de cette séquence une sorte de course effrénée le long d'un couloir tortueux, où il est possible de ramasser quelques power-ups. La recette ne prend hélas pas du tout : si le décor défile vite, il se déplace n'importe comment (ouille les virages !) ; les power-ups apparaissent et disparaissent à la vitesse de l'éclair ; aucun ennemi ne peuple la caverne, tant et si bien qu'après les quelques secondes nécessaires à la prise en main du vaisseau, le joueur n'aura d'autre choix que de prendre son mal en patience - la fin de ce bubon dans l'univers de Gradius surviendra bien assez vite. Sans surprise, le concept ne sera jamais repris dans aucun autre épisode de la saga - si l'on excepte évidemment le très confidentiel Solar Assault, le seul et unique épisode de Gradius entièrement en trois dimensions sorti dans les salles d'arcade japonaises en 1997.

Niveau 5 - Easter Stone

Le niveau de difficulté de Gradius III atteint des proportions grotesques lorsqu'arrivent les statues de l'Île de Pâques. Non contentes de profiter de toutes les compétences qui ont fait d'elles les redoutables ennemis qu'elles sont depuis le premier épisode, elles disposent désormais de la faculté du vol. Résultat : d'énormes Moaïs traversent l'écran de long en large, bouchant un peu plus un décor déjà très chargé. Pire : des Moaïs plus petits sont évacués de la gueule des Moaïs volants, appuyant encore un peu plus l'impression de foutoir ambiant règnant dans ce niveau. Paradoxalement, la seconde partie de ce dernier s'avèrera bien plus accessible : des piliers verticaux, couverts de Moaïs, pivotent le long de leur axe. En détruisant les quatre Moaïs d'un même étage, une partie du pilier disparaît, laissant la voie libre au Vic Viper. L'opération est stressante (les tirs pleuvent de toutes parts), mais pas impossible. Les prozacs attendront.

Comme souvent, le boss est précédé d'un sous-fifre, que les amateurs de Parodius reconnaîtront aisément - mais si, souvenez-vous, le pingouin-pirate entouré de sa ronde de sbires ! La voici donc, la source d'inspiration de ce boss mémorable. Rien de bien différent ici : il est possible de détruire les petits Moaïs les uns après les autres, mais la cible à abattre reste le gros, dont la bouche, ouverte par intermittence, est l'unique talon d'achille.

Vulcan Venture mettait Burton aux prises avec trois boss Moaïs ; Gradius III double ce chiffre et rend l'affrontement au moins dix fois plus tendu - la faute à la position des deux têtes les plus en retrait (impossibles à détruire sans tirs arrière) et à l'armée de mini-Moaïs qui, une fois touchés, grossissent trois fois avant de disparaître. La difficulté de la tâche est telle que l'unique moyen de poursuivre son chemin consiste à résister aux assauts répétés des mini-Moaïs et d'attendre, bien sagement, l'auto-destruction des six têtes génératrices.

Niveau 6 - Dead End Cell

Séquence nostalgie avec ce niveau organique, dont le début est la reproduction à l'identique du niveau 5 de l'épisode originel. La suite, plus complexe, s'inspire nettement du premier niveau de Salamander : un décor rosâtre, à la surface duquel traînent quelques tourelles, dresse de multiples barrages dont la destruction passe par l'éradication des grosses boules roses et de leurs bras articulés.

Le nombre de tirs requis pour anéantir une boule rose étant assez considérable, on ne sera pas mécontent de pouvoir franchir certains barrages en se frayant un chemin au travers des murs destructibles, dont la régénérescence rappelle immanquablement Salamander. La plus-value stratégique est immense, puisqu'elle impose de tirer dans ces murs au dernier moment : trop tôt, ces derniers se reforment sur un Vic Viper impuissant. Contraindre le joueur à ne plus tirer alors que tout se déchaîne autour de lui, voilà qui est intéressant.

Ce niveau se termine par un énième hommage à Salamander : le boss ressemble à s'y méprendre au premier boss du spin-off. Ses bras articulés ont disparu, mais sa grande mobilité ainsi que sa traînée fantômatique le rendent bien plus redoutable.

Niveau 7 - Fire Scramble

Le niveau 7 est une redîte de l'horrible niveau 2... en beaucoup plus difficile. Des boules de feu inondent l'écran et se divisent en des boules plus petites, se transformant rapidement en de petites flammes absolument indestructibles. Le décor, qui se résume parfois à d'étroits couloirs, finit de rendre toute tentative d'esquive quasi-impossible.

Le boss prend deux formes successives. La première, un dragon à trois têtes, impressionne plus par sa taille que par sa puissance de frappe. La seconde est une version évoluée du serpent de feu de Salamander : ses deux têtes lui permettent de tirer depuis ses deux extrêmités tandis que le reste de son corps décrit des circonvolutions à même d'emprisonner le Vic Viper dans une aire de jeu extrêmement réduite.

Niveau 8 - Cosmo Plant

Voici un niveau assez constructif dans lequel il est, pour une fois, relativement aisé de survivre. L'originalité du lieu réside dans la présence de bras articulés végétaux possédant la capacité d'interférer sur les déplacements du Vic Viper. Capables de s'étirer grandement, elles dirigent leur extrêmité gluante vers le vaisseau, capturant ce dernier et l'attirant lentement vers leur base. En résulte un combat délicat mais passionnant entre le joueur et les commandes de sa manette, combat qui n'est pas sans rappeler le niveau magnétique "Space Anomaly" de Nemesis III sur MSX. Une réussite, encore inédite en arcade.

Le boss, absolument gigantesque, poursuit sur la même lancée conceptuelle en ouvrant ses larges pétales, puis en aspirant le Vic Viper. Inutile de dire que sans un nombre suffisant de "Speed up"', le pauvre Burton a toutes les chances de se faire avaler tout cru par la vilaine bête.

Niveau 9 - Crystal Labyrinth

Sans aucun doute le niveau le plus novateur de cet épisode, "Crystal Labyrinth" pousse le vice du décor évolutif, si cher à la série, à un paroxysme frisant hélas le ridicule. Imaginez que, alors que vous naviguez tant bien que mal dans d'étroits boyaux couverts de tourelles très agressives, l'ordinateur s'amuse à modifier en temps réel l'architecture des lieux en vous envoyant à la figure des dizaines de pièces de Tetris plus ou moins complexes depuis la droite de l'écran. Délirant ? Oui, car bien que l'idée puisse paraître séduisante sur le papier, elle s'avère, dans la pratique, source de toutes les frustrations : sans une connaissance parfaite du niveau, le joueur lambda n'aura aucune chance de contrecarrer les pièges qui lui seront tendus. À l'instar de nombreux titres concurrents, Gradius III fait hélas la part belle au travers du par-cœur, travers que la saga sera pourtant parvenue à éviter depuis sa naissance.

Le combat contre le boss du niveau est précédé d'une séquence encore une fois inspirée de Nemesis III sur MSX - intéressante donc, mais ici abominable de difficulté. Alors que le labyrinthe cède sa place à l'espace intersidérââl, le scrolling s'arrête, ne laissant que la sortie de labyrinthe visible à gauche. À droite, des petits cubes n'en finissent pas d'apparaître et prennent le Vic Viper pour cible. Problème : en raison de la partie de décor encore visible à gauche, tous ces petits cubes ne disparaissent jamais, s'agglutinant au décor et formant très vite un monticule dont la taille poussera, tôt ou tard, Burton à la faute. Seule une stratégie mûrement réfléchie et un haut degré de finesse dans le déplacement lui permettront de franchir ce redoutable obstacle.

Ainsi, en maintenant une position légèrement fluctuante dans un coin de l'écran, il est possible de former devant soi un véritable mur de blocs sur lequel chaque nouveau bloc viendra buter. Ainsi protégé, le Vic Viper n'a plus qu'à attendre l'arrivée du boss, une version évoluée du Big Core dont les bras articulés viennent enrichir ses possibiltés offensives et défensives.

Niveau 10 - Boss on Parade

La parade des boss débute, comme toujours, par l'apparition soudaine d'ennemis détenant des icônes d'armement. Plutôt que filer vers le Vic Viper, ces étoilespréfèrent tirer dans toutes les directions. Puis déboule le boss du niveau 2 de Salamander suivi de quatre boss tirés tout droit de Vulcan Venture : le boss du niveau 7, celui du niveau 6, celui du niveau 3, et enfin celui du niveau 4, qui était lui-même un boss de Salamander. Chez Konami, le recyclage est tout un art, surtout lorsqu'il est vecteur d'émotions nostalgiques.

La parade se clôt avec l'attaque de cette monstruosité. L'amplitude d'ouverture de ses deux gigantesques ailerons lui permet de couvrir l'écran de lasers. Pire : en jouant sur cette même amplitude, le boss parvient à donner à ses lasers des trajectoires diagonales qu'il est très difficile d'éviter.

Niveau 11 - Mechanical Base

La parade des boss anéantie, l'écran scrolle lentement vers le bas, permettant au Vic Viper d'infiltrer la base ennemie. Surprise donc : la base ennemie n'est plus située dans un gigantesque vaisseau-mère, mais dans les tréfonds d'une planète. Hélas, l'architecture de ce niveau final n'a pas changé d'un iota. Ainsi le décor, toujours constitué de métal, se révèle-t-il tout aussi accidenté et couvert d'ennemis que dans les précédents épisodes . Ce n'est qu'un peu plus tard qu'une originalité, de taille, survient : sans doute en raison de la profondeur des lieux, de fréquentes coupures d'électricité plongent Burton dans l'obscurité la plus totale. La surface des étroits couloirs scintille toutefois légèrement afin de ne pas rendre l'épreuve trop ardue. Ces disparitions, courtes mais répétées, contraignent le joueur pendant toute la première moitié du niveau à faire preuve d'une mémoire immédiate particulièrement aiguisée - compétence rarement mise à profit dans ce type de jeu.

Les sautes de courant terminées, c'est le sol et le plafond qui se désagrègent, puis c'est une armada de canons aux déplacements lents et verticaux qui tentent de stopper la progression du joueur. Les risques de collision contre le décor sont ici importants. Les amateurs de Gradius V reconnaîtront sans doute cette scène.

Puis, sans surprise, les murs prennent vie, d'énormes blocs de métal se soulevant du sol et du plafond. Les mouvements de terrain, plus rapides que dans Vulcan Venture, rendent également la topologie des lieux plus complexe, comme en témoigne l'étroitesse des couloirs ci-dessus. Très vite, des modèles miniatures de l'énorme araignée mécanique vue à la fin de Vulcan Venture tentent de transpercer le fuselage du Vic Viper, obligé de se réfugier dans de minuscules cavités. Ce ne sera pas la dernière fois que cette idée, initiée par Nemesis 3 sur MSX, sera reprise.

Le cauchemar n'en finit pas. Alors que les araignées mécaniques semblaient annoncer la fin d'un niveau déjà trop long, un nouveau piège, d'une totale ignominie, se déploie devant les yeux hagards du joueur. D'étranges faisceaux lumineux, dont l'angle d'inclinaison varie sans cesse, dessinent dans le décor des passages que le Vic Viper devra à tout prix suivre sous peine de destruction immédiate. Cette idée, qui n'est autre que la suite logique de la cage d'acier vue dans le dernier niveau du tout premier Gradius, est ambitieuse, mais manque de lisibilité du fait de la rotation relativement saccadée des faisceaux. La difficulté du passage, déjà fort élevée, s'en voit artificiellement réhaussée - une goutte d'eau dans un vase qui n'a déjà que trop débordé.

Le mur mécanique de Vulcan Venture fait son grand retour, aidé cette fois du sol et du plafond desquels sortent d'énormes colonnes semblables à de gigantesques dents mal aiguisées. Seul un angle mort offrira au joueur son unique planche de salut - triste constat d'impuissance face à une complexité devenue ingérable. Le successeur de la grosse araignée rose est ce robot bleu indestructible dont le déplacement désynchronisé rend la présence de refuges dans le décor quasi-obligatoire - une façon malhabile pour les développeurs d'admettre la difficulté excessive de ce passage.

La suite n'est heureusement qu'une formalité : une fois ces quelques murs organiques franchis, le cerveau de cette gigantesque farce n'oppose qu'une résistance très modérée. Percuter une des boules d'énergie bleue réserve toutefois une bonne surprise, le Vic Viper se trouvant alors téléporté dans le premier niveau de Gradius ou de Salamander !

Sitôt le boss final anéanti, une courte scène de fuite (devenue la norme après la sortie de Salamander trois ans plus tôt) précède la destruction cinématique de la planète des Bactérions. Game over. Et c'est tant mieux.

Rapidement retiré des salles d'arcade japonaises, Gradius III ressortira quelques mois plus tard dans une version un peu plus accessible. L'absence d'une option "continue" continuera toutefois de le réserver à une élite masochiste.

GRADIUS III
(Super Famicom, 1990)

Dans de pareilles conditions, comment l'adaptation de Gradius III sur la toute nouvelle Super Famicom de Nintendo aurait-elle pu créer l'événement ? Ternie par la mauvaise réputation de son modèle d'arcade, souffrant de ralentissements innommables dûs à la méconnaissance de l'architecture de la console, cette conversion dut vivre dans l'ombre de jeux indiscutablement plus réussis comme le génial Super Mario World, le révolutionnaire F-Zero ou encore l'ambitieux Actraiser.

Pourtant, si l'on parvenait à faire abstraction des ralentissements qui survenaient dès l'apparition de 5 ou 6 misérables sprites (!), Gradius III, programmé sur une minuscule cartouche de 512 Ko, avait de quoi rassurer les nouveaux possesseurs de Super Famicom : la palette de couleurs, autrement plus riche que celle de la Megadrive sortie plus tôt, reproduisait à merveille l'apparence des plus grands standards de l'arcade ; la bande son, constituée de mélodies rythmée accrocheuses, ne faisait en aucun cas l'économie des voix digitalisées (une première dans la série) ; et la taille mémoire ridicule de sa cartouche (la plus petite sur Super Famicom, 512 Ko) comparée à la grande richesse de ses niveaux laissait espérer des jeux futurs d'envergure pharaonique.

Mieux : contrairement à son modèle, cette conversion se révélait extrêmement plaisante à jouer, faisant d'elle l'un des meilleurs shoots de la machine. Remaniée dans les grandes largeurs afin de se montrer plus accessible, elle tenait en réalité davantage de l'adaptation : certains niveaux furent modifiés en profondeur voire carrément éliminés, des secrets furent ajoutés, de nouvelles armes furent pensées, et le niveau de difficulté général fut largement atténué afin de proposer un challenge abordable et donc, digne d'intérêt.

Gradius III sur Super Famicom est l'anti-thèse de ce qu'il fut en arcade : un shoot très agréable qui rend hommage à la série.

L'écran de sélection des armes s'est enrichi de quelques cases très intéressantes, comme les fameuses options tournoyantes ou en formation façon Thundercross, ou encore le "megacrush", une smart bomb utilisable à tout moment.

Malgré ses ralentissements permanents, Gradius III parvient à afficher sans mal d'énormes sprites aux nombreux dégradés de couleurs. Idem pour ce qui est du nombre de sprites affichables simultanément, le niveau des bulles (sublime) remportant la palme du tableau le plus potentiellement chargé.

Parmi les nombreux changements opérés dans cette adaptation, ces deux robots remplacent avantageusement celui qui officiait à la toute fin du jeu (notez la disparition des cavités malhabiles dans le sol et le plafond), et le niveau 6 de l'arcade devient le dernier niveau de cette très belle conversion.

Il faudra attendre la sortie du frénétique Super Aleste en 1992 pour être tout à fait rassuré quant aux capacités de la Super Famicom à animer de très nombreux sprites sans le moindre ralentissement.
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