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Folklore
Année : 2007
Système : Playstation 3
Développeur : Game Republic
Éditeur : Sony
Genre : Action
Par Tama (29 mars 2017)

Bouclez vos valises et sortez les trèfles à quatre feuilles : aujourd’hui on part en Irlande ! Un pêcheur bourru avec un accent à couper au couteau nous fera un peu de place sur son bateau de pêche, il faudra se serrer un peu pour ne pas passer par dessus bord, et il y aura du grain, pour sûr. Soyez assurés que le voyage sera court mais intense. On aura l’occasion de croiser des fées et autres leprechauns sur le chemin, et peut-être même de mystérieuses selkies dansant sur les rivages. Si vous êtes attentifs, ces créatures légendaires vous conteront maintes histoires... celle d’un jeu vidéo unique cherchant désespérément à plaire au plus grand nombre ; celle d’un studio aux abois ; celle d’une jeune fille à la recherche de son passé et d’un journaliste en manque de scoop ; celle du jeu vidéo japonais, de son déclin annoncé : et enfin celle d’une presse vidéoludique à côté de la plaque.

Qui aurait cru qu’un pays aussi proche de nous pourrait nous raconter de telles histoires ?

Car Folklore, c’est avant tout l’histoire du studio Game Republic. Fondé en 2003, il est le résultat d’une série de différends entre Capcom et Yoshio Okamoto, un de ses designers vedettes qui décide de quitter le navire pour naviguer en solo. Okamoto est loin d’être un inconnu dans le milieu du développement car il est le créateur de titres cultes comme Time Pilot et Gyruss pour Konami, et a produit Street Fighter II et Final Fight pour Capcom. Ce départ, venant de la part d’une pointure pareille, ne peut vouloir dire qu’une chose : il sent que l’on bride sa créativité. Game Republic naît donc de cette volonté d’indépendance et de nouveautés, et leur premier jeu est inattendu puisqu’il s’agit... d’un jeu de société ! Shadow Hunters, une sorte d’évolution logique des Loups-garous de Thiercelieux où deux équipes s’affrontent à visage caché, sort en 2005 et surprend tout le monde. Il sera édité plus tard chez nous par les Éditions du Matagot, et remportera un succès tout à fait mérité.

Je ne peux que vous recommander Shadow Hunters, un jeu vraiment génial qui tourne souvent lors des soirées jeux de société. Le fait de devoir cacher son identité pour éviter d’être tué par l’équipe adverse est jouissif au possible !

A ce moment-là, Okamoto cherche à revenir dans le jeu vidéo, mais ne sait pas encore comment s’y prendre. Un premier essai avec Genji, Dawn of the samuraï lui laisse un avant-goût doux-amer, le jeu recevant un accueil mitigé... Il persévère néanmoins avec une autre tentative dans le party-game pour Microsoft avec Every Party, puis un RPG tiré d’une licence manga sur PSP, Brave Story : A New traveler, et une suite à Genji, intitulée Days of Blade. Mais c’est en 2007 qu’une occasion inattendue se présente du côté de Sony. La PS3 cherche à se démarquer de la Xbox 360, et un des arguments avancés est la présence du Sixaxis, technologie présente dans les manettes Dualshock 3 et permettant une reconnaissance des mouvements – inspirée bien sûr du succès foudroyant de la Wii. Mais pour que le Sixaxis décolle, il faut des jeux ! Plusieurs studios se lancent dans la brèche, et Game Republic en fait partie. Hors de question de louper le coche, et le studio japonais a décidé de surprendre tout le monde en associant le Sixaxis aux légendes celtiques...ainsi qu’à Pokémon.

Car Folklore est une créature protéiforme et difficile à appréhender, une sorte de bestiole inquiétante en apparence mais pleine de charme, qui se trouve à la croisée de plusieurs inspirations ludiques et esthétiques, et dont le métissage constitue à la fois sa force et sa faiblesse. On y suit le récit contemporain de deux personnages qui vont se retrouver à Doolin, petit village irlandais isolé sur une île au large du pays. Ellen est une jeune femme orpheline qui reçoit un beau jour une lettre de sa mère, pourtant décédée, l’enjoignant à venir sans attendre à Doolin sur la "Falaise des Sidhe". Keats, lui, est reporter et responsable éditorial d’une feuille de chou de troisième zone sur le paranormal, Les Royaumes Inconnus. Alors qu’il se questionne une énième fois sur la pertinence de traiter un tel sujet alors que la science fait toujours plus reculer l’inconnu à chaque seconde, il reçoit un appel téléphonique d’une femme. Effrayée, elle jure qu’une "Faerie" essaie de la tuer à Doolin. Même s’il pense à un canular, Keats voit sa curiosité piquée au vif et décide de se rendre sur les lieux.

C’est ainsi que vont se retrouver Ellen et Keats, deux êtres que presque tout oppose, alors qu’une femme meurt sous leurs yeux au bout d’une falaise. Isolés par une météo empêchant le retour en bateau, ils sont contraints d’élucider ces mystères. Qui les a appelés, et pourquoi ? La nuit du Samain, la fête de l’hiver chez les Celtes et porte d’entrée vers l’au-delà, semble être au centre de tout. Le joueur va plonger dans le passé tumultueux de Doolin, bercé entre exploration, enquête, combats et ambiance féerique.

Car l’esthétique – visuelle comme musicale – est ce qui frappe en premier chez Folklore. Le jeu est de prime abord très beau, la majorité des paysages semble tout droit sortie d’un livre de contes pour enfants. Les couleurs sont chatoyantes et vives, comme si elles pouvaient exploser à tout moment, et ce même dans les environnements ternes où l’on jurerait pouvoir palper leur ambiance morne. La musique accompagne l’image avec des morceaux essentiellement composés d’instruments à vent et à cordes, avec quelques touches de piano, qui aiment faire des allers-retours entre les émotions paisibles et inquiétantes. Le jeu s’amuse souvent à passer de l’un à l’autre de manière très brutale, provoquant la surprise et le malaise, rappelant que les lieux que l’on visite n’ont rien de normal. Car si l’action se passe dans un village irlandais, on passera moins de temps dans les pubs ou l’église abandonnée que dans les royaumes imaginaires ! Très vite, à la suite d’un élément déclencheur de nature magique, Ellen et Keats vont obtenir le pouvoir de voyager dans le Netherworld, la Terre des Morts, où habitent les Folks, les créatures issues du Folklore irlandais.

Il est possible de changer de tenue, afin d’obtenir des bonus minimes. A noter que le niveau de la Cité Engloutie arrive juste après Warcadia, le monde de la guerre entièrement rouge-marron. Quand on parlait de changements d’ambiance brusques...

C’est dans ces mondes que se déroule le cœur du jeu et de l’histoire. Folklore se présente comme étant un beat’em all en 3D, dont le but va être de compléter six mondes afin de résoudre les mystères du village. Et là intervient le premier métissage : afin d’attaquer, nos deux personnages ne vont pas se salir les mains, mais capturer des Folks pour les faire combattre à leur place. Si le premier Folk est gracieusement offert, les suivants devront être vaincus et absorbés, et ce sans les tuer afin de les ajouter à son répertoire. Chaque Folk obtenu peut être assigné à une des quatre touche de façade (Triangle, Carré, Croix et Rond) via une interface rapide sur la touche L2. Si on a un verrouillage des ennemis avec L1, une esquive avec R2 et un recentrage rapide de la caméra avec L3, pour le reste on configure ses attaques, et donc son style de jeu, comme on l’entend.

Les Folks peuvent également être améliorés, en respectant des conditions décrites dans le menu qui leur est dédié via la touche Start. On peut vous demander de battre (de les tuer, et non capturer) un certain nombre de Folks avec lui, d’en capturer, de lui donner certains objets... Tout ceci pour augmenter sa puissance d’attaque, le nombre de coups qu’il délivre dans un combo, le nombre de projectiles qu’il lance, réduire sa consommation de magie – placée sous votre barre de vie, elle agit comme de l’endurance -, etc. Ce n’est pas du tout obligatoire ceci dit.

Mais avant de penser à les entraîner, il faut les capturer...et c’est là que le Sixaxis rentre en scène. Chaque coup délivré sur un Folk alors que celui-ci est sensible aux coups fait sortir son "Id", une ombre de lui-même, colorée en bleu. Quand son état de santé est suffisamment bas, il devient rouge : c’est le signal pour appuyer sur R1 et bouger la manette. Un Folk normal ne vous demandera qu’un coup sec vers le haut pour le forcer à vous rejoindre ; les autres exigeront des commandes plus complexes, expliquées via un didacticiel in-game, et qui répondent à un code couleur strict. Ne secouer la manette que quand l’Id s’agite par exemple, ou le faire percuter le sol en alternant droite ou gauche, ou même en tentant de maintenir l’équilibre au centre, les commandes sont assez variées et le Sixaxis répond très bien, faisant de ces passages des moments très tendus. Les boss eux-mêmes s’amusent à changer de style de capture en plein milieu, il faut suivre les changements de couleur pour ne pas se faire avoir !

Les Folks se divisent aussi en plusieurs catégories précises et agissent de manière très variée : certains attaquent directement, d’autres vous protègent, lancent des projectiles, chargent un assaut, peuvent vous laisser libres de vos mouvements ou non... Il y en a suffisamment tout au long du jeu pour que n’importe qui puisse trouver chaussure à son pied, surtout que ce type de gameplay se prête bien aux expérimentations.

Le menu rapide avec L2 est vraiment instinctif et met le jeu en Pause, vous permettant de changer la configuration des Folks comme bon vous semble. Le choix de les améliorer ou non vous appartient : c’est rentable mais assez répétitif à la longue...

De plus, cela recoupe directement avec la structure du jeu. Folklore vous propose de jouer Ellen et Keats en alternance, chacun vivant l’aventure et explorant les mystères des mondes de leur côté. Il n’est possible de changer de personnage qu’une fois un chapitre terminé (il y en a sept, le dernier fait rejoindre les deux protagonistes), et on doit le faire avec les deux pour pouvoir finir le jeu. Ellen et Keats se jouent très différemment. La plupart du temps, ils capturent les mêmes Folks mais ceux-ci n’agissent pas de la même façon ; de manière générale, Keats est très frontal alors qu’Ellen aime agir en décalé, laissant ses Folks faire leur travail. Là où cela devient fascinant, c’est que ces différences de gameplay leur vont comme un gant et reflètent leurs personnalités et leurs buts respectifs ! L’une n’aspire pas à la violence mais ne fait que chercher son passé perdu, l’autre n’est là que pour le rush d’adrénaline et la découverte d’inconnu. Il est très dommage que cet écart de styles a fait dire bien des erreurs, notamment que Keats serait meilleur – rigoureusement faux, Ellen n’a rien à lui envier.

Cette structure séparant les deux personnages se retrouve aussi dans la progression au sein même d’un chapitre. Le jeu sépare le jour et la nuit, on passe de l’un à l’autre en dormant dans le repaire des personnages, ou en sortant du monde en cours via un point de sauvegarde. Le jour, il n’y a jamais de combats et est dédié à la recherche d’indices ; la nuit, les mondes parallèles s’ouvrent via des portails très stylisés. Le découpage d’un chapitre est généralement identique de l’un à l’autre : on commence par chercher des indices, surtout un souvenir d’un mort pouvant faire office d’offrande, puis on va sur les lieux du décès afin d’ouvrir le portail. A partir de là, on laisse libre le joueur d’avancer dans le monde, de prendre des quêtes annexes au bar du coin (selon qu’il fasse nuit ou jour, elles ne sont pas les mêmes), d’aller chercher des Folks en dehors du chemin balisé ou qu’il aurait oublié de prendre, ou de les améliorer.

Folklore est un jeu qui se tient constamment sur le fil, en équilibre précaire entre ses moments d’action, de recherche et de contemplation, un équilibre qu’il ne parvient à atteindre que par à-coups. C’est un des soucis des mélanges des genres et le jeu n’est pas toujours à l’aise dans cet exercice, parfois il va trop vite et parfois il accuse de sérieux coups de mou... Au final, il est vraiment à son meilleur quand il laisse le joueur faire comme il veut, et dans ces nombreux moments-là il marche terriblement bien !

Bargest est un des premiers mid-boss du jeu, un adversaire costaud et un Folk très utile tout au long du jeu, que ce soit avec Ellen ou Keats. L’occasion de vous familiariser avec le système d’éléments, puisqu’il est insensible aux attaques normales...

D’autant qu’il fait un réel effort pour que chacun de nos actes fasse sens. Les quêtes annexes en sont le meilleur exemple, car même si elles ne sont pas nombreuses, elles sont très bien intégrées et participent pleinement à l’intégration du joueur dans cet univers onirique. Un jour, il vous faut convaincre une banshee d’effrayer à mort un pilleur de tombes, un autre trouver l’origine de voix mystérieuses au fond de l’océan, retrouver un gosse perdu dans le monde des morts, aider un soldat à fuir les bombardements ennemis au front, ou même arranger un rencard pour un Folk trop timide ! Ces différentes missions, bien payées mais parfois barbantes, apportent toutes un nouvel éclairage sur les mondes et sur l’intrigue.

Seulement voilà, ladite intrigue se retrouve être le point faible le plus évident de Folklore. Elle est très intéressante, mais plombée par plusieurs gros défauts. Le premier vient de l’écriture, qui apparaît assez vite comme assez fade et peine à souligner les personnalités de chacun. Elle manque de pêche, et les phrases s’enchaînent de manière maladroite, il est fréquent que les personnages passent du coq à l’âne en plein milieu d’une phrase.

La narration vient alourdir le constat, le principal problème étant que Game Republic s’est compliqué la tâche pour rien. Le jeu dispose de pas moins de quatre moyens de narration différents pour conter son histoire :
- Les cinématiques.
- Les dialogues normaux.
- Les passages "bande-dessinée".
- Le livre de contes.

Les cinématiques sont d’excellente facture, mais trop rares. Le livre de conte est une trouvaille absolument géniale : chaque monde a en son sein des pages d’un livre éparpillées ça et là, à vous de les trouver. Sur ces pages sont dessinées des Folks et la manière de les vaincre, boss compris, le tout uniquement avec un trait de dessin enfantin, sans aucun texte ! C’est un vrai plaisir de leur faire la chasse et de décrypter les actions à faire. Je regrette cependant que leur répartition soit vite chaotique – il n’est pas rare de trouver la page 5 du livre d’un monde avant la page 1, quand cette dernière n’est pas tout simplement disponible après avoir terminé le monde en question !

Le livre de contes vous explique ici comment battre Cernunnos, le premier boss. Il faut bien comprendre que les Folks décrits sur les pages ne sont que des indications sur les éléments à utiliser pour se battre : vous n’êtes pas obligé d’utiliser ces Folks précisément !

Malheureusement, ce sont les deux derniers moyens d’expression qui posent problème car ce sont eux qui sont les plus utilisés. Les dialogues normaux se contentent de faire leur travail d’information, mais sont minés par une écriture qui manque de caractère. Mais le nœud du problème vient des passages en BD : la plupart des événements-clés sont contés via un effet de cases et de bulles, comme des pages se tournant au fur et à mesure. Un effet qui aurait pu être saisissant si il avait été manié avec talent, ce qui n’est pas du tout le cas. C’est trop figé, les bulles de texte défilent trop vite et dans un sens désordonné, et le cadrage est mauvais – et si on combine l’écriture, cela donne des passages ennuyeux, presque agaçants, alors que ce sont eux qui sont censés conter la majeure partie de l’histoire. C’est d’autant plus dommage que d’autres jeux sortis avant lui, tels que Vagrant Story ou XIII, jouent de ce procédé avec succès, preuve que c’est bien son maniement qui est en cause ici.

Un autre problème vient se coller à tout ceci, mais j’ai un avis un peu moins tranché. En fait, la plupart des textes en français ne sont pas terribles, voire carrément mauvais. Passer les paramètres de la console en anglais corrige plus ou moins le problème, mais ce n’est toujours pas la panacée... Je pencherais plutôt pour un traduction un peu vite expédiée qui ne fait pas justice à l’intrigue et à l’univers de Folklore. Là où ça devient un vrai dilemme, c’est qu’en VF les voix d’Ellen et Keats sont vraiment excellentes, mais le reste des doubleurs ne fait que lire son texte sans conviction ; en VA, les voix sont de qualité égale mais on perd le talent des personnages principaux...

Folklore est un jeu unique, qui a voulu attirer les joueurs occidentaux et ceux cherchant la nouveauté par un mélange difficile de genres et d’esthétiques. Parfois il y arrive, parfois non, ce qui fait qu’on a du mal à savoir où Game Republic veut en venir, malgré un charme et de bonnes idées évidentes. Mais comme beaucoup de jeux de son acabit, il s’est absolument vautré dans le commerce, laissant un goût bien amer à Okamoto qui fermera son studio en 2011.

J’aurais tellement aimé que le jeu soit raconté uniquement par le biais des cinématiques doublées et par le livre de contes !

Et c’est là que Folklore raconte une autre histoire ! Pas la sienne, pas celle de sa genèse non plus, mais celle de l’état du jeu vidéo à son époque. Pour rester dans le ton, on pourrait l’appeler  "How to Kill a Video Game 101 : the Folklore Case". Une histoire à conter aux joueurs et à la presse spécialisée, vous allez comprendre pourquoi.

2007 est une année qui voit un changement de paradigme dans le petit monde du jeu vidéo. En effet, c’est avec l’arrivée de la PS3 et de la Xbox 360 que les studios de développement occidentaux sont revenus sur le devant de la scène. Nombreux, motivés, doués dans l’exploitation des programmes de création qu’ils ont souvent développés eux-mêmes, et bénéficiant d’une culture d’entreprise souple permettant aux initiatives individuelles d’influer positivement sur le développement d’un jeu, tout ceci leur permettant d’abreuver les joueurs d’un nombre grandissant de titres. De bons, d’excellents jeux parfois, qui accrochent rapidement, et surtout qui sortent en grand nombre à un rythme rapide ! Les studios japonais sont rapidement pris de vitesse dans la course au pouvoir sur les consoles de Sony et Microsoft – Nintendo ayant eu l’intelligence de ne pas se battre sur le même terrain, il aura beaucoup moins à souffrir de cette lutte. God of War II, Mass Effect et Bioshock continuent à creuser cette supériorité de nombre que Halo et Gears of War avaient déjà bien entamée.

Manque de chance pour les Japonais, c’est aussi l’époque où plusieurs grands studios commencent à se planter sévèrement auprès de leur public habituel. Faisons une liste rapide et non exhaustive pour comprendre la situation.

- Konami rate sa rentrée footballistique avec son Pro Evolution Soccer 2008, qui pour la première fois depuis des lustres, perd son duel annuel face au Fifa américain.
- Sega s’est tiré une balle dans le pied avec Sonic the Hedgehog édition 2006 et se retrouve en pleine polémique du 'Sonic Cycle" (NdL : mème satirique apparu sur le net, décrivant l'enchaînement des épisodes médiocres de Sonic sous la forme d'un processus cylique) qui va broyer pendant un moment toutes ses belles tentatives pour redresser la barre (car Sonic & the Secret Rings est très réussi, mais victime de sa prise en main inhabituelle et du bashing réglementaire de la Wii par toute une partie des joueurs).
- Square Enix a du mal lui aussi à proposer quelque chose à la hauteur de sa réputation sur la génération en cours. Final Fantasy XII s’écarte trop de la recette habituelle et son développement chaotique le mènera à un accueil pour le moins difficile auprès des joueurs. Le studio préfère repousser à plus tard le moment fatidique où il proposera – fatalement – un nouvel épisode de sa franchise phare... Et en 2009, Final Fantasy XIII sera reçu assez froidement.
- Quant à Capcom, il réussit à se maintenir grâce aux consoles portables (Monster Hunter est un carton) et à ses compilations de classiques. Mais sur consoles de salon, Okami et God Hand se ratent dans le commerce et Viewtiful Joe fait à peine mieux, signant la fin du studio Clover. Heureusement, Dead Rising est là pour montrer la présence du studio sur la console de Microsoft, même si là encore, les joueurs semblent confus sur ce titre qui ne se joue pas du tout comme les "jeu de zombies" contemporains.

Même si il y a plusieurs ennemis vulnérables (Id rouge), ça ne vous empêche pas de tous les capturer en même temps. Mais cela ne vaut que pour les Folks normaux : ceux nécessitant une technique de capture particulière doivent l’être séparément. Attention de ne pas vous prendre de coups pendant l’opération !

Cet énoncé pénible pour montrer que les principaux studios japonais vacillent. Beaucoup de grands noms se font entendre et se plaignent d’une culture d’entreprise trop contraignante bridant la créativité, et d’une manière générale ils n’arrivent plus à produire autant de bons jeux que leurs rivaux occidentaux. La donne a changé, on entre de plus en plus dans le grand spectacle "réaliste" inspiré de la culture occidentale et facilement identifiable, ce qui ne facilite pas la tâche des studios de plus petite taille qui auraient pu revitaliser le marché !

Et un des acteurs qui a contribué à cet enlisement n’est autre que la presse spécialisée. Censée donner un avis éclairé et éduquer le joueur, elle participe au contraire au jeu de pouvoir – même passivement. Les rédacteurs non seulement devant les grosses productions américaines à succès et les géants japonais en difficulté, mais également devant un genre en pleine explosion : celui des jeux de niche. Ces jeux proposent des gameplays, des univers ou même des narrations très différentes de ce que l’on peut voir d’habitude chez les jeux grand public, et il est très malheureux de constater que les rédacteurs ont été incapables de comprendre cette dernière catégorie et leur cible. Leur grille de lecture trop étriquée et/ou leur capacité d’analyse trop pauvre ne leur permettent pas de bien saisir ce qu’ils ont entre leurs mains. Cela a donné lieu à plusieurs textes navrants, où plusieurs jeux riches et attachants comme Force de Défense Terrestre 2017 (qualifié de "défouloir débile") ou Raw Danger ("trop moche et rigide pour 2007") se sont fait descendre de façon tout à fait injuste. Incapables de s’adapter à un marché mouvant et trop accrochés à leur figure du joueur moyen (figure au moins aussi mythique que les Folks...), ils ont fait montre d’un manque de flexibilité et de compréhension qui ont plombé leur crédibilité, quand elles n’alimentaient pas la défiance qu’une partie des joueurs éprouve à leur égard.

Quant aux autres jeux, ils écoperont de la pire des sanctions qui soit : une note moyenne. L’"avantage" d’une mauvaise note, c’est qu’elle prête à débat. On en cause et ça met un produit en lumière. Une note moyenne, combinée au volume de plus en plus grand de jeux disponibles, condamne vite le jeu ainsi noté à l’oubli. Il vaut mieux avoir un 2 qu’un 6, au moins on fait parler de soi !

Le Corridor Infini est le quatrième monde du Netherworld, et le seul à ne pas proposer de carte (touche Select). Sorte d’interprétation personnelle des Bois de Saria de Zelda Ocarina of Time, il faut trouver la bonne sortie en suivant les pas d’un Folk... qui a le don de se dédoubler !

Et ce qui est arrivé à Folklore, c’est la combinaison de tout ceci. Un contexte défavorable au jeu japonais, un concept difficile à résumer en une phrase simple (beaucoup l’ont rangé dans la catégorie des RPG, ce qu’il n’est pas du tout), une détection de mouvements qui rencontre encore une levée de boucliers, un univers trop à part et trop de jeux qui sortent pour les finances du joueur, cela suffit pour faire de lui un oublié... Il y a également un dernier élément qui a joué en sa défaveur, celui d’une concurrence rude avec un rival. C’est en effet en même temps que sort Heavenly Sword, jeu développé par les anglais de Ninja Theory. Lui et Folklore partagent de nombreux points communs : ce sont des beat’em all, ils usent tous deux du Sixaxis, ils sont exclusifs à la même console, leurs démos sont sorties en même temps, ils s’appuient sur un univers peu utilisé... Seulement, à ce petit jeu des comparaisons c’est le titre anglais qui attire le plus vite le chaland avec son action non-stop et ses QTE grand spectacle. Le jeu de Game Republic, plus subtil, perd la partie en termes de communication et subit un duel dont il se serait bien passé !

Ce n’était pas des paroles en l’air, Folklore porte en lui plusieurs histoires, qui n’ont rien à voir à première vue mais se rejoignent toutes. C’est un jeu qui montre une époque, un récit qui se conte peut-être moins lui-même qu’il commente un univers du jeu vidéo changeant, et les faiblesses des acteurs qui y ont participé. Un jeu décidément fascinant.

Tama
(29 mars 2017)
Sources, remerciements, liens supplémentaires :
- Lparchive, sur lequel je suis allé prendre les captures d’écran :
https://lparchive.org/Folklore/
- L’image de la boite de Shadow Hunters provient du site Tric-trac.net :
https://www.trictrac.net/
- Le papier de HardcoreGaming 101 a constitué ma base de travail principal pour rédiger cet article. Il m’a permis de découvrir le jeu, même si il y a plusieurs erreurs factuelles :
http://www.hardcoregaming101.net/folklore/folklore.htm