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Otogi - Myth of Demons
Année : 2002
Système : Xbox
Développeur : From Software
Éditeur : Sega
Genre : Action
Par Tama (18 octobre 2010)

Comme beaucoup d'adolescents à la fin des années 90-début des années 2000, j'ai découvert l'univers des samuraï via le manga de Nobuhiro Watsuki, Rurouni Kenshin(Kenshin le Vagabond en français). Édité chez Glénat, ce manga de 28 volumes conte l'histoire de Kenshin, un samuraï vagabond errant de village en village, au début de l'ère Meiji, en portant sur lui le fardeau d'un passé d'assassin au service du gouvernement, et ayant le meurtre de sa propre femme sur la conscience.

Quel est le rapport avec le jeu que je chronique ? J'y viens. Arriva un moment où, avec un ami, nous avons voulu trouver des œuvres présentant la culture et la mythologie asiatique de manière moins conventionnelle (il faut dire que Watsuki est un poil trop fan de Marvel à mon goût...), d'accéder à quelque chose qui nous ferait dire « là, j'ai entre les mains quelque chose de réellement spécial ». Ce quelque chose de spécial, nous le découvrîmes au détour d'un rayon jeux vidéo d'une grande surface, a pour nom Otogi, un titre sorti en 2003 de From Software, ce qui pourrait sembler étrange puisque l'on connait surtout la firme pour la série Armored Core, un jeu de Mechs bien éloigné du style médiéval. On peut aussi deviner que, puisque c'est Sega qui édite, le jeu va se planter commercialement, et va être adoré par une minorité de joueurs, et on aura raison. Il faut dire qu'une fois de plus, Sega a misé sur un titre franchement hors normes.

Le jeu nous met dans la peau de Raikoh, membre d'un clan d'exécuteurs à la solde du gouvernement. Habitué aux sales besognes, on va cependant lui donner un ordre auquel il ne pourra jamais obéir : tuer son propre père. Raikoh décide donc de fuir Kyoto en emportant avec lui l'épée ancestale de son clan... sans se rendre compte que son départ va signer la fin de la capitale. Le sceau qui délimitait la frontière entre le monde des humains et celui des démons n'est en effet plus assez puissant, ce que va exploiter un mystérieux conspirateur en le brisant en morceaux. La frontière est ainsi ouverte, laissant des hordes de monstres déferler sur la région. Raikoh, décidément trop naïf, sera également tué par une vague de magie noire dévastant tout sur son passage.

Mais tout n'est pas encore terminé : une princesse mystérieuse, bannie dans l'au-delà, va donner une seconde chance à notre héros en le laissant dans un état entre la vie et la mort. Elle lui propose de se repentir de ses péchés commis en tant qu'assassin en sauvant le monde des humains des démons qui le ravagent, en rétablissant le sceau et en éliminant le conspirateur à l'origine de l'avènement des ténèbres.

Dès l'écran titre, le jeu donne le ton. Des motifs de toile traditionnelle, avec des sons d'instruments traditionnels japonais pour rythmer le curseur qui s'agite dans les menus. Des fleurs de cerisiers volent dans les écrans de chargement, l'histoire et les ennemis sont présentés dans des parchemins et des dessins qui ne sont pas sans rappeler ces estampes si particulières. Point de hard-rock, point de police d'écriture agressive ou de voix rauques de vétérans de la Guerre du Golfe, on sent dès le départ qu'on a affaire à un jeu qui ne parlera pas à tout le monde, loin de là.

Comme ce combat au clair de lune au-dessus d'un lac, Otogi distille de nombreux moments de grâce.

Les contrôles sont loin d'être compliqués : A pour sauter, B pour la magie, X pour les attaques légères et Y pour les attaques lourdes. La gâchette gauche servira de lock, la droite pour dasher. Si les combats ne sont pas sans rappeler certains classiques du beat 3D comme Devil May Cry ou même Onimusha (plus à propos car les deux jeux partagent le même thème), le maniement de Raikoh est assez proche d'un autre jeu de Sega, un certain Gun Valkyrie, sorti aussi sur Xbox d'ailleurs, mais en plus fluide, plus... magique. La combinaison du saut et du dash va montrer en effet dès le départ qu'on est dans un contexte onirique puisqu'au prix d'un peu de magie il est possible d'utiliser le dash pour rester en l'air très, très longtemps, au point qu'il est techniquement possible de traverser un niveau en ne touchant jamais le sol ! Particulièrement grisant... On en a même tendance à oublier que Raikoh ne foule pas de nouveau le monde des humains gratuitement, et l'état de « demi-vie » se fera rapidement sentir.

Le premier niveau nous plonge dans le bain, à savoir une bambouseraie éclairée par la lune et hantée par des démons de forme étrange. Enchanté par la puissance des coups de Raikoh qui envoient les ennemis s'éclater dans les falaises alentour et sa mobilité de félin porté par des ailes, le joueur ne réalisera que lors du deuxième niveau qu'il est déjà en train de mourir, et ce dès que l'action commence ! En effet, le fait de rester dans le monde des humains n'est pas sans dommages et lui coûte de la magie, et ce en continu. Une fois sa jauge de magie vide il ne pourra plus dasher, utiliser de magie élémentaire, ni même avoir accès à la régénération partielle (si une de vos orbes de vie est entamée, il suffit de ne pas se faire frapper pendant quelques secondes pour qu'elle se remplisse). Le moindre coup, et je dis bien un seul coup suffira pour avoir raison de Raikoh dans cet état. Il va donc falloir la jouer fine, et récupérer des orbes de magie pour rester un peu plus longtemps dans le plan, et même pour lancer des sorts.

Faufilez-vous dans son dos pour battre ce géant
Ce niveau volcanique a pour particularité une gravité lunaire. Et un boss bien accompagné de surcroît.

Le dosage de l'utilisation de la jauge de magie est primordial dans ce jeu, puisque vous ne pourrez pas battre des hordes de démons vindicatifs sans avoir recours à la puissance élémentale de Soryu, Byakko, Genbu et Suzaku, les quatre divinités cardinales, dont il faudra s'approprier le pouvoir. Otogi vous fera très clairement comprendre que, loin d'être un parcours de santé, Raikoh subit une torture permanente, lente et sournoise, et que sa surpuissance est à la hauteur de la décrépitude dans laquelle le plonge son état de mort-vivant.

Un exemple typique de boss d'Otogi. Vous devez le frapper à la tête juste au moment où il tente de vous croquer.En cas d'erreur, vous allez prendre un sacré coup de jus !

L'autre mission de l'ex-assassin est aussi de délivrer les esprits prisonniers. Enfermés dans des éléments du décor, il va falloir les libérer si vous voulez avoir assez d'argent pour le magasin de la Princesse, et aussi pour obtenir l'arme ultime du jeu. Ils exigent d'exploser tout ce qui peut être explosé dans un niveau, ce qui demande du temps (n'oubliez pas la jauge de Magie !), de la recherche, et votre arme risque de ne pas aimer, car celle-ci s'abimera, perdant peu à peu de sa puissance, nécessitant un entretien constant entre les niveaux.

Outre les esprits et les sorts, il est également possible de récupérer des orbes de vie supplémentaires. Cette chasse n'est pas obligatoire, mais faire tout le jeu avec les trois ou quatre orbes de départ va vite devenir mission impossible, tant le jeu vous plongera dans des situations exigeant un comportement à la limite du kamikaze ! Certains niveaux sont hantés par des esprits dévoreurs de magie, qui mangeront votre jauge à une vitesse démentielle, à moins que vous n'atteigniez à temps les arches, signe de repos malheureusement très bref. En effet, l'autre force d'Otogi est de réussir à varier les objectifs de mission : parfois c'est du massacre, parfois de l'escorte, parfois il suffit d'arriver vivant jusqu'au boss.

Un boss particulier : Raikoh doit clouer ses mains pour le sceller de nouveau. Mais méfiance : il faut se mettre régulièrement à l'abri, pour éviter son sort de foudre qui nous tue sur-le-champ.

Qu'on ne s'y trompe pas : le jeu n'est pas d'une difficulté excessive mais imposera au joueur une grande concentration, de l'habileté, et avouons-le, une certaine patience envers le système de lock inutile et le réglage manuel de la caméra un poil trop mou. Ces défauts, que certains ont trouvé rédhibitoires, ne m'ont pourtant pas empêché de prendre un pied monstrueux sur les aventures de Raikoh. Le jeu peut être exigeant, agaçant, mais beaucoup trop charmeur pour mes sens pour que l'envie de laisser tomber pointe. Otogi est un de mes jeux culte sur Xbox, que je recommande chaudement à ceux qui sont réceptifs aux combats contre des démons sur fond de musique traditionnelle, et aux jeux disposant d'une véritable personnalité.

À noter que l'histoire est, très librement, il est vrai, des exploits militaires d'un homme nommé Minamoto, du clan Yorimitsu. Je laisse le lien Wiki pour les plus curieux d'entre vous : http://fr.wikipedia.org/wiki/Minamoto_no_Yorimitsu.

Tama
(18 octobre 2010)
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