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Cash Cow DX
Année : 2024
Système : Windows, Switch
Développeur : pixel.games
Éditeur : pixel.games
Genre : Plate-forme / Action / Arcade
Par Simbabbad (16 novembre 2024)

Que faire après le succès surprise d'un nouveau jeu vidéo ?

Pour les grandes maisons d'édition, la question ne se pose pas : il faut naturellement en produire aussitôt une suite qui corrige les éventuels défauts de l'original tels que signalés par la presse et par les joueurs, et qui promette "plus" – plus grand, plus beau, plus fort, plus spectaculaire, plus riche, plus complexe, etc. pour "surfer" sur l'engouement du moment.

Quelquefois, cependant, l'empressement et le systématisme de la production d'une suite se font au détriment du concept d'origine : on se précipite sans recul et parfois sans véritable idée ou envie, et on étouffe un principe qui aurait pu être prometteur si on l'avait laissé respirer – Dead Space est une bonne illustration de cette stratégie toxique consistant à presser un phénomène comme un citron afin d'en vider tout le jus, et au bout du compte n'en laisser qu'une enveloppe vide alors jetée à la poubelle (puis récupérée brièvement pour un remake 15 ans plus tard).

La formule de la suite à marche forcée peut ceci dit produire de très bons jeux : Retro Studios se sentait à la fois épuisé et à court d'inspiration entre les épisodes de la trilogie des Metroid Prime sortis avec moins de trois ans d'écart, et pourtant, leur qualité et leur créativité sont restées constantes. De même, Keita Takahashi, créateur de Katamari Damacy, ne souhaitait pas réaliser de suite à son jeu, mais Namco l'y a poussé et We ♥ Katamari est généralement considéré comme le meilleur de la série.

La situation change cependant de paradigme lorsque le jeu est l'œuvre de développeurs indépendants : pour une petite structure voire un unique développeur principal, le rapport à la paternité, à la motivation et à l'inspiration est bien plus intime ; ainsi, même si un succès indépendant peut lui aussi être suivi de divers spin-off et autres DLC (Shovel Knight), les véritables suites sont plus espacées et moins formatées – Axiom Verge 2 a par exemple beaucoup surpris en tranchant fortement d'avec son prédécesseur, et Edmund McMillen a préféré créer The End is Nigh plutôt qu'une suite à Super Meat Boy.

S'il a vendu moins de copies que le dernier épisode de Super Mario Bros., Donut Dodo de pixel.games, sorti en juin 2022 sur Steam puis (surtout) en décembre 2022 sur Nintendo Switch, a tout de même connu un petit succès : il a été jugé comme un des meilleurs (voire le meilleur) revivals de jeu de plateformes des salles d'arcade des années 1980, et s'est suffisamment bien vendu pour justifier la sortie de copies physiques sur Switch en plus de sa publication dématérialisée sur eShop.

Ce bon accueil a bien sûr beaucoup compté pour l'auteur du jeu, Sebastian Kostka, dont les racines vidéoludiques remontent aux années référencées par Donut Dodo : celui-ci avait programmé son tout premier jeu (un casse-brique) en 1982 sur ZX Spectrum grâce à un listing de magazine qu'il recopiait chaque fois qu'il voulait y jouer, puis il est devenu un développeur professionnel ayant notamment travaillé sur Rayman 2 et Tonic Trouble (Ubisoft), et au bout du compte a profité de l'essor du jeu indépendant pour renouer avec ses premières amours, l'expérience 8-bit typée "arcade" !

Dans une démarche similaire à celle adoptée par Edmund McMillen pour The End is Nigh, notre concepteur a cependant pris la réception positive de Donut Dodo pour la validation de sa vision générale plutôt que celle d'un jeu vidéo en particulier, et a donc suivi avec un nouveau jeu dans le même esprit "hommage à 1983" plutôt qu'avec une suite classique : Cash Cow DX, sorti sur Steam en février 2024 puis sur Nintendo Switch sept mois plus tard, était né...

Miner 2049er sous stéroïdes

Alors qu'il est impossible de découvrir Donut Dodo sans penser aussitôt à des monuments de l'arcade tels que Donkey Kong, BurgerTime ou Monster Bash, Cash Cow DX évoque plutôt des jeux sur micro-ordinateurs 8-bit de l'époque, en particulier Miner 2049er et sa suite Bounty Bob Strikes Back! (codés par Bill Hogue et publiés par Big Five Software, 1982 et 1985), qui allaient par la suite fortement influencer toute une vague de jeux très voisins et populaires, dont Manic Miner qui en a repris de nombreux éléments, Mr. Robot and his Robot Factory qui en est un quasi clone, ou encore Chuckie Egg qui copie presque littéralement le sprite de Bounty Bob pour créer Hen-House Harry.

Ces deux classiques du jeu de plateformes 8-bit, alors distribués sur à peu près toutes les machines, mettaient en scène le mineur Bounty Bob qui devait marcher sur toutes les plateformes de chaque niveau afin de les "colorer", tout en prenant garde aux rondes d'ennemis allant et venant horizontalement. Pour se déplacer, Bounty Bob pouvait sauter, monter à des échelles et glisser sur des toboggans, ainsi qu'utiliser divers gimmicks variant selon les tableaux (ascenseur, téléporteur, tuyau, etc.). Pour se défendre, notre mineur pouvait collecter des outils le rendant momentanément capable d'exterminer ses ennemis façon Pac-Man, à la différence qu'il les éliminait pour de bon (mais perdre une vie réinitialisait tout le tableau, ennemis compris).

Cash Cow DX reprend les mêmes grandes lignes : on y joue toujours un mineur à la façon d'un jeu de plateformes classique (ici, ledit mineur est cependant une vache, même si les prototypes du jeu mettaient en scène un mineur barbu ressemblant beaucoup à Bounty Bob tel qu'illustré sur les jaquettes de ses jeux), dont l'objectif est de récupérer tout l'or qu'on lui a volé et qui recouvre les plateformes de chaque niveau (en pratique, cela revient au même que colorer les plateformes).
On a de nouveau affaire à des toboggans et des ennemis, mais ces derniers sont cette fois divisés en trois types distincts : il y a les "Speedy Spiky" verts qui eux aussi vont et viennent horizontalement mais qui sautent ici sur les plateformes voisines situées à la même hauteur, les "Bouncy Bobby" roses qui font de petits bonds en boucle entre deux positions, et les "Rolly Ronny" bleus qui nous pourchassent (et sont très agaçants) – là encore, on peut sauter par-dessus pour les esquiver, ou s'en débarrasser au contact définitivement après avoir collecté un outil à usage minuté (en l'occurrence, une unique pioche à rentabiliser avec soin).
Chacun des cinq tableaux du jeu a ici aussi son propre gimmick : d'abord des boucles que l'on franchira en courant à la manière de Sonic, puis des trampolines qui rappellent Mappy, puis des bateaux avec de hauts mâts et postes de vigie qui vont et viennent et oscillent sur des plans d'eau, puis des wagons sur lesquels notre vache pourra sauter afin de les conduire sur des rails suspendus, et enfin il y aura le repaire du cochon "Party Piggy" qui nous avait volé notre or, où l'on maniera des tyroliennes pour se déplacer puis effectuera un petit combat de boss concluant la partie. Pour nous aider à traverser tout ça, on commence avec trois vies, mais on pourra en gagner d'autres en cours de route (tous les 100.000 points).

À première vue, rien ne paraît ici exceptionnel : on reste sur le papier proche de Miner 2049er, et comme évoqué, on pourra aussi penser à Sonic ou à Mappy, ainsi qu'à Bagman (les wagons) ou Roc'n Rope (les tyroliennes) par exemple – chaque élément renvoie à des archétypes de l'arcade du début des années 1980.

Cependant, Cash Cow DX se distingue nettement par deux éléments : son exécution, et la philosophie ludique de son scoring.

Pour ce qui est de l'exécution, il faut se souvenir que Miner 2049er était un jeu très lent et rigide, avec à l'instar de Donkey Kong des sauts à la trajectoire fixe sans aucun contrôle aérien, et une perte de vie instantanée si l'on tombait de trop haut. Dans le jeu de Nintendo, ces caractéristiques étaient secondaires et ne gênaient pas l'action qui restait très nerveuse, alors que Miner 2049er a fait le choix de beaucoup reposer sur sa rigidité afin de nous piéger dans un gameplay méthodique tenant presque du casse-tête, avec une procédure précise à suivre pour ne pas mourir bêtement. Il faut ajouter à cela une réalisation typique de "l'ère Atari", aux graphismes très primitifs.

Si au premier regard Cash Cow DX évoque lui aussi les micro-ordinateurs 8-bit avec des graphismes "par blocs" et une palette de couleurs vive et restreinte, sa réalisation est en réalité bien au-dessus de ce que pouvaient faire le ZX Spectrum, l'Amstrad CPC ou le Commodore 64, ou même les bornes d'arcade de 1983 – comme Donut Dodo ou Shovel Knight avant lui, il nous propose une vision idéalisée des jeux de 1980 plutôt qu'une imitation fidèle, avec des graphismes bien plus détaillés et mieux animés, et plus de souplesse dans ses contrôles (notamment aériens).
C'est la même chose en ce qui concerne le gameplay : Cash Cow DX est très, très nerveux et va extrêmement vite, même joué avec sa vache "normale" et non sa vache "turbo" (!) débloquée après avoir gagné le jeu une première fois ; pour accommoder cette vitesse, le jeu ne présente d'ailleurs pas des tableaux d'un seul écran comme Miner 2049er ou Donkey Kong, mais des aires de jeu horizontales de plusieurs écrans avec scrolling (cf. le montage panoramique du niveau "Bounce Blast" en entier ci-dessous), où l'on est averti de la proximité d'un ennemi hors écran par une flèche colorée (cf. ci-dessus).

Dans le même ordre d'idées, pour se débarrasser au maximum des temps morts, le jeu esquive le problème posé par les échelles : celles-ci sont un poncif des jeux de plateformes des années 1980, mais elles ont l'inconvénient de ralentir l'action voire la rendent frustrante (on peut avoir du mal à s'aligner avec). Donut Dodo avait résolu ce problème en les gérant comme des téléporteurs, on les montait alors automatiquement en un éclair, mais ici la solution est plus radicale : il n'y a plus d'échelles ! Vous vous demandez sûrement comment notre vache monte aux plateformes sans échelles ? Elle descend ! En effet, l'aire de jeu "boucle" verticalement comme dans Asteroids ou à la manière des tunnels de Pac-Man : si l'on tombe dans les "puits" des niveaux (on peut en voir en bas à gauche et en bas à droite ci-dessous ainsi que sous deux trampolines), on réapparaît en haut ! Ça dynamise grandement le rythme et enrichit le gameplay, on doit toujours bien observer toute l'aire de jeu (les "Rolly Ronny" peuvent nous tomber dessus en "bouclant" eux aussi). De même, des tuyaux verts à la Super Mario "bouclent" les extrémités gauche et droite.

Pour s'accorder avec un gameplay où l'on tombe beaucoup, il n'y a pas ici de dégâts en chutant, et pour garder un rythme soutenu, perdre une vie réinitialise notre position et celle de certains objets mais conserve l'essentiel de nos progrès (or ramassé, ennemis détruits, etc.). Plus largement, le jeu repose sur la performance lors de parties courtes et excitantes plutôt que sur l'endurance, à la façon des jeux néo-rétro modernes : à la fin des cinq niveaux du jeu, la partie s'arrête (elle prend en général moins de 10mn), puis notre score et notre classement sont affichés afin de nous inciter à aussitôt recommencer pour faire mieux ! Si l'on ne souhaite pas rejouer pour le score, on peut aussi se frotter à des difficultés supérieures : on commence en "EASY", puis il y a "NORMAL" où les ennemis et les obstacles vont plus vite et où les outils minutés ont une durée d'utilisation réduite, puis enfin on débloquera "HARD" qui prolonge la même tendance que "NORMAL" et y ajoute des tapis roulants compliquant notre parcours.

Si l'on peut beaucoup s'amuser avec Cash Cow DX en y jouant simplement "pour la survie" (le mode "EASY" est très accessible, même pour un jeune enfant), le cœur de son action est cependant le scoring, étonnamment complexe pour le genre...

Radiant Silvergun en jeu de plateformes

Dans les salles d'arcade de 1983, l'importance du score était centrale : plus tard, les progrès techniques des machines de jeu et la généralisation des "continues" qui permettaient de faire fi d'un Game Over moyennant finances allaient métamorphoser les bornes d'arcade en des expériences plus immersives, et le score serait alors globalement vidé de sa substance (sauf pour le shoot 'em up, notamment), mais à l'époque, on restait encore très proche de la logique des flippers et des jeux d'adresse des fêtes foraines, avec un fort esprit compétitif. Même s'ils sauvegardaient rarement leurs scores, les jeux sur micro-ordinateurs partageaient en général la même mentalité.

Donut Dodo s'est inscrit dans ce contexte avec un principe et un scoring immédiatement compréhensibles : on devait y collecter tous les donuts jonchant des sortes d'échafaudages afin de passer au niveau suivant, mais si on les ramassait de surcroît dans un certain ordre tiré aléatoirement (le prochain donut à collecter clignotait pour un bonus de combo, comme dans Bomb Jack), on gagnait alors beaucoup plus de points. Il y avait d'autres petites subtilités (par exemple des bonus apparaissant comme les fruits de Pac-Man), mais tout y était explicite, et l'on y faisait pour "scorer" la même chose que pour survivre, mais avec plus de risques et surtout une dose d'improvisation supplémentaire.

Tout en étant lui aussi structuré autour de la quête du score, Cash Cow DX suit malgré les apparences l'inverse de la philosophie de Donut Dodo, du moins si l'on veut un très bon score : il dissimule délibérément ses mécaniques les plus juteuses, et celles-ci sont très complexes et exigent une planification extrême. En fait, après avoir compris le fonctionnement du jeu, j'ai spontanément pensé à Radiant Silvergun, le chef-d'œuvre de Treasure Co. sorti en 1998 en salles d'arcade puis sur console Saturn – cela peut surprendre puisque évidemment leurs actions n'ont rien à voir, mais mon intuition a par la suite été confirmée par Sebastian Kostka lui-même, qui a déclaré en interview avoir construit le scoring de Cash Cow DX à la manière d'un shoot 'em up des années 1990 !

La version console de Radiant Silvergun était déclinée en trois façons de jouer : il y avait le mode "histoire", le mode "arcade", et, beaucoup moins explicitement, un système de scoring avancé et optionnel qu'un joueur lambda pouvait ne même pas soupçonner. Le mode "histoire" était en réalité une extension du mode "arcade", lui ajoutant une narration poussée et une dimension de grind : alors que l'on y progressait, on y débloquait plus de "continues" et renforçait nos armes au fil de leur usage – ainsi, le jeu devenait toujours plus facile non seulement parce que l'on y devenait meilleur, mais aussi parce que l'on y devenait plus puissant. Tout cela nous préparait très bien à nous frotter au mode "arcade", bien sûr plus dur et peu accessible pour les débutants. Et ensuite, après s'être acclimaté au mode "arcade", on pouvait s'intéresser à un système de combo par couleurs assez complexe mais néanmoins très discret, que l'on était libre d'ignorer et que l'on risquait même de ne pas remarquer du tout, capable d'accroître drastiquement notre score. Le même jeu proposait ainsi trois façons de jouer superposées, chacune d'accessibilité différente, et que l'on pouvait explorer à la suite ou bien ignorer à sa convenance – une manière élégante de rendre le jeu amusant pour tout le monde sans pour autant compromettre l'une ou l'autre expérience.

Cash Cow DX est lui aussi structuré en trois couches de profondeur ludique superposées : d'abord la pure survie déjà évoquée, puis un système de scoring assez simple et intuitif exposé dans le "attract mode" du jeu ainsi que dans son interface et ses bezels optionnels sur les côtés, et enfin un système de scoring caché largement plus rentable, que l'on pourra découvrir par accident bout par bout puis reconstituer par déduction, ou bien deviner grâce à l'intitulé des succès sur Steam, ou bien échanger entre joueurs à l'aide de forums de discussion, de vidéos, du présent article, ou du guide en anglais que j'ai publié sur Steam.

Voici les éléments de scoring explicites de Cash Cow DX :

  • L'or à collecter est réparti en deux types : il y a l'or jaune classique qui vaut 25 points par unité, et l'or rutilant multicolore qui vaut quatre fois plus, 100 points par unité (on devra collecter tout l'or de toute façon).
  • Dès que la partie démarre, on comprend que le jeu veut que l'on aille vite (sentiment renforcé par les boucles à la Sonic du premier niveau), et il y a une bonne raison à ça : une jauge bleue sombre située en haut de l'écran augmente quand on collecte de l'or et baisse dès que l'on arrête ; il s'agit d'une jauge de combo avec multiplicateur, commençant à x1 et allant jusqu'à x11, ce qui est énorme – ainsi, avec une jauge au maximum, l'or ordinaire vaudra 275 points par unité !
  • On peut remarquer deux gros diamants rutilants dans l'aire de jeu (bien visibles dans les captures d'écran ci-dessus) ; lorsqu'on les collecte, ils disparaissent et démarrent une "HAPPY HOUR" minutée. Cette HAPPY HOUR va rendre tout l'or rutilant, et multiplier par deux les points obtenus par la collecte : l'or ordinaire passera ainsi de 25 points par unité à 200 points par unité, sans compter notre jauge de combo qui, au maximum, fera grimper ce montant à 2200 points par unité (x4 en devenant rutilant puis x2 et x11 par jauge de combo ⇒ x88) !
    L'un des diamants est placé de façon statique à un endroit précis dans chaque niveau, et l'autre "cycle" sa position de gauche à droite entre les puits. Comme pour la jauge de combo, bien exploiter les diamants est crucial pour le score.
  • Détruire les ennemis rapporte des points de façon exponentielle : 5000 points pour le premier ennemi, puis ça double à chaque nouvel ennemi éliminé (il y en a cinq dans chaque niveau, à part pour le dernier niveau qui n'en a que quatre en plus du boss "Party Piggy", cela peut donc grimper jusqu'à 80.000 points pour le cinquième ennemi). Il paraît cependant impossible d'éliminer tous les ennemis d'un niveau en utilisant une unique pioche.
    Il faut ajouter à cela le combat final contre "Party Piggy", qui consiste à détruire quatre énormes enceintes audio valant 10.000, 20.000, 30.000 puis 40.000 points – 100.000 points en tout.
  • En parcourant un niveau, on pourra remarquer une ligne pointillée près d'un mur. Après avoir ramassé la pioche, ces pointillés clignotent : les fracasser avec la pioche mènera à un mini-jeu avec des tonneaux à la Donkey Kong Country nous permettant de collecter une des lettres du mot EXTRA. Obtenir la lettre rapportera 100.000 points, si cela est fait avant qu'une jauge soit épuisée, on gagnera en plus un "TIME BONUS" de 25.000 points, et si toutes les lettres sont collectées, on remportera 250.000 points supplémentaires au dernier niveau, pour un total maximal de 875.000 points.
  • Compléter un niveau sans avoir perdu une seule vie rapporte un bonus "HOLY COW" de 15.000 points. En fin de partie, les vies restantes sont converties en points, 15.000 points par vie.

Comme je le disais, tout cela est assez intuitif, et se prête à la fois à un style de jeu improvisé ou un style plus planifié. La clef est évidemment de ne pas perdre de temps, ne pas laisser des amas d'or isolés afin d'éviter que notre jauge de combo refroidisse, et bien rentabiliser les diamants. Le diamant qui apparaît dans les puits, en particulier, devra être pris à la volée ou en planifiant très soigneusement son timing afin de ne pas devoir attendre qu'il apparaisse au bon endroit – à l'inverse de Donut Dodo, le jeu est déterministe, il se comportera de l'exacte même façon si l'on réalise la même performance, en gardant toutefois à l'esprit que des micro-différences pourront décaler le trajet d'un "Rolly Ronny" ou nous désynchroniser du diamant ambulant. Maximiser tous ces principes de scoring et se prêter à la fièvre de la vitesse et de la compétition est très amusant.

Même en jouant ainsi extrêmement bien et en étant correctement classé en ligne, cependant, on pourra observer un énorme écart d'avec les tout meilleurs scores, à priori incompréhensible : c'est parce que ces scores exploitent des mécaniques cachées, que je vais maintenant exposer – si vous voulez les trouver par vous-même ou si vous appréciez les mécaniques précédemment citées et préférez en profiter sans les polluer avec la connaissance d'un gameplay bien plus exigeant et rigoureux, je vous invite à passer ce qui suit et poursuivre votre lecture à la section nommée "L'ombre du dodo" :

  • Notre vache arrive au début d'un niveau dans un ascenseur vert qui, lorsqu'on s'en éloigne, remonte automatiquement : si l'on parvient à piéger un ennemi dans l'ascenseur alors qu'il remonte, il sera détruit dans un "ELEVATOR KILL".
  • Si l'on utilise la pioche puis réussit le mini-jeu EXTRA, la pioche réapparaîtra brièvement à son lieu d'origine pour nous accorder une ultime utilisation. Cette réapparition et/ou le "ELEVATOR KILL" rendent possible l'extermination de tous les ennemis d'un niveau, récompensée par un bonus en forme de melon valant 100.000 points. ATTENTION : il vaut mieux ne pas prendre celui-ci tel quel – le score du melon est soumis au multiplicateur des diamants !
  • Les effets des diamants se cumulent : si on collecte un diamant alors que la HAPPY HOUR d'un diamant précédent est encore effective, les multiplicateurs se multiplient entre eux.
  • Il y a dans chaque niveau un troisième diamant caché, placé dans l'interstice entre le bas et le haut de la zone de jeu : pourvu que l'on sache dans quel puits et le long de quelle paroi il se trouve, le collecter en aveugle est assez facile. La position exacte de ces diamants est révélée dans le montage ci-dessous – à la clef, il y a un multiplicateur x8 !
  • En collectant à la suite les trois diamants d'un niveau avant de prendre le melon, on obtiendra ainsi 800.000 points d'un seul coup. Le score maximal d'un niveau ordinaire se situe à un peu plus de 1.500.000 points, prendre le melon avec un multiplicateur x8 représente donc plus de la moitié du score gagnable dans un niveau.
  • Si l'on a collecté le melon dans tous les niveaux, le dernier melon sera un cas particulier rapportant 500.000 points au lieu de 100.000 points, ce qui avec le triple combo de diamants s'élèvera à 4.000.000 points – c'est colossal !

Comme vous pouvez le constater, ces mécaniques secrètes rebattent complètement les cartes de Cash Cow DX, tant en ce qui concerne l'ordre de grandeur de ses scores que la nature de son gameplay.

Joué ainsi à haut niveau, Cash Cow DX devient en effet beaucoup plus dirigiste, ses mécaniques avancées établissent un ordre précis des actions à effectuer, impossible à remettre en question sans sacrifier beaucoup de score : il faut d'abord obtenir le melon en gaspillant le moins d'or possible (l'or sera surtout rentabilisé plus tard en HAPPY HOUR), et donc avoir avant cela tué tous les ennemis avec la pioche voire le "ELEVATOR KILL", avoir en chemin gagné le mini-jeu EXTRA avec si possible le "TIME BONUS", puis enchaîner soigneusement les trois diamants en commençant plutôt par le diamant itinérant puisqu'il exige un timing précis, et enfin collecter le melon après avoir atteint le multiplicateur x8. Le trajet emprunté en HAPPY HOUR doit être choisi de façon à bien maximiser nos gains, avec une jauge de combo toujours élevée.

Il va de soi qu'idéalement tout cela doit être fait sans perdre une seule vie. Pour conclure, je vais détailler ici la répartition du score d'une partie de haut niveau sans accident notable, dont le montant devrait grimper à plus de 11.000.000 points :

  • 795.000 points pour avoir éliminé tous les ennemis, boss compris.
  • 875.000 points pour avoir gagné tous les mini-jeux EXTRA avec le "TIME BONUS".
  • 7.200.000 points (!) pour avoir collecté tous les melons avec un multiplicateur x8.
  • 1.500.000 points environ pour ne pas avoir perdu de vie (on devrait en gagner une centaine en tout) !
  • Cela laisse 630.000 points environ remportés en ramassant l'or, avec ou sans HAPPY HOUR : on peut avoir envie de s'écrier "seulement", mais sur les points précédents, les joueurs de haut niveau feront tous la même chose, c'est donc précisément là que se jouera notre position en haut du classement – si on planifie bien sa collecte, on raflera quelques centaines de milliers de points de plus que 630.000 points, ce montant n'étant qu'un minimum grossier.

Ci-dessous, vous pouvez voir une capture d'écran d'un des fameux mini-jeux EXTRA, à réussir absolument !

Finalement, en approfondissant ses mécaniques, on réalise que Cash Cow DX reste sur le fond plus proche de Miner 2049er qu'on n'aurait pu le croire après quelques parties : les deux jeux favorisent en effet l'élaboration par tâtonnements successifs de parcours idéaux pour chaque niveau, qu'il faudra ensuite enchaîner parfaitement – une formule qui a pu me faire douter...

L'ombre du dodo

J'avoue qu'au départ, après avoir beaucoup aimé et même admiré Donut Dodo, je ne savais pas quoi penser de Cash Cow DX. Déjà, il y a eu de petits soucis de lancement : des problèmes de pertinence de l'interface (lisibilité de la jauge de combo) ou de la physique de certains obstacles (les trampolines du second niveau ou les toboggans), mais Sebastian Kostka aura été très réactif comme à son habitude, capable de publier un patch dès le lendemain d'un signalement ! Ces ajustements auront culminé en une mise à jour de la maniabilité de notre vache (qu'elle soit "normale" ou "turbo") trois mois après la sortie du jeu sur Steam : celle-ci faisait à l'origine preuve de beaucoup d'inertie lors de ses changements de direction, ce qui n'était pas inintéressant mais avait le désavantage d'alourdir et compliquer un jeu déjà potentiellement exigeant, heurtant son accessibilité. Personnellement, je préfère nettement la nouvelle maniabilité et ai désormais du mal à rejouer avec l'ancienne, qui est toujours disponible en option afin de ne pas mécontenter les joueurs qui l'appréciaient – les contrôles offrent au final d'excellentes sensations, que ce soit lorsqu'on court à pleine vitesse ou lorsqu'il convient d'être plus prudent et méthodique.

Au-delà de ces aléas mineurs, plus largement, j'ai beaucoup aimé le jeu jusqu'à réaliser que certains aspects m'y échappaient : ses fameuses mécaniques secrètes ! Pour pleinement m'investir dans un jeu, j'ai d'abord besoin de maîtriser toutes ses règles, j'ai donc consacré l'intégralité de mes premières parties à rédiger mon guide sur Steam, après quoi j'ai mis Cash Cow DX de côté pendant un temps. Je n'étais alors pas sûr qu'avoir caché ses techniques avancées était une bonne idée, et ces dernières m'apparaissaient beaucoup trop avantageuses en matière de scoring et trop contraignantes, nous forçant à délaisser l'improvisation des techniques intermédiaires à la faveur d'un gameplay plus linéaire, où l'on devait élaborer puis reproduire parfaitement un "parcours idéal" à la façon d'un hardcore platformer ou, comme déjà évoqué, d'un shoot 'em up des années 1990 – d'ailleurs, on pouvait se demander si cette structure n'était pas anachronique dans le cadre d'un projet référençant 1983...

Avant même de me remettre au jeu, simplement en prenant du recul, j'ai cependant réalisé que j'étais incohérent et injuste : après tout, j'adore Radiant Silvergun que j'ai acheté sur XBLA puis sur Steam en plus de disposer de l'émulation de sa version Saturn, mais je ne me suis jusqu'ici jamais vraiment intéressé à son système de combo – pourquoi ne pas profiter de Cash Cow DX de la même manière, en ignorant les mécaniques qui m'y dérangeraient ? De plus, la linéarité ne me gêne pas dans un shoot 'em up ni dans un hardcore platformer, ni dans Pac-Man Championship Edition DX+ qui rappelle beaucoup Cash Cow DX et est un de mes jeux vidéo préférés : pourquoi cela me gênerait dans le jeu de pixel.games, qui est en pratique bien moins linéaire ? D'ailleurs, au sujet de Pac-Man, sa borne originelle incarne l'arcade du début des années 1980 et n'est en soi ni plus ni moins linéaire que ne l'est Cash Cow DX, mais des passionnés y ont pourtant déniché les trajets optimaux précis permettant de remporter les meilleurs scores possibles (cf. ci-dessous), sans parler des diagrammes explicitant le comportement des fantômes : le scoring à haut niveau de Cash Cow DX suit cette même logique, et ne détonne donc pas par rapport à 1983.

Je me suis alors rendu compte que ma déception initiale venait tout simplement du fait que Cash Cow DX n'était pas la suite de Donut Dodo, et que je n'y retrouvais pas le même gameplay d'adaptation et d'improvisation – mais il s'agit là d'une qualité : tout en gardant son style et en explorant toujours le concept d'un jeu de 1983 idéalisé, Sebastian Kostka a réussi à créer une expérience résolument différente, ce qui est remarquable.

De retour sur le jeu, j'ai pris énormément de plaisir : malgré plusieurs décennies de jeu vidéo derrière moi, ce fut la toute première fois où j'enregistrais mes propres parties afin de les analyser plus tard pour optimiser mon score ! Grimper petit à petit au sein des classements, me remettre en cause, devoir improviser en catastrophe pour rattraper de petites erreurs en cours de partie, tout cela aura été un régal, et incarne à la perfection le meilleur de ce que peut offrir l'arcade. C'est d'autant plus le cas ici que le jeu fait tout pour nous aider à progresser, notamment avec un mode "PRACTICE" crucial pour jauger le potentiel de scoring de chaque niveau. De plus, comme souligné précédemment, si les techniques avancées permettent d'atteindre des scores largement plus élevés, ce sont plutôt les techniques intermédiaires qui feront la différence en ligne au sein du peloton de tête : ces dernières restent donc ici centrales, relativisant le dirigisme du jeu lorsqu'il est pratiqué à haut niveau.

Par ailleurs, comme on l'a déjà partiellement dit, Cash Cow DX est très bien réalisé : joli, fluide, lisible, avec des hitbox intuitives, des bruitages appropriés, et des musiques entraînantes. Le niveau de difficulté "NORMAL" est à privilégier pour le scoring à haut niveau, il s'agit clairement du mode principal à pratiquer avec la vache "turbo" pour bien exploiter les mécaniques secrètes, mais la vache "normale" et les difficultés "EASY" et "HARD" sont de bonnes distractions, ainsi qu'un mode "GOLDRUSH SPEEDRUN" où l'on doit gagner le jeu le plus vite possible, et un mode infini (!) qui suit la logique d'une borne d'arcade classique avec une difficulté augmentant à chaque boucle. Les bezels (décorations latérales) sont facultatifs, ainsi que le filtre imitant un tube cathodique qui est activé ici sur la plupart des captures d'écran – tous sont très réussis.

S'il est sans doute moins directement accessible que Donut Dodo qui arrivait à nous happer instantanément dans son gameplay, Cash Cow DX est aussi soigné et offre une profondeur surprenante : le souvenir de 1983 est décidément bien vivace !

Simbabbad
(16 novembre 2024)
Sources, remerciements, liens supplémentaires :
Cet article a été publié initialement sur le blog de Simbabbad, à cette adresse.