Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par Sebinjapan (29 janvier 2012)
Le jeu de plateforme, ce n'est pas qu'une histoire de plombiers...Lorsqu'on évoque la riche histoire des jeux de plateforme, les conversations tournent un peu trop souvent autour des titres japonais dédiés aux consoles. Pourtant les titres occidentaux du genre dédiés aux micro-ordinateurs 8 et 16 bits ont pullulé. Il y a ainsi toute une école européenne du jeu de plateforme qui a alimenté les rayons que les magasins d'informatique consacraient au ZX Spectrum, à l'Amstrad CPC, ou au Commodore 64, pour ne citer que trois des machines les plus populaires chez nous au début des années 80. Et LE titre fédérateur qui a inspiré toute cette école européenne, c'est certainement Manic Miner. Pourtant lorsqu'il donne des interviews, Matthew Smith, l'auteur de Manic Miner, confie avec modestie ne rien avoir inventé, et s'être grandement inspiré d'un hit de l'Atari XL sorti en 1982 : Miner 2049er. Ce dernier propose également un héros qui saute de plateforme en plateforme, qui évite des ennemis et ramasse des "items". Cependant, Manic Miner s'affranchit des échelles sur lesquelles Miner 2049er fonde son game-design, en tant que fidèle héritier de Space Panic (1980) et de Donkey Kong (1981). Le titre de Matthew Smith est plus porté sur les sauts à effectuer au pixel près, à l'image d'un Pitfall (1982). Et surtout, Manic Miner apporte deux éléments essentiels qui en feront un jeu culte : un level-design astucieux et machiavélique, et une identité graphique complètement déjantée, à l'image de son auteur ... Allez, au charbon !Manic Miner met en scène Willy le mineur, qui découvre une vieille mine abandonnée qu'il décide d'explorer de fond en comble en quête d'un fabuleux trésor ... Bon, en même temps, on se demande bien quel genre de civilisation "très avancée" a pu créer des robots en forme de kangourous, d'otaries jongleuses, de téléphones mutants (tel celui illustrant la jaquette du jeu) ou bien de sièges de toilettes carnivores ! Oui car vous trouverez tout cela, et bien plus encore, dans Manic Miner. Cette variété dans les ennemis présents dans chaque niveau, toujours différents, ce petit grain de folie si typique de son auteur, c'est une des grandes forces du jeu. Matthew Smith, qui n'avait que 17 ans lors de la première commercialisation de Manic Miner chez l'éditeur britanique Bug Byte, est en effet un personnage original. Si vous voulez en savoir un peu plus à son sujet, je vous renvoie au paragraphe lui étant consacré présent dans l'article sur Jet Set Willy. Très "flower-power", pronant la non-violence, il aurait certainement été tout à fait à son aise au milieu de la bande de hippies qui composaient les rangs de l'éditeur Atari au tout début de l'âge d'or des jeux d'arcade aux Etats Unis ! Et non content de peupler les niveaux de son jeu de créatures étranges et déjantées, Matthew Smith a également glissé de nombreux clins d'oeil et références. Ainsi trouvera-t-on des sprites représentant des Pacman, un Donkey Kong, ou encore des Ewoks, le troisième volet de Star Wars ayant envahi les salles de cinéma pendant la production du jeu. Plus subtile est la référence faite à Eugene Evans dans le 5ème niveau, Eugene étant un autre programmeur "vedette" de l'époque, officiant chez Imagine et particulièrement mis en lumière par la presse Anglaise du moment qui lui consacrait quelques pages ou on le voyait s'acheter de luxurieuses voitures de sport suite au succès commercial de ses jeux. Et tout ce petit monde bénéficie de sprites fins et élégants, parfaitement lisibles, et même oserais-je dire, carrément jolis ! Enfin... aussi jolis que peuvent l'être des sprites dans un jeu ZX Spectrum de 1983 réalisé par une seule et unique personne bien sûr ! Une efficacité redoutable.Au delà de son délire ambiant, ce qui a rendu Manic Miner inoubliable, c'est le bonheur vidéo-ludique qu'il provoque dès qu'on pose ses mains sur le joystick ou le clavier. Oubliées les détections de collision approximatives d'autres softs : ici la précision au pixel près est mise au service d'un game-design redoutable d'efficacité. Pour passer chaque niveau, Willy doit ramasser tous les objets présents puis rejoindre la sortie. Mais sur sa route se dressent de nombreux ennemis, qui se déplacent plus ou moins vite en parcourant toujours le même chemin, sans se soucier du héros. Il faut donc mémoriser leurs déplacements et, avec le bon timing, les éviter, ou leur sauter par dessus, afin d'atteindre le lieu souhaité. On joue pour cela le plus simplement du monde avec deux directions gauche et droite, et un bouton (ou une touche du clavier) pour sauter. En plus de devoir faire preuve de beaucoup d'adresse, il faudra également se creuser la tête, car chaque niveau est également un puzzle qui, bien souvent, ne peut être résolu que d'une manière. Et c'est là que Manic Miner frappe très fort ... En effet, Matthew Smith a manifestement fait preuve d'un grand talent pour concevoir les niveaux de son jeu. Avant d'entreprendre quoi que ce soit, le joueur devra bien observer le placement des monstres et des plateformes avant de faire le moindre pas. Mais vite ! Car le temps est limité, symbolisé par une barre représentant l'oxygène dont dispose le héros. L'une des premières difficultés, qu'on rencontre dès le tout début du jeu, est la présence de plateformes qui s'effondrent doucement quand on marche dessus. Non seulement il faudra prendre ce facteur en compte lors d'une ascension vers le haut de l'écran pour s'emparer des objets, mais aussi lors de son retour vers le bas, où se trouve la sortie, car une chute de trop haut se révèle mortelle ! Autres éléments avec lesquels il va falloir composer : les tapis roulants, obligeant le héros à se déplacer dans une unique direction et ne lui laissant que la liberté de sauter pour faire face aux dangers. Ajoutons à cela des multiples obstacles dont le contact provoque la perte d'une vie, tous placés avec une maestra diabolique dans des endroits qui obligeront le joueur à sauter au bon endroit et au bon moment. En prenant en compte ce placement vicieux, les déplacements des ennemis, et les plateformes spécifiques, le joueur doit donc développer une stratégie qui incorpore l'ordre dans lequel ramasser les objets, et le chemin à prendre pour gagner la sortie. Attention, car la prise du dernier objet déclenche parfois une action inattendue, comme par exemple au niveau 5 où un monstre vient se placer pour bloquer la sortie. Si le dernier objet ramassé alors en est trop éloigné, il sera impossible de terminer le niveau ! Manic Miner est ainsi composé de vingt niveaux regorgeant de pièges. Ca peut sembler peu de nos jours, mais d'une part ça ne l'est pas pour l'époque, et d'autre part chaque niveau a bénéficié d'un tel soin dans sa conception, qu'il vous faudra bien des essais pour parvenir à trouver comment le passer. Et de l'idée à la réalisation de cette dernière, il y a de nombreux sauts "pixel-perfects" à négocier qui vous attendent ! Je ne vais pas vous dévoiler ce que vous réservent les niveaux avancés, mais sachez que Matthew smith a réellement fait preuve d'une imagination débordante et qu'il introduit dans quasiment chaque niveau un nouvel élément venant varier l'action. Difficile, Manic Miner ? Oui bien sûr ! Surtout si vous vous y attaquez à la loyale, sans vies infinies et sans save-state. C'est une expérience assez frustrante qui vous attend dans ce cas. Sauvegarder au début de chaque niveau avec un émulateur permet de tenter sa chance autant de fois qu'on le souhaite sans avoir à repasser par les niveaux précédents, remplis de sauts nécessitant tant de précision qu'ils peuvent être fatals même à ceux qui connaissent le jeu par coeur. À mon avis, ce petit coup de pouce n'est pas du luxe, et il permet d'apprécier à sa juste valeur le level-design mis en oeuvre sans en maudir son auteur à chaque raté. C'est un point sur lequel je me dois d'insister pour faire comprendre la qualité de ce jeu aux plus jeunes lecteurs à qui la pratique de telles antiquités peut sembler proche de la torture vidéo-ludique. On retrouve la même intelligence dans l'agencement des niveaux de ce Manic Miner, pourtant réalisé par un seul homme dépourvu d'une grande expérience en la matière (et pour cause, nous ne sommes qu'en 1983), que dans d'autres grands classiques qui suivront, souvent conçus par des équipes bien plus fournies, et qui iront encore plus loin, tels que les King's Valley sur MSX, les Rick Dangerous, ou le sublime Donkey Kong sur Gameboy. Plus près de nous, ce sont des titres comme Braid qui ont repris le flambeau. Citons également le nostalgique et très bon Jump! des français de Arkedo qui rend sans aucun doute hommage à Manic Miner et à tous ses clones. Dernière chose vraiment remarquable dans ce jeu, c'est son degré de finition. Aucun bug à signaler, ni difficulté réellement insurmontable. On sait que, lorsqu'on perd une vie, c'est uniquement de notre faute car on a mal anticipé le déplacement d'un ennemi ou manqué un saut qu'il fallait exécuter parfaitement. Ce degré de finition exemplaire, on ne le retrouvera malheureusement pas dans la suite, Jet Set Willy, qui est sorti un peu précipitament et victime d'une difficulté mal dosée, de quelques écrans mal conçus, et de bugs qui le rendent impossible à terminer. Ca n'empêchera cependant pas ce dernier de devenir un grand succès et de trôner pendant très longtemps en tête des jeux les plus vendus au Royaume-Uni (et c'est l'un des plus copiés aussi !). Anecdotes et trivias
Les adaptationsManic Miner a été porté, d'une manière ou d'une autre, sur un nombre stupéfiant de machines. Lister toutes les versions serait impossible, et finalement pas très intéressant tant les divers jeux se ressemblent. Ainsi, les conversions officielles réalisées peu après la version Spectrum lui sont dans l'ensemble très fidèles, parfois même trop, ne profitant pas assez des capacités supérieures de certaines machines. On retrouve cependant souvent la même détection des collisions ultra-précise et le même personnage agile et réactif, c'est bien là le principal. Notons tout de même que certaines versions, comme celle du BBC Micro, comportent quelque niveaux différents de l'original. Certaines versions sorties sur micro-ordinateurs 16 bits, PC ou consoles (GBA) proposent soit une version remise à jour techniquement, soit des niveaux inédits, soit incluent à la fois une version fidèle à l'original et une version remaniée. Le résultat peut être très satisfaisant comme cette jolie version destinée au méconnu micro-ordinateur britannique SAM Coupé, sortie très tardivement, en 1992. Mais parfois, on ressort très déçu comme avec la version Amiga qui propose sur sa disquette deux programmes appelé Manic Miner et Manic Miner 2. Si on met de côté quelques conversions plus ou moins réussies destinées aux téléphones portables, le seul "remake" officiel de Manic Miner est celui édité en 2002 par Jester Interactive sur la portable de Nintendo, la Gameboy Advance. Nous lui accordons donc une attention toute particulière en annexe... En plus de ces versions officielles, on trouve également un nombre incroyable de "hacks" et de remakes non-officiels réalisés par des fans, avec des niveaux inédits souvent monstrueusement difficiles ! Ici aussi, les traquer tous et les lister pourrait prendre une vie entière ! Et on ne serait jamais sûrs d'être exhaustifs tant il y en a. Rien que sur ZX Spectrum, on en dénombre facilement une dizaine sortis pour la plupart bien des années après la fin de la commercialisation de la machine. Mais la plupart tournent bien entendu sur des systèmes "modernes" : PC sous Windows ou Linux, Mac, Dingoo, Nintendo DS, etc. Manic Miner : version GBA.On y trouve un remake graphique et sonore du jeu original, ainsi qu'un mode spécial avec des niveaux inédits intercalés entre les niveaux classiques, et la possibilité d'obtenir de précieux mots-de-passes afin de ne pas avoir à tout recommencer au début à chaque nouvelle partie. Globalement, ce port a des qualités certaines : le lifting technique est sobre et garde l'identité du jeu original (mêmes sprites et mêmes mélodies), et surtout le gameplay hyper-précis et bien réglé est fidèlement re-transcrit. Enfin, on constate avec joie que les nouveaux niveaux, malheureusement peu nombreux, sont très intéressants et, encore une fois, parfaitement dans l'esprit de ce qu'avait conçu Matthew Smith. Niveau habillage, de petites cinématiques en images de synthèse ont été ajoutées, elles sont plutôt sympathiques. Malgré cela, le jeu a très mal été accueilli lors de sa sortie. Toute une catégorie de nouveaux joueurs n'ayant pas connu ce hit dans les années 80 ont élevé leur voix contre cette cartouche préhistorique vendue au prix fort. Et même chez Grospixels, on trouve des détracteurs. Voici un petit test réalisé par Gregoire. Il est intéressant car notre grospixelien a découvert le jeu à cette occasion. Il permet ainsi d'avoir un contre-avis sur ce titre qui, s'il n'a pas pris une ride aux yeux de certains, paraît lourd à digérer pour d'autres... Gregoire01 : Manic Miner sur GBA est mauvais, mais il est mauvais car il s'agit d'un portage qui n'a pas pensé à évoluer avec le temps et garde beaucoup de défauts. Des défauts compréhensibles et pardonnables pour un jeu vieux d'une vingtaine d'année, d'autant plus sur Spectrum qui n'était pas le micro ordinateur le plus performant du monde, mais sur GBA aujourd'hui c'est une autre histoire. La première raison est que le jeu est intolérant au possible. Impossible de jauger son saut, il est forcément au maximum. Dit comme ça, ça n'a l'air de rien, mais ça a vite fait de vous pourrir la vie. Dès les premières secondes, pour peu qu'un obstacle mortel soit au-dessus de vous, vous aurez vite fait de mourir si vous sautez. Car en plus tout est réglé au pixel prêt et je dis ça littéralement, car à peine vous effleurez un obstacle que hop, game over. Sans compter que sans prévenir le personnage peut s'arrêter en plein saut pour tomber verticalement. L'autre souci est le level design. D'une part c'est le genre à n’autoriser qu'un seul cheminement, une seule solution. Du Die & Retry dans tout ce qu'il a de pire. Mais là où c'est fourbe c'est quand le décor fait des siennes. J'en veux pour preuve le premier niveau qui est un niveau de glace ou l'on trouve des stalactites. Deux clés se trouvent proches de ces dernières. Je me suis fait tuer en touchant (voire effleurant) le premier. Pour le second, après quelques hésitations, je me lance et rien, toujours vivant. Pourquoi ? Tout simplement parce que CE stalactite est juste un décor de fond. Génial ! Ajoutons à cela que l'on y voit rien, les sprites sont ridiculement petits et comble de tout, l'animation est minimaliste au possible ce qui ne passe pas pour une console comme la GBA capable de livrer des jeux comme Street Fighter Alpha 3. La petite taille des sprites rend du coup la lisibilité et l’appréciation des sauts beaucoup plus délicate, voir hasardeuse. Plus tard j'ai essayé la version Spectrum, et si j'ai toujours du mal a passer le premier niveau, je doit avouer que je l'ai mieux pris que sur GBA. Simplement parce que l'on y voit clair. Il n'y a pas de confusion entre les décors et les obstacles, les sprites sont gros comme il faut, ce qui permet de mieux appréhender le niveau. En gros le portage de Manic Miner est un portage paresseux et honteux. Le genre qui peut vous dégoûter du titre si l'on ne s'est pas essayé à la version originale. J'en sais quelque chose, c'était mon cas avant que Seb m'ait convaincu d'essayer l'original. Les arguments de Gregoire concernant les mécaniques de jeu rigides et le "die and retry" parfois injuste sont tout à fait recevables. Manic Miner ne fait aucun cadeau, et ce remake, bien que sorti vingt ans plus tard, n'essaie aucunement d'assouplir la formule et de se rendre moins punitif. Il est pourtant possible de conserver un gameplay similaire, tout en rendant le tout plus accessible avec une maniabilité un peu plus moderne, comme le prouve le très sympathique Jump! (Arkedo / 2009). C'est un manque d'évolution flagrant, certes, mais également une orientation "hardcore" comparable à celle d'un CAVE qui va nous servir pendant des années et des années des shoot-them-ups faisant également preuve d'un conservatisme et d'un refus de s'ouvrir à d'autres publics. Mais là où l'on ne peut qu'être entièrement d'accord, c'est concernant la trop petite taille des sprites entraînant un très handicapant manque de lisibilité. À cause de la précision au pixel près exigée, impossible de progresser si on ne voit pas tous les détails, d'autant que certains décors créent alors des confusions. En fait, il y a deux façons de pratiquer ce Manic Miner GBA. En conclusionAu final, vous n'avez que l'embarras du choix pour découvrir ou redécouvrir ce petit bijou, conçu avec intelligence par un de ces excentriques qui ont tant contribué à l'histoire de ce média que nous aimons. Et pour lire la suite des aventures de Willy le mineur, c'est par ici que ça se passe. Un avis sur l'article ? Une expérience à partager ? Cliquez ici pour réagir sur le forum (21 réactions) |