Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par David (21 novembre 2005)
Caché sous son casque blanc et rouge, Billy-John suivait paisiblement des yeux les palmiers qui, sous l'effet de la vitesse que prenait sa ronflante moto, semblaient défiler devant lui telle une procession de mannequins anorexiques pressés de quitter la scène. Le soleil, encore bas à cette heure de la journée, teintait le paysage d'une couleur chaude et rassurante ; la brise matinale de Los Angeles caressait de sa fraîcheur toute relative le visage des concurrents de la course. Un jeu bien, mais pas top.Pas facile, que la vie de motard de jeu vidéo en 1983. Il faut dire que dans les salles d'arcade, la concurrence est rude : entre les moustachus dopés du génial Track & Field, les féroces prédateurs du difficile Exerion, et la réalisation venue d'un autre monde de Dragon's Lair, Traverse USA a fort à faire pour imposer son style. Les courses de moto vues de dessus sont encore rares - pour ne pas dire inexistantes -, le succès n'est donc pas garanti pour ce titre de la société Irem, alors toute jeune et inconnue du grand public. Pourtant, malgré des défauts qui de nos jours paraîtront hélas rédhibitoires, Traverse USA, aussi connu sous le nom de Zippy Race ou de Motoroad USA, possède un charme qui, en ce début des années 80, n'échappe à personne. Le concept du jeu est simple : aux commandes d'une moto tout terrain, le joueur doit traverser les États-Unis d'Ouest en Est en ralliant, en un temps évidemment limité, les villes de Los Angeles, Las Vegas, Houston, Saint Louis, Chicago et New York. Le long de ce périlleux parcours, le joueur devra, en plus de négocier les nombreux virages de la course, éviter les innombrables concurrents et obstacles qui se dresseront sur son chemin. Des jerricanes d'essence, disséminés çà et là, lui permettront d'octroyer à sa machine un regain d'autonomie, augmentant ainsi ses chances de terminer chaque étape à temps. Le jeu est composé de six niveaux qui, en apparence, promettent au joueur de voir du pays – en apparence seulement, car les niveaux 3, 4, 5 et 6 ne sont en réalité que des redites des deux premiers ; quelques obstacles en plus. Afin de varier les plaisirs, les niveaux impairs sont consacrés à la conduite sur route goudronnée tandis que les niveaux pairs affichent de larges routes de terre parsemées de cactus et de rivières surplombées par de frêles ponts de bois. Au sein d'un circuit, plusieurs chemins s'offriront parfois au joueur, lui laissant le choix d'emprunter des routes plus étroites, donc plus dangereuses, mais aussi plus riches en bonus divers. Tous ces niveaux ont pour point commun une arrivée en vue subjective dans la ville étape ; l'occasion, pour les programmeurs d'Irem, de montrer leur savoir-faire en matière d'animation avant-gardiste et, pour les joueurs, de faire preuve d'ultimes réflexes en évitant les véhicules déboulant à contre-sens. Outre les jerricanes d'essence, dont l'obtention est essentielle pour espérer voir le bout de l'aventure, le joueur chevronné pourra augmenter son score en ramassant des points disséminés aux endroits les moins accessibles de la route. Les plus courageux pourront aussi faire les guignols en empruntant à grande vitesse des tremplins qui ne manqueront pas de les projeter dans les airs, augmentant ainsi leurs chances d'entrer en collision avec une voiture adverse. Mais la façon la plus élégante d'exploser le high-score reste sans conteste la visée du haut du classement. Au départ bon dernier de la course, le joueur verra sa position modifiée à chaque dépassement. Dépasser un concurrent n'est, dans un premier temps, pas une mince affaire : la taille des voitures adverses, tout d'abord, contraint le joueur à manœuvrer de façon assez large – plus facile à dire qu'à faire lorsque la route se rétrécit sur deux, voire une voie ; le comportement des automobilistes, surtout, oblige à préparer chaque dépassement très longtemps à l'avance sous peine de percuter de plein fouet un pare-chocs arrière venu volontairement se placer dans la trajectoire de la moto. Le fair-play n'a pas ici son mot à dire, mais la récompense est de taille : à l'issue de chaque étape, un bonus de points important sera attribué aux plus téméraires en fonction de leur classement provisoire, et une réserve d'essence plus généreuse leur sera offerte en vue de l'étape suivante. Il y a les jeux qui vieillissent bien... et il y a les autres.Traverse USA n'est - n'était - pas un mauvais jeu. En son temps, la possibilité d'augmenter ses chances de succès en ramassant des bonus de temps, d'emprunter des routes alternatives en prenant quelques risques supplémentaires, ou encore de passer d'une vue aérienne à une vue arrière constituaient autant d'atouts qui expliquaient aisément le vif succès que remporta cette borne. En réalité, seul le tracé de la course, parfois très sinueux, donnera du fil à retordre au joueur, constituant là l'unique justification de son éventuelle persévérance. Pied au plancher (... pas pratique à moto), le scrolling vertical, bien que défilant à vitesse raisonnable, ne manquera pas de piéger le joueur novice. Et c'est bien là le drame. Car Traverse USA ne récompense pas une quelconque capacité instinctive du joueur à jouer des gaz et de la direction de son bolide : Traverse USA est principalement un jeu de mémoire dans lequel une connaissance parfaite de la course et de l'emplacement de ses jerricanes d'essence permettra aux plus persévérants d'apercevoir la Statue de la Liberté au bout de la dernière ligne droite. Un jeu qui n'aura pas servi à rien.La concurrence apprendra vite des erreurs d'Irem. Un an plus tard, Konami sort Road Fighter, sorte de Traverse USA futuriste sous emphétamines dans lequel les tracés se sont affranchis de leurs virages meurtriers, et la vitesse des scrollings a été revue à la hausse. Résultat : un jeu nerveux, accessible mais intraitable, dans lequel les réflexes purs du joueur sont mis à rude épreuve. Il faudra toutefois attendre 1988 pour que la suite quasi-parfaite de Traverse USA fasse une discrète apparition dans les salles d'arcade, mettant à profit ses cinq années d'écart avec son aîné pour effacer tous les défauts de ce dernier. Rally Bike n'est pas à proprement parler une suite officielle. Le développeur, bien connu pour ses shoot'em ups (Toaplan), n'a aucun lien avec Irem ; l'éditeur, Taito, non plus. Les points communs entre ce Rally Bike et Traverse USA sont toutefois très nombreux, trop nombreux pour ne pas y voir là la volonté de toute une équipe de rendre un vibrant hommage à un jeu ayant marqué le début des années 80. La plus grande force de ce Rally Bike réside dans ses graphismes. Exit le côté dépouillé et sommaire des décors de Traverse USA ; Rally Bike profite des derniers progrès techniques pour arborer un scrolling à la fois vertical *et* horizontal, en plus d'un graphisme fin, coloré, et surtout varié. Pour le coup, ce qui aurait pu apparaître comme de la poudre aux yeux se traduit en fait par des circuits d'une étonnante diversité, tant dans leur nombre que dans leur forme. Chaque course possède ses décors propres et, surtout, ses tracés propres. Il n'est pas rare au sein d'un même circuit de pouvoir atteindre la ligne d'arrivée d'une multitude de façons différentes. Rally Bike ne se contente pas de reproduire les schémas d'embranchements basiques de Traverse USA, il les transcende en truffant les circuits de routes parallèles, accessibles d'un simple virage ou par le biais d'un tremplin habilement placé. En outre, chaque course regorge d'événements extérieurs à la course, mais à l'impact certain sur vos chances de succès. Ainsi, en traversant une ville côtière, des voitures garées en épi pourront engager une marche avant impromptue. Ailleurs, c'est un camion fou qui, une fois dépassé, accélérera le long d'une étroite ruelle pour tenter de vous écraser. Plus loin, un prétentieux buggy provoquera un accident majeur dans une abondante forêt, rendant toute progression rapide extrêmement ardue. Loin de se contenter d'un design ludique plus abouti, Toaplan a aussi pensé à affiner la conduite de la moto, octroyant au bolide trois vitesses. La manette poussée vers l'avant, la moto roule à 80km/h. Le bouton feu enclenché, elle accélère à 140 km/h. Lorsque les deux actions sont accomplies simultanément, la vitesse de pointe de 180 km/h est atteinte. Rapidement, jongler entre ces différentes vitesses devient instinctif et permet de gérer au mieux les nombreux obstacles se dressant sur son chemin. De temps à autres, un hélicoptère vient larguer une caisse pouvant renfermer un "turbo", dont la spécificité est d'augmenter la vitesse de pointe de la moto à 200 km/h. À utiliser avec parcimonie! L'aspect stratégique de la course n'est pas non plus en reste. Bien entendu, le réservoir d'essence conserve son importance - tant qu'il renferme une goutte de carburant, le joueur est libre de rouler autant de temps qu'il le désire. Hélas, les choses se compliquent dès lors qu'il s'agit d'obtenir ledit carburant. En effet, les jerricanes jonchant le sol sont ici rarissimes ; et ce n'est qu'en s'arrêtant à l'une des nombreuses stations essence placées le long du parcours que la jauge se verra augmentée de quelques incréments, laissant la possibilité à une poignée d'adversaires de vous dépasser à leur tour. Et c'est bien là le problème, car alors que le classement dans Traverse USA n'était que prétexte à l'obtention de points de bonus, Rally Bike impose au joueur de terminer chaque niveau le mieux classé possible. Ainsi, le premier niveau vous contraint à franchir la ligne d'arrivée au mieux 30ème – pas facile lorsqu'on démarre la course 60ème ! Les niveaux suivants monteront la barre de plus en plus haut : 25ème, puis 20ème, 15ème... Rally Bike n'est pas un jeu facile. Produit en trop petite quantité, désormais totalement introuvable sur le marché de l'occasion (seules cinq bornes ont été recensées à travers le monde), Rally Bike aurait pu remporter un vif succès auprès des fans de jeux de course à l'ancienne. L'émulation nous permet aujourd'hui de réparer cette erreur. Profitons-en. Coiffé de son tout nouveau casque tricolore, Billy-John enclencha le turbo que l'hélicoptère venait de lâcher quelques mètres plus bas. Ni une ni deux, sa moto sursauta dans un vrombissement étourdissant pour bientôt atteindre une vitesse vertigineuse. Envie de réagir ? Cliquez ici pour accéder au forum |