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Mega Man X4
Année : 1997
Système : Playstation, Saturn ...
Développeur : Capcom
Éditeur : Capcom
Genre : Plate-forme / Action
Par MTF (15 juillet 2021)

Quelque deux années après un Mega Man X3 sinon poussif, du moins ronronnant malgré de fort belles idées, Capcom poursuivait sa saga sur la génération subséquente de machines, la Saturn de Sega d'une part, la Playstation de Sony de l'autre. Eh oui ! Nintendo, compte tenu des choix stratégiques qu'il fera pour sa N64 sera à présent mis à l'écart, du moins pendant un temps.
Il faut dire que le développeur avait déjà tâté le terrain : Mega Man X3 avait jadis été porté sur ces nouveaux supports, Mega Man 8 était sorti quelques mois plus tôt et montrait tout l'intérêt du disque sur la cartouche de jeu en termes de qualités graphiques et sonores. L'évolution était, dès lors, attendue, surtout que la série des X, bien plus rock'n roll que son ancêtre, avait toujours mis en avant le grand spectacle de son identité.

Support CD oblige, on ouvre sur une petite cinématique et on aura même droit à la distribution des personnages principaux ! Mais qui est donc cette figure noire que l'on devi... Sigma, c'est Sigma.

Disons-le tout de go : que ce soit sur l'une ou l'autre console, Mega Man X4 est l'un des tout meilleurs jeux de la série (si ce n'est le meilleur parmi les trois épisodes qui verront le jour sur cette génération de consoles), voire l'un des meilleurs jeux de plates-formes 2D de son temps. S'il est bien quelques défauts à la mouture, ceux-ci sont soit suffisamment minimes pour être facilement oubliés, soit miraculeusement assez visibles pour devenir des qualités.
C'est même surprenant, à dire vrai ; après un troisième épisode en demi-teinte comme je l'expliquais dans mon article, on ne pouvait que craindre la chute. Il n'en est rien finalement ; et quand bien même l'amateur, ou l'amatrice, sentirait parfois la redite, on ressort des plus extatiques de son parcours, au point d'en redemander.

De l'action frénétique et des boss inspirés d'animaux et/ou de plantes et même de champignons ? Aucun doute, c'est Mega Man X !

Zéro plus X

Bien entendu, et il me faut absolument commencer ici, la plus grande nouveauté du jeu réside dans le choix qu'il offre de parcourir l'aventure soit aux commandes de X, que l'on ne présente plus, soit aux commandes de Zero, qu'il faut présenter encore. Contrairement à l'épisode antécédent où l'inclusion du plus chevelu des robots était particulièrement décevante, ici, on n'est guère déçu du voyage. D'ailleurs, l'histoire canonique de la saga considère que son aventure est la seule à s'être jouée ici, comme pour enfoncer davantage le clou.
Au regard de X, dont les capacités spéciales n'ont guère évolué depuis l'épisode précédent et ce abstraction faite des armes spéciales qu'il dégotera sur les Robot Masters, Zero ne possède pas la faculté de collecter les armes de ses ennemis. En revanche, ses victoires se solderont par des améliorations plus nettes de ses mouvements, notamment concernant son « Z-Saber », l'épée laser qui le symbolise.

Les nouvelles capacités de Zero ont gardé, aux États-Unis et en Europe, leurs noms japonais et nom de nom, qu'elles dépotent !

Ainsi, finir le niveau de la jungle ajoute au sabre un effet électrique augmentant sa portée ; le stage de feu lui débloque une sorte de « Dragon Punch », une attaque ascendante particulièrement puissante ; une autre amélioration lui permet de détruire les projectiles, ou encore de faire un double-saut. Globalement, tandis que les récompenses obtenues avec X nous permettent de mieux vaincre nos adversaires, celles de Zero augmentent sa mobilité et font franchement évoluer le style de jeu, plutôt heurté, de la saga Mega Man X en quelque chose rappelant Strider et, je l'avais évoqué jadis, le prochain Strider 2 qui arrivera deux ans plus tard.
Partant, ce n'est pas vraiment un, mais bien deux jeux qu'on nous propose ici tant le sentiment, le gameplay, les stratégies se font distinctes, et ce d'une façon bien plus marquée que ce que l'on verra, par exemple et l'année suivante, dans Rockman & Forte. Si la prudence est de mise avec X comme toujours, Zero est en revanche un cascadeur prodige, allant à l'encontre des ennemis et défouraillant tout ce qui bouge sans y réfléchir à deux fois. À dire vrai, et bien qu'ayant commencé, par habitude, avec le Blue Bomber, c'est bien ma partie avec le blondinet que je préférai et de laquelle je ressortis le plus content.

Les améliorations de X sont, en revanche, plus anecdotiques : on retiendra le casque qui permet d'utiliser sans limites les armes secondaires, transformant le jeu en promenade de santé, et la toile d'araignée qui permet d'escalader les picots mortels.

Et huit, c'est encore nous !

Que l'on choisisse l'un ou l'autre héros en revanche, la progression générale de l'aventure sera plus ou moins la même : après un fort bon stage introductif sur une musique qui décoiffe, nous voilà rendu au QG des Maverick Hunters pour choisir l'ordre dans lequel nous affronterons les huit Robot Masters. Après la mort des quatre premiers, on aura droit à un petit interlude (sous forme de cinématique pour Zero, d'un combat de boss pour X) et une fois tout ce petit monde réduit en poussière, en avant pour la forteresse finale composée de trois stages et d'un second duel contre les huit premiers boss.
Au regard des épisodes précédents, le jeu cherche néanmoins à jouer la variation sur ce canevas fatigué : on appréciera surtout qu'au regard de la dominante industrielle des trois premiers épisodes, on se risque ici davantage à des environnements davantage marqués par la nature, un volcan, un océan dominé par des plates-formes pétrolières, une jungle ou une serre nocturne. Partant, même si les bestioles affrontées sentent parfois la redite avec ce hibou cousin de Storm Eagle (X1) et la bête que l'on confondrait avec Neon Tiger (X3), force est de constater que, leur design aidant, on accepte volontiers la redite.

Surtout, chaque boss a à présent un bout de dialogue avant et après son combat, qui participe grandement à les individualiser. Bon, c'est toujours pas du Shakespeare, mais ça reste sympathique.

Surtout, on notera que les stages sont, à présent, bien plus courts qu'auparavant : ils sont scindés en deux par un temps de chargement, la première moitié s'achevant généralement par un mid-boss, et on traverse cet épisode avec une facilité presque déroutante pour qui avait l'habitude de la difficulté de la saga jusque-là. Les ennemis font peu mal, les boss souffrent énormément de leurs faiblesses facilement devinées et même, se combattent assez aisément à l'arme basique. Seules certaines capsules cachées du Dr. Light, ainsi que les deux ou trois derniers boss, pourront éventuellement vous retenir et encore !
Mais autant cette concentration pouvait, à l'époque, être reprochée, autant aujourd'hui, à l'heure des compilations et des promotions, elle devient au contraire une bénédiction. À peine commence-t-on à s'appesantir sur une épreuve incertaine ou un ennemi mal placé, que l'on a déjà franchi l'obstacle ; et même, on se surprend à vouloir reprendre immédiatement l'aventure une fois le générique passé, surtout qu'on nous autorise à recommencer avec quelques surprises une fois le jeu fini une première fois.

Si ce n'est le général et Sigma, les boss ne posent pas trop de problèmes, surtout avec Zero qui les découpe comme du beurre mou.

On appréciera aussi quelques idées, trop rares cependant mais bienvenues, qui font varier la cadence : ainsi, le niveau de Cyber Peacock est constitué de trois segments chronométrés, et meilleur est notre temps, meilleure sera la récompense ; celui de Jet Stringray se déroule intégralement sur une moto supersonique, le stage s'apparentant alors à une sorte de shoot'em up frénétique ; le volcan nous autorise à prendre l'un ou l'autre chemin pour accéder au boss, selon qu'on utilise, ou non, une armure motorisée.
Alors certes, il est vrai que ces épreuves restent timides, et l'on aurait notamment apprécié un peu plus de liberté dans le parcours des stages. Ceux-ci restent des sortes de couloirs plus ou moins dirigistes, claustrophobes même par endroit, cela étant notamment lié à la caméra plus proche qu'alors de l'action, et aux sprites plus gros que jadis. J'ai cependant du mal ici à considérer cela comme un défaut, en réalité : tout ceci concourt à une meilleure dramatisation de l'action, on est sans cesse dans une séquence infernale d'un blockbuster hollywoodien et cela nous énergise incroyablement.

Le rang S du stage de Cyber Peacock vous permettra d'avoir, selon, un cœur, un tank d'énergie ou la fameuse amélioration du casque dont je parlais plus haut.

Lumière, caméra, action !

Je parlais de cinéma à l'instant ; poursuivons la comparaison, car l'un des ajouts les plus nets de cet épisode, ce sont bien sûr les cinématiques, caractéristiques des jeux de cette époque. Celles-ci, façon « dessin animé » à l'instar de ce que l'on avait eu dans la version CD de Mega Man X3 et de Mega Man 8, interviennent à des moments-clés de l'aventure et, chose notable, nous en apprennent davantage sur le passé de Zero et sa relation avec Sigma et le Dr. Wily.
Bien qu'agréables, ces cinématiques ont un premier gros défaut... et un autre gros défaut devenu, avec le temps, une immense qualité. D'une part, et malgré leur nombre, elles sont souvent incompréhensibles pour qui n'a pas plongé dans l'univers étendu du jeu, lu un peu de mangas et regardé les diverses adaptations de la série. En effet, il y a comme un trou scénaristique entre les épisodes : on ne fait plus mention du Dr. Cain ou des événements des jeux précédents et à présent, il faut compter avec la Repliforce, un groupe armé qui, à l'instar des Maverick Hunters, pourchasse les Reploids ; bien entendu, on aura droit au retour de Sigma, mais aussi à un colonel et un général ambitieux, on fera la connaissance d'Iris, une robote amoureuse de Zero et sœur jumelle (?) du Colonel, mais pas le temps de bavasser car on commence par le sabotage d'une station céleste...

L'ouverture des stages vous donne aussi quelques éléments, insuffisants, de contexte. Grosso modo, la Repliforce a été trompée par Sigma qui leur a fait croire que les humains étaient méchants. Yup, c'est toujours pas du Shakespeare.

Bref, n'en jetons plus ! Il est vrai que l'on n'a jamais joué à Mega Man X pour son histoire mais au moins, dans les épisodes précédents, les textes du jeu nous permettaient de comprendre ce dont il était question. Là, et si ce n'est effectivement les séquences de flashback, du diable si j'ai compris une traître chose à l'affaire. Cela m'a assez déçu, à dire vrai : j'avais pris plaisir à suivre les détours scénaristiques de la série jusque-là, mais force est de reconnaître que cet épisode échoue à, ne serait-ce, que raconter une histoire suivie. En revanche, en revanche ! Ces cinématiques ont aujourd'hui un charme indéniable et ce pour une raison assez simple : elles sont, en anglais, doublées lamentablement, tant et si bien qu'elles en deviennent « nanardes ».
Le terme, popularisé par le site fort connu Nanarland (lien externe), renvoie à un mauvais film sympathique par son exubérance, son amateurisme, sa candeur : loin d'être des navets devant lesquels on s'ennuie ou s'énerve, les nanars sont des objets rigolos qui parviennent à plaire malgré eux. Les cinématiques de Mega Man X4 sont connues comme étant des représentantes absolues de ce genre particulier et je vous recommande ne serait-ce que de voir ce moment extraordinaire (lien Youtube) pour vous en faire l'idée la meilleure.

Oh non, Machin était un traître... mais POURQUOI, POURQUOI EST-CE QUE JE JOUE AUSSI MAAAAAAAAAL !

Mais autant les cinématiques sont d'une qualité... négociable, autant le reste est, à proprement parler, extraordinaire. Tous les sprites, des moindres explosions aux plus grosses structures, sont animés avec une qualité qui coupe le souffle et qui, des vingt ans plus tard, n'a guère vieilli. Il faut voir bouger Frost Walrus, dont le modèle occupe une bonne moitié de l'écran, pour s'en convaincre ! Alors certes, et comme dit plus haut, l'équipe de développement a resserré la caméra sur l'action pour que l'on profite mieux de leur travail, au détriment du sentiment d'échelle qu'on pouvait jadis avoir ; mais à tout prendre, c'est là un échange bienvenu, au service de la nouvelle ambiance du jeu.
La musique, de même, est une véritable bénédiction : et quand bien même ne retrouverait-on point les ritournelles, à présent classiques, de l'épisode original, les compositions de Toshihiko Horiyama rivalisent avec ses premiers succès et, surtout, exploitent au mieux les nouvelles capacités de stockage des Compact Discs. Au pire, on geindra contre les ahanements et les cris que nos héros lancent à chaque action mais ils vont assez bien avec l'action et finissent par se fondre dans le reste de l'environnement sonore.

La taille des sprites est absolument impressionnante, même encore aujourd'hui.

Le passé ne meurt jamais

Je pense en avoir assez dit : Mega Man X4 est une petite bénédiction, qui égale par endroit le tout premier épisode. Honnêtement, et sur mon podium personnel, je lui donne même la médaille d'argent : il lui manque peut-être un tout petit plus de challenge sur la fin de son parcours, un peu plus de pompe ou de grandeur pour égaler le magistral épisode inaugural mais je lui accorde cela, d'être des plus accessibles aux nouveaux et nouvelles venues. À dire vrai, si vous voulez vous plonger dans cette série, je ne saurais que trop vous recommander cet épisode qui se déguste, avec Zero comme avec X, en quelques après-midis et qui remplit fort bien la panse.
Reste la question, cependant, de la version à privilégier. Celle que l'on trouve à présent dans les compilations est la version Playstation, considérée généralement comme la meilleure et il est difficile effectivement d'aller à l'encontre de cet avis. La version Windows est plutôt correcte, même si j'ai cru relever des ralentissements ponctuels, et la version Saturn, qui fut pourtant longtemps pressentie comme l'unique, ne parvient pas à offrir plusieurs effets de transparence qui rendent franchement bien sur la console de Sony (mais, il est vrai que programmer la transparence sur Saturn était notoirement difficile). Au-delà de cette réserve, je n'ai rien vu de vraiment différent.

Les décors ne sont pas en reste, que ce soit pour les menus ou les niveaux, et les effets de profondeur sont saisissants.

Mega Man X4 est le prototype même de la suite que personne n'attendait et qui, pourtant, tout emporte sur son passage. Est-ce que le cinquième épisode, qui arrivera trois ans après, sera aussi bien reçu ? Eh bien... nous verrons ça un jour !

À la fin du scénario de Zero, on saura enfin d'où il vient et pourquoi Sigma est devenu Maverick... mais l'histoire est amenée à se poursuivre !
MTF
(15 juillet 2021)