Il est des jeux particulièrement associés à une génération de consoles, ou une console en particulier, mais à côté desquels je suis jadis passé. Chose curieuse que ces « classiques » qui, à l'aune de ce qui se produit en littérature ou au cinéma, vous sont connus sans jamais les avoir lus ou vus, sans jamais y avoir joué. Ainsi sait-on généralement de quoi parle Moby Dick ; ainsi connaît-on la chute de Citizen Kane ; ainsi connaissais-je à l'époque la légende Mega Man X sans y avoir joué. Lors de sa sortie en Europe, en 1994, mon goût personnel ne me dirigeait pas vers ce type de jeux d'action ; mais on en entendait tellement parler dans les magazines, on l'évoquait tellement quand on parlait et de jeu vidéo, et de la Super Nintendo, qu'il était impossible d'ignorer son existence. Il faut dire que sa sortie avait fait l'objet d'une bombe. Lorsqu'il arriva peu avant noël 1993 au Japon, Capcom s'apprêtait à faire évoluer l'une de ses séries phares, le fameux Mega Man qui riait de ses six années d'existence. Mais la Nes était déjà une chose du passé, il fallait penser à avancer avec son temps ; mais plutôt que de poursuivre immédiatement la série première, dite aujourd'hui « Classic », l'équipe de développement prit le risque de débuter une toute nouvelle histoire, qui n'aurait pu n'être qu'un « spin-off » mais qui égala, si ce n'est dépassa pour toute une communauté de joueurs et de joueuses, le succès de l'original.
D'après les témoignages du développement, cette impulsion nouvelle fut initiée par Keiji Inafune, artiste et créateur du design si particulier du « blue bomber », mais ce n'est pas à lui que l'on doit le dessin général de la série. Ce sera Hayato Kaji, l'associé de longue date du maître, qui sera crédité ici. S'il reprendra grossièrement l'esprit de la série originale, son inflexion sera notable : les traits sont plus durs, l'accent est davantage mis sur la violence de l'affrontement, on perd la rondeur qui rappelait, lointainement, Astro Boy. Quelque part, et c'était ainsi qu'on le présentait à l'époque, l'évolution ressemble à celle ayant eu lieu entre Dragon Ball et Dragon Ball Z. On appréciera d'ailleurs la même démarche de dénomination, en rajoutant une seule lettre au titre d'alors. Tout personnellement, j'ai toujours préféré cette nouvelle esthétique à la précédente, sans pourtant reprocher à cette dernière quoi que ce soit et même, tout en en louant le génie. Mais il y a une énergie, une fougue dans les personnages de la série X que je n'ai jamais trouvée dans la série classique ; et même si, mais cela est attendu, il y aura comme un essouflement du genre au fur et à mesure des épisodes, je ne peux qu'être admiratif du travail général de l'équipe tant on sait à quel point il peut être difficile de renouveler une série installée. Qu'on ne s'y trompe cependant : Mega Man X est bel et bien un Mega Man, et de son histoire à son déroulement, on ne saurait se méprendre. Alors, comme pour fêter la sortie plutôt récente des deux Mega Man X Legacy Collection, anthologie d'une série qui essaimera huit épisodes, je reviens ici sur l'original, celui par lequel tout commença.
Cette fois-ci, on est toujours dans le futur !
L'intrigue de Mega Man X se déroule quelque cent ans après celle de la série classique. Nous sommes donc en l'an 21XX, dans un monde qui s'apprête à subir une révolution technologique d'une ampleur inégalée. Un archéologue et spécialiste de robotique, le Docteur Cain, trouve au cours d'une session de fouilles un laboratoire enfoui qui appartint à feu Dr. Light, créateur du premier Mega Man. Dans celui-ci, il trouve un sarcophage contenant le prototype d'un nouveau robot, fondé sur sa plus célèbre création et sobrement appelé « X ». D'après les plans laissés par son créateur, X est un nouveau type de robot, à l'intelligence bien plus évoluée que Mega Man, notamment en ce qui concerne les notions d'éthique, de bien et de mal. Il s'agit d'un robot capable, disait-il, de faire ses propres choix et ainsi, plutôt que de suivre une programmation, de décider le type de personne qu'il voudrait être. Après l'analyse du prototype, qui s'éveilla sans mal, le Docteur Cain étudia à fond les plans du Docteur Light et réussit à répliquer son invention, du moins, presque parfaitement. Ces répliques, dites « Reploids » (pour « Replica Android », androïde répliqué), furent alors fabriquées en nombre et leur puissance mécanique, associée à leur intelligence nouvelle, permirent à l'humanité de progresser notablement et d'atteindre un degré de civilisation inédit.
Malheureusement, ces Reploids peuvent, épisodiquement, devenir bellicistes et rebelles : on les appelle alors des « Mavericks ». Que ce soit par un bug de leur programme, un virus informatique ou tout simplement car ils estiment de leur propre chef que les êtres humains sont inférieurs aux robots, ces Mavericks décident d'entrer en guerre et d'éradiquer l'humanité. Pour les contrer, le Dr. Cain et X mettent en place le groupe des « Maverick Hunters ». Ces Reploids auront pour tâche de faire revenir à la raison, sinon de détruire, les Mavericks, coûte que coûte. La guerre fait rage, cependant ; et elle s'apprête malheureusement à prendre un tournant décisif. Sigma, un ancien Hunter devenu contre toute attente Maverick, s'est emparé par la force d'une petite île et s'apprête à lancer une violente offensive contre l'humanité. Les troupes Reploids sont réduites à peau de chagrin : seuls X et Zero, un autre prototype de l'époque du Dr. Light trouvé il y a peu, parviennent tant bien que mal à tenir leurs lignes. L'histoire commence alors lorsque, au long d'une mission sur une voie rapide, X rencontre Vile, un Maverick particulièrement puissant. Tandis qu'il s'apprête à donner le coup de grâce à notre héros, Zero surgit in extremis et sauve son compagnon. Ils parviennent à s'échapper et à localiser huit Mavericks maîtrisant des postes clés de l'île, comme un aéroport, une centrale électrique ou une tour de contrôle : les tuer permettrait de prendre un avantage certain. Alors, tandis que Zero se met à la recherche de la forteresse cachée de Sigma, X lance l'assaut dans l'espoir de mettre un terme à cette guerre terrifiante.
Comme on le voit, l'histoire de Mega Man X se fait d'ores et déjà bien plus élaborée que celle du premier Mega Man, voire des suivants. Si l'on retombera toujours sur quelque chose d'assez simple, les gentils robots contre les méchants robots, il se développe néanmoins des fils narratifs qui seront développés dans les futurs épisodes d'une façon bien plus organique que la série originale, bien que celle-ci, à compter de l'épisode 7 justement et peut-être inspiré par la série des X, s'alignera sur ces ambitions. Alors certes, l'on peut très bien parcourir le jeu sans se préoccuper de tout cela (je l'ai moi-même fait pendant longtemps !), mais pour peu qu'on s'attarde sur les (rares) dialogues, que l'on visionne l'introduction voire, si vous le pouvez, qu'on lise le manuel, on appréciera cet effort d'écriture, surtout dans un genre de jeu, l'action/plate-forme, qui n'en a d'ordinaire cure. Cette écriture, d'ailleurs, justifiera en retour quelques innovations de gameplay, que je détaillerai plus bas. Volonté a été faite de construire quelque chose d'assez robuste narrativement, ou du moins un peu plus élaboré que « Le diabolique Dr. Wily s'échappe de prison et fait du rififi », tout hommage rendu à la simplicité de ces anciennes histoires. Et même si l'intrigue aura un jour ce défaut de se prendre trop au sérieux et d'aller au-delà de ses dimensions premières, je me suis surpris à m'y investir bien plus que je ne l'aurais cru de prime abord.
À grimper aux murs
Il suffit de saisir la manette et de simplement déplacer X pour qu'immédiatement, la qualité du jeu nous saute aux yeux. Certes, en 1993, ni Capcom, ni la Super Nintendo n'avaient quoi que ce soit à prouver ; mais il est fascinant de voir à quel point ce jeu illustre extraordinairement bien ce qu'est le genre de l'action/plate-forme à ce moment-là de l'histoire du jeu vidéo console, et d'apprécier les avancées extraordinaires, tant dans le domaine des graphismes, de la musique ou de la jouabilité, que le média connut au regard de la génération antécédente de machines. La même année que ce jeu sort Mega Man 6 sur Nes, dernier épisode du robot sur la console de Nintendo ; et si la comparaison ne saurait, évidemment, se faire sérieusement, elle permet cependant de mieux voir la singularité de cette nouvelle série.L'ambiance, tout d'abord, est sans doute ce qui détone le plus ici. Tandis que Mega Man s'apparentait à une sorte de marquetterie d'univers certes marqués par la robotique et la technologie avancée, mais assez riants et lumineux finalement, enthousiastes, Mega Man X nous plonge dans les ruines et les décombres de la guerre. Le niveau inaugural, se déroulant sur une voie rapide, est particulièrement révélateur de cela, et évoque des images lointaines de Mad Max et d'Akira. Le jeu, peut-on dire, flirte davantage avec la dystopie et le post-apocalyptique qu'avec l'anticipation.
Le design général, dont j'ai déjà touché quelques mots plus haut, flatte ces rapprochements. Si les Met, ces petites créatures au casque solide et symboles de la série première, se rencontrent encore très occasionnellement, ils sont phagocytés par des ennemis, dits encore « Mechanoids » (des robots à l'intelligence plus limitée pour les distinguer des Reploids), au dessin bien plus sévère, aux pics aiguisés, aux yeux blancs ou jaunes sans prunelle. On ne retrouve pas ici la légèreté des ennemis de la série classique, et si on rencontrera encore des animaux robotisés, la dureté de leurs angles nous empêche de les croire issus du même esprit que les précédents. Comme pour accompagner judicieusement ce nouvel esprit, la bande sonore change également de braquet. On doit celle-ci au groupe maison Alph Lyla, qui composa jadis les musiques iconiques de Street Fighter II. Les airs primesautiers d'alors laissent leur place à des musiques évoquant davantage le hard rock, et malgré le processeur sonore de la console, l'énergie caractéristique de ce genre de musique transperce néanmoins. À tout prendre, il s'agit pour moi d'une des meilleures bandes originales de jeu vidéo, toute catégorie et toute époque confondues : c'est un chef d'œuvre du genre, et je ne pense pas me méprendre en disant cela.
Le départ le plus grand cependant se situe dans le maniement du personnage. Au regard de son ancêtre, X est bien plus leste, quand bien même ressentirait-on une certaine lourdeur dans sa constitution (il a notamment tendance à tomber à pic, telle une pierre ou, bien sûr, du métal). Le détail augmentant de ses étapes d'animation en ferait presque une ballerine : il lève haut les bras au moindre saut, son air concentré voire bougon confère une dignité au moindre geste ; de nouveaux mouvements surtout, s'ajoutent au panel attendu des sauts et des tirs, chargés ou non, et viennent notablement changer la donne. Le premier s'apprend dès le stage introductif, qui est sans doute une merveille de tutoriel déguisé. Lors de ce stage, nous affrontons une sorte d'hélicoptère ressemblant à une guêpe géante qui, une fois vaincu, choit en emportant avec lui une large portion de route. L'accident nous coince à un étage inférieur, sans ascenseur ni plate-forme susceptible de nous faire remonter. À force d'expérimenter, l'on découvre que X peut s'agripper aux murs, tant pour s'y laisser glisser et anticiper la chute que pour s'en propulser d'un coup sec, l'autorisant à monter des surfaces parfaitement verticales ou des goulots d'étranglement.
Cet ajout décisif complique substantiellement le gameplay, et le rend d'autant plus nerveux. La verticalité, dans les Mega Man classiques, était généralement prise en charge par des échelles à l'ascension lambine, parfois à des items autorisant la traversée mais toujours lentement. Ici, les niveaux s'élèvent conséquemment, les chutes sont moins problématiques qu'auparavant ; et les possibilités d'attaques et d'esquives s'en retrouvent même démultipliées puisque n'importe quelle surface verticale, aussi petite soit-elle, autorise un rebond mural. Bien entendu, les ennemis, les boss surtout, exploitent d'autant mieux ce nouvel aspect du jeu et nous attaquent sans relâche : à nous alors d'exploiter au mieux ces murs pour éviter leurs assauts, voire les surprendre en se glissant dans leur dos d'un bond gracieux. Cela est nécessaire du reste tant le rapport de taille entre le héros et l'écran s'amoindrit, et que les projectiles sont bien plus gros qu'auparavant. C'est là où se situera, en vérité, l'une des marges de progression les plus importantes, surtout quand on a l'habitude d'autres jeux du genre autorisant bien moins de libertés : et cela reconfigure sensiblement notre rapport aux dangers qui nous guettent.
Le second ajout de taille se découvre dans le stage de glace. Il est connu que dans les Mega Man, c'est souvent par ce type d'univers qu'il faut commencer, soit parce qu'il est plus facile que les autres, soit parce qu'il contient des objets accessibles. Mega Man X relève de la seconde catégorie : le parcours nécessaire de ce stage nous conduit à une capsule étrange, qui s'active à notre approche. Il s'agit d'une relique du Dr. Light, qui a laissé dans le monde des améliorations compatibles avec X et lui conférant de nouveaux pouvoirs, à l'aune de ce que l'on avait jadis avec Rush par exemple, si ce n'est que ces éléments, de nouvelles pièces d'armure s'ajoutant aux jambes, bras, tête et corps de X, s'activent automatiquement. Des quatre améliorations présentes dans le jeu, seules les jambières seront obligatoires. Elles offrent la possibilité de s'élancer vers l'avant ou de « dasher » sur un court laps de temps. Ce mouvement remplace ce faisant la glissade apparue dans Mega Man 3, l'améliore même ; car non seulement le gain de vitesse horizontale est notable, non seulement X s'allonge en se propulsant, l'autorisant à se couler sous certains projectiles au ras du sol, mais il augmente légèrement les dégâts donnés avec notre arme principale et est combinable avec le saut mural. Aussi, on nous encourage à nous propulser constamment, d'aller au contact des ennemis, d'être supérieurement mobiles. Cette nervosité, exigée si l'on désire finir le jeu dans les conditions les meilleures, deviendra l'une des marques de fabrique de la série entière et sera constamment améliorée.
Profitons-en, d'ailleurs, pour évoquer les autres améliorations disponibles. Outre les jambières, la pièce de corps améliorera sensiblement la défense de X, ce qui permettra de terminer le jeu sans trop de mal, y compris pour un nouvel ou une nouvelle arrivante ; l'amélioration des bras augmentera la puissance de charge du tir principal mais, surtout, autorisera le chargement des armes des boss, point sur lequel je reviendrai plus bas ; enfin, le nouveau casque autorisera à détruire certains blocs spéciaux menant à d'autres objets utiles. Deux catégories d'entre eux, notamment, sont à trouver. La première regroupe des sortes de cœurs artificiels, qui augmentent progressivement la barre de vie de X ; on comprendra aisément leur utilité. La seconde n'est autre que les « E(nergy)-Tank », qui remplissent l'intégralité de notre barre de vie en cas de coup dur. On notera qu'au regard de la série classique, il nous faut les remplir avant d'en user, en ramassant des pastilles d'énergie tandis que nous sommes en bonne santé. Si chaque niveau de Maverick contient un cœur, les capsules d'amélioration et les E-Tanks se retrouvent dispersés, quant à eux, un peu partout : mais comme ces objets ne sont pas nécessairement ardus à trouver, pour peu que l'on ouvre l'œil et qu'on explore les lieux, on gagne à les récupérer tant ils facilitent particulièrement la dernière phase du jeu nous conduisant, comme on s'y attend, à la forteresse de Sigma.
Le problème, c'est le choix
La structure générale de l'aventure suit un canevas éprouvé et stabilisé depuis le tout premier Mega Man. Après le stage introductif, présentant les grands enjeux, tant en termes d'histoire que de gameplay, nous sommes libres de choisir l'ordre dans lequel nous désirons aborder les huit niveaux principaux de l'aventure. Chaque stage, se déroulant dans des environnements distincts (un complexe minier, un aéroport, une base sous-marine...), se termine par une confrontation contre un Maverick. La victoire nous offre une arme supplémentaire, lié audit Maverick et qui sera la faiblesse d'un boss ultérieur. Si les boss des Mega Man faisaient généralement appel à des éléments naturels, des objets divers ou des concepts abstraits (le feu, l'eau, l'électricité...), les Mavericks de Mega Man X reproduisent des avatars du monde animal : ce sera donc ici Chill Penguin, Launch Octopus, Storm Eagle, Spark Mandrill, Boomer Kuwanger (une sorte de scarabée, dit « kuwagata » en japonais), Flame Mammoth, Sting Chameleon et Armored Armadillo que nous devons affronter. Toutes choses égales par ailleurs, l'environnement dans lequel nous les trouvons, à quelques exceptions près, sera cohérent avec leur identité initiale : le pingouin sera le boss du monde de glace, l'aigle règnera sur l'aéroport, on trouvera le caméléon dans la forêt. Ce lien se distendra avec le temps, au fur et à mesure des épisodes, mais on appréciera la cohérence interne du système dans ce premier jeu.
Partant, l'ordre dans lequel nous déciderons d'aborder ces huit niveaux conditionnera particulièrement la difficulté du jeu. Si l'on connaît les grands préceptes de la saga et que l'on commence par le stage de glace, l'obtention des bottes et du dash facilitera grandement le parcours ; d'autres chemins sont envisageables, peut-être cependant avec un peu de tâtonnement lors d'une première partie tant les faiblesses des boss peuvent sembler plus ou moins arbitraires. Si l'on comprendra facilement que le feu est fort contre la glace, il est pour ainsi dire impossible de deviner que le lance-missiles est la faiblesse du scarabée, ou que la glace contre l'électricité. Mais ces relations, attendues, ne composent pas le seul choix déterminant du jeu : car dans une dynamique inédite pour la saga, le fait de vaincre un boss peut influencer tout également la disposition et les pièges d'un niveau subséquent et simplifier son parcours. Par exemple, vaincre Storm Eagle fait s'écraser son avion sur la centrale de Spark Mandrill, désactivant nombre de pièges électriques. Le mini-boss du stage en devient ainsi quasiment inoffensif, et cela ouvre un passage menant à un cœur d'énergie. Vaincre Chill Penguin congèle la lave du niveau de feu, autorisant des raccourcis nouveaux ; si vous parvenez à vaincre Launch Octopus, les cavernes souterraines de Sting Chameleon seront inondées et autoriseront l'accès à un bonus caché.
Toutes choses égales par ailleurs, ces synergies sont limitées dans le jeu (je les ai quasiment toutes citées dans le paragraphe précédent), mais elles participent au caractère organique de cet univers. La géographie, plutôt fantasque, des Mega Man devient ici un terrain de jeu un peu plus concret, ce qui sied bien aux nouvelles ambitions narratives d'une part, et à cette idée d'amélioration et de changement constant de l'autre. X, ce sera là un des fils rouges de l'histoire, est présenté comme un robot au potentiel « illimité », faisant écho là encore à un trope de Dragon Ball Z, où les nouvelles transformations de Son Goku, tout comme celles de X, autorisent de nouvelles possibilités d'action. Un autre aspect participe de cette impression. Je disais plus haut qu'une amélioration permettait à présent de charger les armes des boss ; or, il ne s'agit pas ici simplement d'augmenter les dégâts qu'ils font, mais de proposer un emploi distinct et, généralement, plus intéressant. Ainsi, l'arme de Sting Chameleon nous rend insensible aux chocs ; Armored Armadillo nous donne un bouclier tuant les ennemis sur notre passage ; une tornade gigantesque dévore tout l'écran avec Storm Eagle. Ces armes permettent non seulement de libérer une salle entière d'ennemis, mais aussi, dans leur version basique parfois, d'accéder à de nouvelles zones de jeu, de détruire des murs suspects ou d'obtenir de nouvelles améliorations. Pour le dire autrement, le jeu s'asaisonne tout légèrement d'une pincée d'exploration à la Metroid tout en autorisant, exception faite des bottes, à progresser sans savoir trouvé l'intégralité des améliorations disponibles.
La difficulté générale du jeu s'en ressent alors, surtout au regard des standards de la série classique. Même si la forteresse de Sigma, composée de trois étapes et accessible une fois les huit Mavericks battus, pourra surprendre occasionnellement par sa longueur, voire sa roublardise, rien ne saurait ici être particulièrement inaccessible pour peu qu'on apprenne les faiblesses des boss et qu'on fasse l'effort de trouver les morceaux d'armure, les E-Tanks et les cœurs d'énergie qui parsèment le jeu. Même, je dirais qu'il s'agit d'un des Mega Man les plus faciles, si ce n'est le plus facile de tous ; et bien que cela puisse décevoir celles et ceux qui ont fait leur classe avec le « Blue Bomber », le jeu en devient une excellente portée d'entrée à la série, même encore aujourd'hui. On peine cependant, et à mon goût, à ressentir une véritable progression dans le challenge, quand bien même certains boss de la forteresse pourraient donner du fil à retordre, davantage d'ailleurs à cause de la disposition de leur arène qu'autre chose. En contrepartie, on ressent une amélioration sensible de la puissance de X, qui deviendra progressivement une machine de guerre invulnérable. C'est une sensation extraordinaire qui n'empâte absolument point sur le plaisir de jeu et, même, l'installe parmi les plus belles expériences de ma vie de joueur.
Thank you for playing!
Car c'est finalement ça, je pense, qu'il faut retenir du jeu, et la puissance qu'on doit lui associer : plus que d'autres épisodes de la saga, on y revient avec une facilité déconcertante, sans véritablement s'en lasser. Il trouve ce juste équilibre entre une nervosité et une énergie que l'on associerait davantage à l'arcade, et une profondeur de jeu, une exigence d'exploration, caractéristique des jeux de cette période de l'histoire du jeu vidéo. Bien que limitées, les possibilités tant en termes de combats que d'agencement de l'aventure, par la reconfiguration des lieux et le choix de notre prochaine destination, sont suffisantes pour inviter à la relecture et comme un bon vin, Mega Man X vieillit extraordinairement bien et gagne même en vigueur. L'habitude allant, on se surprend à prêter davantage attention aux décors, d'une beauté dont on ne parle que rarement ce me semble, à l'animation et aux couleurs, aux bruitages. Le regard se décolle de l'action frénétique pour juger de l'ensemble de la facture, et on en ressort admiratif du soin apporté au moindre détail.
Mega Man X est même davantage qu'un excellent jeu d'action/plate-forme, ou qu'un excellent Mega Man. C'est même bien plus qu'un des meilleurs jeux de la Super Nintendo, tant et si bien que son inclusion dans la Snes Mini était indiscutable. Le jeu est devenu pour moi, et pour nombre, le jeu d'action/plate-forme par excellence, le parangon, le modèle incontesté et indépassable du genre. Il y aura bien sûr bien des prétendants, ses suites directes ne serait-ce, mais aucun à mes yeux ne rivalisera avec la rondeur, l'harmonie et l'efficacité générale du jeu et à l'époque déjà, tout le monde comprenait le moment décisif qui se jouait sous nos yeux. Son succès initial, tant critique que populaire (on estime qu'1,16 millions de cartouches ont été vendues jadis), n'a jamais été éclipsé et s'est même renforcé avec ses rééditions en compilation et son remake sur PSP, qui eut cependant le mauvais goût de remplacer les sprites par des modèles en 3D, hélas bien moins expressifs. On ne saurait cependant avoir de mal aujourd'hui à revenir à l'original tant on le trouve sur toutes les consoles virtuelles du marché : et que vous le connaissiez ou non, on ne regrette jamais une petite partie de Mega Man X.