Mastodon
Le 1er site en français consacré à l'histoire des jeux vidéo
Rick Dangerous 1&2
Année : 1988
Système : Amiga, Amstrad CPC, Atari ST, C64, Windows, ZX Spectrum
Développeur : Core Graphics
Éditeur : Firebird
Genre : Action / Plate-forme
Par Laurent (29 mars 2004)

Rick Dangerous

Rick Dangerous représente en quelque sorte le summum dans un style de jeu vidéo qui ne se fait plus, tout en étant diablement en avance sur son époque. Derrière l’idée originale de ce jeu, on trouve certainement les aventures d’Indiana Jones au cinéma, et plus particulièrement la séquence d’ouverture du premier volet, montrant Indy échapper à une avalanche de pièges mortels disséminés dans une caverne. Bien entendu, sans l’humour et le talent dont ont fait preuve les gens de Core Design, dont c’est le tout premier gros hit, ce jeu ne figurerait pas en bonne place dans la liste des classiques 16-bits.

Rick Dangerous est un archéologue spécialisé dans les anciennes civilisations d’Amérique du sud, qui a l’habitude de mener ses recherches sur le terrain, vêtu d’une sorte de tenue de cow-boy et d’un chapeau indéboulonnable. Évidemment, si sa description s’arrêtait là, on crierait au plagiat, mais il faut ajouter que Rick a un physique plutôt ingrat. Sa tête est aussi volumineuse que tout le reste de son corps, il a de petites jambes qui le font courir d’une façon ridicule, et lorsqu’il meurt, il pousse un cri absolument grotesque qui semble parodier le célèbre Wilhelm's scream entendu dans tout film d'aventure qui se respecte. Cet apparence peu flatteuse ne l’empêche pas d’arborer en permanence un sourire satisfait.

Alors qu’il pilotait un petit avion au dessus de la forêt Amazonienne, à la recherche de la tribu Goolu aux mœurs cannibales supposées, Rick a été victime d’une panne moteur et s’est crashé. Équipé d’un petit bâton, d’un pistolet et d’un peu de dynamite, le voilà parti pour explorer des cavernes immenses, infestées d’indigènes très dangereux et de pièges bien vicieux bricolés avec des bambous, des lianes et beaucoup de cruauté. Par la suite, il visitera des tombes égyptiennes, un château, et partira à l’assaut d’un camp nazi (l’action se passe pendant la seconde guerre mondiale) pour déjouer une tentative de lancement de missiles sur Londres. Les ennemis rencontrés changent à chaque fois (amazones, égyptiens et soldats SS)

Le premier mouvement du joueur, au début du premier niveau, déclenche un piège mortel hérité d'Indiana Jones

Rick Dangerous est un jeu de plate-forme qui préfigure une vague gigantesque de titres similaires sortis au début des années 90 (la majeure partie sur Super NES), mais procure des sensations de jeu très différentes, qui renvoient aux origines même des jeux vidéo. Tout est là : échelles, plates-formes, dynamite qui met quelques secondes à exploser, pistolet, maniabilité parfaite, graphismes BD, et progression savamment dosée. Ce qui fait la différence avec des titres ultérieurs comme Earthworm Jim ou Mickey’s Magical Quest, c’est la difficulté phénoménale du jeu et la nécessité pour progresser de mémoriser parfaitement des séquences de mouvements complexes qui ne se réussissent pas forcément à tous les coups même si on les a anticipées.

L'avantage d'avoir affaire à des développeurs anglais : le texte d'intro est savoureusement écrit.

La héros se manipule à l’ancienne, à savoir avec un seul bouton et en faisant "haut" pour sauter. Pour utiliser la dynamite, il faut actionner le joystick en bas en appuyant sur le bouton. Pour tirer au pistolet, c’est bouton + haut. Le reste du temps, le bouton permet de frapper avec le bâton. Ce maniement déroutera le joueur d’aujourd’hui, mais ne constitue jamais une gêne. Les ennemis n’ont aucune intelligence artificielle et se contentent de faire des aller-retours. Lorsqu’on utilise la dynamite pour les tuer, il faut jongler avec le délai d’explosion, la distance d’éloignement de Rick pour ne pas être tué par l’explosion, et la distance de l’ennemi, qui doit être assez proche au moment de l’explosion.

Bien entendu, les munitions sont limitées, et Rick trouve des réserves de dynamite et de cartouches pour le pistolet au cours de l’aventure. Par ailleurs, il est amené à collecter des masques en or défendus par les indigènes. Le point sur lequel le jeu est le plus vicieux est l’usage qui est fait du scrolling. Celui-ci n’est pas continu, le décor avançant par blocs. L’entrée dans chaque bloc de décor se solde par un piège qui nécessite une action instantanée pour ne pas que Rick meure. C’est une véritable enfer ! Arrivé en sortie de chaque bloc de décor, il faut se rappeler du piège qui attend Rick de l’autre côté et en anticiper l’évitement. La mort provoquant un retour en arrière de plusieurs blocs, il faudra refaire un parcours difficile pour revenir à l’endroit ou l’on à échoué. La plupart des pièges sont suffisamment difficiles pour nécessiter une concentration parfaite même si on les a déjà franchis des dizaines de fois.

Des niveaux plus avancés

Rick Dangerous réclame donc une rigueur totale, une concentration de tous les instants, une grande pratique de ce type de jeu et une patience infinie. Etre une véritable machine à jouer, en fait. Pour ajouter à un tableau déjà chargé, le joueur ne dispose que de 8 vies, et l’option continue est aux abonnés absents.

On se demande comment, dans ces conditions, ce jeu a pu être à ce point être adulé à sa sortie. La raison est qu’il est pratiquement impossible de s’arrêter d’y jouer. Malgré la multiplication de morts injustes, de coups bas et l’énervement qu’il réserve au joueur, Rick Dangerous est un jeu incroyablement accrocheur. La simplicité extrême de l’action, l’humour des graphismes, la bande son simple mais efficace qui laisse entendre des millions de fois ce fameux cri accompagnant la mort de Rick, tout est totalement réussi et cohérent. La difficulté, bien que très élevée, n’est tout de même pas insurmontable et la progression est lente mais constante. Les 4 niveaux sont très longs et proposent des graphismes assez répétitifs, mais la durée du jeu ne repose pas uniquement sur cette difficulté, il s’agit d’un produit totalement fini, élitiste mais pesé jusque dans le moindre détail.

Par la suite les concepteurs de jeux de plate-forme ont adopté une approche totalement différente, plus grand public, notamment sur consoles, en s’arrangeant pour éviter que le joueur ne recommence trop de fois les mêmes passages et ne reparte jamais du début. C’est même devenu un point très important dans l’appréciation du jeu. Rick Dangerous, en poussant à l’extrême une vision inverse, possède une charme particulier et nous renvoie aux meilleures heures du jeu vidéo sur micros 8-bits, bien qu'il ait surtout brillé sur ST et Amiga.

Ce classement des scores révèle l'origine de la copie !

Il faut toutefois reconnaître que malgré une conception remarquable, Rick Dangerous procure plus de plaisir dans sa version piratée, où le héros dispose de vies infinies. Le jeu prend alors une autre dimension, trouve la stature d’un hit universel, difficile mais pas trop, et d’une longueur rare grâce à l'étendue des niveaux. L’option aurait donc pu être incluse dans le jeu original.

Rick Dangerous 2

Si le premier était un hit, le second est carrément incontournable. Cette fois, Rick n’apparaît plus en ersatz d’Indiana Jones, mais en super-héros ! Avec un costume à la Superman, et de nouvelles armes, comme le pistolet laser ou les détonateurs électroniques, il affronte des ennemis beaucoup plus variés que dans le premier épisode : robots, vikings, aventuriers des bois et autres, dans des décors qui changent toujours à chaque niveau (intérieur du vaisseau E.T., planète de glace, jungle...)

L’histoire, située en 1945, nous raconte que Rick, après avoir sauvé la capitale anglaise du complot nazi visant à la détruire, s’apprête à rentrer chez lui quand il aperçoit un vaisseau extra-terrestre. Il va affronter ces ennemis venus d’une autre planète, encore pires que ceux qu’il avait vaincus dans le premier épisode.

Cette fois le scénario est plus élaboré : l'intro fait 4 écrans !

La formule est éprouvée, et on sent que les auteurs du jeu en ont conservé les éléments déterminants, tout en prenant des libertés avec le reste. On pourrait reprocher à ce deuxième volet son manque de cohérence visuelle, mais le jeu est si réussi et passionnant qu’au contraire on conseillera aux non-initiés de commencer par celui-là, dans la mesure où il est moins répétitif et plus long (et un peu plus difficile aussi).

Il y a toujours 4 niveaux, plus un 5e secret, mais ils sont très, très longs, et l’action réserve beaucoup de surprises. Bien sûr, le principe est le même, à savoir qu’il faut recommencer encore et toujours les niveaux pour progresser, mais cette fois la variété dans les situations éviter toute lassitude. De plus, on peut choisir par quel niveau on commence.

Cette suite a eu un succès encore plus énorme que le premier volet, et a largement contribué à faire de Core Design un studio de développement très côté, qui s’est lancé dans des productions plus ambitieuses (Heimdall 1&2, Chuck Rock) avec un talent égal, avant d’exploser sur PC et consoles 32-bits avec la série des Tombraider, dans lesquels un oeil exercé pourra identifier quelques éléments issus des deux Rick Dangerous, la dérision en moins.

Emulation

Plutôt que de vous coltiner les immondes versions PC avec leurs graphismes en EGA boueux et leurs configurations de touches impossibles à modifier, mieux vaut, une fois de plus, utiliser les versions ST ou Amiga de ces jeux. Plus colorées et dotées de vrais sons, elles fonctionnent parfaitement en émulation.

Laurent
(29 mars 2004)