Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par Simbabbad (27 novembre 2023) La Game Boy Advance n'a pas la réputation d'une console propice aux jeux artistiques ou expérimentaux comme le sera ensuite la PSP de Sony par exemple ; la console de Nintendo a plutôt laissé l'image d'une "SNES portable" très généreuse en jeux légers et colorés parfaitement adaptés aux enfants et aux adolescents, image que cultivait plus généralement Nintendo en privilégiant plutôt des univers familiaux et des mécaniques de gameplay traditionnelles. Cette mini-série, même si elle allait directement inspirer l'hexalogie des Bit. Trip (du propre aveux d'Alex Neuse, le fondateur de Gaijin Games), n'est hélas jamais sortie du Japon et est restée confidentielle ; mais Nintendo a profité de l'installation de magasins dématérialisés sur Nintendo Wii puis Nintendo DSi en 2008 pour prolonger et amplifier ce coup d'essai, sans doute à destination du public plus âgé séduit par le touch screen de la Nintendo DS et par l'épure de la Wiimote. Ce nouveau label renommé Art Style reprenait la même ligne générale voire les mêmes jeux déjà sortis sur GBA, mais sous une forme plus poussée et plus ambitieuse, s'inscrivant dans un mouvement plus large que l'on retrouverait sur PSP comme déjà évoqué (Echochrome par exemple) mais aussi sur smartphone, et surtout dans le jeu indépendant. Parmi ces jeux, certains me semblent particulièrement marquants, dont Art Style : INTERSECT de Q-Games sur Nintendo DSi. Une erreur d'aiguillage qui peut rapporter grosArt Style : INTERSECT est une adaptation de Digidrive sur GBA, un des quatre jeux bit Generations à être redistribué sous la gamme Art Style. S'il est typique pour les deux séries d'avoir une apparence très simple mais un gameplay beaucoup plus retors, Art Style : INTERSECT pousse cette tendance jusqu'à l'extrême : le jeu a l'air à première vue très primitif, presque du niveau d'un Game & Watch, mais en réalité son gameplay est complexe, subtil, exigeant, et surtout incroyablement prenant et original. L'objectif semble donc d'abord élémentaire : on se trouve à un carrefour où des véhicules colorés stylisés (trois couleurs possibles) arrivent, que l'on peut aiguiller avec la croix directionnelle (une option "touch screen" existe mais n'est pas appropriée). Au départ, les sorties sont incolores, mais si on y "stocke" cinq véhicules de la même couleur à la suite, elles prennent la couleur en question, et créent un réservoir de carburant alimenté par les véhicules de cette même couleur (ci-dessus, on peut constater que la sortie de gauche est noire, celle du bas est blanche, celle de droite est rouge, et celle du dessus reste incolore). On se dit alors que le jeu consiste tout bêtement à diriger les véhicules vers les bons réservoirs, mais Art Style : INTERSECT se révèle être d'un genre totalement différent et assez unique : sur le fond, c'est un jeu de pari d'une grande richesse. En effet, "se tromper" en envoyant un véhicule de la "mauvaise" couleur sur un réservoir a des conséquences très différentes selon le nombre total de réservoirs : si l'on n'en a qu'un, le réservoir sur lequel on s'est "trompé" disparaît tout simplement ainsi que tout son carburant ; si l'on en a deux, le réservoir disparaît mais son carburant est transféré sur celui de l'autre réservoir ; et si l'on en a trois, le réservoir disparaît mais son carburant est doublé car ajouté à chacun des deux autres réservoirs. Faire une "erreur" peut donc rapporter énormément de carburant, mais il faut le faire au bon moment et au bon endroit. En effet, l'utilité du carburant est d'être mis à feu de temps à autre pour éloigner un noyau d'une pointe, tous deux situés sur l'autre écran de la Nintendo DSi. Cette mise à feu se fait donc en sortant du mode overdrive, mais surtout dans le cours du jeu normal, en dirigeant un véhicule spécial vers le réservoir à consumer. Ce véhicule spécial arrive spontanément régulièrement, mais on peut aussi en stocker des unités en faisant monter le noyau ; on peut alors faire entrer une unité stockée dans le carrefour quand on le souhaite, simplement en appuyant sur un bouton. Les mécaniques du jeu sont donc très originales (je ne connais rien d'approchant), et une fois qu'on les a bien comprises et qu'on apprend à les maîtriser, on s'expose à des taux d'adrénaline en montagnes russes. Réussir à atteindre des quantités de carburant incroyables mais en ayant d'autant plus de chances de les perdre est grisant : doit-on "rejouer" ce carburant et jongler avec dans la perspective de faire progresser sa mise exponentiellement, ou doit-on "l'encaisser" en le mettant à feu pour se mettre à l'abri d'une erreur qui pourrait tout nous faire perdre ? Du poker au carrefourArt Style : INTERSECT donne ainsi les sensations d'une partie de poker de haute voltige, mais en nous laissant un contrôle quasi complet sur les stratégies à suivre et sur l'exécution, basée quant à elle sur les réflexes. Doit-on s'obstiner à essayer de générer un overdrive qui pourrait être bien long à venir (sachant que pendant ce temps la pointe se rapproche du noyau), ou successivement doubler sa mise en privilégiant le transfert d'un réservoir sur les deux autres en jonglant sur trois réservoirs ? Doit-on attendre les dernières secondes pour transférer le carburant d'une sortie qui pâlit dangereusement, ou transférer plus souvent les réservoirs et ainsi s'assurer de ne jamais les perdre ? On est constamment tiraillé entre l'envie de risquer gros pour gagner gros et la prudence, sachant que la prudence peut nous mener au Game Over si l'on traîne trop et laisse la pointe rejoindre le noyau. Le génie de Art Style : INTERSECT est donc de nous donner les émotions d'un jeu de hasard avec les règles d'un jeu de puzzles et la simplicité de contrôle et la lisibilité d'un Game & Watch. Quand on perd, c'est forcément de notre faute, et en plus de ça on a toujours l'impression que c'est une erreur stupide. C'est important car cela colle aux principes d'addiction que Shigeru Miyamoto a exposés dans un "Iwata demande" (la fameuse série d'interviews interne à Nintendo) sur New Super Mario Bros. Wii :
Art Style : INTERSECT suit ces principes, pas dans le sens où il est facile à comprendre du premier coup d'œil (il est au contraire très déroutant malgré ses apparences simples), mais dans le sens où sa mécanique de base est tellement évidente que lorsqu'on commet une erreur, on s'en veut malgré la complexité effective de l'action, et on recommence alors aussitôt car on est sûr que l'on fera mieux la fois suivante. Art Style : INTERSECT, en plus d'avoir une construction prodigieuse et de donner des sueurs froides, est donc terriblement addictif. Sur le plan de la présentation et du contenu, Art Style : INTERSECT s'inscrit dans la lignée de la gamme Art Style en général : lisible, épuré, avec un style visuel évoquant une œuvre d'art moderne, et une musique interactive du meilleur goût. Le jeu s'articule principalement autour du mode infini, mais a également un mode deux joueurs (chacun sur sa console) qui comprend un combat contre le CPU. Chaque mode contre la machine a plusieurs niveaux de difficulté, avec des médailles à décrocher correspondant à certains scores, l'or débloquant des options supplémentaires : des habillages de couleurs pas toujours très beaux (il faut le dire) et des musiques alternatives, quant à elles toutes réussies. Très original, prenant, avec des mécaniques de scoring spectaculairement huilées et rejouable à l'infini, Art Style : INTERSECT mélange la réflexion et les réflexes de façon inédite et rafraîchissante à comparer des innombrables déclinaisons de Tetris qui offrent le même type d'équilibre, et il mérite donc d'être découvert, sur Nintendo DSi comme sur Game Boy Advance. Simbabbad (27 novembre 2023) Sources, remerciements, liens supplémentaires : Cet article a été publié initialement sur le blog de Simbabbad, à cette adresse.
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