Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par Niko844 (07 septembre 2009) Oyez moussaillons ! Après des années à arpenter des océans de jeux Xbox, je suis de retour ! Il est vrai, luttant de tout mon être contre certaines bouses, j'ai mis beaucoup de temps à dégotter un trésor d'aventure sur cette console. En flibustier aguerri que vous êtes, vous n'allez pas en croire vos oreilles. Cette découverte n'est autre que... le très sous-estimé Galleon, véritable retour aux sources d'un genre qui à tendance à oublier qu'un jeu d'aventure peut-être réussi sans pour autant devoir appâter l'ado lubrique et décérébré. Petit frère de Tomb Raider, avec lequel il partage le même père, Toby Gard, Galleon est la conséquence de la révélation qu'a été Lara Croft. En effet, une fois qu'Eidos eut réalisé l'immense potentiel commercial de la licence, les employés de Core Design comprirent très vite qu'ils devraient réutiliser la même formule jusqu'à l'essoufflement de la série. Qui dit pompe à fric dit inévitablement produit vendu comme un pack de lessive, le tout accompagné par une bonne tonne de produits dérivés. Gard, se sentant dépossédé de son œuvre, avait alors décidé de claquer la porte de Core Design pour pouvoir voler de ses propres ailes. Il créa ainsi en 1997, avec l'aide de Paul Douglas (codeur du premier Tomb Raider, dont Toby Gard était graphiste), le studio Confounding Factor, entreprise de véritables passionnés qui se heurtera aux dures réalités du système qu'est le monde du jeu vidéo. En effet, tout bon designer qu'il est, le père Toby, certainement contraint par le manque de moyens, ne s'est entouré que d'une petite équipe de quatorze personnes. N'ayant aucunement l'intention de faire de concessions sur la production de son jeu, il décide de maintenir le cap de sa vision initiale. Le hic, c'est qu'une équipe de quatorze développeurs, aussi passionnée soit-elle, ne peut pas accomplir un résultat à la hauteur de ses ambitions aussi vite et facilement qu'à l'époque de la Playstation. D'après Gard, un jeu aussi ambitieux aurait dû mettre à contribution près d'une centaine de personnes ! Le projet, initié sur la défunte Dreamcast, se verra ainsi inévitablement reporté sur les consoles nouvelle génération. Dès lors, les soucis commencent. Privé de son éditeur initial, Interplay, en proie à quelques « soucis d'ordre financiers », le projet est repris par une autre maison d'édition, SCi Games (anciennement The Sales Curve, et qui s'est offert Eidos en 2005, adoptant ce nom au passage, avant d'être racheté par Square Enix en 2009). SCi, voulant probablement tâter un peu le terrain, préfère se concentrer sur le marché de la XBox, annulant ainsi les versions Gamecube, PC et Playstation 2, au grand désespoir des fans de jeux d'aventures. C'est donc au bout de six ans que Galleon, véritable arlésienne du jeu d'aventure sort dans les bacs. Le joueur incarne Rhama Sabrier, flibustier charismatique et surpuissant, engagé par un scientifique pour ses connaissances en flotte marine. Les choses tournent bien évidemment mal, et c'est alors le début d'une grande aventure. À l'écran, un premier constat s'impose : ça sent quand même beaucoup la Dreamcast. Bien en dessous des possibilités graphiques de la bobox, le jeu paie le prix de son changement de plate-forme et surtout de son manque de moyens. Un univers pauvre en textures et en polygones, ce qui d'emblée repousse bons nombre de joueurs. Cela dit, il serait injuste de réduire le visuel du soft à une avalanche de reproches d'ordre technique. Car Galleon, c'est avant tout une direction artistique aux petits oignons. Quelles que soient les îles visitées ou les personnages rencontrés, le souci apporté au design est tel que le jeu parvient à insuffler une véritable vie à l'ensemble. Ne pouvant se payer le luxe de tirer parti de la console de Microsoft, le graphisme est resté le même que sur Dreamcast, épuré, alors que la Xbox aurait pu afficher quelque chose de bien plus fidèle aux dessins préparatoires. Au bout d'une heure de jeu, ce ressenti s'efface face à la crédibilité de l'univers. Pur produit issu de fantasmes geek, le soft se situe dans un univers empruntant aussi bien aux films d'aventures qu'au cinéma de science-fiction et d'arts martiaux. Le héros, flibustier aguerri, se bat en utilisant des techniques très sophistiquées, tout en faisant preuve d'un certain humour anglais (un peu moins sophistiqué). Ce mélange des genres, quelque peu déroutant mais jamais lourdingue, donne au jeu un cachet unique, ma foi très agréable. Le visuel seul ne suffisant pas à faire un jeu (parce que dans jeu vidéo il y a vidéo et que la vidéo elle bouge), l'impression de vie qui se dégage de l'ensemble est renforcée par la manière dont les choses bougent. En effet, l'animation demeure le principal atout technique du jeu. Pour info, la référence citée par Gard n'est autre que... Prince of Persia. On a vu pire dans le domaine. Que ce soit au niveau des expressions faciales ou dans la gestuelle, chaque personnage évolue ainsi de façon très fluide et presque naturelle, enfin, si l'on met de côté les capacités physiques du héros et de bien d'autres protagonistes. Car celles-ci sont quelque peu... Hors normes. Eh oui, en bon héros qu'il est, Rhama est beaucoup plus balèze que les autres, c'est pour ça que c'est un héros ! Malgré son corps squelettique, le gaillard fait preuve d'une incroyable puissance héritée du kung-fu pour évoluer dans des endroits à priori inaccessible. Capable de sauter avec une précision diabolique sur un minuscule poteau, de nager avec la grâce d'un dauphin, de rebondir contre les parois, de bondir sur une distance inimaginable, glisser contre un mur, voire carrément d'évoluer accroché ou suspendu à des surfaces improbables, ce personnage se rapproche plus de Spider-Man que de Lara Croft. Évoluer dans un environnement hostile ne pose donc pas de gros problèmes pour Rhama, et ce ne sont pas les sbires du méchant qui vont lui mettre des bâtons dans les roues. Grâce à une palette de coup très fournie, le frêle mais vaillant gaillard, en dehors de l'usage d'un pistolet, peut mettre à profit ses connaissances en arts martiaux pour se battre à mains nues ou armé d'un sabre. Mention spéciale pour les combats contre les plus gros monstres, qui ont sans aucun doute influencé un certain Shadow of the Colossus sur Playstation 2. Preuve indéniable que Galleon, œuvre mineure s'il en est, a su marquer le monde des jeux vidéo. Mais voilà, tout n'est pas rose au pays des pirates, car voilà qu'on en vient à aborder la question qui fâche : la jouabilité. Cette dernière, à l'origine pensée pour la manette de la Dreamcast (dotée d'un seul stick alors que le pad XBox en a deux), a beaucoup déçu. Pour résumer, le stick gauche sert à diriger son personnage et le droit à sélectionner les objets. La caméra restant en permanence dans le dos du personnage, il est impossible de la faire bouger indépendamment de lui. Ici, le deuxième stick n'est là que pour naviguer dans l'inventaire, et ainsi piocher parmi les objets et autres régénérateurs de vie ou de magie. Si ce choix, à l'époque du développement sur la 128-bits de Sega, pouvait se justifier (manipuler la caméra avec la croix directionnelle aurait obligé le joueur à lâcher le stick, rendant le personnage vulnérable), il est curieux que lors de son portage sur Xbox cette configuration n'ait pas été remise en cause. Assez déroutante au début, surtout lorsque l'on change de direction en courant comme un dératé, cette particularité peut être domptée avec, en autre, la possibilité de verrouiller un objet, un sbire ou autre élément quelconque. Rien d'insurmontable, certes, mais pas toujours très pratique. D'autant qu'au final, Rhama se révèle bien moins capricieux qu'une certaine Lara Croft au niveau des sauts, et surtout bien plus agréable à diriger. Même souci pour les combats, dont la richesse des coups exige un certain temps d'adaptation avant d'être parfaitement maîtrisés. Le héros ayant tendance à se focaliser sur un ennemi en particulier, et certains coups vous enlevant quelques points de vie, il est nécessaire d'exploiter au mieux la palette de techniques martiales et les quelques coups spéciaux. On retiendra la jouabilité très orientée « jeu de bourre-pif », avec la possibilité de varier les coups selon la position du joystick. Sympa. Les bourrins préfèreront projeter un ennemi dans le vide après lui avoir collé une balle dans le bide... Autre point de discorde concernant la jouabilité : son caractère « automatisé ». À la manière d'un Ocarina of Time, certaines actions sont gérées par le jeu. Ainsi, il suffit de se coller contre un muret pour grimper dessus, et ramasser un objet peut se faire à distance, en appuyant sur B après avoir verrouillé l'item ou s'en être approché. Plutôt sympa, cette idée peut vite s'avérer problématique si le joueur se colle trop à un mur, ou verrouille un objet à la place d'un autre, ce qui risque de rendre son héros vulnérable le temps qu'il réalise et corrige son erreur. Mais là encore, avec un minimum de discipline, on parvient à maîtriser le sujet. Boudé par le public, le jeu sera de plus massacré sans vergogne par une grande partie de la presse spécialisée, qui pointait du doigt ses graphismes d'un autre temps et sa jouabilité déconcertante. Un mépris réellement révoltant car Galleon, contrairement à d'autres best-sellers survendus, accorde une grande importance au level-design, invitant le joueur dans une aventure alternant à merveille scènes cinématiques, exploration, résolution d'énigmes et combats. L'architecture des niveaux, très réussie et inspirée, donne une réelle impression de liberté, avec des environnements gigantesques. Malheureusement, en cherchant à faire le tour de l'île, on réalise qu'il y a des limites à l'exploration, marquée par un mur invisible. Qu'importe, les niveaux sont suffisamment énormes pour satisfaire l'aventurier qui sommeille en vous ! Le plaisir d'en explorer chaque recoin pour y découvrir une épée, un trésor caché voire tout simplement un nouveau décor est tel que le jeu devient un véritable retour en enfance. Rien que pour cette raison, il est indigne de réduire Galleon à son héritage graphique. Chaque phase de jeu s'avère suffisamment agréable et variée pour que l'on ne décroche pas. Outre la jouabilité semi-automatique, la présence (entre autres) d'indices dispensés dans le menu de pause du jeu souligne le souci de proposer au joueur une progression fluide. Cependant, la durée du jeu n'en demeure pas moins correcte, surtout si vous décidez de vous lancer dans la collection de trésors (note perso : n'est-ce pas Jarel...). Complètement décomplexé et assumant un mélange d'univers très différents, le jeu transcende même ses aînés par l'importance qu'il accorde à son histoire et ses protagonistes. Toby Gard ne s'est pas contenté de créer des personnages de jeu, il transpose sur console ce qu'il a toujours aimé dans les films d'aventure. En témoigne l'ambiguïté de la relation entre Rhama et les femmes qui l'accompagnent... Au travers de certaines scènes cinématiques, de certaines animations, des phases de jeu où ils doivent coopérer, les héros s'éloignent peu à peu de leur statut iconique pour laisser transparaître une véritable humanité, les rendant d'autant plus attachants aux yeux du joueur. On est bien loin d'un Tomb Raider sur ce plan-là, et on se rapproche beaucoup plus de l'objectif de son créateur, à savoir une forme de cinéma interactif. Alors certes, Galleon n'a rien d'un blockbuster. Pas d'explosions impressionnantes, pas d'effets de lumière tape-à-l'œil, pas de blagues vaseuses... Il demeure toujours dans le jeu une certaine retenue. Modeste, oui, mais efficace. Que ce soit au niveau du graphisme, de l'animation, de la musique ou tout simplement de l'attitude des personnages, rien ne semble superficiel, même dans les situations les plus loufoques. Et pourtant, il se dégage du jeu un dépaysement, un véritable enchantement. Malgré un effectif réduit, les développeurs de Confounding Factor ont su brillamment se concentrer sur l'essentiel. Au final, Galleon sera un flop. Plutôt mal accueilli par la presse, il n'a donc pu marquer que les joueurs ayant osé franchir le pas, forçant Toby Gard à entrer dans le rang, retournant ainsi travailler sur la licence Tomb Raider. Comme souvent dans le monde du jeu vidéo, la prise de risque a été durement sanctionnée, et c'est bien dommage. Parce qu'il fait preuve d'une cohérence absolue, aussi bien dans sa structure, dans son scénario que dans sa direction artistique, parce qu'il est intègre, riche, touchant et respectueux du genre, Galleon est un jeu qui s'attire la sympathie du joueur grâce à une aventure prenante, drôle, dépaysante et magique. Ses détracteurs pourront toujours s'obstiner à pointer du doigt sa technique ou encore les errements de sa jouabilité, ils ne pourront jamais occulter la réussite de l'ensemble. Un indispensable sur Xbox, tout simplement. Niko844 (07 septembre 2009) Un avis sur l'article ? Une expérience à partager ? Cliquez ici pour réagir sur le forum (11 réactions) |