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Under Defeat
Année : 2005
Système : Arcade
Développeur : G.rev
Éditeur : G.rev
Genre : Shooter
Par Julenstein (10 novembre 2008)

Alors qu'en 2005, le public n'a d'yeux que pour la nouvelle génération de consoles et des révolutions techniques et ludiques qui se préparent, G.rev préfère jouer la carte du old-school avec un shooting-game des plus classiques spécialement concocté avec amour pour les férus du genre. Après Border Down, le modeste studio japonais griffe la Dame Blanche de Sega de sa patte si significative en lançant à nouveau la course au dernier titre de la Dreamcast.

À gauche, le flyer de la version Naomi. à droite, la jaquette de l'édition limitée sur Dreamcast.

Zero Gunner 3 ?

Dès les premiers visuels diffusés par G.rev, Under Defeat a furieusement fait penser à un certain Zero Gunner 2 de Psikyo à cause, bien sûr, de l'hélicoptère et de la possibilité de faire pivoter ce dernier. Et c'est vrai qu'on sent son influence une fois dans le jeu à cause de plusieurs aspects : le design, tout d'abord, terne mais travaillé, les tirs ennemis de couleur orange, la rotation de l'appareil et les adversaires qui peuvent vous attaquer de toutes parts. En revanche, contrairement au modèle, le vaisseau ne peut pas pivoter à 360° mais seulement dans un angle compris de dix à quatorze heures. Pour s'incliner, il suffit de relâcher le bouton de tir et de se diriger vers la droite ou vers la gauche. En tirant, l'hélicoptère reste bloqué dans sa direction et on peut ainsi se déplacer en conservant son angle. Deux modes sont disponibles : le mode dit "normal" incline l'hélicoptère vers la gauche en se dirigeant vers la gauche et à droite vers la droite ; le mode "reverse", lui, comme son nom l'indique, inverse les commandes pour les habitués de Zero Gunner 2.

L'armement est des plus classiques avec un tir frontal et une smart bomb qui fait littéralement tout exploser à l'écran. L'arsenal est complété par une option faisant office de tir de soutien aux trois formes différentes : un vulcan au tir faible mais continu, un canon à huit tirs un peu plus puissant ou une roquette dévastatrice. Pour utiliser son option, il faut laisser une jauge verte se remplir en cessant le feu. Une fois celle-ci pleine, appuyer sur le bouton de tir fait apparaître l'option qui conserve l'inclinaison qu'avait l'hélicoptère lors de la pression. La jauge verte décroît alors progressivement, plus ou moins rapidement selon le type de l'option ; une fois vidée, l'option s'autodétruit, déclenchant alors une jauge rouge d'attente (une sorte de handicap, de temps de rechargement des munitions secondaires si l'on veut). Ce délai passé, on retrouve la possibilité de laisser se remplir à nouveau la jauge verte. À certains passages « stratégiques », on peut ainsi empêcher la jauge d'option de se remplir en tirant un minimum, pour être sûr de la charger au bon moment. Inversement, les fous de la gâchette se mettront des bâtons dans les pales en tirant avant de stocker l'option. Vous suivez ? L'utilisation judicieuse des options constitue le cœur du système de score puisque tous les éléments détruits par celles-ci, ennemis ou décors, comptent double pour les points. Dans la mesure du possible, il faut donc toujours se débrouiller pour porter le coup de grâce aux bosses de fin de niveau via l'option.

Alors que l'hélicoptère est bloqué (et tire) vers la droite,
l'option est orientée vers la gauche.
On peut apprécier les effets spéciaux.

Par ailleurs, récolter le même type d'option que vous possédez déjà rapporte un bonus de 5000 points. Enfin le nombre de bombes et de vies jouent aussi leur rôle dans le système de score : il est préférable d'avoir un maximum de bombes non utilisées, ainsi qu'un minimum de vies ! Le reste dépend du taux de destruction au cours du stage.

L'idée est évidemment de pouvoir tirer en V ou en X en inclinant l'option d'un côté et en se penchant de l'autre une fois lancée. Le level design oblige tout au long des niveaux à adopter certains angles à certains endroits-clés pour éviter telle attaque ou arroser tel ennemi. De ce côté, le jeu reste tout de même très old-school puisqu'on est loin du level design d'un Ikaruga, toujours propice aux enchaînements ou à un motif de tir touffu comme dans un jeu Cave. Tant mieux puisque la hit box n'est pas toujours facile à visualiser. Ça reste toujours très classique mais d'une efficacité sans faille, notamment grâce à des situations très variées et haletantes et toujours mises en scène de fort belle manière. Mention spéciale au début du dernier stage, où les bruitages sont muets durant les premières secondes pour mieux laisser la place à un thème musical assez mélancolique. L'effet est saisissant, doublement lorsque la violence des explosions revient aux oreilles. Encore une idée toute simple, mais qui renforce l'ambiance de guerre ; une petite touche originale dans un registre maintes fois éculé.

On a connu plus difficile dans le genre, mais ça se défend ici pas mal grâce d'un système de rank qui réduit ou augmente la difficulté selon vos performances. Difficile d'apprendre le jeu par cœur dans ces conditions donc puisque selon ses prouesses, on appréhende les diverses scènes du jeu avec plus ou moins de challenge. Détail amusant : lorsque l'on meurt, l'écran se fige comme pour mieux montrer au joueur l'impact qui vient de lui coûter la vie. Ça surprend un peu les premières fois mais évite la moindre contestation. Inutile de pester contre son écran mon cher, ce tir vous a bel et bien atteint !

À gauche : les décors sont ternes mais très fouillés. Un travail de fourmi ! Sur le screenshot de droite, on peut voir le boss du deuxième niveau mal en point.

Naomi, top model.

Under Defeat se greffe à la longue liste de jeux Naomi beaux comme des Apollons et jouit de la même finesse graphique que Shikigami no Shiro II, Psyvariar 2, GigaWing 2 ou Ikaruga. Il utilise tout ce que la petite Dreamcast a dans le ventre pour une richesse graphique impressionnante compte tenu de ses capacités. Les modélisations sont réussies et les environnements détaillés : par exemple, les reflets sur les étendues d'eau sont gérés. Les effets spéciaux en mettent plein la vue avec des explosions très Hollywoodiennes ou des traînées de fumée bien agréables pour la rétine, entre autres. On a rarement vu des effets pyrotechniques de cette qualité, surtout en ce qui concerne la bombe, et la plus grosse attaque du boss final qu'on pourrait presque comparer à une nuée ardente ! Et pour nous montrer que tout ça, ce n'est pas du carton ni du pré-calculé, les développeurs nous permettent de tourner la caméra en faisant pause, de zoomer et de nous rendre compte à quel point les graphismes du jeu sont ahurissants. Et comble du comble, ça ne rame pas pour un sou.

Même combat du côté du son, la qualité est au rendez-vous et les pistes donnent une vraie personnalité au titre. D'ailleurs, G.rev semble autant satisfait de celles-ci que nous puisque la bande originale est fournie avec l'édition limitée du jeu. On évite les clichés du genre à base des riffs de guitare à ne plus savoir qu'en faire ou des beats techno de bien mauvais goût à en revendre et on écoute là les mêmes tons que dans Border Down, à savoir un rock posé, limite jazzy par moment. Ça joue beaucoup dans l'ambiance du jeu puisque ça tranche radicalement avec les situations de guerre qu'on joue au long des niveaux. Dernière précision : toutes les voix-off sont en Allemand, pour faire plus « crédible » sans doute. On connaît le goût des concepteurs japonais pour cette langue dès qu'il s'agit de machines de guerre.

On ne peut rien reprocher au portage Dreamcast qui est d'excellente facture, forcément puisque la Dreamcast et la Naomi ont des structures presque identiques. On parlerait même ici de titres de noblesse ajoutés au passage de la conversion avec, entre autres, l'ajout d'un mode entraînement pour se balader gaiement dans les niveaux et apprendre un minimum les apparitions des ennemis, d'une bande originale arrangée, bien qu'il soit possible de sélectionner celle de la version arcade, de diverses configurations de l'écran y compris un mode tate pour ceux qui peuvent tourner leur télévision. On nous offre enfin une galerie d'illustrations ainsi que la possibilité de commencer le jeu directement au second loop, pour les masochistes ou simplement pour ceux qui parviennent déjà à boucler le premier.

Deux captures d'écran de la version Dreamcast, en mode yoko. L'occasion de voir les différents fonds d'écran du jeu.

G.rev continue son petit bonhomme de chemin et donne une belle leçon aux éditeurs peu scrupuleux qui jouent la carte de l'immobilisme. À défaut d'être original et surprenant, Under Defeat est un concentré de savoir-faire, un exercice de style maîtrisé de A à Z. Preuve qu'il ne suffit pas de multiplier les licences ou de décupler les budgets pour intéresser ; il faut tout simplement procurer du plaisir de jeu et enrober, si possible, sa production de mille éclats de cristal. Sans avoir la reconnaissance qu'ont Treasure ou Konami, les artisans de G.rev savent captiver avec un titre débordant de labeur, de bonne volonté et de passion, surtout.

Julenstein
(10 novembre 2008)
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