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Time Commando
Année : 1996
Système : Windows, Playstation, Saturn
Développeur : Adeline Software
Éditeur : Electronic Arts
Genre : Beat'em all
Par Jean-Christian Verdez (04 juillet 2005)

Sorti sur PC et consoles 32-bits en septembre 1996, Time Commando est l'œuvre d'une petite société de développement française nommée Adeline Software International dont la création remonte à la première moitié des années 90. Rappel des faits :

En 1992, après avoir fait attendre les joueurs de longs mois, le jeu d'Infogrames Alone in the Dark sort enfin, et se voit très rapidement élevé au rang de chef d'œuvre. Une expérience ludique inoubliable de par l'aspect graphique révolutionnaire du soft, et son ambiance très réussie. Derrière ce jeu on trouve Frédérick Raynal, auteur génial qui s'est déjà fait remarquer en 1988 grâce à un excellent freeware, le casse-briques Pop Corn. Après Alone..., Frédérick Raynal entre en conflit avec le patron d'Infogrames, Bruno Bonnel, et préfère quitter la boite avec quelques autres membres pour fonder son propre studio. En février 1993, Adeline Software naît. Cette société se constitue d'une bonne vingtaine de personnes parmi lesquelles Didier Chanfray, Yaël Barroz, Laurent Salmeron et Serge Plagnol qui forment avec Raynal le centre névralgique d'Adeline. Adeline Software est approché et racheté par Sega en 1997, et rebaptisé pour l'occasion No Cliché. No Cliché travaillera ensuite sur des jeux Dreamcast, console de Sega alors toute neuve, et notamment un certain Toy Commander destiné à faire partie du line-up de la 128bits.

Durant ses 4 années d'existence, Adeline Software n'a donc bien évidemment pas créé beaucoup de jeux différents. La postérité a retenu l'excellent Little Big Adventure (1995) alias LBA ainsi que sa suite LBA2 (1997) et a beaucoup espéré un troisième volet à cette série. Mais entre ces deux productions on trouve aussi Time Commando, un soft dont la réputation est sans doute moins enviable que les jeux précédemment cités mais qui mérite qu'on s'y attarde un peu.

Le scénario vous place dans le futur, en 2075, dans la peau de Staney Opart, technicien de maintenance dans une base militaire de haute technologie. Durant la cinématique d'introduction du jeu, on peut voir qu'un traître introduit un virus informatique dans l'ordinateur central, dans le but de prendre le contrôle de tous les autres ordinateurs du monde. Alors que l'alarme retentit et que vous vous rendez en quatrième vitesse sur place, vous vous retrouvez brutalement prisonnier du simulateur central infesté. Le virus se matérialise sous la forme de protagonistes de toutes les époques. Ainsi vous allez voyager dans la Préhistoire, au Moyen-âge, sous l'Empire Romain ou encore dans le Japon médiéval... Vos ennemis seront évidemment adaptés à chaque environnement (cowboys, soldats conquistadors, etc.), idem pour les éventuelles armes à disposition. Huit époques différentes pour un total de 17 niveaux, au bout desquels vous affronterez finalement le virus en personne.

Les commandes (pour la version PC) sont simples à retenir : les flèches haut et bas permettent d'avancer ou reculer, et les flèches gauche et droite font tourner le personnage sur lui-même. Associées à la touche Alt, ces mêmes flèches déclenchent un saut ou encore un rapide pas chassé à droite ou à gauche. Enfin, combinées avec Ctrl, elles donnent la possibilité à Stanley d'attaquer ses ennemis (coup de poings, de pied, parade... et si notre héros est en possession d'une arme, l'action variera en conséquence : coup d'épée, de gourdin, lancer de pierre, tir de revolver, recharge... tout comme pour les différentes sortes d'ennemis, les armes disponibles dépendent de l'époque dans laquelle vous évoluerez). Par ailleurs, dès que vous attaquez un adversaire, sa barre d'énergie apparaît en haut à droite de l'écran.

Le jeu est une perpétuelle course contre la montre : une jauge symbolise l'avancée du virus dans le système de l'ordinateur. Si cette jauge se remplit totalement, vous êtes mort. Heureusement, les niveaux sont parsemés de petites puces informatiques non contaminées qu'il vous faut collecter. Ensuite il suffira de trouver un terminal (représenté par un sorte de demi-sphère) pour y uploader les puces et assainir le système, ce qui permet de gagner quelques minutes pour avancer, trouver d'autres puces, etc. jusqu'à l'affrontement final. Le fait d'introduire des puces dans le système enclenche de plus une sauvegarde automatique de la partie en cours.

Avec Time Commando, les développeurs se sont fixés comme objectif de renouveler le genre beat'em up dont Double Dragon reste encore aujourd'hui un indétrônable représentant, tout en profitant des dernières avancées techniques, à l'image des précédents jeux de l'équipe. Ainsi le jeu utilise un procédé tout nouveau, nommé Extra3DMotion, qui est en fait une évolution logique de ce qu'on trouvait déjà dans Alone in the Dark ou LBA. En pratique, les différents personnages sont en 3D temps réel tandis que les décors sont précalculés. Ce qui différencie Time Commando d'un Alone... par exemple, c'est qu'ici la caméra n'est pas fixe mais suit bel et bien les déplacements du héros. Pour être plus clair, c'est comme si le décor n'était qu'une simple vidéo plein écran devant laquelle évoluent les personnages et objets de l'intrigue, et que la lecture de cette vidéo ne se déclenchait que par à coups de façon à rester en phase avec les mouvements du joueur. En fait, tout cela fait beaucoup penser à la technique du blue-screen au cinéma (acteur jouant devant un écran bleu, le bleu en question étant remplacé par la suite par un décor). Si cette technique n'a plus d'intérêt aujourd'hui du fait que les machines actuelles sont largement capables de gérer une quantité industrielles d'éléments en temps réel tout en proposant une qualité graphique bluffante de réalisme, la chose était au contraire fort intéressante lorsque Time Commando est sorti. Les déplacements de caméra donnent l'illusion de se mouvoir dans un environnement en 3D, et le fait que le dit déplacement soit précalculé permet au jeu de proposer des graphismes beaucoup plus fins que ce qu'auraient pu rendre des décors animés en temps réel. Du coup l'un des principaux défauts de la "3D 32bits", à savoir une trop grosse différence de qualité entre les cinématiques et les phases de jeu, se trouve ici largement réduit. Time Commando a ainsi pu proposer une qualité graphique ayant plus ou moins deux années d'avance sur la concurrence.

Mais attention, cela ne veut pas dire pour autant que le jeu a bien vieilli, au contraire. Déjà, l'incrustation des personnages n'est pas des plus discrètes, et on sent une différence de netteté et de fluidité entre les éléments précalculés et ceux en temps réel. (Peut-être ce phénomène est-il accentué si l'on joue sur un PC moderne ? Car j'avoue n'avoir que peu fait attention à ce détail lorsque j'ai acheté le jeu il y a quelques années, et en le relançant récemment pour écrire cet article c'est à l'inverse la chose qui m'a le plus frappé !). Ensuite, le mouvement précalculé de la caméra donne un côté extrêmement dirigiste à l'ensemble. Ce sentiment est accentué par le fait que, à l'instar de beaucoup de jeux de baston, la caméra s'arrête sur un endroit précis du niveau, qu'il faut "nettoyer" de tous ses occupant avant de continuer son chemin. Mais surtout, durant tout le jeu, on parvient difficilement à se débarrasser de cette impression de vide. L'ensemble manque de tonus, de frénésie, bref d'action. Sans tomber non plus dans l'exces inverse, à savoir des grappes d'ennemis shoot'em up-esques, on aurait tout de même été en droit d'espérer que les ennemis soient un peu plus présents et surtout moins mous (ce qui ne les empêche pas d'être difficile à battre, ceci dit. Surtout dans le plus élevé des cinq modes de difficulté disponibles). En un mot comme en cent, ce jeu manque cruellement de nervosité, et c'est d'autant plus dommage que l'idée d'un jeu de combat dans lequel on affronte les guerriers de plusieurs époques reste alléchant.

Time Commando est donc un jeu qui se voulait à la pointe de la technologie, et qui de ce fait se retrouve fatalement pris à son propre piège en n'ayant désormais qu'un intérêt relatif, tout simplement parce qu'il a vieilli. C'est évidemment le propre de la plupart des jeux (en particulier ceux de l'ère graphique "moderne", très axés sur la crédibilité visuelle), mais si certains softs parviennent à résister au temps en proposant un challenge intéressant à côté, Time Commando n'a pas ce petit "truc" en plus, ce qui l'empêchera de rester dans les mémoires.

Jean-Christian Verdez
(04 juillet 2005)
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