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Sonic Adventure
Année : 1999
Système : Dreamcast ...
Développeur : Sega
Éditeur : Sega
Genre : Action / Aventure / Plate-forme
Par Laurent (05 septembre 2002)

Sonic Adventure est totalement et intimement lié à la console sur laquelle il a été lancé, j'ai nommé la Dreamcast, concentré de technologie initialement destiné à mettre définitivement l'éternel second Sega en tête des constructeurs de consoles, et qui aujourd'hui fait figure de trésor de guerre dont les connaisseurs cherchent à se procurer un exemplaire pour la valeur qu'il prendra dans l'avenir, telle une monnaie que l'on aurait retirée de la circulation. Sonic Adventure devait être l'un des principaux artisans de cette consécration, c'est pourquoi il est un peu triste de le voir aujourd'hui relégué au deuxième rang des titres de la Game Cube (avec l'adaptation de Sonic Adventure 2 Battle, la suite sortie sur sur DC en 2001). Mais le marché des jeux vidéo est ainsi fait.
Développé dès les débuts de la console, sur la base d'un projet prévu initialement sur Saturn, Sonic Adventure est sorti au Japon en janvier 99 (soit presque en même temps que la DC elle-même) et en août 99 dans le reste du monde, ce qui en fait un des premiers gros titres de la ludothèque DC, le jeu phare destiné à en assurer la promotion. Pourtant, jamais il n'accuse son âge, tant il est à la pointe de ce que la Dreamcast peut offrir à tous les niveaux. Mais Sonic Adventure a les défauts de ses qualités, comme nous allons le voir, et surtout il représente une étape difficile, un virage important dans l'histoire du petit hérisson, puisqu'il est entièrement en 3D. Mario a, c'est un fait communément admis, parfaitement négocié ce changement avec Mario 64. Link et Zelda aussi. Qu'en est-il cette fois ? Les avis sont partagés, même si le succès commercial rencontré par le jeu à sa sortie a été très satisfaisant.

Une aventure à base d'action

Et maintenant que vais-je faire ?

Pour bien analyser les aspects positifs et négatifs de ce jeu, il convient d'abord d'en décrire le fonctionnement et le scénario. Sonic Adventure met en scène 6 personnages, à savoir les héros habituels de tout bon épisode de Sonic (Sonic, Tails, Knuckles, Amy et Big - voir dossier Sonic pour plus de précisions -) ainsi qu'un personnage inédit venu de chez les méchants (le robot E-102-lambda, qui permet de combattre Sonic et ses amis), ainsi que d'autres personnages secrets (Super Sonic, Super Tails) que le joueur sera amené à tous incarner un à un. Comme d'habitude, Sonic et ses partenaires sont confrontés au Dr Eggman, qui collectionne les Chaos Emerald afin d'atteindre un pouvoir infini. Cette fois, Eggman a un atout de taille dans sa poche : Chaos, un monstre dont le pouvoir s'accroit à mesure que son maître le nourrit en Chaos Emeralds, et qui deviendra invincible si jamais Eggman obtient 6 des fameuses pierres précieuses. La séquence d'intro nous montre que la créature en question s'est rendue responsable de l'envahissement d'une ville entière par les eaux, et du reste le jeu débute d'emblée par un combat contre ce monstre qui manifestement ne fait que commencer à grossir et se développer.
Le jeu est structuré autour d'un mode aventure générique, d'"actions stages" correspondant aux niveaux principaux d'un jeu de plates-formes, et de "mini games" qui mettent les héros dans différents véhicules et proposent un gameplay différent. Les actions stages et mini games deviennent accessibles à mesure que l'on progresse dans le mode aventure, qui est le premier mode de jeu proposé dans le menu de démarrage, et le seul accessible lorsque l'on joue pour la première fois.

Sonic poursuivi par un orque : mémorable ! (Emerald Coast)

Au départ, on est cantonné de force au personnage de Sonic, et a mesure que celui-ci avance dans l'aventure, chaque action stage franchi se trouve débloqué, et peut être joué et rejoué à l'envi dans le deuxième mode de jeu, nommé "trial mode". En mode aventure, les actions stages frénétiques sont entrecoupés de phases plus calmes et scénarisées qui se déroulent dans des décors spécifiques (qui constituent l'"adventure field"), dans lesquels on rencontre quelques NPC. C'est là la principale innovation du jeu, et la plus grosse rupture de ton par rapport aux précédents Sonic (ainsi que l'explication du titre du jeu) : il y a des phases de recherche, qui comportent quelques énigmes à résoudre. Par ailleurs, à mesure que l'on progresse, Sonic rencontre un à un dans l'aventure tous les autres protagonistes, qui se trouvent alors débloqués dans le menu de démarrage, et disposent chacun de leur propre aventure, toutes se déroulant dans les mêmes décors et les mêmes action-stages, mais avec à chaque fois des objectifs et des énigmes différents. Par ailleurs, le mode aventure est, après chaque passage important, entrecoupé de cinématiques dialoguées qui font progresser le scénario. Chaque action stage ne nécessite d'être franchi qu'une seule fois pour que l'on puisse passer à la suite de l'aventure. Néanmoins, 3 défis (niveaux C) sont proposés pour chacun d'entre eux, le premier consistant seulement à aller au bout, et les deux autres (niveau B et A) exigeant de collecter un certain nombre d'anneaux ou de finir le stage dans une limite de temps.
À plusieurs reprises pendant l'aventure, des combats contre le Chaos ou Eggman sont au programme, qui font figure de boss intermédiaires avant le combat final, contre un Eggman surarmé mais qui se montre très présomptueux, bavard et peu apte à masquer ses points faibles.

Amy et le robot E-102-lambda

Signalons enfin qu'il est possible d'élever un Chao. Les Chaos sont de petites créatures mignonnes comme tout. On trouve des œufs de Chaos, que l'on emmène dans les « Chaos gardens », situés aux quatre coins de l'adventure field, et là on fait éclore les œufs et on éleve un Chao en le nourrissant avec de petits animaux que l'on ramasse tout au long des actions stages. En fonction de la nourriture qu'il reçoit, le Chao évolue à sa façon, et il est possible de le sauvegarder sur VMU (avec une grosse consommation de blocs mémoires à la clé), et surtout de le faire participer à des courses de Chaos.
Vu comme cela, on pourrait croire que Sonic Adventure est un jeu gigantesque, bourré de quêtes secondaires dont on mettra des années à faire le tour. On se calme ! Ce n'est pas tout à fait ça, mais la durée de vie du jeu et sa « replaying value », comme disent les américains, étant au centre des discussions suscitées par le jeu, on y reviendra plus loin. Quant à l'élevage de Chaos, ce n'est qu'une tentative de marcher sur les plates-bandes de Nintendo et des Tamagotchis qui offre comme principal intérêt de faire en sorte que Sonic Adventure exploite de A à Z les possibilités ludiques de la Dreamcast. On est tout de même sidéré de découvrir que tout cela tient sur un seul CD, fût-il de 1 Go.

Pour finir sur le fonctionnement du jeu, disons que chaque perso retrouve ses modes d'attaques et de déplacement habituels, et que les inévitables anneaux sont toujours là (100 anneaux collectés=1vie, si le perso est touché alors qu'il ne porte pas d'anneaux il meurt, s'il est touché alors qu'il porte des anneaux, il les perd et n'a qu'une ou deux secondes pour en ramasser quelques uns).

Jouabilité

Point crucial : Sonic Adventure est-il aussi jouissif, parfaitement maniable et rapide en 3D qu'il ne l'était à plat sur Megadrive ? C'est là que les premières controverses interviennent. Tout d'abord, la rapidité extrême de déplacement des héros, si elle permet au jeu de nous en mettre plein la vue en permanence et de mettre en valeur les capacités de la Dreamcast en la matière (le jeu est entièrement en 640x480, extrêmement riche en polygones et textures très travaillées, et les ralentissements sont vraiment rares), ne facilite pas du tout la tâche du joueur qui a bien du mal à s'y retrouver et trouver ses repères dans des décors gigantesques qui se parcourent dans tous les sens.
Par ailleurs, et c'est là le plus gros défaut du jeu, la gestion des angles de caméras est dans l'ensemble assez catastrophique. Après la sortie de la version japonaise, le problème a été soulevé et le jeu a été quelque peu revu avant la sortie US/Europe, mais rien n'y fait. Les moments ou un pan de décor vient se placer au premier plan, masquant totalement l'action, et surtout les passages délicats lors desquels le héros est face au joueur, qui du coup ne voit pas du tout où il va, sont innombrables, et même parfois volontairement intégrés au gameplay, comme si les auteurs du jeu avaient voulu forcer le joueur à apprécier cette façon bien étrange de concevoir les déplacements dans un jeu 3D.

Les distances parcourues sont énormes. (Red Mountain)

N'oublions pas non plus les déplacements relatifs, à savoir que la direction dans laquelle avance le héros change si l'angle de caméra change (sans pour autant qu'on ait tourné le stick), qui sont responsables d'un nombre incroyable de chutes dans le vide et d'envie de balancer son pad par la fenêtre. On pourrait aussi parler des sauts effectués sans voir où l'on va atterrir, des distances difficiles à évaluer entre deux plates-formes, des zooms ultra-rapides et déroutants (Sonic est énorme au milieu de l'écran, et soudain il apparait haut comme trois pixels sous prétexte que la caméra avait besoin de passer de l'autre côté de la montagne !) On pourrait écrire un dossier entier sur les diverses erreurs qui n'ont pas été corrigées (faute de temps probablement, la Sonic Team ayant été fortement pressée par son éditeur de finaliser le jeu dans des délais commercialement intéressants).

Exercice difficile : Sonic franchit des passages au dessus du vide en faisant des homing-attacks sur des ennemis volants (Sky Deck)

Sonic Adventure est donc d'une jouabilité discutable, et ce de plus en plus à mesure qu'on avance dans les niveaux. C'est dit. Voyons à présent ce qui est en mesure de séduire le fan dans le déroulement du jeu. Tout d'abord, le problème des angles de caméra trouve une solution partielle dans les commandes. À tout moment, on peut passer en vue subjective (sans se déplacer), et examiner les alentours au moyen du pad directionnel (le perso, lui, se dirige au stick analogique). par ailleurs, les gachettes latérales du pad permettent de faire pivoter la vue sur l'axe horizontale, cette dernière commande étant bien plus pratique et utilisable que la précédente. Les commandes sont simples, intuitives et s'intègrent dès la première partie, de même que le perso répond parfaitement à la moindre sollicitation. La plupart des héros ont une détente impressionnante, qui rend les passages riches en sauts difficiles très jouables et sympa à franchir, alors que dans ce genre de jeu l'exercice est souvent énervant et stressant.
De façon générale, au niveau déplacement, c'est du supersonique à tous les étages. Ça virevolte dans tous les sens, et si les démarrages sont calmes, après une fraction de seconde les persos vont à toute allure. C'est très déroutant au début, mais on s'y fait rapidement. Par contre, cette vitesse de mouvement est complètement hors de propos dans les phases de recherche. Il faut le plus souvent s'y reprendre à plusieurs fois pour s'arrêter où l'on veut ou prendre le passage désiré. En bref, les mouvements sont calibrés pour les actions stages, et on peut se demander s'il n'était pas prévu qu'ils soient modifiés lors des phases d'aventures et si cela n'a pas été abandonné faute de temps.

Les bonds prodigieux et souvent incontrôlés de Sonic. (Speed Highway)

De manière générale, la difficulté du jeu n'est pas très élevée, loin de là, ce qui a grandement surpris les fans au premier abord (mais il en est souvent ainsi lorsqu'un jeu est calibré pour le grand public). Sur dix actions stages, il n'y en a qu'un qui pose de réels problèmes (le 8e). Les mini-jeux sont une formalité, presque un repos du guerrier, et les phases de recherche, qui ne sont déjà guère étoffées au début de l'aventure, deviennent carrément inexistantes dans la deuxième moitié du scénario, qui n'est alors plus qu'une succession de phases d'action et ne nécessite guère qu'on y accorde une attention soutenue. Cette difficulté modérée, outre le fait qu'elle permet au joueur débutant d'espérer finir le jeu au moins une fois (l'aventure principale avec Sonic), a la particularité de rendre le plaisir ressenti entièrement dépendant de l'envie que l'on aura de jouer et jouer encore les actions stages dans le but d'améliorer ses performances. En ce sens, Sonic Adventure est un jeu à score déguisé en jeu de plates-formes matiné de jeu d'aventure. C'est un concept quasi unique au monde, et surtout très risqué. Après quelques heures de jeu, l'adhésion est soit totale soit anéantie, ce dernier risque étant inutilement accru par les défauts de conception vus plus haut.
Mais que ne pardonnerait-on pas à un épisode de Sonic ? Que ne pardonnerait-on pas à Sega ? En plus, on est loin d'avoir vu tous les atouts que ce jeu incroyable a à faire valoir.

Réalisation

Il est des claques qui font du bien. Celles que les graphismes, animations et bande sonore de Sonic Adventure assènent au joueur en fait partie. Dès la page de présentation du jeu, la surenchère est de mise, avec un logo agressif et un riff de guitare à la Van Halen qui en dit long sur ce qui va se passer par la suite. La cinématique en FMV n'est pas mirobolante. Bien réalisée, elle souffre d'un manque de clarté dans le montage qui va par la suite être la plaie de tous les passages narratifs du jeu : on ne comprend pas vraiment ce qui se passe, mais c'est beau, ça va vite et c'est très coloré. Le jeu démarre, comme on l'a vu, sur un combat contre le Chaos. Cette entrée en matière étrange montre bien qu'on a affaire à un produit tape-à-l'œil qui cherche à bouleverser un tant soit peu les codes bien établis par les centaines de jeux de plates-formes sortis depuis les tous premiers Mario. Le bouleversement est bien au rendez vous, mais il faut bien admettre que l'entame du jeu (combat, phase de recherche, longues cinématiques et un premier action stage qui arrive tardivement) est vraiment très déstabilisante.

Des décors travaillés, superbement texturés et mis en valeur par les effets de lumière

La qualité graphique du jeu est extraordinaire. Du début à la fin, on est toujours plus étonnés par le travail de fourmi abattu par la Sonic Team, qui a fait preuve d'une imagination et d'un souci du détail incroyables. On renonce rapidement à compter les objets, personnages, ennemis et éléments de décor magnifiquement modélisés et animés alors que la vitesse de l'action ne nous laisse qu'un dixième de seconde pour les admirer.L'ambiance change du tout au tout à chaque action stage, et dans l'ensemble c'est toujours réussi.
L'animation est le grand point fort de Sonic Adventure. À la sortie du jeu, il faut bien chercher pour pouvoir citer un titre 3D qui soit aussi rapide, aussi fluide et mette en mouvement autant de choses en même temps. Par moments, ca frise le délire (notamment sur la fin). En tout cas, les Mario 64, Pandemonium, Donkey Kong 64 et autres Crash Bandicoot peuvent aller se rhabiller, Sonic les enfume sans forcer, et c'est probablement l'objectif numéro un qui a motivé sa réalisation.

La bande sonore ne fait pas l'unanimité. On ne peut pourtant rien trouver à dire sur les musiques, qui sont plus d'une fois excellentes et changent très souvent de style (même si les grosse guitares font figure de fil rouge), ni sur les effets sonores qui, heureuse intiative, font de nombreux clins d'œil aux tout premiers épisodes de Sonic (notamment le bruit lorsque Sonic ramasse des anneaux).

Une vitesse hallucinante qui laisse souvent le joueur à la traîne. (Speed Highway et TwinklePark)

Le gros reproche qu'on peut faire côté réalisation, en dehors des problèmes de caméra, est certainement la piètre mise en scène des cinématiques. Elles sont pour la plupart incapables d'indiquer clairement au joueur ce qui va se passer par la suite, et ce qu'il va devoir essayer de faire, alors que c'est justement leur rôle. Ce mauvais découpage pose un réel problème, car on se retrouve souvent avec la « main » à l'issue d'une séquence sans savoir au juste ce que l'on doit faire. Quant au scénario, qui n'est déjà pas franchement original (mais était-ce nécessaire ?), on peut dire que sa lisibilité souffre beaucoup de ce problème, et on finit par se désintéresser d'autant plus de l'histoire que les phases de recherches, qui nécessitent au départ de suivre un minimum le film, disparaissent en cours d'aventure.
Enfin, poussons, comme pratiquement chaque fois qu'il est question d'un jeu Dreamcast, un bon coup de gueule contre les acteurs qui incarnent par leur voix les personnages, notamment Sonic et Tails, qu'on entend beaucoup. Leur accent américain à couper au couteau, leur jeu grandiloquent et ridicule, ajouté à l'indigence des dialogues font qu'on rêve de les avoir sous la main, ou plutôt sous le pied pour s'essuyer les crampons sur leur nez comme le font lâchement les avants britanniques sur les omoplates de nos innocents rugbymen.

La foire du Trône à la maison

Une des grandes particularités du jeu, de celles qui ont fait couler le plus d'encre et de salive, ce sont, durant les actions stages, les phases lors desquelles Sonic (où un autre perso) est propulsé de trampoline en trampoline ou dévale de gigantesques toboggans, quand il n'est pas carrément dans un wagon de montagnes russes. En clair, les passages purement spectaculaires lors desquels le joueur en prend plein les mirettes mais peut poser son pad et siroter un café (ou plutôt prendre un comprimé contre le mal de mer), car il n'a plus rien d'autre à faire que regarder (ce genre de succession de sauts est sans risque pour le héros). De tel "sauts de la mort" sont présents dans tous les jeux de plates-formes récents, et notamment dans les Sonic, mais dans le cadre d'un jeu 3D comme Sonic Adventure ils semblent surtout avoir servi aux programmeurs à rivaliser de dextérité, et aux level-designers à s'éclater comme si tout leur était permis.

Sonic dans les montagnes russes (Twinkle Park) et Tails survolant une cité à la Blade Runner. (Speed Highway)

L'un des action-stages (le deuxième, pour être précis) est même constitué à 50% de telles accélérations (qui durent parfois plus de dix secondes), lors desquelles la vitesse d'animation atteint des sommets inespérés dans le vertigineux. On a beaucoup critiqué ces manquements élémentaires à l'intérêt d'un jeu vidéo (que devient le joueur si on le met sur la touche ?), mais après quelques heures de jeu, ils finissent par s'intégrer totalement au design général. Dans les derniers niveaux, ils constituent même des temps de respirations parfois bienvenus (mieux vaut une série de sauts automatisés par des tremplins qu'une série de sauts qu'on doit faire soi même et qu'on risque de louper à cause des angles de caméras !).
Surtout, ils sont si spectaculaires, quand par exemple Sonic est propulsé sur une centaines de mètres par des rafales de vents ou fait plusieurs loopings, ramassants quelques dizaines d'anneaux au passage, qu'on ne peut que laisser échapper un "wouah !" et un éclat de rire provoqué par cette démesure graphique et cette impression de vitesse démente (surtout si on s'est fait les 5 Tomb Raiders à la suite juste avant). Ce n'est pas vraiment du jeu vidéo, mais c'est trop bon, quoi. Encore une fois, cela peut aussi être un élément déterminant dans un éventuel phénomène de rejet total.

Des loopings vertigineux qui obligent la caméra à prendre beaucoup de recul. (Emerald Coast)

En tout cas, les distances parcourues sont impressionnantes, et font des actions stages de Sonic Adventure des décors 3D parmi les plus énormes qu'on ait vus dans un jeu vidéo (du moins à l'époque de sa sortie). À moins que cela ne soit qu'une illusion, car à la vitesse ou ça va, bien malin qui pourrait en évaluer la topographie.

Durée de vie estimée entre les mains du core-gamerus vulgaris

La question de la durée de vie de Sonic Adventure est aussi plutôt brûlante. En effet, si on considère que seule la découverte des 10 actions stages, qui constituent le gros morceau, présente un intérêt réel et constamment renouvelé, alors effectivement le jeu se termine en moins d'une semaine si on s'acharne un tant soit peu. Si le joueur est un expert, alors on peut même estimer qu'il arrivera au bout dès la première partie (qui aura duré tout de même au moins 4 heures) ! Mais comment être aussi restrictif ?

Une partie de flipper histoire de faire varier le gameplay. (Casinopolis)

Il y a un nombre incroyable de choses à faire et à découvrir dans ce jeu. Tout d'abord, réussir les trois défis sur chaque action stages relève franchement de l'exploit, surtout les chronos à réaliser sur la fin. Ensuite, il faut terminer chaque aventure (même si celle de Sonic est de loin la plus longue). Et puis il y a le mode trial, qui permet de déguster tranquillement, sans être pressé par l'envie d'avancer dans l'aventure, toutes les trouvailles qui parsèment les actions stages et les mini games. Enfin, il y a l'élevage des Chaos et les petits jeux associés, pour les amateurs, dont je ne suis pas (mais je le cache bien). Tout cela assure des dizaines d'heures de jeu dont il serait abusif de dire qu'elles sont artificiellement obtenues. Chaque perso a un gameplay assez particulier, permettant de refaire plusieurs fois les mêmes niveaux sans éprouver de lassitude. Et de toute façon, celui qui n'aime pas le jeu aura décroché bien avant de prendre les commandes d'un autre perso que Sonic. Il ne faut pas oublier non plus que la prodigieuse vitesse de l'action fait que dans un temps réduit, ce sont des centaines d'idées incroyables, d'innovations graphiques et de séquences délirantes qu'on aura vu défiler.
Sonic Adventure est donc un grand jeu, un produit qui ne ne prend pas son acquéreur pour un idiot, même si, répétons-le, la relative facilité du jeu fait qu'on aura quand même bien vite réglé son compte à un Eggman qu'on a déjà vu plus coriace.

Les niveaux

Sonic Adventure ne se résume pas à une formule étalée sur un certain nombre de niveaux à difficulté croissante. À chacun d'entre eux, c'est un petit univers que l'on découvre, et l'on ne sait jamais à quoi s'attendre. En voici un bref desciptif (non exhaustif, je n'ai pas eu le temps de tout faire).

Actions Stages

1. Emerald Coast
Ce stage est un pur régal, car il ne présente aucune difficulté, et son atmosphère est géniale. L'action se passe sur une plage, et l'ambiance californienne est parfaitement rendue par les graphismes et les couleurs. De plus, la musique est vraiment sympa, et soutient superbement l'action. Un niveau très attachant qu'on rejouera des dizaines de fois avec plaisir. À noter un passage non interactif mais magnifique : Sonic, vu de face est poursuivi sur un ponton par un orque gigantesque.

2. Windy Valley
Le stage dans lequel les moments où l'on ne contrôle plus un Sonic ballotté par d'énormes rafales de vent sur des distances géantes sont le plus fréquents. C'est dans ce stage qu'on prend conscience de la démesure dont ont fait preuve les level designers, avec des descentes vertigineuses sur un pont suspendu qui par moments descend à la verticale en tournoyant ! Un stage superbe, qui exploite à fond les innovations les plus risquées du jeu.

3.Casinopolis
Ce stage est d'une facilité déconcertante, mais il bouleverse complètement le gameplay. Sonic et Tails, qui se déplacent conjointement, se retrouvent dans un casino, et parcourent des flippers géants, dans lesquels il jouent le rôle de bille (comme dans Sonic Spinball), le joueur étant bien sûr aux commandes de l'engin. Le but : faire des parties de flippers, dont les points gagnés sont des anneaux. Quand les trois balles sont perdues, Sonic et Tails sortent du flipper et vont vers un jackpot géant déposer leurs gains, qui lorsqu'ils ont atteint une certaine valeur marquent la fin du stage. Un niveau magnifique, soutenu par une musique jazzy et dans lequel on fait quelques parties de flipper très agréables.

4. Ice Cap
Un niveau plutôt raté qui se passe dans un décor alpin. Sonic escalade la paroi d'une montagne au moyen de diverses plates-formes, avec à la clé quelques sauts délicats qui, en cas d'échec renvoient tout en bas. À l'issue de ce stage a lieu un mini game lors duquel Sonic descend l'autre versant de la montage en snowboard.

5. Twinkle Park
Ce niveau se déroule dans une fête foraine et commence par une course en voiture tamponneuse qui évoque un peu P.O.D (et qu'on retrouve dans un autre mini-game) ainsi qu'un tour de montagnes russes délirant. Par la suite, il faut parcourir la fête à la recherche d'une sortie pas forcément facile à trouver. Un niveau aux graphismes très colorés, fins, qui donne à regretter qu'il n'y ait pas d'autres tours de manèges au programme.

6. Speed Highway
Sonic traverse une ville futuriste ou des chauffards en voiture volante essaient de l'écraser. Par la suite, un autre morceau de bravoure incroyable : Sonic dévale en courant la paroi d'un gratte-ciel. Un niveau court, facile, qui semble inachevé dans sa conception.

7. Red Mountain
On entre dans le dernier tiers de l'aventure, et enfin de vraies difficultés arrivent avec ce niveau sublime qui se passe autour et au cœur d'un volcan. Sonic escalade la colline en utilisant des moyens de levage divers et spectaculaires, saute de plates-formes en plates-formes et descend dans la fournaise qu'il traverse en évitant de tomber dans la lave. La musique un peu heavy/industriel met la pression au joueur lors de ce passage plutôt difficile qui nécessite une parfaite maîtrise de la maniabilité du perso.

8. Sky Deck
Sans conteste le stage le plus difficile. Le scénario a transporté Sonic et Tails sur l'Egg Carrier, le vaisseau du Docteur Eggman. Il faut traverser le vaisseau, mais pas question d'y entrer. Le seul passage consiste à parcourir de l'extérieur la gigantesque carlingue de l'engin. Le vent souffle par rafales, faisant régulièrement valser le héros qui risque de tomber dans le vide, et les ennemis sont très nombreux, notamment des tourelles qui tirent dans tous les sens. Sans oublier les nuages traversés par le vaisseau qui obscurcissent régulièrement la vue, et les sauts difficiles sur la fin. Un niveau très long, dans lequel les checkpoints sont très espacés, et en plus soutenu par une musique énervante dans le genre « Satriani à court d'idées ». Il faut vraiment être maso pour y revenir en trial mode.

9. Lost World
Ce niveau, qui se passe dans une pyramide Inca, à des allures de Tomb Raider dans les décors et le gameplay. Il n'est pas très difficile et de superbes idées visuelles le parcourent, comme ces miroirs qu'il faut orienter vers des sources de lumières pour éclairer les plates-formes dans une salle obscure, ou encore ces tapisseries qui permettent de marcher sur les murs lorsqu'on les aligne d'une certaine façon. Sans oublier cette salle ou un serpent de pierre géant fait figure de plate-forme mouvante permettant d'atteindre des interrupteurs qui ouvrent la porte de sortie. Superbe et très dépaysant.

10. Final Egg
Le niveau final se passe à l'intérieur de l'Egg Carrier, qu'il faut parcourir de fond en comble. C'est un niveau très long, ponctué de sauts plutôt difficiles et peuplé de très nombreux ennemis, mais on peut y glaner de nombreux 1ups, ce qui assure de le terminer sans encombre. Les graphismes sont superbes, mais peu originaux.

Les boss

Les boss sont constitués de combats contre le Chaos, dans des incarnations de plus en plus puissantes, et Eggman lui même à bord d'un de ses vaisseaux dont on se demande où il trouve les fonds pour en financer la construction (les problèmes de Sega sont peut-être venus de là, finalement).
Le seul combat qui présente un vrai challenge est le dernier, contre Eggman, qui clot l'aventure avec Sonic. Il faut analyser les déplacements du vaisseau, et trouver une parade qui est un peu indiquée par les paroles de provocations de Eggman. On est quand même loin des célèbres boss les plus durs de l'histoire des JV.

Les mini games

Le meilleur alterne avec le pire. Au rayon des échecs cuisants, on peut citer la descente en snowboard et la course en pod.
La descente en snowboard est ratée, d'une part parce qu'elle se passe en partie avec un Sonic qui fait face au joueur, et d'autre part parce que ça va beaucoup trop vite et le héros passe allègrement au travers des obstacles. Étrange et bâclé, ce passage n'a comme mérite que d'être très spectaculaire et montrer la voie à d'éventuels développeurs de jeux de snowboard sur Dreamcast. La course en pod pêche, et c'est un comble, par sa cruelle absence d'impression de vitesse. Par ailleurs, la route est trop étroite et on ne cesse de heurter les bords.

Une descente en snowboard décevante, vite oubliée après l'extraordinaire Sky Chase.

Par contre, les mini games les plus réussis sont sans conteste les « sky chases », où Sonic et Tails sont à bord du Tornado, l'avion biplan de Tails. Le jeu est alors très proche d'un Afterburner (l'avion est vu de derrière et un collimateur permet d'ajuster ses tirs sur les ennemis) dans son gameplay, et la réalisation de ces passages est à couper le souffle (magnifiques explosions !). Franchement un jeu entier pourrait être crée sur la base de ces deux mini games, cela n'aurait rien de scandaleux.

L'adventure Field

Des cinématiques tape à l'œil et limite incompréhensibles.

Le premier décor parcouru dans les phases d'exploration/recherche est magnifique et laisse entrevoir les possibilités énormes de ce mode de jeu qui n'ont hélas pas été exploitées. Il s'agit d'une ville balnéaire dans laquelle on trouve une gare, un casino, un fast-food, un hotel.... Tout cela instaure une superbe ambiance de cartoon, et il est vraiment dommage que les quelques actions, dialogues et NPC rencontrés ne font guère plus que de la figuration. Rêvons d'un vrai jeu d'aventure mettant Sonic en vedette !
Par la suite, Sonic et ses amis se promèneront dans la forêt amazonienne, près de ruines Incas, dans un décor énervant par ses nombreux bugs de gameplay et son fond sonore qui prend des allures de soupe world-music insupportable à la Disney. Le reste de l'aventure se passe essentiellement dans le vaisseau d'Eggman, qu'on a guère le loisir de parcourir excepté dans de brêves coursives qui mènent aux actions stages suivants.

Conclusion

Un jeu bourré de trouvailles, une réalisation exemplaire, une console puissante qui tourne à plein régime, un des personnages les plus populaires de l'histoire des jeux vidéo, et des bugs, défauts et autres caprices d'une caméra qui du début à la fin s'obstine à faire ce qu'elle veut. Voilà en gros ce qu'est Sonic Adventure, un des paris les plus ambitieux et risqués que Sega ait tentés.
Quand au joueur, qui essaie de s'intégrer à l'action comme il peut, c'est bien simple : ou il adore, ou il balance illico son CD au premier dépot-vente du coin. Du coup, Sonic Adventure fait partie des jeux d'occasion qu'on voit le plus souvent à vendre (à l'instar des jeux de course, auquel on pourrait un peu l'apparenter), et si vous avez une Dreamcast (ce que je vous souhaite), n'hésitez pas à vous le procurer (on peut le trouver neuf pour un prix dérisoire) si ce n'est pas encore fait.

Un dernier mot : la version NGC de Sonic Adventure corrige certains problèmes de caméra. Je doute fort que ça change quoi que ce soit pour ceux qui adorent le jeu comme pour ceux qui le détestent. Sur ce je vous laisse, j'ai des aventures à terminer.

À propos des versions DX, par DSE76

En 2003, une nouvelle version du jeu sort sur Gamecube et PC, nommé Sonic Adventure DX, qui remet au goût du jour la toute première version du titre, c'est-à-dire la première version japonaise, celle tout buguée car il s’avère qu’on retrouve de ses problèmes dans la version DX. Cette version sera portée ensuite, en 2004, sur PC.
En 2010, SEGA ressort le jeu sous une collection nommée « Dreamcast Collection », en dématérialisé. En fait, il s’agit d’un port de la version PC de Sonic Adventure DX avec un filtre HD en 720p, du moins à peu près. La version Steam est encore pire, car il s’agit du port PSN/Xbox Live d’un port PC d’un port Gamecube d’un port Dreamcast. C’est de loin la plus mauvaise des versions, car les innombrables portages à la suite ont quasiment saccagé la plupart des éléments techniques (par exemple, Casinopolis est imbuvable car le son de la machinerie est trop fort).

Néanmoins, la version DX de 2004 sur PC a eu le droit à une nouvelle vie grâce aux mods. Eh oui, des fans sont parvenus à créer un launcher pour intégrer des mods dans le jeu. Du coup, le jeu se voit agrémenter d’ajouts comme un mode 2 joueurs, la restauration d’éléments de la version Dreamcast ou même des trucs prévus par la Sonic Team mais qu'ils n'avaient pas eu le temps d'implanter, comme la possibilité de jouer Super Sonic dans tous les niveaux.

Lorsque Sonic Adventure était sorti, le jeu était un vrai modèle technique : il exploitait parfaitement la Dreamcast, les textures étaient d’un grand travail, le tout s'affichait en 640X480 et permettait de se déplacer à haute vitesse. Sur cela, les versions DX apportent surtout le 60 FPS. Si ce n’est pas toujours ça sur Gamecube, sur PC, du moins dans la version de 2004, le contrat est rempli et c’est un bonheur de parcourir les niveaux à toute vitesse.

Laurent
(05 septembre 2002)
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