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Les Jeudis Découverte de Grospixels
Une rubrique de 2008 dont le concept consistait, chaque semaine, à proposer aux lecteurs trois jeux découverts par les habitués du forum lors de l'exploration de leurs romsets.

Arcade encore, arcade toujours, MAME n'a pas fini de nous ouvrir de merveilleux champs de découverte devant nous. Après la baston, le casse-tête, le bizarre, le spécifique et avant les jeux de course, nous retrouvons cette semaine un jeudi-découverte centré sur un grand classique du jeu vidéo dévoreur de monnaie : le shoot'em up.

Mystic Riders
(Irem, 1992)

Qui dit MAME et qui dit moi qui poste, dit beaucoup de shoot'em up. Arrêtons-nous ce soir sur un splendide Irem ignoré, Mystic Riders, sorti en 1992.

C'est un fourbe celui-là. Il a une tête de gentil, mignon comme un Magical Chase ou un Cotton. Quiconque est habitué au gameplay Irem sera surpris par les premiers instants de jeu. Ce gameplay tellement dense, physiquement épuisant, ce gameplay qui vous harcèle et s'étire sur des niveaux bien plus longs que ceux d'un jeu d'arcade moyen. Rien de tout ça ici. On est loin de Mr Heli, Air Duel, Legend of Hero Tonma ou Hammerin' Harry. Alors on se dit que, chic, on va enfin pouvoir persévérer sans avoir à en baver à chaque partie.

Mais après 5,6, 7,...10 parties, le constat est bien là : on ne va pas plus loin que dans le Irem moyen. Les coups bas pleuvent dès la fin du premier niveau (je n'ai toujours pas trouvé comment éviter ce foutu serpent volant qui sert de boss), les tirs à bout portant aussi. Et on s'énerve. Il y a des jeux qui savent faire accepter l'échec, parce qu'ils mettent les points sur les "i" des les premières secondes. Mystic Riders n'a pas cette sincérité. C'est presque un gameplay à séquences, qui balance ses pièges comme des piques. C'est presque de l'anti-Irem.

Ce n'est pas une raison suffisante pour passer outre. Manier son perso est un plaisir, en particulier grâce à l'idée du balai. Vous pouvez envoyer ce dernier dans les 8 directions, n'importe quand (avec un petit temps de rechargement entre chaque envoi). La maîtrise et la gestion de cette technique sont indispensables dès le deuxième niveau. On upgrade son tir principal en collectant les nombreux diamants apparaissant une fois les ennemis vaincus ou collectés dans des coffres. Comme dans Dragon Breed, on peut parfois descendre de son balai et marcher sur la terre ferme. Le cadre radieux et la technique impeccable assurent la finition de ce très bon shoot lamentablement délaissé (même s'il m'énerve).

J'oubliais, il existe ce qui semble être une parade (le personnage tourne sur lui-même). C'est une technique que je ne maîtrise pas encore mais peut-être que, bien utilisée, elle diminue un peu la difficulté du jeu. À confirmer.

Prehistoric Isle 2
(SNK, 1999)

Pas de réelle découverte ni de jeu anonyme ce soir. Je connais ce jeu depuis un certain temps. J’en parle pour le défendre, rapidement.

Prehistoric Isle 2 est la suite de Prehistoric Isle in 1930 (1989) de SNK, qui lui est un peu plus reconnu. C’est Yumekobo, également responsable de Blazing Star, qui s’est chargé de cette séquelle tardive, sortie en 1999. Mais alors que Blazing Star est considéré - à juste titre - comme l’un des meilleurs shoots Neo Geo, Prehistoric Isle II est au mieux ignoré, au pire honni par de très nombreux shooteux. La principale raison, d’après ce que je peux lire ça et là, c’est l’esthétique “pre-render” que beaucoup trouvent ignoble. Ce à quoi je répondrais que 1) Blazing Star le fait aussi mais on ne lui en tient pas rigueur et que 2) Moi j’aime bien, et ce dans tous les jeux qui utilisent ce style graphique, de Nebulas Rayà Mars Matrix en passant par Iron Clad.

Vient ensuite le contenu lui-même, tout à fait honorable. Tout comme Blazing Star, ça canarde assez peu dans les niveaux, beaucoup plus contre les boss. Cet écart de difficulté peut d’ailleurs prendre le joueur à revers. Ecart justifié dans Blazing Star, qui mise énormément sur son scoring tordu. Je n’ai pas assez joué à PI pour dire s’il fait la même chose, mais je peux dire qu’il y a également du scoring, avec des multiplicateurs de “x 2” à “x 16” (et fonction de la collecte des bonus d'arme). C’est un shoot plutôt calme, pas bien méchant dans les premiers niveaux. Les séquences de sauvetage sont une bonne idée et semblent aussi contribuer au scoring.

J’avais lâchement credit-feedé le jeu il y a longtemps, j’ai de très bons souvenirs des derniers niveaux (avec un mémorable boss forteresse à la fin). À la limite, je veux bien qu’un chevronné de shoot arcade trouve PI trop calme, voire un peu vide, surtout que les niveaux sont assez longs. Mais il ne mérite certainement pas les volées de bois vert que je lis régulièrement et, à mon avis, fait partie des bons shoots Neo Geo. Dommage qu’il soit resté au format MVS. À ce propos, je me demande si comme pour Blazing Star, MAME supprime une grosse partie des ralentissements de l’original.

À lancer pour se faire une idée. Mais je vous préviens : au premier qui dit que ça ressemble à Primal Rage, je me fâche.

Boogie Wings
(Data East, 1992)

Je termine cette longue période MAME avec un très gros morceau. Un jeu que je n'ai pas du tout connu à l'époque (et je me demande encore comment les mags que je lisais alors ont pu ne pas en parler) et émulé assez tardivement. Pas obscur, car beaucoup le connaissaient avant, mais pas assez évoqué compte tenu de son importance : Boogie Wings de Data East, sorti en 1992.

Monumental ovni que ce Boogie Wings/The Great Ragtime Show. Jamais Data East n’a été aussi généreux et ambitieux, jamais on n’a senti chez ce développeur plutôt inconstant une telle volonté de se faire plaisir autant que de faire plaisir au joueur. On va dire que le concept est à mi-chemin entre un shoot’em up et un run’n gun. Vous commencez le jeu en avion, et dès que vous vous faites descendre (après deux impacts) vous vous retrouvez à pied, armé d’un tir à la Contra. Vous pouvez alors vous emparer de moyens de locomotion divers et loufoques : chevaux, tanks, motos, camions de pompiers, robots, dirigeables à pédales... Chacun de ces véhicules a sa ou ses propres armes et peut, comme l’avion, encaisser deux unités de dégâts.

Vous remarquerez que l’avion de base est équipé d’un crochet. Grâce à ce dispositif, vous pouvez accrocher un véhicule, ce qui vous permet de l’utiliser immédiatement si votre avion est abattu. Vous pouvez aussi accrocher des bombes (vous en avez toujours une en commençant un niveau), assez puissantes. Enfin vous pouvez accrocher à peu près n’importe quel élément détachable du jeu. Utiliser le crochet n’est pas chose facile. On peut le faire tourner pour projeter efficacement l’objet accroché, mais il faut un minimum d’espace autour de son avion. Et puis ce crochet fonctionne tellement bien qu’il arrive souvent d’attraper quelque chose involontairement, surtout lors des premières parties.

Boogie Wings vous propose un total de sept niveaux. Le premier et le dernier vous sont imposés, alors que vous choisissez les cinq autres dans l’ordre que vous voulez. Ne vous fiez pas à l’extrême brièveté du premier niveau, le jeu est exceptionnellement long pour de l’arcade. L’un des derniers niveaux s’étale sur plus d’une dizaine de minutes. Aucune inquiétude à avoir cependant, vous n’aurez pas le temps de vous lasser car vous allez voir du pays. Combien y a-t-il de titres d’arcade avec une telle variété visuelle ? Quatre, cinq maximum ? Il y a des éléments uniques par dizaines, des petits détails à remarquer par centaines. Il se passe tout le temps quelque chose. Boogie Wings est un véritable fourbi graphique. Au point que gratuité et inutilité finissent par noyer l’action du jeu.

Alors que faut-il faire, regarder ou jouer ? Difficile à dire, franchement. Passé l’enchantement des premières parties, on se dit que ça vaut peut-être le coup d’y jouer sérieusement. C’est là qu’on commence à trouver le jeu énervant. Une fois sur deux, on se fait toucher sans même avoir aperçu le tir, et l’espérance de vie du perso à pied n’excède pas cinq secondes. On a le sentiment que Boogie Wings ne cherche même pas à nous convaincre de sa nature de jeu d’arcade. Il n’y a pas de pression régulière, pas de logique dans la difficulté, juste des passages traîtres à connaître par cœur ou à traverser avec le bon véhicule. Mais même pour ceux qui n’ont pas le courage d’affronter ce gameplay sans forme, Boogie Wings est une magnifique vitrine 2D, et l’un des plus beaux titres d’arcade jamais sortis. Beau par la richesse mais aussi par le style unique des éléments graphiques.

Il y a plusieurs scènes marquantes par niveaux : la grande roue qui dévale les montagnes russes, la traversée de l’usine de voiture à Detroit, celle du muséum d’histoire naturelle, le dirigeable géant (scène entièrement à pied) avec sa séquence en apesanteur, les combats contre Frankenstein ou le Père Noël... Rien n’était trop beau pour Data East qui s’est surpassé comme jamais au point, comme Tecno Soft l’avait fait pour Thunder Force 4, de sacrifier au besoin le frame rate. À deux joueurs, c’est même une hécatombe, mais les concepteurs devaient se dire qu’ils n’étaient plus à ça près. D’ordinaire, je pense que credit-feeder un jeu d’arcade est la dernière chose à faire. Boogie Wings est une exception. Jouez-y de manière décomplexée, ne vous préoccupez pas des vies. Admirez le paysage, profitez de l'ambiance, de l’humour et essayez tous les véhicules. Grand jeu d’arcade informe.