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F-zero, la série - L'analyse
Plus qu'une simple série, F-zero est devenu un genre à part entière et a inspiré de nombreux clones. Michael a analysé longuement l'essence du jeu de course futuriste ultime dans un dossier remarquablement documenté de 16 pages.

II-d. Ex-fan des fifties

Parfois avec les grands jeux, la copie se transforme en génie.

Reprenons : Avec F-Zero 'héros' veut dire 'Superhéros', et plus précisément héros de comics, de BD 100% américaine - il y a juste, pour me faire mentir un peu, quelques bars à sushis, mais cela s'arrête là... Même Samouraï Goroh, est, contre toute attente... de nationalité américaine ! Un jeu très connoté sur le lieu, donc, mais ce n'est pas tout... Il est aussi, et c'est beaucoup plus étonnant, très connoté sur la période, en l'occurrence, les années 40, 50 et 60 ! La vision du futur dépend d'un moment donné, Matt Groëning l'avait très bien dit pour le lancement de son Futurama, une série qui fait, elle aussi, le "panorama des différents futurs" (d'où le titre) et qui pioche, surtout, dans les souvenirs de jeunesse du créateur des Simpson : le futur tel qu'on le voyait en 1960/1970... Quoique, enfant, le petit Groëning a du souvent fouiller dans les caisses de ses parents car la série fait aussi référence a des décennies bien plus anciennes encore. Etonnement, c'est la même chose qui se produit pour la saga F-Zero. A l'instar des extra-terrestres "petits hommes verts", de la soucoupe volante ridicule du mode Practice (celle qui vous récupère dans le vide) et des Superhéros, aussi américains que rétros, les cinématiques du 'Mode Story' de la GameCube se déroulent dans un futur très "années 50 aux States". Pour les années 60, citons le style à l'intérieur du bar, celui des enseignes néons roses, des panneaux publicitaires désuets, et même le style des vaisseaux : ils sont filmés comme des Cadillacs. S'il fallait voir du George Lucas dans ces séquences, ce serait, paradoxalement, autant American Graffity que La Guerre des Etoiles...

Regardez ces bâtiments roses (F-Zero/1990 - F-Zero X/1998). On est tenté de dire qu'ils sont rétros, qu'ils se rapprochent, par exemple, des vieux pulps des années 40... Cette intuition est tout à fait fondée, la preuve avec...
...deux pulps des années 40. A gauche, Enchantress of Lemuria (Amazing Stories/1941). A droite, Doorway to Kal-Jmar (Planet Stories/1944). Ces deux documents issus de la magnifique rétrospective de Jacques Sadoul Hier l'An 2000 (1973/Denoël) montrent que les formes futuristes de l'époque sont belle et bien reprises, un demi siècle plus tard, par Nintendo.

Et oui, le passé nous a laissé des futurs antérieurs : c'est l'imparfait du subjectif, qui se conjugue à toutes les modes ! A tous ces styles qui colorent imperceptiblement une période et font qu'un objet, une police d'imprimerie ou même de simples traits, font modernes, collent à l'air du temps... Jusqu'à ce que cette modernité ne se fane et qu'une autre lui succède. Bref, quelle que soit l'époque, la subjectivité de celui qui invente et anticipe se fond dans les petites contingences du beau actuel pour créer des futurs... qui finissent par rester dans les mémoires et devenir des futurs antérieurs, des styles autonomes auxquels on pourra faire référence plus ou moins volontairement : Groëning pour son Futurama et les développeurs de notre saga (Miyamoto, Imamura, le reste d'EAD, Amusement Vision...) sont de ceux là. Les héros de F-Zero, un peu caricaturaux, sortent tout droit du passé ! Les autres exemples de ce genre de S.F. volontairement rétro ne doivent être si fréquents, mais ils existent tout de même. Space Channel 5 (Sega, crée en 2000, Dreamcast/PS2/GBA) fait délicieusement partie de ceux-ci et appelle à la rescousse un vieux futur beaucoup plus récent : les eighties. Avec des tenues courtes et colorées comme des bonbons, la jolie Ulala se déhanche entre les pattes de ces danseurs déjantés. Puis, entre deux pas, elle dégomme des extraterrestres kitchs en tenue de vinyle fluo. Bambi, sous liberté surveillée et en pleine période MoonWalker, fait même une première apparition remarquée. Ce jeu futuriste possède, lui aussi, un style inimitable. Mais ce doit être sur grand écran que l'on trouve le plus grand nombre de ces régressions parodiques : par exemple le film de Tim Burton Mars Attacks! s'en donne à cœur joie et pioche son influence dans les œuvres de S.F. des années 30/40, ou peut-être même plus précocement encore, pour créer une atmosphère aussi désuète que désopilante. Mars Attacks!, Space Channel 5, Futurama, F-Zero... Ces œuvres sont très riches puisque les futurs qu'elles créent font remonter à la surface des visions du passé. Il faut signaler que parmi cette énumération, F-Zero est l'exemple le plus ancien : en 1990, le futur old-school est déjà indéniable. Peut-être existe-t-il des exemples antérieurs, mais cette référence volontaire est vraiment admirable et surprenante, surtout pour un jeu de cette époque : les jeux vidéo, à fortiori sur consoles, étaient alors clairement destinés aux enfants et aux très jeunes adolescents. On ne félicitera jamais assez Nintendo (notamment Imamura, créateur des personnages depuis les origines de la série) d'avoir eu la curieuse envie de prendre comme modèle la vieille S.F, presque à ces débuts, puis d'avoir eu le courage de proposer aux joueurs ce mélange d'hommage et de caricature. Choisir un futur "premier degré" aurait été tellement plus facile et beaucoup plus séduisant sans doute.

II-e Résumons pour le Robot (ne l'oublions pas ce cher - de plus en plus cher - Rob) :

La quête de l'espace constitue en bonne parti le futurisme originel, tous les codes ont su perdurer au fil des décennies. Le jeu vidéo fait énormément appel à ces vieux codes, et inventer de nouvelles choses dans ce que l'on appelle par convention le "thème du jeu", ne semble vraiment pas la priorité de ce média. La plupart du temps le jeu vidéo se contente de reprendre ce qui existe pour planter ses décors, pour installer ses situations. D'ailleurs, lorsqu'un jeu prend le temps de décrire des personnages, ils sont souvent très stéréotypés. A part bien sûr certains grands jeux qui réussissent à sortir des sentiers battus de ce thème... ce n'est absolument pas le cas de notre course d'anticipation favorite. Mais justement, F-Zero, "grand jeu" quand même, surmonte ce défaut, il le sublime en l'exagérant. Il le caricature à un point tel, que cela ne peut être que volontaire. La classe ! F-Zero a la particularité de faire complètement référence à la vieille bonne B.D. américaine, et nous offre, tour à tour : les superhéros ; les belles héroïnes à la coiffure vaporeuse ; les androïdes, moitié homme moitié robot, comme l'animateur (de la course, pas du Club Dorothée) ; et, bien sûr, il nous sert enfin, sur un plateau, les purs, les durs, les 100% robots. Dans ces conditions, Rob est là, parce qu'il 'en' est - il est de métal et de plastique. Il y a toujours eu des robots dans F-Zero, comme tous les autres types de personnages récurrents de la science-fiction classique. Dans le premier épisode, ils apparaissent dans la BD bonus du livret. Dans la suite sur Satellaview, une autre carcasse se donne beaucoup de mal pour expliquer les commandes aux joueurs nippons. Sur 64 un robot pilote comme un chef (Mighty Gazelle, un ancien conducteur ressuscité sous la forme d'un cyborg). Et sur GameCube, des robots peuplent les cinématiques : l'un d'entre eux est même le valet de Falcon. Et sur cette console, vous pourrez même débloquer QQQ, un des dix nouveaux pilotes de la version Arcade, encore un perso garanti 100% boulons, idéal pour exploser les records des circuits. Alors Rob, la Guest Star des seconds plans, n'est qu'un robot de plus, tout simplement...

QQQ,un vrai personnage

Tout simplement ? Ce n'est sans doute pas si simple : Dans le circuit Port Town, Rob n'est pas vraiment un personnage, il n'interagit pas. Indissociable de la piste qu'il construit, Rob est plutôt là parce qu'il symbolise un développement technique. Il faut chercher du côté des décors. C'est reparti pour un tour...

III) LES DECORS EXTERIEURS : LES DEVELOPPEMENTS TECHNOLOGIQUES DU FUTUR.

Les décors futuristes possèdent aussi leurs stars. La plupart du temps, les jeux d'anticipation choisissent un cadre visuel particulier puis, ils s'y tiennent tout au long du jeu. F-Zero, lui, préfère manger à tous les râteliers et propose toute la diversité des futurismes en un seul et même jeu. Il est difficile de classer cela, l'angle choisi ici est la connotation positive ou négative des décors. Volontairement manichéens, voilà un résumé, un peu poussif, des plus grands poncifs du genre.

III-a Le Futur idéal.

Plus besoin de se suer, c'est dépassé, Rob, le robot recyclé, construit tout seul et sans broncher. Ca c'est le futur idéal, c'est pour cela que Rob est du bâtiment. Et quand le bâtiment va, tout va. Alors vivement plus tard, les efforts seront du passé ! Parfois, dans F-Zero, on a vraiment l'impression de vivre - ou plutôt de conduire - dans un endroit où la technicité s'est superbement développée. Mute City est, depuis la Super NES, le parfait exemple. C'est une très grande ville avec beaucoup de lumière, des lignes courbes. Et la douceur de la teinte pastel, rose violacée, augmente beaucoup la sérénité de la cité. Bizarrement la ville des mutants est plutôt rassurante... même si c'est une peu moins vrai sur GameCube.

La quiétude des extérieurs de Mute City (ici version N64) et le tuyau de verre de la course Green Plant (NGC).

En contrepartie, sur cette console, d'autres lieux plutôt positifs sont apparus. L'avancée graphique a permis de réellement concrétiser les endroits : 480 Mega-Hertz ne laissent pas d'alternative, il faut montrer quelque chose. Et le jeu montre du bon. Technique, confiance, progrès. Pendant les courses, et les courtes séquences de présentation des circuits de F-Zero GX, on voit souvent plein de cages de verres (notamment la course Green Plant et son étrange tuyau "Intersection") : l'architecture joue la transparence. Cela peut même rappeler le Palais de Cristal, construit pour l'exposition universelle de 1851 et qui reste, encore aujourd'hui, le symbole de la vision optimiste du plus tard et du bientôt. On est comme dans une bulle, zen. Sur les cotés, des immeubles froids et immenses s'élèvent. Cela donne une impression d'équilibre, de maîtrise. Les parois de Big Blue et la prédominance de l'élément aquatique reflètent aussi une sorte de futur idéal, un peu différent cependant : Si on se laisse aller pendant ces courses, on est pas très loin du prologue de la série Ecco the dolphin, autre futur particulier que l'on doit à l'écrivain David Brin, auteur d'Elevation, le roman qui inspira la série de jeu à Sega. Synopsis : A l'aube du 30e siècle, les hommes et les dauphins vivront sur un pied d'égalité, heureux, en parfaite communication, ce sera l'harmonie avec le monde et les autres races intelligentes de l'univers (jusqu'à ce que... ce n'est qu'un prologue). Visuellement, ce futur là - assez dur à nommer - est plutôt bleu, grand, planant. Et c'est congruent avec la transparence et la pureté, la confiance en l'avenir de certaines courses de F-Zero. Les vitres, les surfaces translucides et les GrosPlexis (-glaces) sont propres, toujours impeccables, sans doutes lavés avec du produit Anti-Bactérien.

Oui mais voilà, les microbes, ils sont malins, ils évoluent, ils mutent et ils reviennent plus forts et plus méchants que jamais. Non décidément au futur hyper hygiénique s'oppose totalement la vision de... L'Apocalypse Bientow.

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