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F-zero, la série - L'analyse
Plus qu'une simple série, F-zero est devenu un genre à part entière et a inspiré de nombreux clones. Michael a analysé longuement l'essence du jeu de course futuriste ultime dans un dossier remarquablement documenté de 16 pages.

Nous avons alors : le Thème...

  • ... Préhistorique : peau de bête, gourdin, mammouth, paysages primitifs (Prehistorik Man)
  • ... Antique : plébéiens, aqueducs, toges (Caesar)
  • ... etc. Je vous laisse trouver des exemples de thèmes moyenâgeux (plein de RPG) ou des exemples de thèmes d'époques actuelles ou très récentes (tous les jeux de sports, de guerre...)
Prehistoric Man (consoles 16-bits/GBA) et Caesar (gestion sur PC), des gens bien de leur époque

Ainsi, même s'ils restent minoritaires, pas mal de jeux ont des thèmes qui s'intègrent particulièrement dans une époque donnée. D'ailleurs, souvent, les jeux 'd'époque' sont aussi des jeux exploitant le thème d'un endroit particulier. C'est le cas de Caesar (Antiquité + Rome) ou de Goemon le ninja (Epoque médiévale + Japon). Voilà, l'endroit ne suffit pas et le moment est aussi à prendre en compte. Espace + Temps, cela semble être complet. Tous les éléments visuels d'un jeu renvoient à un lieu connu, ou à une époque précise, ou bien, mieux encore : aux deux à la fois. Tout ce qu'il faut pour permettre à un jeu de créer son monde, un monde qui balance, plus ou moins fidèlement, des bouts de notre monde. Mais a-t-on vraiment fait le tour ?

I-c. Et Rob ? Il reste un autre axe, j'imagine.

Les axes 'spatiaux' et 'temporels' (très complémentaires) ont un point commun : ils renvoient à quelque chose qui existe - ou qui a existé - dans la réalité. Et F-Zero alors ? On a dit que Rob faisait partie du thème futuriste mais cela ne correspond ni à un lieu, ni vraiment à une l'époque. On ne peut pas se contenter de ces deux axes pour rendre compte de la diversité des thèmes. Loin s'en faut ! En effet, les jeux dans les univers réalistes, quelle que soit l'époque, quel que soit l'endroit, ne représentent qu'une moitié (seulement) du total des softs. On en a vu quelques-uns, il s'agit surtout de jeux de courses ou de sports classiques, de quelques jeux de plates-formes fermement encrés dans notre monde, ou de certains jeux d'aventure comme Shenmue (Japon, 1985), ajoutons à la liste la plupart des jeux de guerre ou de stratégie...

Le monde de Shenmue est aussi le notre, est-ce un cas fréquent ?

Mais, souvent, un jeu possède un thème constitué d'un 'ensemble' d'éléments qui n'existe pas. Et pourtant ce n'est pas l'anarchie, ni la pure création. Comme dans les jeux des deux premiers axes, ces groupes d'éléments suivent des sortes de règles, de codes. Là encore, ils rappellent, avec une certaine désinvolture, ce que l'on connaît déjà. Ce n'est plus le vrai monde qui influence, mais ce que l'on a vu, lu, ou entendu, dans d'autres media. Alors oui, quand ils s'éloignent de notre monde, les jeux créent de nouveaux univers, mais l'invention des thèmes, même dans les univers les plus fantaisistes, paraît finalement assez limitée. Pour remonter jusqu'à l'origine de ces thèmes, je proposerais, d'une façon très générale : les registres classiques des autres œuvres fictives, et plus particulièrement - prime à l'ancienneté - les registres de la Littérature d'Imagination. Ce registre littéraire se définit un peu par défaut : il est constitué, comme son nom l'indique, de tous les romans 'non' réalistes. Ils ne doivent pas représenter plus de 3% des romans mais ont un écho incroyable chez les développeurs de jeux. Sans parler des licences (rares produits dérivés de certains de ces romans), les thèmes vidéoludiques qui découlent 'indirectement' de ces 3 petits pour cents de livres occupent une bonne moitié des rayons de jeux, peut-être même la majorité. Mais après tout cela se comprend. Des études prouvent que la Littérature d'Imagination s'adresse, encore aujourd'hui, principalement aux adolescents et jeunes adultes ; la cible des joueurs est en grande partie la même - et puis, autre hypothèse : les jeux vidéos sont obligés de recréer, comme le font les films d'animations, des univers de toutes pièces, autant donner vie aux univers les plus dépaysants qui soient : les univers irréels. Pour cela, en empruntant les mots aux livres, disons que ces thèmes sont :

  • Féeriques/Merveilleux : forêt + trésors + fée + sort + princesse, sorcière, chevalier... (Legend of Zelda)
  • Fantastiques/Gothiques : vie nocturne + paysages inquiétants + monstres + panoplie complète des objets religieux : vitraux, bible, chapelet, eau bénite... (Castlevania)
  • ou (comme dans F-Zero) : les thèmes Futuristes/De Science-fiction - on énumérera les éléments caractéristiques plus tard.
Si l'on se sert de la littérature pour décrire les thèmes de jeux, Zelda possède un thème féérique, et Castlevania, un thème fantastique.

Chaque saga mise entre parenthèses est assez (proto)typique de la catégorie qu'elle illustre et, bien sûr, on aurait pu choisir d'autres exemples... mais pas tant que ça, finalement. Dans l'axe de la Littérature d'Imagination, pourtant fécond, peu de jeux sont aussi "emblématiques" d'un thème particulier car, la plupart du temps, on nous sert plutôt des mélanges de thèmes. Il faut dire que les jeux aiment beaucoup le métissage.

D'ailleurs, la Littérature d'Imagination elle même mélange ses registres : un mouvement hybride connaît depuis longtemps un grand succès. Appelé Fantasy, il se situe un peu entre la S.F et la Féerie. On y rencontre aussi bien des traversées de l'espace que des affrontements de chevaliers, ou bien encore des sorts magiques et des vaisseaux spatiaux... Et en ce sens, les jeux vidéo influencent les livres en retour car les productions vidéoludiques qui répondent à ce double critère sont nombreuses et, retour de manivelle, depuis que ces jeux vidéo existent, la Littérature d'Imagination est presque exclusivement constituée de ces romans dits "Fantasy". 'Phantasy' Star Online, Final 'Fantasy' (même les titres sont éloquents !), ne doivent pas être totalement étranger à ce grand boom des parutions, moitié féeriques et moitié futuristes. Car ce doit être un phénomène global : B.D., "vrais" jeux de rôle, séries animées, Littérature d'Imagination et enfin, jeux vidéo... Les univers se succèdent, les amateurs sont un peu les mêmes, et du coup, tous ces médias se livrent, presque malgré eux, à toute une série d'influences mutuelles...

Le thème de Final Fantasy est, comme tous les jeux Héroïc Fantasy, un mixte entre féerie et science-fiction

I-d. Même dans les jeux à plusieurs thèmes, les trois axes se déclinent, s'entremêlent parfois, mais continuent de fonctionner...

Encore une fois, sans être idéale, la classification des thèmes grâce 1) aux lieux réels 2) aux époques et 3) (lorsque les 2 premiers ne sont pas pertinents) à la Littérature d'Imagination est assez pratique. Si elle ne vous convient pas, petits travaux pratiques avec trois jeux qui proposent tous, non pas un seul thème, mais un éventail : Tomb Raider, Chrono Trigger, et Rainbow Island. Chose amusante (hi hi hi) ces jeux déclinent précisément les trois grands axes que nous avons identifié.

  • Loin de se cantonner à un seul lieu, chaque version de Tomb Raider décline le 1er axe et propose, comme la plupart des jeux d'aventures, différents thèmes qui ne sont rien d'autres que les lieux et les paysages les plus typiques de la planète : Mexique un jour, Venise le lendemain... Lara voyage ! D'ailleurs, l'éventail "thèmes spatiaux" de Tomb Raider est très fréquent. La belle n'est pas la seule à se promener ainsi, il y a des milliers de jeux, en tous genres, qui proposent, selon les niveaux, pleins d'endroits différents à explorer, survoler, fouiller, détruire... Ou même "à traverser à bord de son aéroglisseur" : le premier F-Zero suit parfaitement la règle de ce premier axe classique, un "endroit" par niveau, ou plutôt par course : La mer pour Big Blue, la neige pour White Land, la ville pour Mute City.... Mais le thème de F-Zero est beaucoup complexe encore, nous verrons la suite tout à l'heure.
La pulpeuse aventurière a fait plusieurs fois le tour de la terre, cela permet de faire varier les thèmes...
  • Le scénario exemplaire de Chrono Trigger décline, lui, le second axe et propose ainsi différentes époques : Téléporteur temporel oblige, ce R.P.G se déroule, tour à tour : à l'Ere Glaciaire, au moment de la Préhistoire, pendant le Moyen Age, à l'époque actuelle et même dans le Futur ! Avec la possibilité incroyable de changer le déroulement de l'histoire. Parmi toutes les qualités de ce titre, ce qui nous intéresse ici, c'est que chacune de ces époques est très bien représentée et distinctive des autres : CT, l'éventail, est visuellement très démonstratif de ce que les thèmes peuvent devoir aux époques. Si le Temps est bien un axe, le scénario du soft l'exploite à fond ! D'ailleurs, d'autres jeux voyagent dans le temps de la même manière, avec plus ou moins de bonheur (Zelda Oracle of Ages, Eternal Darkness, Rascal...)
  • Terminons avec le troisième axe et avec la jaquette de Rainbow Island. Et oui, question 'références' le soft ne paie pas de mine, et pourtant ! Derrière le traitement visuel rond et coloré propre aux Cute Games, Rainbow Island a la particularité d'utiliser tous les thèmes "non réalistes" dans un seul et même jeu. Ici, les thèmes des mondes ne se définissent pas selon l'époque, ni selon le lieu (on ne reconnaît pas de plage, de désert...) mais bien selon les références à la Littérature d'Imagination qu'ils contiennent, des références diluées mais bien réelles. Sur cette illustration, qui reprend les éléments du soft niveau par niveau, on voit bien que l'île des Monstres - vampires, squelettes, cimetières - correspond au thème fantastique, que celle avec des robots et des fusées très développées (Robot Island) ainsi que celle avec des extra terrestres (Doh's Island) rentreraient, si elles ne faisaient pas partie d'un jeu, dans le cadre d'une œuvre de science-fiction. Quant au thème féerique, il est, lui, représenté par l'île "Dragon" : châteaux, chevaliers, fantômes et personnages mythologiques nous y attendent. Même l'île des Insectes, animaux en principe incroyablement communs, il devient, vu sous cet angle, une sorte de monde parallèle, merveilleux et alternatif. Les insectes sont, dans la vie, tellement petits qu'ils en deviennent étranges, ce type de changement d'échelle est, encore une fois, un classique de la littérature. Et d'autres jeux développent, au moins en partie, le même "éventail Littérature d'Imagination" : certaines licences Mickey de l'époque 16-bits, Ms. Pacman World de la Dreamcast aussi (avec un monde 'Frankenstein')... M ême Banjo-Kazooïe possède son Monde fantastique, celui du manoir, le reste du jeu étant plutôt féerique avec une sorcière comique et plein de détournements décapants des contes de fée les plus connus. Bref, les thèmes issus de la Littérature d'Imagination sont des styles cohérents et autonomes. Ils se retrouvent parfois dans seulement un ou deux niveaux, alors même que les thèmes des autres passages du jeu sont des lieux classiques (neige, désert...), éventuellement des époques (préhistoire, moyen âge...). Les développeurs y font appel sans problème, tous les thèmes ont le même statut : un ensemble de codes pour ouvrir un tiroir dans la tête ! Même si le troisième axe est un peu à part (les codes y sont exclusivement acquis : merci Carroll, Stoker, Shelley et les autres) le résultat est le même. Maintenant, réduisons le cercle, concentrons-nous, à l'intérieur de ce dernier axe, sur le thème de la science-fiction...
Le coloré Rainbow Island se fait véritablement l'éventail de tous les thèmes dérivés de la Littérature d'imagination

II) SCIENCE-FICTION, JEUX VIDEO, F ZERO...

La science-fiction est elle un thème ? En tout cas, parmi tous les thèmes de jeux, la science-fiction a un statut particulier : c'est sûrement le thème le plus complexe qui soit. Contrairement aux thèmes nommés "Préhistoire", "Désert" ou même "Féerique", quand on a dit "Science-fiction" on n'a encore rien dit : Pourquoi ? Peut-être parce que le thème dit futuriste est à la croisée de nos trois axes de tout à l'heure : temps (une époque future), espace (l'action doit se dérouler quelques part, aucun lieu n'est à exclure ou à privilégier), imagination (le futur n'est qu'une vision particulière). Du coup, on ne sait pas, même pas à-peu-près, à quelles images s'attendre. Aucun élément n'est vraiment indispensable : Dix jeux peuvent être (dans leur thème) totalement différents les uns des autres, et renvoyer pourtant, tous, à ce même "grand" thème futuriste.

II- 1. La science-fiction : des premières nouvelles aux derniers jeux-thèmes.

Elle pourrait, dans les jeux, partir dans tous les sens. C'est rarement le cas. La S.F. des J.V doit beaucoup à la S.F. des B.D., des livres, ou des films. Comme dirait Lapalisse : commençons par le commencement.

Bien qu'il y ait de nombreux prémisses aux siècles précédents, on considère souvent que la science-fiction moderne est née à la fin des années 20, dans des magazines publiant chaque semaine des nouvelles. Les auteurs, condamnés à être bavards, y étaient payés au mot. On a l'habitude d'appeler ces recueils des "Pulps", ce nom venant de la qualité médiocre du papier employé : de la pulpe de bois. Attention, les genres au programme des Pulps étaient très nombreux : western, policier... La plupart de ces publications avaient une spécialité et il y en avait vraiment pour tous les goûts. Cependant, parmi tous les registres, un se détache du lot, les nouvelles qu'on y rencontrent sont d'un nouveau genre - ou plutôt d'un 'genre' nouveau - elles consistent à anticiper les prochaines technologies du Futur - il faut dire qu'a cette époque de grands développements industriels, les gens avaient une totale confiance en la science et en la technologie.

Des pulps

Papier médiocre, qualité littéraire laissant parfois à désirer, mais univers tenaces : C'est ici que tous les codes classiques de la S.F. sont nés. Même le terme de 'Science-fiction' est l'œuvre du rédacteur en chef d'un de ces canards. D'ailleurs, depuis, en Littérature, pour qu'une œuvre soit dite de 'Science-fiction' il faut qu'elle propose au moins une ébauche d'explication scientifique. Juste en 'Littérature', car, ce sens a évolué - dans le langage courant, 'Science-fiction' est devenu un simple synonyme d'Anticipation. On retrouve la même évolution avec le terme Fantastique : à l'origine, et pour les puristes, Fantastique désigne une hésitation entre une explication logique et une autre rationnelle : en fait, il ne doit y avoir aucun jeu vidéo réellement Fantastique, pas plus qu'il n'y a de 'vrai' jeu de Science-fiction. Sans parler des différentes nuances que prend le terme 'Futuriste' selon les domaines. Voilà, c'est dit, et vous l'aurez compris : dans les paragraphes de cet article, loin des définitions premières, tous ces mots sont à entendre au sens le plus naïf qui soit : les décors que l'on a associe à ces registres, parce qu'on a l'habitude de les rencontrer dans ces genres là. Et justement, les codes de la science-fiction viennent en grande partie des Pulps.

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