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Silent Hill - La série
Année : 1999
Système : Playstation, Playstation 2 ...
Développeur : Konami
Éditeur : Konami
Genre : Survival Horror
Par Bruno, Nordine et Corentin (28 janvier 2005)

Parmi les titres qui peuvent prouver aux plus sceptiques que le jeu vidéo est un art à part entière, les Silent Hill tiennent une place de choix. Des œuvres d'art numérique à la maturité impressionnante. Avec cette saga, et SH2 et SH3 plus précisément, la Silent Team peut se vanter d'avoir créé une nouvelle forme de narration horrifique, une nouvelle façon de traiter l'horreur psychologique. Oui, je suis devenu un fan de la série, qui me passionne tout autant que Resident Evil, c'est dire !

Konami, c'est ici !

Silent Hill
(1999 - Playstation)

En 1999, le monde du Survival-Horror est dominé de la tête et des épaules par la série Bio Hazard (Resident Evil) de Capcom. Les éditeurs voulant s'essayer au genre s'y cassent les dents, pour la plupart (il y a quelques exceptions). C'était sans compter le grand talent d'une jeune équipe œuvrant chez Konami. Le jeu se nomme Silent Hill et il fait mouche. Mieux que ça, il apporte un vent de nouveauté au style. En prenant le parti-pris de traiter le sujet d'une manière tout à fait différente, la Silent Team étonne la presse et les joueurs avec un jeu qu'on attendait pas si percutant.

Harry Mason est veuf et vit avec sa fille Sheryl, qu'il décide d'amener en vacances. La destination porte le doux nom de Silent Hill. Sur le chemin, en voulant éviter une personne marchant au beau milieu de la route, Harry perd le contrôle de son véhicule et percute violemment le bas-coté. Il perd connaissance, et en retrouvant ses esprits remarque que sa progéniture à disparu. Notre homme se met à la recherche de Sheryl dans un Silent Hill envahi par le brouillard.

Le jeu est en 3D intégrale et le joueur peut faire pivoter la caméra à sa guise. Premier élément important du gameplay : la radio. Cette dernière se met à grésiller quand un monstre se trouve dans les parages. Plus les grésillements se font intenses, plus la créature est proche d'Harry. Deuxième élément fondamental : la lampe torche. Une des grandes trouvailles de SH est de plonger le joueur dans la pénombre et la lampe (qui reste accrochée sur Harry en permanence, à vous de l'éteindre si le cœur vous en dit) vous permettra d'y voir un peu plus clair. La réflexion de la lumière sur les environnements est superbement réalisée. Harry se balade dans la ville, dont le brouillard épais n'aura de cesse que de vous inquiéter et dans divers immeubles et autres coins bien flippants. Dans les immeubles, il faudra résoudre des énigmes et survivre tout en trouvant le bon chemin et les objets adéquats. Pour se défendre : une barre de fer, des armes à feu, etc. Dans un souci de réalisme, Harry ne manie pas les armes comme un serial killer mais plutôt comme un monsieur-tout-le-monde tremblotant.

L'ambiance instaurée par SH le démarque de la concurrence. Le stress que ressent le joueur vient de l'atmosphère résolument glauque et de l'appréhension ressentie, les lieux arpentés étant le plus souvent vides et les créatures agressives rarement en grand nombre. Ces dernières arborent une apparence assez troublante, d'ailleurs. Elles ressemblent plus à des êtres humains difformes qu'autre chose. Les personnages qui croisent le chemin de Harry sont assez inquiétants eux aussi. Difficile de leur faire confiance.

Dès ce premier opus, les qualités évidentes du script apparaissent. Les pistes sont constamment brouillées et cette histoire mélangeant mysticisme, paranormal et horreur est à la hauteur de ses promesses. La réalisation, offrant des cadrages de folie et inhabituels pour un jeu vidéo, consolide cette mayonnaise qui prend décidément très bien. Les textures, malgré leur manque de finesse (because Playstation) sont traitées d'une manière particulière : un effet de vieillissement les habille et des taches de sang viennent régulièrement embellir le tableau. Effet garanti. L'ambiance musicale fait aussi dans la nouveauté. Les mélodies sont touchantes et inquiétantes à la fois (elles se font surtout entendre lors des cinématiques), et les bruits d'ambiance durant le jeu ont fait l'objet d'une recherche assez dense. Incroyable de voir comment un assemblage de sons peut donner autant la pétoche. Notez que la version PAL de SH est allègrement censurée. Préférez plutôt une version américaine ou japonaise.

Bref, une grande réussite et une belle surprise pour les joueurs. SH1 sème les premières graines de la série et fera pousser des bourgeons qui, une fois éclos, donneront naissance au monumental Silent Hill 2.

Silent Hill 2
(2001 - Playstation 2 / XBox / PC)

Deux ans de développement pour accoucher d'un véritable chef d'œuvre, deux ans pour marquer l'univers vidéoludique d'un jeu résolument différent aux ambitions artistiques certaines. Avec SH2, la Silent Team nous offre un titre d'une maturité rare, non pas pour sa violence mais pour la qualité de sa narration. Dans son traitement (de la forme comme du fond), ce jeu est unique en son genre, poussant, transformant même, les bases posées par le premier Silent Hill pour nous offrir une expérience des plus marquantes. On retrouve la radio qui de ses grésillements prévient d'une présence indésirable, ainsi que la lampe de poche, indispensable pour vous frayer un chemin quand la pénombre s'épaissit.

James Sunderland reçoit une lettre de sa défunte femme lui donnant rendez-vous à Silent Hill. L'homme est troublé et, veuf depuis trois longues années, décide de répondre à cet appel mystérieux. À partir de là, il va vivre une descente aux enfers des plus effroyables. La narration de SH2 est très troublante, à l'image des passages en compagnie de Maria, sosie à peine cachée de la défunte épouse de James. Le script, signé Hiroyuki Owaku, fait preuve d'une profondeur remarquable et instaure une tension glauque à l'extrême, inconnue jusqu'alors dans un jeu vidéo. Tout ici n'est là que pour mettre le doute, vous émouvoir, vous remuer le cœur. Rien que les premières minutes du jeu sont invraisemblables tant l'atmosphère imposée par la Silent Team vous enveloppe de sa beauté macabre. Cette sensation vous accompagnera tout au long du périple et même après avoir terminé le jeu. Rien que d'y penser, même des années plus tard, la même sensation vous envahira.

La tension et la profondeur psychologique de SH2 forcent le respect car elles captivent sans saoûler et poussent le joueur à reconstruire l'histoire mentalement et élucider certaines zones d'ombres qui trouveront réponse, soyez-en sûr. Ce jeu mérite une thèse à lui seul et plusieurs lectures sont les bienvenues. La peur éprouvée dans SH2 vient de l'appréhension constante, du doute permanent sur ce qui va arriver, du non-dit et du pouvoir de suggestion. La Silent Team à profondément étudié son sujet et le résultat de leur analyse est que l'être humain pense constamment au sexe et la mort. Certaines scènes, certain monstres, certains points du scénario reflètent cette conclusion.

Il ne manquait qu'une réalisation innovante pour transcender ce script en or, et là encore le résultat est au delà de nos espérances. La caméra offre des cadrages si travaillés que le souci de perfection cinématographique des développeurs ne fait aucun doute. Comme nous sommes en 3D intégrale, libre au joueur de promener la caméra où bon lui semble. L'exploration est des plus jouissives dans cette pénombre perpétuelle et les jeux de lumière impressionnent par leur réalisme.

La ville, ses habitations et ses immeubles semblent si plausibles qu'ils donnent la sensation que ces lieux ont une histoire, que des habitants vivaient leur existence tranquillement dans le coin, autrefois. Sur cette représentation très réaliste viennent se greffer des éléments terrifiants qui font mouche à chaque fois. L'horreur absolue est atteinte lors des passages dans le monde parallèle. Là bas, tout n'est que chair, sang et cris stridents.

Masahi Tsuboyama, le directeur artistique, a voulu instaurer un visuel morbide, dérangeant mais néanmoins attirant et mystérieux. Mission réussie car c'est exactement ce que ressent le joueur face à SH2 (SH3 use du même effet). Un filtre granuleux est rajouté à l'image pour accentuer l'ambiance si singulière et inquiétante du titre. Grande idée.

Le joueur assiste à des scènes vraiment troublantes, à la symbolique très forte, qu'il faut parfois savoir dénicher pour son plus grand plaisir. Le jeu est effectivement truffé de messages (souvent assez obscurs) en rapport avec le scénario, qui peuvent prendre n'importe quelle forme (on retrouve ce genre de subtilité dans Silent Hill 3, voir plus bas). Les personnages que croisera James sur son chemin sont des plus inquiétants et ambigüs. Ambigü, voilà un mot qui décrit parfaitement SH2.

Silent Hill est réputé pour son personnel hospitalier.

Sato Takayoshi, designer des personnages et des cinématiques, a effectué un travail impressionnant. Revenons sur Maria, dont le role est de la plus grande importance. Sato l'a voulu tantôt attirante, tantôt effrayante (comme les autres intervenants d'ailleurs), à l'image du jeu en somme. Elle vous troublera à coup sûr. Le visage marqué, petit bourrelet apparent, Maria est loin des personnages féminins croisés habituellement dans un jeu vidéo.

La troublante Maria.

Le design des protagonistes est assez surprenant. Réalistes et inquiétants, avec leur personnalité ambivalente ils contribuent fortement à l'ambiance du jeu. Le motion capture a été utilisé pour les mouvements corporels mais notre ami Sato a mis un point d'honneur à créer les expressions de visage manuellement, quitte à se mettre lui même à contribution en mimant divers sentiments devant un miroir.

Sato Takayoshi et quelques exemples de ses travaux

Quand il s'agit de faire parler tout ce beau monde, c'est une fois de plus réussi, un casting drastique ayant eu lieu chez Konami pour rendre les personnages le plus crédibles possible.

Les créatures ennemies de SH2 effraient par leur apparence. Ito Masahiro les a voulu proches de l'être humain. En leur donnant un physique difforme et des mouvements terrifiants (tremblements intenses, démarches suréalistes, etc.), les monstres du jeu vous glaceront le sang. Les mannequins désarticulés, les infirmières et tous leurs amis vous attendent.

Ito Masahiro et quelques uns de ses croquis.

La principale source d'inspiration de l'artiste sont les toiles du peintre anglais Francis Bacon. La star des méchants est quand même le fameux Pyramid Head, qui a demandé un effort tout particulier à Ito. Les angles (pointus donc) de sa tête symbolisent la douleur. Cette créature vous troublera à plus d'un titre. Rien que le bruit strident émanant de la gigantesque épée qu'il traîne au sol comme un boulet vous donnera la chair de poule.

Le célèbre Pyramid Head. Un des personnages les plus terrifiants qui soit, tout média cofondus.

La partie sonore, signée Akira Yamaoka, est tout aussi soignée. Les musiques et bruitages sont déconcertants et troublent le joueur au même titre que les autres éléments du jeu. Rien que la mélodie entendue au tout début (quand James se fixe dans le miroir) est à tomber tant elle dégage mystère et étrangeté. Ma favorite dans SH2 ! Akira dit n'avoir eu aucune influence pour les compositions du soft, juste son style (NdL : ben voyons...).

Le thème principal du jeu, une mélodie triste et mélancolique sur un rythme assez fort, symbolise à lui seul l'esprit de SH2. Les bruitages se veulent anti-conformistes et il suffit d'entendre les cris des monstres pour s'en rendre compte. Deux environnements sonores principaux dominent l'aventure. Tout d'abord, des assemblages de bruits sophistiqués et bizarroïdes qui donnent lieu à de véritables odes à l'horreur tant c'est effrayant. L'origine des ces sons n'est pas toujours visible, d'où le stress ressenti. Ensuite, le silence ! Et oui, pour notre compositeur, le silence est un bruit angoissant.

Akira Yamaoka

De nombreuses fins sont disponibles, selon vos comportements et choix, et certaines sont traumatisantes ! Une version XBox existe avec en bonus un court scénario mettant en scène Maria. Cette même version existe sur PS2 mais uniquement en japonais. Donc, si vous ne jouez que sur PS2 il est de mon devoir de vous forcer (hé hé !) à vous procurer la version PAL fournie avec un très bon making-of (plein de renseignements utiles ! Certaines photos de ce dossier en sont tirées) réalisé par l'équipe de Fun TV. C'est dit.

Il y aurait encore tant à dire sur SH2 mais pour ne pas « spoiler » en rafale, je préfère vous laisser face à face avec cette œuvre indispensable. Il faut y avoir joué, point. Avant de vous parler de Silent Hill 3, je laisse la parole à Nordine pour une analyse des influences de Silent Hill 2.

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