A compter de cette deuxième partie, de nouveaux formats musicaux feront graduellement leur apparition. La première partie de notre dossier ne comprenait que des *.sid, format dédié aux modules C64 et dont le meilleur lecteur était Sidplayw. Désormais, selon la machine d'où proviendront les divers modules, il vous faudra utiliser un lecteur différent. Pour des raisons pratiques, les modules Amiga, qui répondront la plupart du temps au format *.mod, devront être lus grâce à Deliplayer, un lecteur fabuleux permettant de décrypter une très grande majorité de formats propres à cet ordinateur. Les modules NES, au format *.nsf, pourront être lus grâce à ce plug-in WinAmp. Les modules SNES, au format *.spc (compressé *.rar pour un gain de place maximal), pourront être écoutés grâce à Super Jukebox, un utilitaire ayant le mérite de lire TOUS les modules, même compressés. Quelques remarques cependant :
1. Un module Amiga au format *.mod ne comprendra qu'un seul morceau alors que d'autres formats plus 'exotiques', comme les *.tfx ou *.cust, pourront inclure de nombreuses 'sous-morceaux', ou 'sub-songs', un peu à la façon du format *.sid du C64. Par conséquent, une fois que vous aurez ouvert un module d'un format autre que *.mod sous Deliplayer, vérifiez bien en haut à droite du panneau de contrôle le nombre de sub-songs que comprend le-dit module, et cliquez sur les touches 'Sub >' ou 'Sub <' afin de passer d'un sous-morceau à un autre.
2. Les modules NES sont, eux-aussi, découpés en 'sub-songs'. Sous WinAmp, cliquez en dessous de la barre de volume afin de déplacer l'onglet correspondant aux différents morceaux, puis cliquez sur 'play'.
3. Les lecteurs SNES disponibles actuellement n'émulent pas encore parfaitement le chip sonore de la fabuleuse console de Nintendo. Même s'ils suffisent pour lire à la quasi-perfection 99% des modules existants, certains posent encore de sérieux problèmes, comme les compositions d'un certain Tim Follin, dont nous traitons -pas de chance- quelques lignes plus bas ! Rassurez-vous, tous les morceaux de Sieur Follin ne sont pas affectés, mais lorsqu'ils le sont, des instruments fantaisistes, voire d'horribles fausses notes -carrément-, viennent déchirer vos tympans, massacrant par la même occasion le travail d'orfèvre de ce musicien de génie. Prévoyez donc moultes boules quiès et quelques cachets d'aspirine.
Il serait assez maladroit -et injuste- de considérer la nouvelle vague de musiciens sur le C64 comme de simples "clônes" de leur maître spirituel, Rob Hubbard. Certes, ce dernier eut une influence majeure dans le domaine de la musique sur ordinateur, mais cette influence eut plus pour effet de déclencher des vocations que d'imposer un style musical qui allait être copié et recopié jusqu'à l'overdose. Pour preuve, le style d'Hubbard reste, encore à ce jour, totalement unique -avec un peu d'habitude, il est aisé de reconnaître une œuvre du 'maître' sans se tromper. Chacun des nouveaux arrivants de la scène musicale Commodore possédait donc un style propre qui, avec le temps, allait rester graver dans toutes les mémoires.
Cette deuxième partie de notre dossier consacré à la musique dans les jeux vidéo se concentrera une nouvelle fois sur la machine par laquelle tout a réellement commencé, le Commodore 64, et introduira, lorsque cela sera pertinent, d'autres machines sur lesquelles les musiciens auront pu travailler par la suite.
Martin Galway, musicien de génie.
S'il y a bien deux noms à retenir de toute l'histoire de la musique sur C64, ce sont bien Hubbard et Galway. Immanquablement associé aux jeux sortis sous la marque Ocean, Martin Galway démarra son aventure sur le BBC (pas la chaîne de télé; l'ordinateur) avant de se lancer sur la machine de Commodore. Bien lui en prit, car, à l'image d'Hubbard, le seul nom de Galway dans les crédits d'un jeu suffisait à sauver les ventes d'un titre, même minable (au hasard, "Game Over", en 1987).
Pourtant, les débuts furent difficiles. Sa première production, qui allait accompagner le chargement de l'infâme Daley Thompson's Decathlon (1984), avait dû être programmée à la va-vite à l'aide d'une routine prêtée par Ocean qui, hélas, était buggée de partout. Par manque de temps, Galway dût s'en contenter et composa avec David Dunn, alors musicien chez Ocean, quelques morceaux sans saveur.
Musique de Daley Thomson's Decathlon (SID) : cliquez ici
C'est en 1985 que Galway, une fois sa propre routine programmée, allait prendre son envol. Kong Strikes Back, premier titre entièrement fait maison, posait les premières pierres d'un style qui, à l'instar du style d'Hubbard, allait s'avérer tout bonnement unique. Loin du rythme souvent endiablé des productions d'Hubbard, Galway se démarquait surtout par la présence très insistante de vibrato dans une voix principale souvent très mélodieuse, et l'absence quasi-totale de percussions.
De ce point de vue, Kong Strikes Back restait encore très décevant. Peu original et vite répétitif, le thème principal de l'unique morceau de ce jeu laissait, tout au plus, entrevoir quelques unes des sonorités qui allaient faire la marque de fabrique de Galway.
Puis vint, la même année, le célébrissime thème de chargement des jeux Ocean et de sa filiale, Imagine. Repris dans quasiment tous les jeux de la marque jusqu'en 1987 -date à laquelle un superbe 'remix' remplaça la version originale-, ce morceau, que tout joueur n'avait d'autre choix que d'écouter pour la 137ème fois en attendant la fin du chargement de son jeu favori, marqua les esprits comme jamais. Loin d'être désagréable, cette 'loading tune' plutôt inspirée symbolisait le véritable lancement d'un musicien qui allait dès lors enchaîner les succès. Parmi eux, citons, tout particulièrement, le thème d'introduction d'une adaptation d'arcade fort réussie, Yie Ar Kung Fu (1985), dont la durée peu commune (9 minutes) révélait un goût assez net pour les productions épiques.
Cantonné principalement, en 1985 et début 1986, aux adaptations d'arcade, Galway montra tout son talent en s'inspirant des bandes son originales de ces jeux de café tout en les améliorant. Hyper Sports (1985), Mikie (1985), Ping Pong (1985), mais aussi Green Beret (1986) et Terra Cresta (1986) profitèrent tous d'une ambiance sonore admirable, aussi bien du point de vue de la musique que des bruitages, qui sonnaient très 'arcade'. Coup de chance: ces adaptations étaient toutes très réussies, ce qui donna rapidement à Ocean une réputation des plus solides.
Toujours en 1986 sortit Rambo First Blood Part II, injustement descendu par les critiques français de l'époque, mais accueilli comme il se devait par les journaux britanniques. Remake du Commando de Capcom adapté un peu plus tôt par Elite -et mis en musique par... Rob Hubbard-, "Rambo" profitait d'une réalisation technique plutôt soignée et jouissait d'une bande son extraordinaire. De la musique de chargement, pour une fois différente des autres jeux Ocean, aux différents thèmes dont les inquiétantes notes résonnaient entre chaque phase de jeu, tout montrait que Galway s'était efforcé de composer des morceaux en parfaite adéquation avec l'ambiance du film (remarquons au passage le clin d'œil du code morse inclus au thème de départ qui, en plus de recréer l'atmosphère particulière d'une situation de guerre, donnait les noms des divers programmeurs ayant travaillé sur ce titre !).
A une époque où le son n'était encore considéré que comme quantité négligeable par beaucoup d'équipes de dévelopeurs, ce principe, évident au cinéma mais encore très rare dans les jeux vidéo, allait rester celui de Galway jusqu'à la fin de sa carrière.
L'arrivée de Galway fin 86 au sein d'une des équipes de programmation les plus douées sur le 64, Sensible Software, lui permit de se lancer dans toutes sortes d'expériences sonores. C'est ainsi que Parallax, toujours publié par Ocean, se vit affubler d'une des musiques de présentation les plus surréalistes et éthérées qui soient. Avec son introduction très conceptuelle d'environ 7 minutes (!), cette composition majeure, d'une durée totale de 11 minutes, fut considérée par beaucoup -moi compris- comme LE chef-d'œuvre d'un musicien au sommet de son art. Les thèmes internes au jeu n'étaient pas en reste (superbe mélodie lors des séquences de capture des scientifiques), et contribuaient, une nouvelle fois, à créer l'ambiance unique d'un des shoot'em ups les plus innovants et les plus passionnants de l'histoire du C64.
La coopération Galway / Sensible Software ne s'arrêta pas là, puisque l'année suivante vit l'arrivée d'un nouveau jeu de tir très original, Wizball (Ocean). Complétement bâclé dans ses adaptations 16-bits, "Wizball" représentait, sur C64, la crème de la crème en matière de shoot novateur et, probablement, l'un des jeux les mieux conçus et les mieux programmés jamais réalisés, toutes machines confondues. Disons-le tout net : tout, dans ce jeu, respirait la perfection. Fluidité des animations, graphismes à la pointe de ce que pouvait proposer le 64, plein écran, jouabilité démente, ambiance sonore d'une richesse inouïe... Que dire? Sensi-Soft avait une nouvelle fois frappé très fort.
Devant tant d'originalité, on n'en attendait pas moins de Galway, qui composa une bande son étonnante de diversité, depuis des bruitages très travaillés jusqu'à des mélodies mélant, avec bonheur, un peu tous les genres. Dans une interview assez récente, Galway lui-même considérait que son travail sur Wizball était le plus abouti.
Si vous n'avez jamais essayé ce jeu, faîtes-vous ce plaisir ! Attention toutefois : les premières parties sont assez difficiles.
Finissons ce tour d'horizon de l'univers Galway en citant deux excellentes adaptations de hits d'arcade made-in-Taito, à savoir, Slap Fight (Imagine, 1987), dont la bande son reprenait, à la note près et sur 5Ko seulement, tous les thèmes de la machine originale, et Arkanoid (Imagine, 1987), tout premier jeu C64 à avoir profité d'instruments digitalisés -coiffant ainsi sur le poteau Chris Hülsbeck et son Bad Cats (1987, Rainbow Arts), sorti peu de temps après.
Conversion très fidèle d'un jeu qui faisait alors fureur et remettait au goût du jour le bon vieux casse-brique, Arkanoid et son thème d'introduction en étonna plus d'un. Il était en effet assez difficile de décrire avec précision ce à quoi ressemblait ces étranges sons digitalisés qui, mélés à une énième mélodie très Galway-esque, donnaient un résultat qui me fit monter le son plus d'une fois à l'époque. Et que dire des bruitages entendus pendant la partie ? De véritables merveilles (le laser, à lui seul, valait le déplacement). En cela, Galway prouvait sa totale maîtrise du processeur sonore du 64, et renvoyait allégrement Hubbard au rang de débutant, ce dernier n'ayant jamais vraiment fait des effets sonores sa spécialité.
La suite de la carrière de Galway fut moins glorieuse, car avec la mort du C64, on n'entendit plus beaucoup parler de lui. A la manière de Rob Hubbard, il tenta de transposer ses talents sur d'autres plates-formes sans jamais atteindre le degré de reconnaissance dont il avait été l'objet grâce à la grosse boîte grise de Commodore. C'est surtout sur PC qu'il sévit ensuite, en travaillant pour des sociétés comme Origin (où il rejoignit son camarade d'université Chris Roberts), Digital Anvil ou Warthog. Citons, parmi ses quelques productions micro, Times of Lore (Origin, 1988), Wing Commander 2 & 4 (Origin, 1991 & 1995), Ultima VII (Origin, 1992), Ultima Underworld (Origin, 1992) et, beaucoup plus récemment, Starlancer (Crave Entertainment, 2000).
Tim Follin: une affaire de famille.
De loin l'un des compositeurs les plus polyvalents de tous ceux ayant officié sur le C64, Tim Follin a su parfaitement évoluer avec son temps. Profitant d'une formation assez pointue dans la musique, il travailla de façon régulière sur Spectrum, C64, Amiga, NES, SNES, Playstation et Dreamcast. Il travaille actuellement sur Playstation 2.
Malgré les apparences, Follin n'est pas un adepte de la quantité. Dans son cas, il serait plus pertinent de parler de qualité, tant ses compositions comptent, à mes yeux -à mes oreilles?-, parmi les plus belles jamais entendues dans un jeu vidéo.
Il possède pourtant un style très particulier. Jouant sur absolument tous les plans, il est capable, dans un même jeu -voire dans un même morceau-, de mêler des mélodies très complexes à d'autres qui, en raison d'un dépouillement extrême, s'approchent franchement de l'absence totale de note, et donc du silence. Le résultat est sidérant car l'ambiance recréée par pareilles partitions, tantôt rythmées, tantôt proches de l'apathie, s'adapte parfaitement à l'univers des jeux sur lesquels il a pu travailler. Se contenter des 3 voix du C64 ne lui posera trop de problèmes, même s'il admettra que le double, au moins, lui aurait été nécessaire pour totalement mener à bien ses projets.
Passons sur ses premières productions Spectrum-esques qui, même si elles méritent bien des éloges, permirent surtout à Follin de faire ses armes; et examinons le cas du C64. Son arrivée sur cette dernière se fit relativement tard par rapport aux tenors de la machine. Mais quelle arrivée ! En 1987, Firebird, l'une des grandes sociétés d'édition de l'époque, sortit Black Lamp, un obscur jeu de plate-forme à la jouabilité plus que douteuse. Seulement voilà : l'équipe responsable de cette misère avait pour nom Software Creations, et comptait parmi ses rangs les frères Follin -Tim, bien sûr, mais aussi Geoff Follin, mélomane à ses heures, et Mike Follin, programmeur. Dans le cas de Black Lamp, seul Tim fut mis à contribution, mais cela suffisait déjà amplement pour se faire une idée des capacités du bougre. On retrouvait dans les 2 thèmes principaux de ce jeu tout ce qui fit -et fait encore- la beauté de ses compositions, à savoir son goût prononcé pour les bruits d'ambiance (le vent au début du thème principal), une voie solo extrêmement mélodieuse et virtuose, et cette tendance très nette à vouloir créer un effet de reverb en répétant sur 2 voies distinctes la même mélodie avec un léger décalage d'un dixième de seconde.
Dès lors, les productions de qualité ne cesseront de s'enchaîner: Agent X II (Mastertronic, 1987) qui, grâce à son petit prix et ses sympathiques mélodies, eut un grand succès outre-Manche (écoutez la sub-song n°4 de ce jeu, un très court jingle ressemblant à s'y méprendre aux sonorités entendues dans Equinox sorti sur SNES six ans plus tard); Bionic Commando (US Gold, 1988), dont je ne raffole pas particulièrement, mais qui gagna le Golden Joystick en Angleterre de la meilleure bande son; Led Storm (US Gold, 1989) et ses thèmes frénétiques; Qix (US Gold, 1989) et ses percussions d'un réalisme presque étonnant pour un simple C64; et enfin l'illustre Ghouls'n Ghosts, adaptation à la jouabilité très dicutable de la borne d'arcade, mais dont les thèmes musicaux firent que de nombreux critiques de magazines passèrent plus de temps à s'émerveiller devant leur incroyable maestria que de parler du jeu lui-même.
Musique de Qix sur Amiga (.cust à lire avec Deli Player) : cliquez ici
Il faut dire qu'avec Ghouls'n Ghosts, Tim Follin prouva qu'en ces temps de digitalisations massives, le SID pouvait recréer de toute pièce, et avec un réalisme analogique confondant, certains sons très difficiles à retranscrire, comme par exemple un carillon ou même des gouttes de pluie (cf l'ambiance de tempête de la sub-song n°1, ou le court thème "continue?" de la sub-song n°4). C'est également dans ce titre que Follin commença à faire grand usage de la flûte, instrument dont les douces sonorités s'adaptaient parfaitement à son style.
Alors que l'Amiga prenait une place de plus en plus importante sur le marché des jeux vidéo, Tim Follin se chargea, en même temps qu'il travaillait sur le 64, des adaptations des différents hits d'arcade sur le nouveau bébé de Commodore. Le passage de 3 à 4 voix, ainsi que la plus grande facilité à mettre en œuvre, cette fois, de vrais samples, permirent à Follin d'adapter -et d'améliorer- les thèmes qui avaient eu un si grand succès sur le 64. Le résultat fut à la hauteur des espérances.
Ghouls'n Ghosts, Bionic Commando, Led Storm, Qix... Tous profitaient de bandes sonores d'anthologie, avec une préférence personnelle pour Led Storm (argh, le thème d'ouverture!) et, surtout, pour Ghouls'n Ghosts, dont l'intégralité des compositions, mélanges de guitare sèche, de flûte et de piano, s'avèrait aussi originale que brillante. Tout simplement irrésistible.
Musique de Ghouls'n'Ghosts sur Amiga (.tf à lire avec Deli Player) : cliquez ici
Musique de LED Storm sur Amiga (.tf à lire avec Deli Player) : cliquez ici
Au début des années 90 s'ajouta une troisième machine sur laquelle Tim, avec l'aide de son frère Geoff, réalisa quelques morceaux : la NES. Sky Shark, Target Renegade, Silver Surfer, Magic Johnson's Basket Ball, et surtout Solstice permirent aux non-initiés de découvrir un Tim Follin hélas très gêné par les limitations imposées par la 8-bits de Nintendo.
Musique de Sky Shark (.nsf à lire avec Winamp + nsfplug-in) : cliquez ici
Musique de Renegade (.nsf à lire avec Winamp + nsfplug-in) : cliquez ici
Musique de Silver Surfer (.nsf à lire avec Winamp + nsfplug-in) : cliquez ici
Musique de Solstice (.nsf à lire avec Winamp + nsfplug-in) : cliquez ici
Parallèlement, les musiques C64 et Amiga de Puzznic (Ocean, 1989), Sly Spy (Ocean, 1989) et Gauntlet III (Software Creations, 1992) -composées par Tim, Geoff, ou en coopération- vinrent étoffer un catalogue déjà très dense. La liste n'est évidemment pas exhaustive, mais vous retrouverez en section download la quasi-intégralité des œuvres des Follin Brothers sur ces deux machines.
Musique de Gauntlet 3 sur Amiga (.cust à lire avec Deli Player) : cliquez ici
Puis vint l'ère des consoles 16-bits, époque qui marqua l'apogée de la firme Software Creations. De 1992 à 1994, la Super Nintendo, avec ses 8 voix et la grande qualité de ses composants sonores, allait vite devenir le terrain privilégié de l'équipe Follin. Tim, tout d'abord, n'allait pas tarder à se faire remarquer en écrivant une routine son qui allait littéralement remettre en question toutes les idées qu'on avait pu se faire des capacités sonores de la machine. Rock and Roll Racing, d'Interplay, profitait en effet de musiques très rock complétement hallucinantes (NdL : elles reprennent des standard des années 70 comme Bad to the bone de George Thorogood ou Highway Star de Deep Purple).
Les samples utilisés, d'une clarté incroyable, changeaient totalement de ce que l'on avait l'habitude d'entendre dans les autres productions de la SNES. On pouvait toutefois regretter que le style si particulier de Follin avait complétement disparu, et l'on se rêvait à imaginer ce que donnerait les remixes d'un Ghouls'n Ghosts version Follin sur la SNES.
Musiques de Rock'n'Roll Racing (.spc, à lire avec Super Juke Box) : cliquez ici
La réponse ne tarda pas. En 1992, Software Creations développa un jeu très drôle à plusieurs, Super Off-Road Racing, adaptation d'un hit d'arcade, et énième clône de la multitude de jeux de voitures vus de haut sévissant alors -qui ne se souvient pas de Super Sprint ou de Badlands d'Atari? En association avec son frère Geoff qui n'allait, dès lors, plus le quitter, Tim conserva l'incroyable guitare électrique de Rock and Roll Racing tout en y saupoudrant quelques unes des recettes qui avaient fait de lui une légende sur C64 et Amiga. On commençait enfin à retrouver le Follin d'antan.
Cette retrouvaille fut totale lorsque, l'année suivante, parut Equinox. Suite du fameux Solstice sur NES, Equinox marquait le retour de l'équipe Follin au grand complet, avec Mike à la programmation, et Geoff & Tim à la musique. Ce jeu, édité par Sony Imagesoft en 1993 quasiment partout dans le monde -sauf en France, qui dut attendre 1994 pour en profiter-, resta en gestation pendant de très longs mois. Pour tout dire, c'était l'un des tous premiers jeux SNES à voir ses photos publiées dans les sections previews des magazines peu de temps après la sortie de la console. A l'époque, seules des écrans assez flous de la carte en mode 7 étaient dévoilés, laissant présager du pire. Eh bien ! Ce jeu fut, pour moi, une sacrée révélation.
Mélange subtil d'action et de réflexion, Equinox reste, à ce jour, l'un de mes jeux favoris toutes machines confondues. Et puis, l'idée même que les frères Follin fussent aux instruments fut une raison, personnelle certes, mais suffisante, pour que je tente de le finir coûte que coûte. Bien m'en prit, car je découvris ainsi quelques unes des musiques d'ambiance les plus réussies jamais écrites pour un jeu vidéo. Attention toutefois : certains de ces morceaux atteignent un summum dans le domaine du dépouillement, ce qui pourra ne pas plaire à certains. Mais franchement, comment ne pas succomber à des mélodies si divines?
Malgré un soutien important de la part des magazines de l'époque (Joypad, par exemple, en avait fait sa couverture, et l'avait testé sur 5 pages), Equinox passa plutôt inaperçu. Sans doute ce style de jeu à base de 3D isométrique, qui avait fait la gloire de machines comme le Spectrum ou l'Amstrad dans les années 80, était-il tombé en désuétude. Du coup, peu de joueurs s'y intéressèrent. Grossière erreur que je vous somme de rattraper dès maintenant en vous essayant à cet Equinox, l'un des jeux les plus captivants et les plus intelligents qui soient (voir notre article sur ce jeu).
Musiques (sublimes) de Equinox (.spc, à déguster avec Super Juke Box) : cliquez ici
La Super Nintendo se vit par la suite graciée de deux autres super-productions made in Software Creations, Spiderman and the X-Men : Arcade's Revenge et Plok. Tous deux axés plate-forme, le premier mettait en scène Spiderman, Wolverine, Gambit, Cyclops et Storm dans diverses situations qui étaient autant de pretextes pour proposer 5 jeux distincts. Même s'il se révélait moins accrocheur qu'Equinox, Spiderman and the X-Men bénéficiait d'une réalisation très soignée, de niveaux tantôt très moyens (Cyclops), tantôt d'anthologie (Gambit poursuivi par la gigantesque boule de métal), et surtout, d'une bande son à tout casser. Les frères Follin maîtrisaient désormais totalement la SNES, et croyez-moi, cela s'entendait.
On pourra en dire autant de Plok, dont la diversité et la qualité des thèmes musicaux avaient de quoi laisser pantois. Le jeu, quant à lui, présentait un niveau de difficulté assez élevé, et un degré d'originalité fort appréciable pour un jeu de ce type. Ancêtre de Rayman, le héros du jeu, Plok, avait pour seul moyen d'attaque ses bras et ses jambes, qu'il pouvait balancer, au propre comme au figuré, à la tête de ses ennemis. Seul hic : si, dans le feu de l'action, il avait le malheur d'envoyer ses 4 membres simultanément -ce qui arrivait fréquemment-, il se retrouvait sous la forme d'un tronc sans défense le temps qu'au moins une jambe ne revienne, tel un boomerang, reprendre sa place. Ajoutez à cette excellente idée des boss en pagaille, une hilarante séquence en noir et blanc où le joueur prend la place d'un parent du jeune Plok, des warp-zones à la Mario, des graphismes aux tons pastels, des transformations délirantes (Plok-pompier, Plok-cowboy, Plok-boxeur, Plok-à la plage, Plok et Martine...) et vous obtenez un très bon et très looooong jeu de plate-forme -mais où diable sont les sauvegardes?-, bizarrement boudé par le public lors de sa sortie.
Musiques (qui tuent) de Spiderman and the X-Men : Arcade's Revenge (.spc, à lire avec Super Juke Box) : cliquez ici
Musiques de Plok (.spc, à lire avec Super Juke Box) : cliquez ici
Hélas, comme pour tous les autres musiciens de cette génération, l'avénement des consoles 32-bits au milieu des années 90 plongea les frères Follin dans l'anonymat le plus total. Certes, Tim et Geoff ne participèrent qu'à l'élaboration d'un nombre très limité de titres en l'espace de 7 ans (Batman & Robin (Acclaim, Playstation), Prime et Firearm (Malibu Interactive, Playstation), Ecco (Sega, Dreamcast & Playstation 2)), mais au delà de cette simple constatation, il serait intéressant de se demander pourquoi, au fil du temps, tant de stars passées ne parvinrent pas à conserver cette aura magique qui, pendant tant d'années, leur permit de profiter d'une réputation et d'une reconnaissance amplement méritées. Certains avanceront l'idée que, en devenant adultes -et la lassitude aidant-, beaucoup de ces surdoués de la première heure ont perdu la flamme qui les animait à leurs débuts, rendant leurs travaux moins novateurs et donc, moins marquants; d'autres prétexteront que le développement phénoménal que n'a cessé de connaître le marché du jeu vidéo depuis une vingtaine d'années n'a pu que noyer les individualités dans une masse de programmeurs condamnés à privilégier, rentabilité oblige, l'efficacité à l'originalité. Toujours est-il que les faits sont là : rares sont les personnalités à avoir tiré leur épingle du jeu sur la durée.
A l'heure actuelle, Geoff et Mike ont totalement abandonné le monde de l'informatique, préférant consacrer leur temps à d'autres activités, familiales ou professionnelles (Mike est devenu prêtre !). Tim, quant à lui, poursuit, bon gré mal gré, sa carrière de musicien free-lance, à la manière d'autres grands de la musique de jeux comme David Whittaker, Chris Hülsbeck ou les Maniacs of Noise, dont nous parlerons plus en détail dans d'autres articles.
Merci à JPB pour les photos d'écran Amiga, et à JC pour les photos d'écran NES & SNES !
Consultez également notre rubrique Gromix, certains musiciens et titres cités dans cet article y sont abordés.