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Molyneux, Peter
L'homme qui a imaginé Populous, Syndicate, Dungeon Keeper et Black&White nous ressert-il le même jeu depuis 15 ans ? La réponse est bien sûr plus complexe que cela. Explications en images.
Par Laurent (31 mars 2004)

Britannique né en 1959, Peter Molyneux est le fondateur de Bullfrog, studio de développement devenu très important, et le créateur de jeux comme Populous, Syndicate, Theme Park, Dungeon Keeper ou plus recemment Black&White et Fable. Depuis 1997, Molyneux ne fait plus partie de Bullfrog (entre temps racheté par Electronic Arts), et a créé sa propre société, Lionhead, pour asseoir son contrôle créatif dans le cadre d'une structure plus réduite. On estime qu'il est directement responsable de la vente de plus de 30 millions de jeux vidéo, et il est devenu une des figures charismatiques de cette industrie. Le premier ministre Tony Blair l'a même cité en 2002, dans un article pour le Guardian Newspaper, parmi les exemples de réussite technologique à l'anglaise.

Si certains créateurs de jeux vidéo sont de simples techniciens, d'autres sont de véritables penseurs. Peter Molyneux n'a pas pour seul but de développer et vendre de bons jeux. Il veut tout chambouler, violer les règles établies et imposer une autre vision. Tout comme Sid Meier, il contribue activement à rendre les jeux vidéo plus cérébraux, et plus universels, ne s'adressant pas qu'aux hard-core gamers. La légende veut que l'idée de se lancer dans les jeux vidéo lui soit venue en donnant des coups de pieds dans une fourmilière et en observant les insectes reconstruire inlassablement l'édifice.

Le concept global de ses futures créations (la plus part d'entre elles du moins) se résume ainsi : le joueur est le maître absolu du jeu sans pour autant en être partie prenante. Il se situe au dessus de ce qui se passe et les éléments qu'il contrôle sont dotés d'une existence propre. Il s'agit en quelque sorte du principe des univers persistants dans les jeux massivement online, appliqué à un jeu solo, mais l'idée nouvelle est surtout que cette conception fait du joueur une sorte de puissance supérieure. Aussi parlera-t-on de "god games", un style dont la paternité est attribuée à Peter Molyneux, et dans lequel il est très difficile d'exceller tant est grand le risque que le jeu n'implique pas suffisamment le joueur et se montre inintéressant.

En dehors de son talent de game designer, Molyneux est un orateur inépuisable dès qu'il s'agit d'évoquer l'évolution passée et future des jeux vidéo. Il a donné d'innombrables interviews, dans lesquels il livre sa vision passionnante et parfois déroutante du plaisir vidéo-ludique, qu'il concoit volontier comme métaphysique, touchant à des concepts abstraits et moraux. Chacun de ses jeux se rapproche un peu plus de l'aboutissement de ses recherches, l'un d'entre eux, Black&White, faisant figure d'oeuvre-somme dans le domaine du god game. Comme tous les esprits bouillonnants il est quelque peu controversé, et ses jeux ne sont pas forcément jugés passionnants par tout le monde, mais on ne saurait nier l'importance du personnage et l'intérêt de ses propos.

Confusion d'identité

C'est en partie au hasard que l'on doit la consécration de Peter Molyneux. Ses première expériences professionnelles n'ont rien à voir avec le jeu vidéo. En 1986, après des études universitaires et l'obtention d'un diplome d'informatique, il fonde une compagnie nommée Taurus avec son ami Les Edgar, britannique lui aussi (il est resté chez Bullfrog jusqu'en 1999). Même si Molyneux, pendant ses études, a programmé sur PC un jeu de simulation économique intitulé "Entrepreneur", les deux associés se fixent pour but de développer et vendre des logiciels de base de données, en attendant de meilleurs jours. Un jour, ils reçoivent un courrier de Commodore, qui leur propose un entretien. Molyneux se rend au siège de la compagnie et se voit royalement reçu, ce qui le surprend beaucoup compte tenu de sa faible expérience. On lui propose de lui prêter 10 Amigas pour développer des applications réseau. L'Amiga vient alors de sortir, et Commodore désire en faire une machine très polyvalente. Au cours de l'entrevue, Molyneux comprend qu'il y a erreur sur la personne. Les gens de Commodore désiraient s'adresser à une autre société répondant également au nom de Taurus, beaucoup plus importante, et se sont trompés d'adresse. Il ne dit rien, joue le jeu, et repart avec les appareils et un contrat en poche.

Par la suite, l'Amiga s'impose comme une machine de jeu. Molyneux sent que le contexte est propice à la réalisation de son vieux rêve : concevoir des jeux vidéo, marcher sur les traces de Shigeru Miyamoto, qu'il admire. En 1987, il rebaptise son entreprise Bullfrog, et se lance dans le développement de son premier jeu : Druid 2, un titre créé par son ami Andrew Bailey qu'il adapte sur Amiga, mais qui ne fait pas beaucoup parler de lui. Ensuite, Molyneux imagine un concept qu'il appelle Creation, basé sur l'idée d'un wargame en temps réel où on incarnerait un dieu qui préside à la destinée d'une planète et de ses habitants. Il fait le tour des éditeurs, mais personne ne voit en quoi le joueur pourrait ressentir un quelconque plaisir s'il n'est pas au coeur de l'action. De plus, le projet est jugé très prétentieux, et peu à même d'attirer les jeunes. Molyneux rend alors visite à Bob White, journaliste spécialisé dans les jeux vidéo qui est considéré en Angleterre comme une sommité. Il lui montre le jeu, qu'il a rebaptisé Populous pour éviter tout amalgame religieux, et l'emmene dans un pub vider quelques pintes. A un stade très avancé et très alcoolisé de la conversation, Molyneux ose enfin demander à White ce qu'il a vraiment pensé du jeu, et obtient une réponse inespérée qui va lui donner le force de continuer à prospecter pour trouver un éditeur : "C'est le meilleur jeu auquel j'ai jamais joué", dit White. Electronic Arts va alors faire preuve du flair légendaire que lui envient tant certains concurrents en faisant confiance au projet Populous.

Populous (1989)

Il n'y a pas de meilleur exemple que ce jeu pour illustrer la philosophie Molyneux. Populous est un pur god game, qui a connu sa gloire sur les systèmes 16-bits (ST, Amiga et PC en tête, mais aussi les consoles). L'interface se compose d'une carte en 3d isométrique et d'une étrange barre d'icones, dont un seul est utilisable en début de partie. Sur la carte, un territoire vierge s'étend. Une seule action est possible : en faire descendre ou monter certaines parcelles afin de niveler le terrain. Dès qu'une surface plane suffisamment grande est établie, une peuplade apparaît. Les personnages vivent, construisent des maisons, et prospèrent peu à peu, en fonction des actions du joueur. A mesure que cette mini civilisation se développe, les icones de la barre des pouvoirs deviennent accessibles. De l'autre côté de la carte, une autre civilisation se développe, dirigée par l'ordinateur, ou un second joueur en cas de connexion par câble. Lorsque la civilisation est arrivée à son effectif maximum, les pouvoirs du joueur sont considérés comme divins, et il a accès à la dernière icone, nommé Armageddon. Les deux peuples entrent alors en guerre, et le plus puissant (c'est à dire celui qui a su le mieux utiliser ses pouvoirs pour accélérer le développement de sa civilisation) gagne.

Même si Peter Molyneux est un admirateur de Sid Meier en général et de Civilization en particulier, Populous n'a rien à voir avec ce dernier.

A aucun moment le joueur n'est amené à agir directement sur les personnages. Ceux-ci font leur vie, et on ne peut qu'en définir les grandes lignes au moyen d'un nombre limité de commandes. Par ailleurs, la difficulté est très progressive, car Molyneux caresse un autre rêve : celui d'un jeu vidéo qui s'adapterait au joueur, et non l'inverse. De telles fonctions existent dans le domaine du jeu d'échec par ordinateur, mais pas dans un vrai jeu vidéo. A sa sortie, Populous est acclamé comme le jeu révolutionnaire qu'il est, et obtient un énorme succès (près de 3 millions d'exemplaires vendus toutes plates-formes confondues) malgré un concept plutôt difficile à saisir si on n'a pas pratiqué le jeu. Tous les autres jeux de Peter Molyneux lui doivent beaucoup sur le plan créatif, mais aussi financier puisque ses énormes recettes ont permis à Bullfrog de travailler confortablement (et en prenant son temps) durant les années suivantes. C'est peut-être aussi le vrai début commercial des jeux de stratégie en temps réel.

Powermonger (1990)

Les fans de Powermonger (sorti sur les systèmes 16-bits) ne manquent pas, ce qui prouve qu'il s'agit d'un très bon jeu, qui a d'ailleurs obtenu un réel succès à la fois critique et commercial. Cependant, Peter Molyneux fait la grimace quand on lui en parle, et le considère comme un échec. Après le succès de Populous, Electronic Arts lui accorde des moyens considérables, avec lesquels certaines pressions apparaissent, notamment sur la date de sortie. L'expérience va le conforter dans l'idée qu'un jeu doit être testé des milliers d'heures avant d'être lancé. Cela avait été le cas pour Populous, mais ça ne le sera pas pour Powermonger.

L'interface rappelle celle de Populous, mais cette fois, il s'agit d'un véritable wargame en temps réel. Le joueur n'est pas à la tête de populations entières, mais simplement de leurs armées, et donne des ordres aux généraux, qui apparaissent autour de la carte. Dans ce type de jeu, la part de décision laissée au joueur est très difficile à doser. S'il doit tout faire, il est perdu et passe son temps à déplacer sa souris et cliquer sur des icones. S'il n'en fait pas assez, le jeu perd tout intérêt. Développé rapidement, et lancé juste après la phase de correction des bugs, sans vraiment avoir été testé, Powermonger est encombré par une multitude d'icones, dont Molyneux avait l'intention de réduire le nombre en testant le jeu sur une longue période pour distinguer les actions effectuées par le joueur de celles pouvant être automatisées.

Certains amateurs de wargames ne prennent vraiment de plaisir que lorsqu'ils contrôlent tout et que le jeu est horriblement compliqué. Powermonger trouve ses défenseurs dans ce camp, mais s'éloigne trop de l'idée que Peter Molyneux se fait du jeu vidéo. C'est aussi avec cette mauvaise expérience qu'il va prendre conscience de ses difficultés à s'exprimer au sein d'une grosse structure.

Populous 2 - Trial of the Olympian Gods (1991)

Peu après Powermonger, un jeu développé par Sean Copper, membre de Bullfrog aujourd'hui éminent (on lui doit en grande partie Dungeon Keeper 2) est édité par Electronic Arts, avec le label Bullfrog. Il s'agit de Flood, un jeu de plate-forme classique pour 16-bits, dans lequel le joueur incarne un personnage amusant qui doit trouver la sortie d'égoûts qui se remplissent peu à peu d'eau. Le jeu passe un peu inaperçu, et Molyneux ne prend pas part à son développement, à l'exception de la séquence de fin, ironique et grincante, lors de laquelle le héros parvient enfin à sortir des égoûts pour être écrasé par un bus ! Bullfrog est devenu un structure d'une vigtaine de personnes, et peut se permettre de travailler sur deux projets en même temps. L'autre gros titre en vue est donc Populous 2

Réaliser une séquelle à un jeu célèbre sans changer de plate-forme de développement, c'est à dire sans s'appuyer sur plus de puissance machine pour surpasser l'original, c'est un défi très difficile, que Molyneux semble regretter d'avoir relevé à l'époque. Populous 2 est identique au premier dans bien des domaines, le seul changement notable étant que cette fois, les dieux que peut incarner le joueur sont bien identifiés comme étant ceux de l'Olympe.

Syndicate (1993)

Une série de jeux considérés comme inachevés (Powermonger) ou anecdotiques (Flood) pousse Molyneux à prendre son temps pour le développement de son prochain bébé. Bullfrog lance d'abord Syndicate, considéré par beaucoup comme un des meilleurs jeux du studio. Les conceptions de Peter Molyneux précédemment évoquées sont quelque peu oubliées dans ce jeu, qui est plus classique, et garde une représentation graphique en 3d isométrique. Le joueur y dirige une petite armée de soldats cybernétiques confrontés à des groupes rivaux pour la maîtrise d'une série de villes. Il s'agit essentiellement de concevoir de nouvelles armes et de recruter de bons éléments dans le but d'être plus puissant que l'ennemi. Le reste de la population n'est constitué que de policiers et de quelques civils. Cette fois, le joueur est amené à contrôler directement ses troupes, et ne se contente pas de jouer les divinités (voir également cet article sur Syndicate par Tonton Ben).

Molyneux est à l'origine du concept du jeu, mais n'a pas participé à la mise en oeuvre, trop occupé par le développement de deux autre projets, Theme Park et Magic Carpet, qui, avec le surcroit de travail que représente la direction du studio, en font une bête de travail qui dort peu et n'a plus une seconde à consacrer à sa famille.

Theme Park (1994)

Sur la base d'un concept déjà exploré par d'autres, la simulation de gestion économique en temps réel, Molyneux livre en 1994 ce petit bijou qui égale les créations de Will Wright (Sim City, Sim Ants etc..), et lui permet le temps d'un jeu de quitter le domaine de l'imaginaire. Il s'agit cette fois de mettre en place et de gérer un parc d'attractions. Au départ, le joueur ne dispose que d'un terrain et d'un budget. Il doit construire le parc, le cloturer, faire des allées, installer les premières attractions et leurs files d'attentes, embaucher du personnel de toutes sortes, et enfin ouvrir le parc (il est aussi possible de reprendre la gestion d'un parc existant).

Les soucis commencent alors. Les visiteurs ont sans cesse des exigeances indiquées par des icones dans des petits phylactères au dessus de leur tête, et il s'agit d'y répondre en temps réel (surtout quand ils cherchent les toilettes...). D'autre part les employés réclament périodiquement des augmentations de salaire et d'effectifs (quel culôt !).

En dehors du fonctionnement direct du parc, le joueur doit établir sa politique financière, au moyen de diverses jauges représentant des investissements (cet aspect du jeu renvoie aux premières amours de Molyneux en tant que développeur). Il peut se montrer économe, privilégier les salaires des employés ou la recherche de nouvelles attractions, ou encore un prix d'entrée réduit pour les visiteurs. Le dosage de ces trois données influence grandement le destin du parc. Il est possible de faire fonctionner un petit parc peu coûteux, ou de se montrer plus entreprenant, inaugurant sans cesse de nouveaux manèges et attractions, au risque de ne pas être suivi par le personnel et d'avoir des problèmes techniques à régler. Quelque soit le comportement du joueur, des évènement interviennent sans cesse pour le maintenir en éveil.

Thème Park est une véritable merveille de design. Dès le premières minutes de jeu, on se sent chez soi et on sait d'instinct ce qu'il faut faire. Les icones, menus, et diverses représentations graphiques des évènements sont hilarants, et surtout très parlants. Ils seront d'ailleurs appelés à faire école, y compris dans les jeux Maxis (The Sims), pourtant considérés comme les leaders du genre.

Theme Park fait partie de ces jeux qui, malgré les centaines de paramètres qu'ils font intervenir (il est même possible de surdoser le sel dans les pop-corns achetés par les visiteurs afin de les assoiffer !), se montrent toujours logiques dans leur déroulement, chaque action possible ayant un résultat. Encore un hit pour Bullfrog (en Europe seulement, le jeu faisant un flop inexplicable aux USA), qui récidivera quelques années plus tard avec Theme Park World, qui propose un système de jeu similaire mais se voit enrichi de graphismes en 3d et de la possibilité de faire un tour en vue subjective de certains manèges. Ce jeu a fait un carton sur PC pour Noël 99, en partie grâce à ses pubs mignonnes comme tout.

Magic Carpet (1994)

A l'origine, Magic Carpet devait être une sorte de sequelle de Syndicate utilisant un moteur 3d créé par un programmeur nommé Glenn Corpes, qui avait travaillé sur Powermonger. En raison de sa lenteur, le jeu devait se dérouler en milieu sous-marin, mais le projet fut laissé de côté.

Avec l'apparition du CD-ROM, et le remplacement de l'Amiga et du ST par le PC en tête des micros utilisés par les joueurs, le projet refait surface (dans tous les sens du terme). Cette fois, plus question de monde sous-marin, mais de combats entre magiciens. Sorti peu après le raz de marée Doom, Magic Carpet est une tentative d'incursion dans le monde des shoots en 3d pour Bullfrog, qui abandonne progressivement les 16-bits pour le PC. Le joueur se promène sur un tapis volant, et doit aller dérober des boules de mana (énergie magiques) aux abords du chateau d'un magicien ennemi, pendant que des archers protègent son propre chateau.

Le monde survolé est peuplé d'une multitude de villageois qui semblent venir de Populous. Il est possible de les ranger à ses côtés, et de les voir attaquer le chateau adverse.

Magic Carpet est un jeu magnifique, possédant un moteur 3d très évolué pour son époque, et tournant sur des configurations modestes sans problème. Hélas, le public n'y a vu qu'un shoot 3d sans intérêt, passant à côté de son aspect stratégique. C'est le plus gros échec commercial enregistré par Bullfrog (voir aussi l'article de Tonton Ben).

En 1995, Bullfrog est racheté par Electronic Arts. Pas moins de 7 projets de jeux pour PC sont alors en cours :

  • Magic Carpet II, une suite supposée rattraper l'échec du premier.
  • Creation, le projet de god game en 3d dans un univers sous-marin qui est à nouveau relancé.
  • Theme Hospital, digression de Theme Park en milieu hospitalier.
  • The Indestructibles, un jeu très ambitieux similaire à The Sims, mais mettant en scène des super-héros (rien à voir avec le film de Pixar...).
  • Gene Wars, un RTS.
  • Syndicate Wars, la suite de Syndicate.
  • Dungeon Keeper, le nouvau gros projet de Peter Molyneux, sur lequel il se concentre presque exclusivement.
Theme Hospital et Hi-Octane

Ajoutons à la liste la sortie hâtive (sous pression de Electronic Arts) de Hi-Octane, un jeu de course futuriste utilisant le moteur 3d de Magic Carpet. Hi-Octane est un très bon titre mais sent trop le coup commercial, compte tenu de la sortie concomittente (pour ne pas dire consubstantielle...) de Wipe Out sur Playstation. Beaucoup sont choqués par ce genre de pratique, indigne de Bullfrog, et il est clair que sous le contrôle d'Electronic Arts le studio ne va plus fonctionner comme avant.

Remise en question

1995 : Pendant son développement, Dungeon Keeper est très suivi par la presse, et très attendu par le public. De tous les projets de Bullfrog, c'est celui qui porte le plus la marque de fabrique Molyneux. Du reste, on murmure que Hi-Octane n'a été lancé que pour faire patienter Electronic Arts pendant que le studio peaufinait son produit vedette. Les autres jeux au programme sont également un peu laissés pour compte : The Indestructibles et Creation sont abandonnés (peut-être pas pour toujours), et Theme Hospital (voir l'article de IsKor), Gene Wars et Syndicate Wars sortent, mais ne bouleversent rien ni personne. Il s'agit de bons jeux, bien réalisés, mais sans génie, et le génie est une donnée requise pour tout jeu portant le label Bullfrog. Dungeon Keeper, de son côté, mettra encore plus de deux ans avant de sortir enfin.

C'est une période difficile pour Peter Molyneux. Bullfrog compte désormais 90 employés. C'est une grosse structure, qu'il ne prend plus guère de plaisir à diriger. Du côté d'EA, la pression est forte, et les considérations commerciales priment sur le perfectionnisme. Il faut sans cesse se plier à des dates, des plannings, se conforter aux attentes supposées du public, surveiller la concurrence... Le contexte n'est pas du tout propice à la créativité, d'autant plus que sur le plan technique les jeux n'ont plus rien à voir avec ce qui se faisait sur 16-bits. Leur réalisation implique de nombreuses personnes et la coordination n'est pas toujours parfaite. Molyneux est chargé de tout cela, et il doit en plus trouver sans cesse de nouvelles idées. Sa position devient impossible à supporter, et il décide d'en changer. Il envisage dans un premier temps de renégocier un contrat avec EA et de devenir un simple designer employé par Bullfrog, mais le contrôle absolu du haut de la mélée fait autant partie de son caractère que de ses concepts de jeux. Il démissionne, et se lance dans la mise en place de son propre studio. Son arrangement avec EA prévoit qu'il termine au préalable Dungeon Keeper et que la nouvelle ne soit rendue publique que lorsque la démission sera effective. Il faudra pour cela attendre plus d'un an, tant le développement du jeu pose problème.

Dungeon Keeper (1997)

Six semaines avant le lancement officiel, des changements de design radicaux sont encore décidés. Dungeon Keeper est annoncé comme une sorte de RPG dans lequel le joueur joue le rôle du méchant, et se voit chargé de créer et gérer les donjons parcourus par le héros de l'aventure, dirigé par l'ordinateur, ainsi que les dangers qu'il y rencontre. Un concept excellent qui épouse l'esprit Molyneux tout en surfant sur la vague "jeu de rôle en temps réel" provoquée par l'arrivée triomphale de Diablo. Alors que le jeu est quasiment terminé, Molyneux trouve qu'il se rapproche trop d'un RTS. Il modifie pratiquement tout, et bien que le jeu ait été développé sur une période trois ans, le résultat découvert par les joueurs au final s'est en fait joué pendant les dernières semaines.

Le monde virtuel qui apparait dans le jeu grouille de vie. Les monstres vaquent à leurs occupations, et les interactions entre les différentes races de créatures sont très élaborées, obligeant le joueur à garder en permanence un oeil sur tout. Encore une fois, le fait que le jeu ait été réalisé dans l'empressement a pour effet pervers la multiplication d'icones d'actions. Leur nombre total est de 280, ce qui est énorme. Certaines phases de jeu voulues anecdotiques s'avèrent au final déterminantes pour le joueur, et d'autres voulues importantes n'ont pas l'impact souhaité. Encore une fois, Molyneux se montre déçu par le jeu, qui ne correspond pas à ce qu'il aurait fait s'il avait eu le temps nécessaire.

Malgré tout, la presse est dythirambique, et une fois de plus, le succès public est éclatant. Dungeon Keeper parvient sans problème à se hisser au rang de Diablo, dont il est l'antinomie. Ironie du sort, le nom de Bullfrog, qui était un peu en retrait depuis le rachat par EA et après une série de jeux peu probante, redevient prestigieux alors même que Molyneux s'en va.

Lionhead

En 1997, libre de tout engagement auprès d'EA, Molyneux met en place son nouveau studio, qu'il baptise Lionhead. Il s'assure le soutien de nombreux fans d'heroic fantasy en s'associant à Steve Jackson, star du jeu de rôle (on lui doit de nombreux "livres dont vous êtes le héros"). Lionhead est structuré sur le modèle de Bullfrog à ses meilleures heures : seulement une vingtaine de personnes, ne travaillant que sur un jeu à la fois, sans contrainte de temps. Les ventes confortables des jeux Bullfrog sur lesquelles Molyneux touche des royalties lui donnent la solidité financière indispensable à l'entreprise, et il va pouvoir se lancer dans la réalisation du jeu de ses rêves, atteignant un statut que lui envient les game-designers du monde entier. Il n'oublie pas pour autant ses confrères moins fortunés. En dehors du développement de ses propres jeux, Lionhead met en place un système de parrainage. De petits studios peuvent louer leurs outils de développement à bas prix, et en compensation leur verseront un pourcentage sur les bénéfices engendrés en cas de gros succès commercial. Molyneux espère ainsi remettre le design en tête des priorités des créateurs de jeux, plutôt que l'obsession des coûts de production, et contribuer à l'amélioration de la production video-ludique mondiale. Une initiative à saluer.

Le premier jeu sur lequel travaille Lionhead, et dont on ne va pas tarder à beaucoup parler tant il est prometteur, est Black&White. B&W représente la conception du jeu video selon Peter Molyneux portée à un niveau qui pourrait bien être maximal. Une sorte de nirvana du god game, où l'on trouve un peu de Populous, de Powermonger et de Dungeon Keeper, le tout revu fortement à la hausse sur le plan technologique et qui ne serait comparable à rien d'existant. Pendant près de quatre ans, Lionhead va travailler d'arrache-pied sur le concept, accouchant au final d'un des jeux les plus étonnants et contreversés sortis ces dernières années.

Black & White (2001)

Après une interminable attente, B&W arrive enfin, accompagné d'un packaging un peu racoleur qui permet au joueur de choisir la couleur de boîtier du jeu, noire ou blanche. Cette fois, les implications morales et narratives du jeu ne vont pas par quatre chemin. Le joueur est un dieu, c'est dit, et le nom du jeu indique clairement le choix principal qu'il devra faire : le bien, ou le mal. Adieu icônes et menus, on agit cette fois avec une simple main, dirigée par la souris, qui peut exécuter un nombre incroyable d'action qu'on découvre au cours du jeu. Le but est de conquérir 5 îles et d'être adoré par les populations humaines locales. Par ailleurs, et c'est la grosse inovation si on considère l'oeuvre de Molyneux, le joueur apparaît enfin, sous la forme d'une créature qui représente son incarnation charnelle et accessoirement son bras-droit. En début de partie on doit choisir une créature parmi 3 races. Il faut l'élever, l'éduquer et la faire évoluer, ce qui constitue une phase de jeu à part entière. Par la suite, le monstre sera amené à exécuter certaines tâches pour le joueur qui ne sont pas accessibles avec la fameuse main divine, dans le but de diriger la planète au mieux. Le monde est entièrement en 3d, et bénéficie de graphismes époustouflants. On s'y déplace de curieuse façon, en tirant la carte à soi avec la main-curseur. La modélisation des créatures est excellente, et tout le monde a déjà en tête leur aspect.

L'intelligence artificielle des créatures qui vivent littéralement au sein du jeu est considérée comme ce qui s'est fait de mieux en la matière. Le refrain est connu, mais il certain que les gens de Lionhead ont abattu un travail gigantesque, tout comme sur la réalisation graphique et sonore.

L'ambiance est un peu new-age et le gameplay est très spécial, un peu contemplatif, même si le joueur a des milliers de choses à faire et à découvrir. Molyneux considère l'absence d'icônes d'actions dans B&W comme la plus grande satisfaction de sa carrière, mais certains considèrent qu'il s'agit là d'un jeu où le joueur est laissé sur la touche. En fait, le déroulement du jeu n'est pas vraiment défini, et il appartient un peu au joueur d'en faire ce qu'il veut.

En tout cas, personne n'est resté indifférent, et le succès commercial est apparemment probant puisqu'un Black&White 2 a rapidement été mis en chantier. Il convient également de souligner que Peter Molyneux est un des rares concepteurs de jeux ayant débuté sur 16-bits qui soit toujours resté au sommet malgré l'évolution des systèmes et les multiples nouveautés apparues depuis 15 ans en matière de design qui en ont largué plus d'un. Black&White découle directement de jeux qui ont été imaginés à l'époque des 8-bits, et se paie le luxe d'être suffisamment en avance sur son temps pour trouver des détracteurs.

Fable (2004)

Pendant le développement de Black&White, le processus de parainnage par Lionhead désiré par Molyneux s’est appliqué à trois studios de développement : Black&White Studios, à qui seront confiées les suites et extensions du jeu éponyme, Intrepid Games et Big Blue Box, fondé par les frères Carter. Dene et Simon Carter sont des développeurs qui ont travaillé avec Molyneux en plusieurs occasions. On les retrouve notamment en bonne place dans les credits de jeux comme Magic Carpet, Syndicate Wars (suite de Syndicate sortie en 1997) ou Dungeon Keeper. En montant leur propre équipe, en 2000, ils désirent se lancer dans un projet un peu fou : créer une sorte de RPG total, dans lequel le joueur contrôlerait un avatar personnalisé à 100%, évoluant dans un univers dont la teneur reflèterait les actes qu’il effectuerait. Le jeu s’appellera Project Ego, et son éditeur sera Microsoft, qui désire en faire une exclusivité pour sa console Xbox.

Dene et Simon Carter

Le développement va durer quatre ans, Peter Molyneux faisant beaucoup plus que simplement le soutenir financièrement et techniquement. Il devient rapidement "lead-designer" et prend sur lui la communication autour du jeu, encouragé en cela par Microsoft qui cherche à associer à sa console l’image d’auteurs estimés par les gamers. Il présente Fable, nouveau nom du projet, comme une révolution, promet un univers gigantesque que l’on peut visiter de fond en comble et bourré de fonctionnalités totalement inédites. Jamais jusqu’ici il ne s’était à ce point exposé, indiquant clairement que l’avenir de son entreprise repose sur ce jeu. Mais le développement de Fable est rendu difficile par la taille relativement réduite de l’équipe qui y travaille (une trentaine de développeurs, ce qui est ridicule comparé au staff des grands noms du RPG) et son inexpérience totale dans le domaine du développement sur console, très exigeant et restrictif.

Alors qu’il aurait du être un des fers-de-lance de la Xbox, Fable sort fin 2004, alors que la console est déjà à un stade très avancé de sa vie commerciale. Le jeu tel que les joueurs le découvre est un Action-RPG comportant des aspects très classiques et d’autres vraiment nouveaux, mais les annonces les plus folles que Molyneux avait faites ne se sont pas concrétisées, et bien que l’ensemble soit très satisfaisant, la crédibilité du créateur de Populous et Dungeon Keeper est d’autant plus malmenée qu’il s’adresse cette fois à un public, les joueurs sur console, qui ne le connaît pas forcément.

Fable propose un gameplay dont les grandes lignes sont assez proches de ce que propose un épisode en 3d de Zelda, avec des combats assez brillants, très fun et enlevés, et un système relationnel bourré de possibilités. Il est possible d’afficher divers comportements (moqueur, sympathique, amoureux...) grâce à toute une gamme d’attitudes (toutes muettes), et les NPC réagissent en fonction de l’image qu’ils ont du héros, celle-ci évoluant au fil du jeu grâce à un système de réputation basé sur l’orientation morale (bon ou mauvais) des choix effectués pendant les quêtes. Mais malgré les bonnes intentions affichées et la richesse du contenu, tout ce qui constitue le "volet social" de Fable est assez binaire, scripté et superficiel. Si les NPC sont nombreux, pleins de vie et prêts à de nombreux échanges, ces derniers restent totalement facultatifs et ne débouchent sur rien de bien tangible, que ce soit en matière de gameplay ou dans la mise en place d’une "expérience RPG". D’autre part, le jeu refuse totalement tout ce qu’on pourrait assimiler à du rolisme hardcore : le joueur peut annuler les effets de quasiment toutes ses décisions s’il le désire, n’a jamais vraiment besoin de se spécialiser, et le jeu est très facile.

Une telle approche aurait pu faire passer Fable pour une production insipide et l’empêcher de trouver son public, mais il n’en est rien puisqu’il se vendra à deux millions d’exemplaires, énorme score pour une exclusivité Xbox. Il faut dire que le jeu a aussi des qualités, de celles qui parviennent à convaincre : les graphismes du jeu sont sublimes (l’univers est bien plus restreint et cloisonné que prévu, mais extrêmement soigné et détaillé), ses musiques aussi (on les doit à Russel Shaw, compositeur habituel des jeux de Peter Molyneux, et le thème principal est signé Danny Elfman), et l’ambiance est unique, mêlant atmosphères féériques et humour british. On y prend énormément de plaisir, à condition de l’aborder comme un RPG light et un peu court mais plein de personnalité, très divertissant, frais, et annonciateur de grandes choses. Le jeu ressortira en 2005 sur Xbox et PC (puis Mac trois ans plus tard), plus complet et cohérent, sous le titre Fable Lost Chapters. Cette version doit être privilégiée dans tous les cas.

The Movies (2005)

Fable a tellement fait parler de lui pendant quatre ans que pour beaucoup, le nom de Peter Molyneux lui est durablement associé. C’est oublier sa capacité à se remettre en question et traquer sans cesse de nouveaux concepts. En 2003, deux projets de Lionhead sont abandonnés : BC, que devait développer le studio Intrepid Games cité plus haut, est un jeu d’aventure-action situé dans la préhistoire, sur lequel on n’a jamais su gand chose. Trop coûteux et complexe, il est reporté aux calendes grecques. Unity, shoot’em up psychédélique conçu en collaboration étroite avec Jeff Minter et un grand nom de la musique électronique dont l’identité n’a jamais été révélée, est lui carrément annulé. The Movies, en revanche, est mené à bien et sort en octobre 2005 chez Activision, sur PC et Mac (des versions Xbox et Game Cube ont été prévues pendant un temps).

BC et Unity

Il s’agit d’un jeu de gestion dans lequel on incarne le patron d’un grand studio de cinéma, des années 20 jusqu’à nos jours, mais aussi le réalisateur-scénariste des films produits. Un double gameplay, donc, avec d’un côté un jeu qui fonctionne à la manière de Theme Park avec construction de bâtiments, gestion du personnel, des budgets, des attentes du public (qui au fil des décennies évoluent dans le jeu conformément à ce qu’elles ont été dans la réalité) etc. et de l’autre une interface très évoluée permettant de créer ses propres films, soit pour progresser dans le jeu, soit pour s’exprimer en tant que cinéaste en herbe et diffuser ses créations sur Internet. Il est possible d’enregistrer les dialogues soi-même, d’inclure des musiques, et mêmes si les scènes disponible sont prédéterminées on parvient, grâce aux outils de montage et aux décors que l’ont peut modeler à souhait, à créer de vraies histoires inédites.

La partie gestion, passionnante, aurait suffi à rendre le jeu attrayant, mais le générateur de "machinimae" est un plus qui a permis à The Movies de fédérer de nombreux fans, Lionhead ayant eu l’intelligence de proposer sur son site une solution d’hébergement pour les courts-métrages créés. Une extension est sortie peu après, The Movies Stunts and Effects, ajoutant la possibilité de modifier les angles de caméra dans les films, ainsi que de nouvelles composantes dans la partie gestion (cascadeurs, doublures, hélicoptères etc.).

Peu avant est sorti Black&White 2. La politique de parrainage de Lionhead a cessé, ayant abouti à l’absorption totale de Big Blue Box et Black&White Studios. Mais si c’est Lionhead qui est responsable de Black&White 2, Molyneux ne s’en est pas occupé, déléguant le game-design à Ron Millar, un ancien de chez Blizzard Entertainment qui a travaillé sur Warcraft et Starcraft. Black&White 2 poursuit sur la lancée de son prédécesseur, avec pour principale nouveauté la possibilité de lever des armées de villageois et les faire guerroyer. Malgré des graphismes magnifiques et une très bonne IA, le jeu ne parvient pas à innover suffisamment pour s’imposer comme un titre majeur de 2005.

Fable II (2008)

Fable II : l'équipe de développement s'est élargie

En avril 2006, Lionhead devient propriété de Microsoft. Le temps des équipes réduites et de la promotion des petits studios est révolu, Peter Molyneux ayant désormais les reins assez solide pour ne pas s’en laisser compter et conserver sa liberté de création. Entre temps est sortie la Xbox 360, et Lionhead se lance à corps perdu dans le développement de Fable II, dont l’existence est révélée à l’E3 2006. Molyneux a beaucoup changé de comportement. Tout d’abord il a présenté ses excuses publiques, dans le cadre du forum officiel de Lionhead, pour avoir annoncé des spécificités concernant Fable qui se sont révélées absentes de la version commercialisée (jeu coopératif en ligne, végétation évolutive, univers totalement ouvert etc.), chose rarissime pour une personnalité aussi importante de l’industrie du jeu vidéo. Ensuite, il a décidé de se consacrer uniquement à Fable II, et d’en assurer la promotion lui-même mais sans jamais décrire autre chose que ce qui aboutira à coup sûr. Il s’agit cette fois d’une grosse production, comme le révèlent les films promotionnels diffusés par Microsoft, où l’on voit s’affairer des dizaines de développeurs dans des locaux luxueux, et plus de 45 comédiens enregistrant la quantité faramineuse de dialogues.

Le jeu se déroule 500 ans après les évènements du premier Fable, ce qui implique la présence d’armes à feux (le système de combat, revu, relève à présent du pur jeu d’action), des mœurs et costumes plus modernes, et des villes plus étendues, garnies de bâtiments imposants. Le héros peut à présent être une héroïne (qui pourra fonder une famille et avoir des enfants, autant de choses promises à l’origine pour Fable 1), et se voit attribuer un chien dont la présence est mise à profit pour simplifier certaines phases de jeu. Son alignement moral se fait désormais sur deux axes au lieu d’un : bon – mauvais, et pur – corrompu, et la gamme d’apparences qu’on peut revêtir est bien plus étendue. Les réactions des NPC à son endroit sont mesurées par des jauges que l’on peut consulter à tout moment (dans Fable 1 il fallait se contenter de les observer réagir et les écouter parler). Le scénario, seul point sur lequel Molyneux a aligné de grandes phrases pendant le développement, est plus prenant et dramatique que celui de Fable 1, abordant des thèmes très adultes, que ce soit dans la quête principale ou dans la foule de situations que l’on peut rencontrer avec les NPC. Enfin, l’univers change réellement en fonction de certaines décisions prises par le joueur : il est possible d’acheter tous les bâtiments et commerces des villes et villages, et ainsi de modifier leur économie, affectant ainsi le comportement des NPC.

Globalement, le jeu se caractérise par une ergonomie bien meilleure (les boutons à assigner soi-même sont devenus contextuels et le système relationnel est beaucoup plus pratique à utiliser), et toutes les idées originales développées dans Fable s’imbriquent bien mieux, parviennent à s’inclure dans l’expérience globale au même titre que les composantes RPG classiques du jeu. Sans remettre en cause ce qu’était Fable, sans résoudre tous ses défauts (certains semblent même plus ou moins revendiqués, comme le côté très volage des NPC), Fable II est un jeu bien plus abouti, moins morcelé, et dans lequel on se laisse prendre volontiers quand bien même il ne fait pas toujours ce qu’on attend de lui. C’est toujours un jeu très accessible, qui ne juge pas utile de mettre le joueur face à de vraies difficultés (on ne meurt jamais, les munitions et le mana sont infinis), mais c’est aussi un jeu ample (l’univers parcouru est cette fois assez grand, ouvert, et moins saboté par les temps de chargement), généreux, long, d’une beauté exceptionnelle et toujours baigné dans un humour d’une grande finesse.

Alors que ces lignes sont écrites, le jeu n’est sorti que depuis un mois, mais les premières estimations concernant ses ventes sont très favorables, l’accueil critique est excellent, et Molyneux ne passe plus pour un mythomane. Nul doute que cette franchise va continuer, et elle a encore beaucoup de marge pour progresser.

Conclusion provisoire

Même si son parcours est déjà énorme, Peter Molyneux est loin d'être à court d'idées. Il y aura d'autres jeux Lionhead, d'autres dieux virtuels, d'autres héros à faire vivre et d'autres mondes étonnants à découvrir. Même si certains des jeux auxquels il est associé sont mal dégrossis et réservés à des joueurs un peu avertis, aucun d'entre eux n'a vraiment mal vieilli, et la cohérence créative dont il a toujours fait preuve est remarquable, preuve s'il en faut que son oeuvre se doit d'être considérée dans son ensemble.

Laurent
(31 mars 2004)