Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par MTF (18 février 2008)
« C'est drôle... quand je ferme les yeux, je revois encore Sendell. Notre Déesse à tous, dont l'essence superbe fut divisée et partagée entre chacun des êtres de notre planète, qu'ils soient Lapinchons, Bouboules, Grobos ou Quetch. Chacun d'entre nous possède un peu de cette grâce qui nous soulève et nous donne du courage, tandis que l'on travaille à rendre Twinsun meilleure, que l'on bêche son champ ou cueille des pommes, que l'on découvre des pans cachés de notre histoire passée ou que l'on se confronte, comme ce fut le cas à plusieurs reprises par le passé, à la tyrannie, au mensonge et à la violence. Je devais avoir quelque chose comme une dizaine d'années à l'époque. Lecteur depuis trois ans déjà de feu les magazines Ultra Player et Player One, je les disséquais, m'extasiant devant des previews de jeux que je ne possèderai jamais, des tests de jeu que je n'avais pas, des solutions qui ne me serviraient pas. Mais cela me faisait rêver. Comme je m'en aperçus plus tard, alors que j'étais seul dans mon collège, puis au lycée, à avoir les jeux vidéos comme hobby, je trouvais là plus de compagnons que je ne l'espérais, parlant mon langage, ayant les mêmes étoiles dans les yeux. Dans l'un de ces numéros, justement, un test ; puis tout un dossier : le début de sa solution. Ce jeu, c'était Little Big Adventure, connu sous le nom de Relentless outre-Manche et de Twinsen's Adventure aux États-Unis... Savais-je alors que je débutais là une histoire d'amour, une grande histoire, qui se prolonge encore aujourd'hui tandis que j'écris ces lignes ? Twinsun est un petit planétoïde...Avant de rentrer en profondeur dans le jeu en lui-même, je voudrais m'attarder sur l'univers qu'il dépeint, car il reste un des plus charmants qui fut créé. Bien loin des royaumes Hyruléens ou des contrées Moebusiennes qui se dévoilent peu à peu, le jeu, à la frontière entre l'aventure, l'action et l'exploration, prend place dans un univers complet et complexe. Tout se déroule sur une petite planète, un « planétoïde » comme le souligne si justement l'introduction du jeu, tournant placidement autour de deux soleils, ce qui lui valut son nom de « Twinsun »(« Soleil jumeaux » en anglais). Tandis que les pôles, constamment éclairés, abritent un climat d'ordre tempéré, c'est à l'équateur que la différence de température se fait la plus flagrante car traversé par une grande chaîne de montagnes, l'Himalayi. La majorité de la surface de la planète est recouverte d'eau, et seules de petites îles, de tailles variables, sont habitées. On n'en connaît qu'un petit nombre : l'île de la Citadelle, où débute le jeu, l'île Principale, l'île de la Rébellion, l'île du Désert de la Feuille Blanche, l'île Proxima entre autres, mais la carte (« l'holomap », dont je reparlerai plus tard) en laisse apparaître davantage encore, que l'on ne visitera pas toutes hélas... Le protagoniste s'appelle Twinsen. C'est un jeune Quetch, vivant en couple avec sa femme Zoé sur l'île de la Citadelle. Sous prétexte qu'il faisait des rêves récurrents où la Déesse Sendell, icône religieuse la plus répandue sur la planète, lui apparaissait, on l'enferma dans un asile... car depuis que le Docteur Funfrock, un Quetch oscillant entre le tyran et le savant fou, a pris possession de toutes les îles, il se fait un point d'honneur de supprimer toutes les reliques de l'ancienne doctrine, pour une raison que l'on ignore encore, et a déclaré la magie, qui jadis habitait tous les êtres, hors-la-loi. Agressif, agressif, discret, discret, normal, sportif...Le contexte étant posé, intéressons-nous à présent au jeu en lui-même. La première chose qui frappe, c'est bien sûr le parti-pris de la 3D-isométrique. Contrairement à d'autres jeux de Raynal, ne serait-ce qu'Alone In the Dark, le joueur ne progresse pas dans un univers pré-calculé autre que cette vue de « trois quarts », qui rappellera de bons (et de mauvais, comme nous le verrons par la suite) souvenirs aux joueurs de Solstice, d'Equinox ou encore de Landstalker. Les décors apparaissent donc selon une perspective cavalière sans réel point de fuite, ce qui demande un temps d'adaptation certain pour progresser. Il faut s'habituer aux correspondances entre le pad et la vue à l'écran, du fait que les commandes sont de type « absolu » : en appuyant sur « haut », Twinsen avancera dans la direction qui fait face à lui, toujours. Lors de courses-poursuites, ou quand on tente d'échapper à quelques gardes par trop ambitieux, on risque toujours de s'emmêler les pinceaux. Le rendu global est charmant, et à un je-ne-sais-quoi de plastique, comme si tous les décors, ainsi que les personnages, étaient sculptés dans de la pâte à modeler ou moulés dans du plastique : on jurerait de petites figurines que l'on mettrait en mouvement, village géant de Playmobil comme on en a tous rêvé étant petit devant les catalogues. Même les arbres ressemblent à des jouets... Devant tout cela, on peut s'imaginer être une manière de Dieu, Sendell elle-même guidant les pas de Twinsen au milieu de l'univers que l'on aurait créé d'un geste de la main, en hurlant vindictam meam face à tous ces clones. Les environnements sont variés, de la cité au petit village, en passant par les maisons, les usines, le désert ou la montagne mais restent très cohérents les uns par rapport aux autres. Ainsi, on ne passe pas brusquement de la plaine à la montagne dans l'Himalayi, mais on traverse plusieurs zones où la poudreuse se fait plus rare, comme le village caché des Lapichons qui reste un de mes écrans favoris. La grande nouveauté ne vient toutefois pas des graphismes, mais bel et bien de l'interface du jeu, unique en son genre. Un bouton ouvre l'inventaire, rien que de très classique ; mais un second ouvre un menu contextuel, demandant à Twinsen d'adopter, selon la situation, quatre attitudes fort différentes ayant chacune des avantages et des défauts.
Il faut constamment jongler entre les modes selon les situations pour espérer progresser dans le jeu. Souvent, on court, on court, on rencontre un clone ; on passe en agressif. On repasse en sportif, on croise un NPC : on lui parle en normal, on recourt... Si au fur et à mesure on apprend d'instinct à adopter l'attitude qu'il faut, ce n'est pas le cas où l'on peste souvent contre ce système particulier. Une touche pour parler ou lire quelque soit le mode aurait été une riche idée, qui sera incluse dans Little Big Adventure 2 par ailleurs. Il faut croire que les concepteurs voulurent privilégier la solution pacifiste (il y a souvent un moyen d'attirer les gardes, ou de les contourner) ou discrète (il est bien plus aisé d'éliminer les clones un par un) et qu'ils organisèrent leur jeu autour de cela. C'est dommage, car avec un système plus souple, ou avec juste peut-être une non-détection de sprite après coup pour pouvoir se ressaisir sereinement et s'échapper, les combats, puisque certains restent inévitables, auraient été un pur plaisir. Un monde cohérent et intelligentUne des grandes qualités du jeu, et ce qui reste à mon sens la qualité de LBA encore aujourd'hui et une des preuves qu'il était, quelque part, en avance sur son temps, c'est la cohérence de son univers et pléthore de petits détails amusants ou pertinents qui servent efficacement le gameplay. D'autres détails sont de l'ordre de l'animation : après avoir obtenu le livre de la Prophétie dans le Temple de Bu, les squelettes-gardiens ne tentent plus de nous tuer mais font force de génuflexions, nous reconnaissant comme un Dieu ; ce sont les lapichons de combat qui font des roulades grandioses mais se heurtent à des mines et se redressent maladroitement ; c'est encore le colporteur en sèche-cheveux qui se fait rembarrer d'une maison après avoir tenté de vendre sa camelote ; c'est le garde qui s'enfuit lors de l'attaque de l'usine de mutants devant le débarquement des rebelles, ou bien celui qui quitte quelques secondes sa moto pour uriner, ou encore pour piquer un petit somme... tout ceci fait que le monde arpenté est ouvertement « vivant » et vraisemblable, pour notre plus grand plaisir. Certains personnages, dans les maisons où vous vous invitez, vous interdiront même de fouiller dans leurs armoires ou d'allumer leur télévision... « Non mais, faut pas vous gêner ! ». Certains éléments de gameplay sont également très malins. Le premier vient de la carte du jeu, représenté par un « holomap » ; il s'agit d'une représentation en 3D de Twinsun, qui affiche non seulement la position actuelle du joueur, mais également les lieux importants, à visiter ou déjà visité par de grosses flèches rouges : pratique pour se repérer et savoir à l'avance que faire et où aller. Dommage qu'il n'y ait pas d'agrandissement de la ville où l'on se trouve pour mieux se repérer. Une deuxième « grosse idée » vient du « Méca-Pingouin ». Il s'agit d'un... pingouin mécanique, qui sert de leurre pour les gardes. Il tourne en rond en faisant beaucoup de bruit, puis finit par exploser. Les gardes s'acharnent inexplicablement sur lui et laissent libre les passages qu'ils sont censés étroitement surveiller. Le jeu est long, difficile et rude d'aspect. Lorsque l'on commence une partie, on ne sait guère où il faut aller, ni ce qu'il faut faire. On avance progressivement, petit à petit, en parlant avec les personnages, en lisant les affiches et les pierres millénaires. C'est là tout le principe de la « Petite Grande Aventure » : tandis que l'on cherchait, en début d'aventure, à s'échapper de prison, on se retrouve à la poursuite de mercenaires ayant enlevés notre petite amie, on s'embarque dans l'exploration de temples perdus ou on participe à la destruction d'une usine : nous sommes emportés dans le flot de l'aventure comme jamais, et ce de façon exponentielle. Twinsen, un « héros malgré lui » ? Il y a un peu de ça... et j'aime ce côté « je ne suis pas réellement né pour sauver le monde ». Ce n'est pas le héros préparé pour une longue quête, il reste maladroit et attendrissant, parfois naïf : un personnage qui fait quelque peu penser à Abe dans Oddworld, un archétype que j'apprécie particulièrement et que je prends toujours autant de plaisir à diriger. De l'autre côté de la Carotte Sacrée, c'était une discothèque...Un mot enfin sur la bande sonore, qui accompagne l'action avec justesse et tendresse et sait se faire oublier quand il le faut ; tantôt emportée lors des phases de combat, tantôt reposée et mystique comme un morceau des Pink Floyd lors de la traversée du désert, ou encore funky quand on surprend quelques rebelles au système se libérant sur une piste de danse multicolore et sous une boule à paillettes... tous les dialogues du jeu ont été doublés, en anglais bien sûr, mais également en allemand et, pour notre bonheur (mais c'eût été le comble !) en français. Les voix sonnent justes, et sont toutes individuelles : un tel zozote, un autre a de l'asthme, le dernier a un accent marseillais impromptu qui me fit mourir de rire la première fois que je l'entendis. Une direction artistique sans faille pour compléter le gâteau splendide que nous servit feu Adeline Software... Un avis sur l'article ? Une expérience à partager ? 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