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Killer Instinct
Année : 1994
Système : Arcade, Game Boy, SNES
Développeur : Rare
Éditeur : Nintendo
Genre : Jeu de Combat (VS fighting)
Par Thomas V. (22 avril 2003)

Lorsque sort Donkey Kong Country sur la SNES, on sent que Nintendo et Rare lâchent leurs dernières cartouches (techniques, attention !) sur 16-bits, du fait de la concurrence de plus en plus forte des 32-bits. "Des jeux comme celui-là, vous n'en aurez plus des tonnes" annonçait un journaliste à Player One, magazine qui titra "Playstation - La mort de Sega et Nintendo ?". Même si l'on n'est qu'en 94, on sent donc la fin proche venir, et DKC est une sorte de cadeau empoisonné, de baroud d'honneur pour Nintendo (et sa SNIN) qui se prépare activement pour la sortie (enfin, le développement) de l'Ultra 64.

Killer Instinct et Killer Instinct 2 (arcade)

Parallèlement, la firme sort en 1994 avec Rare un jeu d'arcade révolutionnaire (nous allons voir pourquoi) intitulé Killer Instinct (le titre est déjà à lui seul dangereux !). On s'empresse d'annoncer qu'il va être le premier jeu sur Ultra 64.
Et puis tout à coup, renversement de situation : c'est sur la petite 16-bits que la firme nippone a décidé d'adapter ce hit (normal au vu des sorties sans cesse repoussées de la N64). C'est un bouleversement en soi sur 2 plans : Nintendo s'est jusqu'ici cantonné dans une image de "Disney du jeu vidéo" avec des personnages enfantins et non violents, et de plus c'est une sorte de coup de couteau dans le dos de Capcom dont les Street Fighter xx (mettez l'appellation que vous voudrez) ont largement contribué à l'essor de la console.

Qu'est-ce donc que ce jeu ?

Comme dit plus haut, Killer Instinct est un jeu de baston 1 contre 1, il prend place dans un univers futuriste.
Une firme, Ultratech, organise un tournoi télévisé ultraviolent (Unreal Tournament n'a rien inventé) faisant s'opposer des combattants d'origines et de formes diverses. Chacun d'entre eux a une motivation particulière, vengeance, espionnage, soif de rédemption, et Ultratech en profite aussi pour mettre à l'essai ses prototypes de robots combattants.
C'est en gros la trame scénaristique, moins grosse qu'un timbre-poste au régime, prétexte à de très, mais alors très violents combats (Mortal Kombat passerait pour un jeu de fillettes à côté), avec du sang par hectolitres et de toutes les couleurs (y compris le rouge) mais aussi à des fatalités (gores, amusantes, y'en a pour tous les goûts, même les plus tordus).

Vous disposez de 8 personnages au départ, et pouvez jouer avec le boss final (un monstre à deux têtes ! !) par le biais d'un code. Chaque personnage a une petite histoire : un alien fait prisonnier sur terre, un vélociraptor ressuscité (Jurassic Park était sorti 2 ans plus tôt !), un chef Indien (Y.M.C.A !) assoifé de vengeance, un boxeur voulant prouver qu'il est au top, un ninja (aux voix proches d'un certain Ryu), une espionne, un criminel transformé en homme-torche (comme le comic) voulant être libéré, un robot de combat en cours de développement par Ultratech, ainsi que le squelette d'un guerrier (dont on ignore ce qu'il fait là !).
Pris comme ça, le jeu commence bien, il ne décevra pas par la suite...

Le système de jeu

La démarcation avec Capcom, même s'ils subsiste des similitudes sur le plan des personnages et des coups spéciaux (mais bon, ils y en a encore de nos jours dans Guilty gear X2,), semble avoir été une des conditions sine qua none (Grospixel se recycle dans le latinisme, qui l'eut crû ?) tout au long du développement du jeu.

Ainsi, si Street fighter n'a introduit que tard la notion de combos, préférant un combat un peu plus spontané, instinctif et ne résidant pas forcément sur l'apprentissage par cœur, Killer Instinct, lui, se veut exactement l'opposé de cette série. Ici, on ne jure que par les combos, ces enchaînements de coups allant de 3 à 80, qu'il faut apprendre jusqu'à les connaître sur le bout de l'index, et les coups spéciaux en sont uniquement des accessoires, ces derniers étant en effet bien moins efficaces qu'un bon combo. Cet apprentissage n'est nullement rebutant, pour qui veut bien s'y prêter, et il est facilité par une grande "enchaînabilité" des coups (NdL : Calmez vous, Monsieur le Président). En clair, en appuyant vite sur beaucoup de boutons, ils est possible de faire facilement des 3 à 6 hits combos, il suffit juste de trouver la bonne ouverture, ce que le livret (sur la rom, il est bizarrement introuvable :p) ) explique assez bien, et en Français en plus. Au fur et à mesure, le nombre de coups dans les combos augmente (cependant, je n'ai jamais réussi à sortir un 36 hits, chose faisable à en croire les soluces complètes rédigées à la sortie du jeu, encore moins un 80), et l'on est pour le moins heureux quand une combinaison d'au moins 13 coups (killer combo) s'exécute sous ses yeux après des heures d'entraînement.

Rare a d'ailleurs de la suite dans les idées, puisqu'en plus des combos exécutables au cours du combat, il faut ajouter deux autres types de combos. Le premier est l'ultimate combo, il s'exécute en sortant un coup spécial donné au cours d'un combo quand il ne reste que peu d'énergie à l'adversaire. Le combo s'arrête alors brusquement, et votre perso fait une fatalité à l'adversaire (ce qui vous rajoute 1 million de points, pour le high score, c'est toujours ça de pris). Le second, bien plus jouissif est l'ultra (64 ? !) combo. Il s'exécute de la même manière qu'un ultimate combo (le coup spécial est différent), sauf qu'au lieu de vous contenter de lui faire une fatalité, vous enchaînez une vingtaine de coups supplémentaires à votre adversaire. Le résultat est très spectaculaire, et vous pouvez lâcher la manette pour contempler votre œuvre. Le nombre de hits peut alors dépasser 40. Cependant, grâce à un bug du jeu, avec certains personnages, il est possible de sortir un 80 hits, bonne chance à vous qui essayerez après lecture de l'article (l'espoir fait vivre...).

Notez qu'il est aussi possible de casser un combo, grâce à un coup spécial dit combo breaker (et le jeu devient complètement surréaliste quand les joueurs cassent tour à tour leur combo !), assez dur à sortir quand on n'a pas entré de cheat.
Le jeu reprend aussi, afin de toucher un public le plus large possible, certains concepts caractéristiques de Mortal Kombat. Ainsi, les personnages ont une apparence réaliste (ils sont, pour la petite histoire issus du même procédé de fabrication que les sprites de DKC), le design du jeu est assez mature, on est loin de l'ambiance dessin-animé des productions de Capcom. De plus, les décors sont pour certains assez malsains (une salle au sol maculé de sang, la maison d'un loup-garou, glauque au possible), et permettent de réaliser, dans certains cas des fatalités de niveau (comme pour les niveau The Pit dans la série MK). On retrouve aussi les uppercuts, marque de fabrique de la série, projetant l'ennemi à 3 mètres du sol. Il reprend surtout les fatalités, et de tout type : les marrantes (on fait tomber une Cadillac sur son ennemi, on le transforme en grenouille), les gores (plantage d'épée dans le bide, on écrase la grenouille ! on brûle l'adversaire, on l'exécute au machine gun, on le boulotte), LA fatalité hot (l'espionne montre ses seins à l'adversaire, qui tombe raide après s'être rincé l'œil dans le pur style Tex Avery, mais nous on voit rien). Les friendship sont remplacées par les Humiliations : vous obligez votre adversaire à danser de manière ridicule (mais sur une musique funky démentielle).
Ainsi que vous avez pu le voir, on ne s'ennuie pas une seconde dans KI... sur le papier tout du moins (à cet état du test seulement je vous rassure !)

Et la technique ?

Le fait que KI soit développé par Rare laisse présager du très bon, et en effet, on est dans les sommets de la réalisation. Même si les persos sont légèrement pixellisés, ils sont très détaillés, et s'affrontent dans des décors somptueux (et réalistes à la fois, correspondants à un futur très proche, ce qui n'a presque pas été retenté depuis hors du style manga de Capcom et SNK) tels qu'une salle de boxe fourmillant de détails, le toit d'un immeuble dans le désert (avec une ville au loin en arrière-plan), un temple dans un glacier, et bien d'autres encore, jusqu'au stage caché : une plateforme gelée située à l'entrée d'une sorte de vortex dimensionnel (j'ai pas trouvé mieux !). L'animation n'est pas en reste, car elle est excellente, et la vitesse du jeu réglable par cheat code (je vous le file à la fin du test, j'suis pas radin !). En mode super turbo, c'est l'éclate totale, et l'animation reste fluide, du jamais vu pour de si beaux graphismes.

Le son quant à lui n'est pas en reste. La voix off du jeu est complètement survoltée quand elle annonce le nom des combos, Triple, Super, Hyper, Master, Awesome, Blaster, Monster, King, Killer, Ultra, Ultimate (les appellations des combos selon le nombre de hits) sont dits de manière différente, le présentateur étant de plus en plus excité (sauf pour l'ultimate et le killer où il est assez sombre). Et pour les combos breakers, il se lâche complètement. Tout ceci encourage le joueur à s'énerver encore plus sur le paddle. Il est à noter que les voix digitalisées sont de très bonne facture, et que les musiques sont tout bonnement démentes. Il faut donc jouer à KI le son à fond pour en apprécier la pleine saveur. Les musiciens étaient tellement enthousiasmés par la furieuse ambiance éclectique mais cohérente qu'ils parvinrent à créer, qu'ils ont cru (à juste titre) bon d'offrir la BO du jeu aux acheteurs, une intention sans supplément de prix que seul Nintendo renouvela sous nos contrées avec Donkey Kong Land. Et quand on met le CD dans sa chaîne, on est transporté par les très bonnes réalisations de certains morceaux : du très bon hip hop instrumental (c'est un connaisseur qui vous le dit), du drum and bass, de la techno, de la dance (le premier morceau, un hymne au meurtre vidéoludique, avec en plus des chanteuses aux voix, dirons-nous, lascives et déplacées), et le clou, une tuerie funky en guise de bonus track (morceau 30), la musique des humiliations.

Conclusion

Après ce jeu gore (mais délirant, d'où une absence de censure), Nintendo ne fut plus considéré d'un même œil par la concurrence et les joueurs : la firme pouvait produire des jeux violents (même si elle retourna dans le bon enfant par la suite, hormis les Golden Eye et autres Conker), mais surtout concurrencer les autres éditeurs dans le domaine des jeux de baston, tant sur le plan de la réalisation que du gameplay. Il est d'ailleurs regrettable que la série n'ait connu que trois épisodes - Killer Instinct en arcade (1994), SNES (1995) et Game Boy (1995), Killer Instinct 2 en arcade (1996) et Killer Instinct Gold sur N64 (1996) -, pour des raisons évidentes : Insuccès relatif de la N64, éxigence du système de combos, exclusivité de Rare sur Nintendo (aucune exportation possible), mort prévue (et qu'on attend toujours d'ailleurs) des jeux de combats en 2D...
Killer Instinct est une sorte d'ellipse temporelle dans le monde des jeux, une utopie qui a porté ses fruits jusqu'au bout, car nourrie par le plus solide (financièrement, ce qui permet de faire des daubes qui se vendent comme des bijoux qui ne se vendent pas) des éditeurs de jeu vidéos, histoire de prouver son attention portée aux joueurs fidèles de la SNIN, dont le goût pour la baston a servi jusqu'à la fin (Street fighter Alpha 2) les intérêts de la console.

Killer Insinct sur Game Boy, et Killer Instinct Gold sur N64

Le jeu, après s'être vendu autour de 500 balles, a vu son prix diminuer beaucoup plus vite que celui des autres, preuve qu'il fut pour Nintendo une sorte de cadeau (je me répète) à ceux qui n'ont pas lâché leur "petite" 16-bits.

Killer Instinct est pour résumer un jeu dur, beau, speed, dont l'ambiance est à ce jour inégalée (même Soul Calibur a selon moi moins de charisme, de cohérence et de folie dans son univers), que l'on déteste ou adore. Je me place dans la deuxième catégorie, à l'instar de tous les magazines de l'époque, c'est ce qui me fait rebrancher ma SNIN parfois, juste pour le plaisir de sortir quelques combos bien placées (que l'on n'oublie jamais à force d'habitude !). L'émulation gâche cependant grandement ce titre : il vous faut absolument une excellente manette et une très bonne croix directionnelle pour espérer prendre en main ce bijou, et s'éclater comme au bon vieux temps (c'est un vieux de 16 ans qui parle !).

Les cheats codes

Les voilà, bandes de feignants, de tricheurs. Mais même si vous ne vous reconnaissez pas, lisez-les, fun garanti ! :

  • Choisir la vitesse du jeu : durant l'écran de VS (juste avant le combat), appuyez simultanément sur Droite+Y+X+L pour une vitesse très lente, sur Gauche+B+A+R pour une vitesse lente, sur Droite+A+B+R pour une vitesse rapide, sur Gauche+X+Y+L pour une vitesse très rapide. Un bruit de coup vous indiquera que le cheat a fonctionné.
  • Jouer avec le boss final du jeu : sélectionnez Cinder comme personnage. À l'écran de VS, laissez appuyé gauche, puis appuyez sur L,R,X,B,Y,A successivement vous devez entendre la voix off dire Eyedoll.
  • Faciliter les combos breakers : À l'écran VS, appuyez sur Bas + Start, une voix vous confirmera la réussite de la manip.
  • Passer à l'écran des options avant le combat : À l'écran VS, appuyez sur Select
  • Sélectionner couleur du personnage : À l'écran de sélection, appuyez sur haut ou bas pour faire défiler les couleurs
  • Sélectionner le stage en mode 2 joueurs : Appuyez sur Haut plus une touche ou sur Bas plus une touche (hors Start et select) pour sélectionner votre personnage. Le premier joueur choisit le stage, le second la musique.
  • Stage secret en mode 2 joueurs : Sélectionnez tous deux votre personnage en appuyant sur Bas + B, et régalez vos mirettes !

Il se peut qu'il y ait des erreurs dans les cheats, si tel est le cas, excusez-moi (par pitié !) et mailez moi, je rectifierai. Pour ceux que le jeu intéresse (on peut rêver), mais qui se retrouvent perdu, ou voulant en savoir plus, je me ferai un plaisir de les dépanner (sur le plan des combos ou fatalités) et/ou de leur communiquer ce qui est écrit dans le livret du jeu (que je garde précieusement !).

Thomas V.
(22 avril 2003)
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