Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Parler de Way of the Samuraï 2 (WS2) va présenter deux difficultés, la première étant de dater précisément les événements du jeu. Le manuel ne mentionne qu'une donnée, « le shogunat Tokugawa vit ses derniers jours ». Sachant que celui-ci se termine en 1868 par la Restauration Meiji, on peut considérer que les événements – fictifs – narrés dans ce second épisode où les samouraïs sont toujours présents se déroulent entre 1850 et 1860. À cette époque, le Japon est en train de signer des traités, notamment la convention de Kanagawa et le Traité de Harris, autorisant les États-Unis à faire commerce dans certains ports et accordant l'extraterritorialité aux voyageurs étrangers : c'est-à-dire qu'ils seraient jugés selon les lois américaines, et non japonaises. Le Japon est, lentement mais sûrement, en train de s'ouvrir à l'étranger, même en étant parfaitement conscient des dangers que cela suscite (les Chinois ont vu leur cohabitation avec les colons anglais tourner au vinaigre...). Les rapports de force entre la nation de l'empire Tokugawa et les forces étrangères est en train de se dessiner – nettement en faveur de ces dernières, la donne change, le paysage commercial et culturel se transforme. Il n'est certes pas encore question de remiser les samouraïs au placard mais déjà, on sent que cette élite militaire n'a pas vraiment son mot à dire sur ce qui est en train de se passer. Assez d'égotisme, revenons au jeu, et plus particulièrement à Amahara. Située sur le littoral, totalement à l'opposé de la capitale, cette ville est une des rares autorisées par le shogunat à commercer avec les étrangers. C'est une ville florissante, qui croît à grande vitesse, et qui est de plus autogérée : c'est-à-dire que le shogunat a un impact quasi inexistant sur elle. À cette époque il était trop difficile pour le gouvernement centralisé à Edo d'exercer son pouvoir sur tout le pays. C'est d'ailleurs ce qui embête les grands pontes de la capitale, car eux aimeraient bien qu’Amahara soit de nouveau sous leur coupe, histoire de bénéficier pleinement de son influence et de se faire bien voir des occidentaux. Ils doivent avoir des raisons de croire que la ville pourrait faire ses propres affaires, voire faire sécession, c'est pourquoi ils comptent prochainement faire le nécessaire pour reprendre le contrôle. Les magistrats, bien qu'ils aient été placés là par le gouvernement, ont depuis le temps pris leur envol et gèrent la loi à Amahara comme ils l'entendent. Malheureusement, l'ancien gouverneur n'est plus là, et ceux qui s’occupent du pouvoir ont une vision toute personnelle de la loi... La violence devient la réponse à tous les maux, et le chef Kuroha semble être aveugle aux souffrances qu'il occasionne à son propre peuple, incapable qu'il est de refréner ses lieutenants les plus enthousiastes. Ils doivent aussi lutter sur un autre front, celui du shogunat dont ils savent la venue très proche. Les trois factions en ont marre des deux autres, l'ambiance est électrique, les agressions et les délits de faciès deviennent monnaie courante... et c'est dans cet Amahara que vous débarquez, à moitié mort de faim ! Vous prenez le contrôle alors qu'une petite fille muette prend pitié et vous offre des boules de riz. Dans le fond, le déroulement de WS2 est le même que dans le premier épisode. Vous avez un certain nombre de jours, eux-mêmes divisés en un certain nombre de périodes, durant lesquelles vous êtes libre de faire (ou ne pas faire) ce que vous voulez. Vos actions ou absences d'actions paveront la voie vers un chemin scénaristique précis. Encore une fois, le jeu mise sur ses parties courtes et intenses, et sur son énorme travail de rejouabilité. Seulement voilà, c'est le deuxième épisode, alors Acquire a décidé de voir les choses en grand ! Pour résumer grossièrement, le contenu a été plus que doublé : le nombre de fins disponibles passe de 6 à 12 ; la ville n'étant plus un village, la taille et le nombre de lieux a augmenté. Le nombre d'armes et de styles disponibles a lui aussi explosé... En fait, même en étant habitué au premier épisode, il faut un moment avant de prendre ses marques car au-delà du volume, certaines bases ont carrément changé. Vous avez 9 jours à passer à Amahara, de votre arrivée le 21 août à la fin du jeu aux alentours du 29, bien que certaines fins vous feront terminer la partie avant. Quoi qu'il arrive, il y a le festival de l'été le 26 au soir auquel vous participerez, ne serait-ce qu'en spectateur, et où il se passera un événement tragique puisque le gang Aoto et les magistrats se livreront une bataille sanglante. Avec plus de quatre fois le nombre de jours du premier épisode, il fallait que le système de temps qui passe s'adapte en fonction... Les petits boulots, parlons-en. Dans le premier épisode, les moyens de gagner de l'argent étaient très limités à Rokkotsu du fait du nombre de jours et de personnes présentes. Ici, Amahara est grande et nombreux sont les gens qui cherchent de la main d’œuvre pour accomplir des besognes, qu'elles soient basses ou pas. Il existe trois courtiers qui vous proposeront du travail à toute heure de la journée, un travail pour le gang Aoto, un autre pour les magistrats, le dernier est plus neutre et se trouve dans le quartier central d'Amakaze. Il vous faut savoir qu'à de rares exceptions (les trois missions d'extorsions scénarisées d'Aoto, et le meurtre du courtier d'en face), travailler pour un courtier ne vous disqualifiera pas pour les autres camps en ce qui concerne le déroulement de l'histoire : les petits boulots et les différentes fins sont presque tout le temps déconnectées l'un de l'autre ! Ensuite, tous les jobs sont différents selon le courtier, on peut vous demander de retrouver un bébé, de demander à un fugueur de revenir à la maison, de calmer une émeute, de faire circuler des documents secrets, de ramener des objets précieux, quand ce ne sera pas du pickpocket, de l'extorsion ou même de l'assassinat pur et simple ! Les boulots sont très variés, la plupart du temps bien expliqués même si l'on exige de vous que vous vous creusiez le ciboulot, et chaque camp a ses propres préférences. L'apparition des commerçants va de pair avec celle, plus personnelle, de l'inventaire. Il y a des magasins pour tout et n'importe quoi, et ce dans presque toutes les zones. Que ce soit des restaurants, des bains publics, des maraîchers pour acheter des objets de soin, des collectionneurs de curiosités pour vous habiller autrement ou vous donner certains bonus, à vous d'explorer la ville et de voir ce que vous pourrez y trouver ! Il est bon de savoir toutefois que le courtier d'Amakaze, même si c'est celui qui paie le moins, vous permet d'étendre la sélection dans ces magasins, et même d'avoir de grosses réductions. Le forgeron Dojima fait aussi son grand retour, et propose de nouvelles options qui vont de pair avec quelques nouvelles données concernant les armes. Auparavant, on pouvait le faire travailler autant de fois que l'on souhaitait sur une arme, tant qu'on pouvait payer et qu'on était patient. Ce n'est plus possible dans WS2 à cause de la statistique de Qualité, présente sur chaque arme. Elle est composée de deux chiffres affichés comme un dénominateur, la qualité actuelle à gauche et la qualité maximale théorique à droite. Dojima peut renforcer la durabilité de votre arme sans atteinte sur sa qualité (avec un maximum de cinq segments, ça ne changera jamais), et sur les statistiques offensives et défensives de votre arme. Mais une fois le maximum théorique atteint, vous pourrez toujours lui demander de continuer à travailler dessus... mais d’une part ça vous coûtera plus cher, d’autre part il y a aussi un risque que la lame se brise définitivement dans l'opération ! Concernant les objets eux-mêmes, ils sont stockés cette fois dans un inventaire limité qu'il faudra gérer à votre convenance. On les utilise à partir du menu « Pause », et on peut en mettre en réserve à partir de la carte d'Amahara ; les objets et armes mis en réserve peuvent être utilisés même une fois la partie en cours terminée, par un nouveau personnage qui pourra à son tour les retirer de la réserve ! Comme on perd absolument tout ce qu'on a sur soi quand on meurt, il faut apprendre à mettre quelques objets de soin et d'extension de vie de côté, au cas où, histoire de ne pas commencer une nouvelle partie complètement nu, le mieux étant bien sûr de faire attention à sa vitalité et de se ménager. Puisqu'on parle de modération dans l'effort, vous disposez d'une petite chambre située dans le quartier d’Otsuka, comme mentionné plus haut. Savoir quand se reposer est crucial et c'est quelque chose qu'on a du mal à bien cerner quand on débute car on n'a pas d'idée précise de ce qu'on pourrait rater d'important lors de notre repos, ni de quand et où il faut être présent pour faire avancer l'histoire comme on le souhaite. Et c'est parfaitement normal ! Le jeu n'attend pas de vous que vous soyez un chef dès votre première partie, au contraire, là encore intervient la notion de familiarité progressive déjà présente lors du premier épisode : Amahara n'est pas qu'un décor de jeu vidéo destiné à accueillir une action précise, qui se contenterait de débuter et terminer quand on le lui demande. Elle n'est pas qu'utilitaire, c'est un organisme vivant, et débarquer dans une nouvelle ville est toujours un exercice un peu anxiogène. Il faut prendre ses marques, ses points de repère, et sans même s'en rendre compte, on devient nous aussi un peu un citoyen de cette Amahara florissante et dangereuse. On repère les quartiers d'Otsuka où l'on peut dormir, Amakaze qui est le cœur de la ville, les quartiers généraux d'Aoto et des magistrats, Numata où habitent le forgeron Dojima et sa femme (qui augmente la taille du coffre de sabres)... ...et il y a le quartier de Shikano. L'air de rien, on n'y passe un petit bout de temps, non seulement parce que l'endroit a l'air d'attirer les ennuis, mais aussi à cause du dojo. Maître Tessho et ses élèves se feront ici un plaisir de vous donner des cours sur la manière de se battre, mais aussi sur l'ambiance générale de la ville. Ainsi, même si vous n'avez pas le mode d'emploi car vous vous êtes procuré le jeu d'occasion à petit prix dans un bac à soldes (car il y a fort à parier que vous trouverez ces jeux comme ça !), vous pourrez tout de même vous familiariser en douceur avec le système de combat, qui lui aussi a connu quelques améliorations. Il est également possible de le faire en attaquant, via une attaque casse-garde. Chaque arme en propose au moins une, elle est puissante et ne peut pas être bloquée ni déviée et provoque la possibilité elle aussi de faire un Hisatsu derrière, mais elle est plus lente que les autres. Vos ennemis aussi peuvent vous déséquilibrer et vous frapper ensuite, mais ça ne vous tuera pas. Vous prendrez quand même de lourds dommages et serez à la merci des attaques qui vont suivre. Et tant qu'on y est, il est impossible de dévier une attaque qui n'est pas effectuée avec l'arme, les coups de pied, les prises et certaines techniques spéciales (et douloureuses!) passeront donc à travers. Même si la forme a changé, le fond de ces affrontements reste le même, celui de provoquer une tension permanente chez le joueur. On attaque et pare, en se demandant sans cesse ce que va faire l'adversaire, on jubile quand on porte une série d'attaques critiques, on a la boule au ventre quand on se voit déséquilibré alors qu'on ne s'y attendait pas... Ça rend les combats vivants, organiques presque, d'autant que ça contribue à faire des personnages qui croisent notre route plus qu'un paquet de polygones avec des routines de comportement. On a affaire à une galerie d'acteurs, de combattants différents, qui ont leurs points forts et leurs faiblesses qu'on apprend à exploiter, et pire encore, qu'on finit par craindre de croiser le fer car on sait qu'il seront sûrement capables de bloquer nos assauts et de percer notre garde. Mais plus encore, WS2 ne se contente pas d'être un épisode « 1.5 », où le jeu se contenterait d'ajouter du contenu, d'être « juste » plus gros, plus large, plus tout. Il n'est pas une évolution, il est une croissance, une conséquence logique et naturelle du premier épisode, la démonstration de ce que doit être une suite qui suit son cours selon un plan précis, un potager sous la direction d'un jardinier sévère mais attentionné. Il se trouve à l'extrême limite de ce qu'il pourrait proposer de mieux, sans jamais déborder du cadre, devenir « trop » : trop grand, proposer trop de contenu qui aurait pu perdre le joueur, trop facile, trop difficile, trop dilué. Il est tout le contraire, un enfant devenu adulte sous la supervision de parents attentifs. Il est pile ce qu'il faut pour être grand, hypnotique, captivant, presque parfait (je vous avais prévenu !). Cela passe par quelques concessions de pure forme, notamment par la disparition de certaines options de dialogue : par exemple, on ne peut plus répondre par le silence, ou même s'en aller en pleine discussion. C'était un sacrifice nécessaire pour que la suite d'événements reste claire pour le joueur, qu'il ait au moins une idée de quoi faire ensuite, qu'il ait l'envie irrépressible d'essayer des choses, d'aller dans des lieux qu'il ne connaît pas, à des heures de la journée imprévues. Pour qu'il ait envie de changer de style de combat à l'envi, sans qu'il ait besoin de farmer comme un âne. Pour qu'il ait envie de se perdre, d'aller là où rien ne peut, en théorie, se passer, et être surpris de ce qu'il y trouve. Ou tout simplement de ne rien faire de spécial, de regarder les événements d'Amahara se dérouler devant lui, laissant les dominos tomber les uns sur les autres sans même y toucher. Après tout, la possibilité de « faire » peut aussi s'accompagner de celle de ne « rien faire », non ? J'adore WS2. Il fait partie des très rares jeux de ma vie de joueur que je ressors très régulièrement, pour tenter de nouvelles choses ou juste pour le plaisir simple de retourner à Amahara encore une fois, de m'y promener, de manier mon personnage, de mettre des coups. Bref, de jouer. Je ne m'en suis jamais lassé et ne m'en lasserai probablement jamais. C'est un grand jeu, petit dans sa forme, grand dans tout le reste. Même son côté fauché, sa mise en scène déficiente par moments et ses doubleurs aux fraises n'arrivent pas à atténuer le bonheur que je peux prendre à y jouer.
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