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Way of the Samuraï 3
Année : 2008
Système : Windows, Playstation 3, Xbox 360
Développeur : Acquire
Éditeur : Rising Star Games
Genre : Aventure / Action / RPG

Aborder Way of the samuraï 3 (WS3) va, encore une fois, me poser deux problèmes pratiques. Le premier va être de situer correctement la période dans laquelle le jeu prend place. Non pas qu'elle ne soit pas indiquée puisque la notice et l'intrigue la font se situer à l'ère Sengoku, mais comme cette période du Japon est loin d'avoir été autant sujette à l'exploitation culturelle (contrairement à l'ère Edo ou Meiji), ça nous parle forcément beaucoup moins.
L'ère Sengoku, donc, est une période s'étendant du milieu du 15e siècle à la fin du 16e siècle. C'est une période de transition guerrière et brutale au cours de laquelle les seigneurs de guerre ne cessent de se battre en envoyant des troupes de soldats et de cavaliers dans tout le pays. Le Japon, à cette époque, n'a absolument aucun pouvoir central car, même si ce dernier est théoriquement situé à Kyoto, la majorité des daimyos (gouverneur féodal) ne reconnaissent pas sa légitimité. Une volonté grandissante de chaque village d'instaurer sa propre économie locale, combiné à de nombreuses catastrophes naturelles, poussent les paysans à se révolter. Bref, ça se tape dessus de tous les côtés, et heureusement que c'est une île isolée car c'est la seule raison pour laquelle les pays voisins ne l'ont pas encore envahie.
Cependant, un siècle et demi, c'est une période un peu trop large, alors resserrons l'objectif vers l'an 1560, qui nous intéresse par rapport au jeu car c'est là qu'un personnage historique se dégage, un certain Oda Nobunaga. Il est considéré comme un des trois grands unificateurs du Japon (les deux autres, Toyotomi Hideyoshi et Tokugawa Ieyasu, ne seront pas mentionnés dans l'histoire), et a remporté un grand nombre de batailles, tout en contribuant à unifier le pays sous son joug. C'est pendant une de ses campagnes militaires que l'histoire de WS3 se déroule.

Le deuxième problème est malheureusement l'inverse de WS2, puisque le jeu m'a beaucoup déçu. Il va m'être donc difficile d'en parler sans trop laisser transparaître ma négativité au long de ce papier, mais je tiens à ce que WS3 soit abordé de la même manière que ses frères d'autant que, malgré lui, il marque un tournant dans la saga et certainement chez Acquire eux-mêmes. En effet, le jeu sort en 2008 et c'est l'occasion pour le studio d'entrer dans la génération PS3 / XBOX 360. On connaît désormais le vieux refrain fatigué – et un tantinet démago – qui consiste à dire que « les développeurs japonais ont raté le virage new-gen », mais il est vrai que la transition s'est déroulée dans la souffrance. C'est le cas à chaque changement de génération cela dit, et nombre de studios restent sur le carreau à chaque fois, les forçant à mettre la clé sous la porte ou à être rachetés par plus gros qu'eux. Fort heureusement ce n'est pas le cas d’Acquire qui, au moment où ces lignes sont tapées, est toujours parmi nous ! Mais dans leurs cas et celui de WS3, le passage à la PS3 et à la XBOX 360 a été des plus particuliers...

WS3, donc, place son intrigue aux alentours de 1560 dans la province fictive d'Amana. Le seigneur Shuzen Fujimori y règne en maître et caresse l'ambitieux projet de faucher Nobunaga en plein élan quand il arrivera d'ici quelques temps. Il est secondé par Kirie, un ninja dévoré par l'ambition, et Shinnosuke, un membre de l'ancienne famille des Sakuraï, qui a retourné sa veste. Shuzen rassemble ses forces, recrute des soldats, s'entoure de généraux féroces et sans compassion, agrandit ses armées. Mais pour cela il a besoin de fonds, de beaucoup de fonds : c'est pour cela qu'il impose des taxes de plus en plus élevées aux villageois qui ont un mal de chien à suivre le rythme. Un nombre grandissant se révoltent, les fermiers sont de plus en plus nombreux à penser que la houe peut fendre les têtes aussi bien que la terre...
Les bandits d'Oka, eux, sont ce qui reste du clan Sakuraï, l'ancienne famille dirigeante qui a été décimée par Shuzen. Mais la majorité d'entre eux, notamment leur chef Gengoro Matsuzaki, ne pensent qu'à détourner les fonds et les convois de nourriture pour s'en mettre plein les fouilles et mettre les bouts quand la situation l'exigera. Seuls quelques guerriers isolés pensent sincèrement à la gloire passée des Sakuraï. Les rares combattants d'Oka réellement préoccupés par le sort d'Amana, tels que Yuma le jeune enthousiaste mais naïf, rêvent d'un jour où les Sakuraï se relèveront de leurs cendres, bouteront Shuzen hors de la province et vivront heureux. Quant à Itsuse, c'est une fille de paysanne dont la famille a été tuée par les troupes de Shuzen, elle n'aspire plus qu'à la destruction des Fujimori et n'a que faire du reste, y compris de sa propre vie...
Les villageois, eux, se partagent en fait entre deux petits villages, Takatane et Omiki. Ceux d'Omiki ont bien compris qu'il fallait mieux s'attirer les grâces de Shuzen, mais les paisibles fermiers de Takatane en ont définitivement marre et sont dégoûtés de tous les autres camps. Parmi eux, l'ancien Munechika fait office de médiateur avec les autorités, et la gentille Osei aspire à une vie normale, et ce même si cela doit signifier partir de la province...

...et il y a vous. Troufion au sein d'une armée dont vous avez oublié le nom, vous avez été laissé pour mort pendant la terrible bataille de Kuchihagara, la rivière qui traverse la province. Tenant à peine debout, vous êtes sauvé in extremis par les villageois de Takatane et vous réveillez chez le doyen.

Vous avez une cabane rien que pour vous, au fond du village Takatane. Vous pouvez vous reposer et regagner de la vie (au passage, les points d'endurance ont disparu), et stocker votre attirail. L'armoire du fond est dédiée à l'argent, aux objets et aux accessoires.

Autant être direct, le début du jeu n'est pas terrible. Les deux premiers épisodes présentaient au joueur un choix simple et clair, et ce dès le début de la partie : une rencontre avec une personne innocente, visiblement dans la panade. Qu'est-ce que vous faites ? C'est simpliste, grossier même, mais ça marche à merveille car ça présente tout de suite le cœur même du jeu. WS3, lui, ne vous laisse pas vraiment devant un choix signifiant, si ce n'est de refuser l'hospitalité aux villageois qui veulent vous aider à la rivière (si on refuse, on est livré à nous-même, sans être blessé...). Dans les faits ça ne change pas grand-chose et ça a beaucoup moins de prise sur le joueur que des situations pourtant cliché que peuvent être une demoiselle en détresse, ou une petite fille qui nous offre une boulette de riz alors qu'on crève de faim dans la rue.
Ceci dit, cette entrée en matière décevante a au moins le mérite de présenter une variation très intéressante des choix de dialogue, indiquée en bas à gauche de l'écran. Dans l'écrasante majorité d'entre eux, il est possible d'arrêter la discussion de deux manières, la première en s'excusant platement avec L2 / LT. On demande pardon et on part, annulant toute interaction. La seconde est plus brutale, car en appuyant sur L1 / LB, on dégaine notre arme sans prévenir ! Débouchant généralement sur une mêlée, faire preuve d'agressivité peut avoir des conséquences surprenantes, et le jeu sait présenter des situations où on peut avoir sincèrement envie de dégainer, juste pour voir si ça peut vraiment faire ce que l'on pense que ça peut faire. Une très bonne idée, et c'est loin d'être la seule. Car WS3 en regorge, de nouvelles trouvailles !

Un type dont la tête ne me revient pas, et ZING, je dégaine mon arme. Ça débouche parfois sur un combat d'emblée, et parfois sur autre chose... À l'inverse, la petite Momiji m'en veut car son père chéri est mort dans une bataille de samouraïs : il faut s'excuser platement pour qu'elle arrête de vous agresser et qu'elle accepte de vous accorder le bénéfice du doute.

Pour ce qui est du système de jeu, plusieurs aspects du deuxième épisode sont retenus. Les améliorations d'armes par exemple restent les mêmes, avec la jauge de qualité et les estimations chez le forgeron (ils sont même deux cette fois, Dojima a ici un petit frère). Il y a toujours les petits boulots à prendre chez les courtiers, qui sont au nombre de quatre, répartis entre plusieurs zones de la province d'Amana. Le temps passe une fois de plus par un système de jours et de périodes de la journée, mais avec deux changements majeurs : le premier étant qu'on a l'heure précise affichée en haut à droite de l'écran et qui passe en continu (sauf en cas de pause par exemple), le second, c'est qu'il n'y a plus de limite de jours ! Vous pouvez désormais jouer autant que vous le voulez, et ce même si le jeu arrête de compter formellement au bout du centième jour. Désormais, l'histoire ne se déroule que via des événements déclenchés par des Intuitions, indiquées sur la carte par des points d'exclamation. Se rendre à l'endroit qu'indiquent ces Intuitions déclenche l'événement qui lui est lié. Le seul événement qui doit absolument arriver est le conflit entre les Fujimori et les Oka, en vue de la bataille contre Nobunaga, et c'est tout.

La carte d'Amana, qui fonctionne de manière similaire à celle des précédents épisodes, mais vous pouvez vous téléporter d'une zone à l'autre, au « prix » d'une heure, et quand vous ne combattez pas. Quand vous êtes en plein job, les événements, marqués d'un point d'exclamation, sont barrés en rouge, vous empêchant de les déclencher. C'est une bonne idée, il arrivait que certains petits boulots nous forcent à aller dans une zone « scénaristique » auparavant...

La première chose qui frappe, c'est le soin apporté à l'interface. Auparavant, tout passait par les menus, que ce soit s'équiper ou se soigner. C'était un peu lourd, et WS3 décide de fluidifier grandement le tout en utilisant habilement les touches de la croix directionnelle des manettes PS3 et XBOX 360. Le stick contrôle le déplacement, et chaque direction de la croix est assignée en raccourci à l'utilisation d'un objet, établi préalablement dans le menu principal. La touche Bas, elle, s'occupe entièrement de l'arme équipée, en appuyant dessus on change d'arme immédiatement... et en la maintenant, on passe à un style de combat à mains nues ! C'est la première fois qu'on peut jouer comme ça, c'est très bizarre puisqu'on n'a plus de garde, mais il y a des techniques uniques, notamment celle qui permet de briser un segment de durabilité d'une arme quand on l'utilise comme un contre. On peut désormais se battre également à deux sabres, même s’il faut débloquer cette capacité au fur et à mesure des parties. On pouvait le faire dans WS2, mais c'était limité aux sabres à garde normale et il n'y en avait que quatre ; là, on peut « dual-wield » toutes les armes, même si ça débouche sur une liste de commandes qui n'a rien à voir avec les armes sélectionnées.
De plus, on nous demandera assez vite de jouer les gros bras, mais sans tuer pour autant. C'est là qu'intervient une autre nouveauté, celle de pouvoir retourner son arme pour frapper du plat de la lame ! Une simple pression sur Back / Select permet d'accéder au plat (l'icône de l'arme porte alors la mention « Revers »). Très utilisée tout au long du jeu, elle ne change rien aux coups portés mais permet d'assommer la personne au lieu de la tuer, ce qui autorise des parties parfaitement pacifistes, chose impossible auparavant. D'ailleurs, s'excuser ne concerne pas que les cinématiques, puisque la touche L2 / LT est entièrement dédiée à l'action de se mettre à genoux. Là aussi, certaines situations l'exigent, mais ça sert aussi à demander pardon à un guerrier qui aurait pris un coup par erreur au cours d'une bataille. Libre à lui d'accepter ou pas, cela dit, et si la plupart rangeront leur sabre en lâchant une petite pique, d'autres en profiteront pour tenter de vous tuer...

Paradoxalement, s'excuser amène parfois votre interlocuteur à être très gêné, et peut retourner sa propre agressivité contre son sens de l'honneur. Ceci dit, la manière de jouer « pacifiste » amène à des bizarreries, comme certaines techniques de combat brutales qui ne tuent pourtant pas, puisqu'on se bat avec le plat de la lame !

Puisqu'on parle des affrontements, ils ont une fois de plus changé et opèrent une fusion étrange. On garde le Hisatsu de WS2, qui permettait donc de tuer en seul coup sur un déséquilibre, et on bazarde le reste en reprenant le « pousser-tirer » de WS1. Désormais, vos ennemis ont un petit cercle au-dessus de leur tête qui se colore en rouge s’il pousse au prochain coup, et en bleu si au contraire il tire. On peut donc déséquilibrer ou soi-même trébucher, et les dégâts infligés ensuite sont plus conséquents. L'Awase, la technique défensive du premier épisode qui consistait à mettre sa garde au dernier moment pour supprimer tout recul, est elle aussi de retour (avec la capacité d'apprendre les coups adverses) : en fait, c'est même elle qui permet de déclencher le Hisatsu. En gardant au dernier moment, si votre lame est du côté mortel et si votre adversaire est un personnage non-important, la touche A / Croix va apparaître brièvement, et appuyer dessus tue l'adversaire en un seul coup... mais ce n'est que le début ! Car à partir de là, vous entrez dans un état second, « l'Ombre de la Mort », et croiser d'autres adversaires fera apparaître une des quatre touches de façade. Appuyer sur la bonne, vite et sans erreur, vous fait effectuer un Ren-Satsu, un meurtre en chaîne. On peut enchaîner des dizaines d'ennemis en les supprimant très vite, comme dans les films où le héros n'a pas de temps à perdre avec les sous-fifres. Mais une seule erreur et vous prenez de gros dégâts... c'est pour cela qu'il est possible d'arrêter l'Ombre en se mettant tout simplement en garde.
Passer à la génération de consoles suivante a aussi permis au jeu de décupler sa taille, en termes de superficie. Une seule zone est plus grande que deux ou trois zones des épisodes PS2, ce qui procure un certain sentiment de libération, sans compter que notre personnage court bien plus vite qu'avant. Le nombre de fins a lui aussi presque doublé, passant de 12 à 22, on peut désormais stocker son argent dans un coffre-fort dans notre planque, on peut recruter des compagnons d'armes... Le jeu est grand, beaucoup plus grand qu'avant, à un point qu'au début on se sent perdu et presque pris de vertige. On peut même personnaliser la taille et la position exacte des accessoires que l'on porte ! En plus de pouvoir rire un bon coup, on peut presque se faire un guerrier sur-mesure...

Way of the Samuraï 3, c'est aussi des plaisirs simples, comme découper du sashimi avec nos techniques ancestrales, ou foutre en l'air toute tentative de mise en scène avec un maquillage de Kiss, des lunettes de rockstar et un faucon – maltais – sur l'épaule !

L'ennui avec tout ça, c'est que WS3 est aussi généreux qu'il est maladroit. Il est plein de bonnes intentions, mais s'exécute n'importe comment.

Assez vite, on sent que quelque chose ne colle pas. Les combats tout d'abord ont pris un sérieux coup dans l'aile, moins à cause des angles de caméras qui paniquent dès qu'on ne se trouve plus en extérieur sans obstacles, mais bien à cause de l'animation. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, mais Acquire s'est débrouillé pour faire des étapes d'animation moins précises que dans les épisodes précédents ! Peut-être que tout est passé dans l'agrandissement des zones, mais le mal est fait, les mouvements sont saccadés et deviennent donc très difficiles à lire, de fait on ne sait plus vraiment s’il faut pousser ou tirer, attaquer ou bloquer. On se retrouve à marteler le bouton de garde pour déclencher des Hisatsu au petit bonheur la chance (dans 99% des cas, ça marche très bien !), et à suivre le cercle rouge-bleu qui indique si on doit pousser ou tirer, au lieu d'observer et d'apprendre les comportements de ses adversaires. On dirait une réplique du jeu « Simon », mais avec deux couleurs seulement.
Le Ren-Satsu aurait pu être l'occasion de faire naître un sentiment de toute puissance, à trancher les vagues d'ennemis alors qu'on avancerait vers notre objectif telle la fatalité elle-même, sauf que là encore les caméras décident de faire n'importe quoi. À chaque coup mortel donné, un zoom est effectué et l'angle de vue est fixé n'importe comment : un coup on se retrouve dos à la caméra, un autre de face, un autre de côté... il est tout simplement impossible, quand on est dans l'Ombre de la Mort, de s'orienter. On finit par ne plus bouger et attendre que les ennemis nous arrivent dessus, et faire des QTE à la chaîne, et toute sensation de « combattre » s'envole.

Le Ren-Satsu a au moins le mérite de ne pas forcer à s'attarder sur du menu fretin, mais le jeu en devient incompréhensible. En plus, ça ne marche pas sur les combattants aguerris tels que les psychopathes qui traînent dans la rue tard la nuit, et qui veulent vous tuer tout en vénérant la beauté de vos pieds ! Ce n'est pas une blague... d'un autre côté, ce ne sont pas des malades mentaux pour rien.

L'autre souci, c'est que ce qu'il y a à faire et à connaître en dehors des combats n'est pas très intéressant non plus. Si certains jobs sont convenables, comme celui qui consiste à s'excuser au nom du clan Oka pour s'être mal conduit envers une demoiselle, la plupart d'entre eux sont mous, voire carrément mal conçus au point qu'il vaut mieux ne pas les faire du tout, ou même les rater ! En plus, ils ne paient pas beaucoup et tout ce qui est utile – ou appréciable, comme les accessoires – coûte cher chez tous les vendeurs. Il faut donc répéter en boucle les mêmes boulots ennuyeux pour avoir assez d'argent pour arriver à se payer quelque chose qui en vaille la peine.
Il y a dans ce jeu une incitation constante au farming imbécile qui m'irrite au plus haut point. Les techniques, elles aussi, mettent un temps fou à se débloquer, bien plus qu'auparavant, ce qui rend l'apprentissage inutilement long, à moins d'utiliser les parchemins de techniques, qui coûtent cher, obligeant donc à retourner travailler bêtement ! On est loin de faire des actions amusantes ou importantes, comme les assassinats de personnalités ou les livraisons de documents secrets de WS2. Là aussi, c'est une grosse déception.

« Hi Do » signifie que vous avez attaqué un innocent ! Ce sera déduit de votre score final... mais certains jobs vous amèneront à le faire. Non seulement on est mal payé, mais en plus ça empêche de débloquer du contenu en fin de partie. Et encore, je préfère ne pas parler de ce job stupide qui consiste à découper les jupes des filles sans faire de « Hi Do »...

Mais le plus gros défaut de ce troisième épisode, c'est sa structure trop grande, qui annihile toute intensité. Le fait de proposer 22 fins est louable, mais s'accompagne de tant de défauts de conception que ça ne marche pas, tout simplement. Il y a trop d'embranchements et leur enchaînement est souvent confus, peu logique, le jeu raccroche les wagons de manière très grossière, quand il n'oublie pas carrément certains aspects-clés de l'histoire en route ! Certaines parties peuvent être totalement décousues selon la manière dont on y joue, ça en devient involontairement comique... Assez vite, on suit les Intuitions sur la carte sans même plus se poser la question de savoir pourquoi un événement est censé se dérouler là, à ce moment. On fait comme dans les combats, on ne réfléchit plus, on se contente de suivre ce qui brille. On n'est plus acteur, mais simple spectateur d'un théâtre étrange et bancal.
Ce trop grand nombre de possibilités fait également une autre victime collatérale : les personnages. Replaçons le contexte : Way of the Samuraï s'inspire largement du jidaigeki, genre théâtral et cinématographique qui marche bien au Japon et qui fonctionne sur des conventions fixes. Ainsi, les protagonistes sont caricaturaux et représentent plus une fonction, une époque où une idée, que des personnes que l'on pourrait identifier comme « vraisemblables ». Des films cultes comme Rashômon, Les 47 Rônins ou encore Yojimbo en font partie, et il n'y a rien de mal à cela ! En fait, les deux premiers épisodes ne brillaient pas tant par leur histoire en tant que telle, mais par leur intensité, garantie par le temps écoulé qui était très court, plus que par l'aspect kaléidoscopique. On a une jeune fille gentille maltraitée par des voyous aux manières brutales, des dépositaires de l'ancien temps qui se raccrochent aux branches, la peur de l'étranger... Tout ça est une grande recette de cuisine où chaque ingrédient n'a pas l'air très goûteux, mais mélangez l'ensemble et vous avez le plat du chef parfait !

Shinnosuke sème le doute pendant toute la partie : est-il avec Shuzen, ou attend-il l'occasion pour le frapper dans le dos et faire renaître le clan Sakuraï ? Dans la plupart des fins, son destin est tragique... Setsuen, lui, est un personnage mystérieux, parlant par énigmes et divinations. Il est accompagné de Zaji, un puissant ninja qui se trouve être un des protagonistes d'une autre série d'Acquire, Shinobido.

Mais la manière dont WS3 est structurée se répercute forcément sur les personnages car, à trop vouloir proposer aux joueurs d'alternatives, la qualité d'écriture s'en ressent, surtout pour un petit studio avec des moyens limités. Les rares protagonistes intéressants sont noyés dans les situations fades, le reste du cast est ennuyeux et les non-dits sentent le manque de moyens à plein nez. Certaines routes où l'on choisit de s'allier avec un personnage que l'on respecte beaucoup se révèlent dès lors ratées, soit parce que la mise en scène est lacunaire, soit parce que ça se finit beaucoup, beaucoup trop vite, omettant le développement nécessaire aux personnalités pour éclore et accrocher.

Certaines fins, comme celle d'Osei ou la princesse Araragi, sont un vrai calvaire à obtenir et oblige à jouer avec un guide. C'est bête, ce sont deux des embranchements les plus intéressants... À l'inverse, d'autres possibilités, comme la route d'Itsuse au dénouement terrible, étaient très prometteuses mais gâchées par fainéantise ou manque d'inspiration. Le tragique a pourtant sa place dans le jeu vidéo, surtout dans le chambara...

WS3, ça ressemble un peu à un minestrone. C'est délicieux, il y a tout pour plaire dedans, mais le cuisiner a eu tellement peur qu'il n'y en ait pas assez pour tous les convives qu'il a rajouté des tonnes de lait. Alors oui, il y en a pour tout le monde, mais alors qu'est-ce que c'est fade... Il y a trop de tout. Tout est dilué, ça manque d'impact, de liant. Il y a des aspects de gameplay tellement mal fichus qu'on jurerait qu'ils ont été rajoutés au dernier moment suite à une idée « de génie », sans aucun test derrière. Il y a trop de gras, trop d'inutile. Et c'est un peu à ça que me fait penser WS3, à un game-designer si enthousiaste à l'idée de passer à la génération de consoles suivante, si stressé à l'idée de fournir un jeu qui n'aurait pas convenu aux attentes du joueur moderne qui veut tout (en deux fois car il a un creux), qu'il a tout balancé d'un seul coup. Toutes les idées, même les moins réalisables, ont été programmées sans le moindre souci du détail. Assez ironiquement, cela me fait penser à une situation du manga Tokyo Toybox que je mentionnais en début de dossier, où Tenkawa Taiyo, le boss du studio G3, est connu pour être un créateur génial mais absolument intenable, qui veut toujours rajouter des trucs à la dernière minute !
Tout ça pour dire que ce troisième épisode a dû passer par un développement assez bizarre, et que le résultat s'éloigne totalement de ce qu'avaient installé les deux premiers opus. D'ailleurs, beaucoup de joueurs appréciant WS3 n'aiment pas WS2 et inversement, ce qui n'est pas étonnant. Mais quoi qu'il en soit, j'ai beau m'être bien amusé avec lui, je considère ce troisième opus comme étant très inférieur à tous les autres.

Osei et Shuzen ont tous deux une relation particulière au pouvoir. La première l'a rejeté, ne comprenant pas qu'en faisant ainsi, elle l'a laissé à d'autres bien moins intentionnés qu'elles ; le second l'épouse totalement, contemplant sa propre bestialité avec un recul parfois terrifiant. S’il vaut mieux se comporter de manière prévenante avec la jeune fille, le seigneur préfère quant à lui la combativité brute, et méprise les attitudes serviles.
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