Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Aborder Way of the samuraï 3 (WS3) va, encore une fois, me poser deux problèmes pratiques. Le premier va être de situer correctement la période dans laquelle le jeu prend place. Non pas qu'elle ne soit pas indiquée puisque la notice et l'intrigue la font se situer à l'ère Sengoku, mais comme cette période du Japon est loin d'avoir été autant sujette à l'exploitation culturelle (contrairement à l'ère Edo ou Meiji), ça nous parle forcément beaucoup moins. Le deuxième problème est malheureusement l'inverse de WS2, puisque le jeu m'a beaucoup déçu. Il va m'être donc difficile d'en parler sans trop laisser transparaître ma négativité au long de ce papier, mais je tiens à ce que WS3 soit abordé de la même manière que ses frères d'autant que, malgré lui, il marque un tournant dans la saga et certainement chez Acquire eux-mêmes. En effet, le jeu sort en 2008 et c'est l'occasion pour le studio d'entrer dans la génération PS3 / XBOX 360. On connaît désormais le vieux refrain fatigué – et un tantinet démago – qui consiste à dire que « les développeurs japonais ont raté le virage new-gen », mais il est vrai que la transition s'est déroulée dans la souffrance. C'est le cas à chaque changement de génération cela dit, et nombre de studios restent sur le carreau à chaque fois, les forçant à mettre la clé sous la porte ou à être rachetés par plus gros qu'eux. Fort heureusement ce n'est pas le cas d’Acquire qui, au moment où ces lignes sont tapées, est toujours parmi nous ! Mais dans leurs cas et celui de WS3, le passage à la PS3 et à la XBOX 360 a été des plus particuliers... WS3, donc, place son intrigue aux alentours de 1560 dans la province fictive d'Amana. Le seigneur Shuzen Fujimori y règne en maître et caresse l'ambitieux projet de faucher Nobunaga en plein élan quand il arrivera d'ici quelques temps. Il est secondé par Kirie, un ninja dévoré par l'ambition, et Shinnosuke, un membre de l'ancienne famille des Sakuraï, qui a retourné sa veste. Shuzen rassemble ses forces, recrute des soldats, s'entoure de généraux féroces et sans compassion, agrandit ses armées. Mais pour cela il a besoin de fonds, de beaucoup de fonds : c'est pour cela qu'il impose des taxes de plus en plus élevées aux villageois qui ont un mal de chien à suivre le rythme. Un nombre grandissant se révoltent, les fermiers sont de plus en plus nombreux à penser que la houe peut fendre les têtes aussi bien que la terre... ...et il y a vous. Troufion au sein d'une armée dont vous avez oublié le nom, vous avez été laissé pour mort pendant la terrible bataille de Kuchihagara, la rivière qui traverse la province. Tenant à peine debout, vous êtes sauvé in extremis par les villageois de Takatane et vous réveillez chez le doyen. Autant être direct, le début du jeu n'est pas terrible. Les deux premiers épisodes présentaient au joueur un choix simple et clair, et ce dès le début de la partie : une rencontre avec une personne innocente, visiblement dans la panade. Qu'est-ce que vous faites ? C'est simpliste, grossier même, mais ça marche à merveille car ça présente tout de suite le cœur même du jeu. WS3, lui, ne vous laisse pas vraiment devant un choix signifiant, si ce n'est de refuser l'hospitalité aux villageois qui veulent vous aider à la rivière (si on refuse, on est livré à nous-même, sans être blessé...). Dans les faits ça ne change pas grand-chose et ça a beaucoup moins de prise sur le joueur que des situations pourtant cliché que peuvent être une demoiselle en détresse, ou une petite fille qui nous offre une boulette de riz alors qu'on crève de faim dans la rue. Pour ce qui est du système de jeu, plusieurs aspects du deuxième épisode sont retenus. Les améliorations d'armes par exemple restent les mêmes, avec la jauge de qualité et les estimations chez le forgeron (ils sont même deux cette fois, Dojima a ici un petit frère). Il y a toujours les petits boulots à prendre chez les courtiers, qui sont au nombre de quatre, répartis entre plusieurs zones de la province d'Amana. Le temps passe une fois de plus par un système de jours et de périodes de la journée, mais avec deux changements majeurs : le premier étant qu'on a l'heure précise affichée en haut à droite de l'écran et qui passe en continu (sauf en cas de pause par exemple), le second, c'est qu'il n'y a plus de limite de jours ! Vous pouvez désormais jouer autant que vous le voulez, et ce même si le jeu arrête de compter formellement au bout du centième jour. Désormais, l'histoire ne se déroule que via des événements déclenchés par des Intuitions, indiquées sur la carte par des points d'exclamation. Se rendre à l'endroit qu'indiquent ces Intuitions déclenche l'événement qui lui est lié. Le seul événement qui doit absolument arriver est le conflit entre les Fujimori et les Oka, en vue de la bataille contre Nobunaga, et c'est tout. La première chose qui frappe, c'est le soin apporté à l'interface. Auparavant, tout passait par les menus, que ce soit s'équiper ou se soigner. C'était un peu lourd, et WS3 décide de fluidifier grandement le tout en utilisant habilement les touches de la croix directionnelle des manettes PS3 et XBOX 360. Le stick contrôle le déplacement, et chaque direction de la croix est assignée en raccourci à l'utilisation d'un objet, établi préalablement dans le menu principal. La touche Bas, elle, s'occupe entièrement de l'arme équipée, en appuyant dessus on change d'arme immédiatement... et en la maintenant, on passe à un style de combat à mains nues ! C'est la première fois qu'on peut jouer comme ça, c'est très bizarre puisqu'on n'a plus de garde, mais il y a des techniques uniques, notamment celle qui permet de briser un segment de durabilité d'une arme quand on l'utilise comme un contre. On peut désormais se battre également à deux sabres, même s’il faut débloquer cette capacité au fur et à mesure des parties. On pouvait le faire dans WS2, mais c'était limité aux sabres à garde normale et il n'y en avait que quatre ; là, on peut « dual-wield » toutes les armes, même si ça débouche sur une liste de commandes qui n'a rien à voir avec les armes sélectionnées. Puisqu'on parle des affrontements, ils ont une fois de plus changé et opèrent une fusion étrange. On garde le Hisatsu de WS2, qui permettait donc de tuer en seul coup sur un déséquilibre, et on bazarde le reste en reprenant le « pousser-tirer » de WS1. Désormais, vos ennemis ont un petit cercle au-dessus de leur tête qui se colore en rouge s’il pousse au prochain coup, et en bleu si au contraire il tire. On peut donc déséquilibrer ou soi-même trébucher, et les dégâts infligés ensuite sont plus conséquents. L'Awase, la technique défensive du premier épisode qui consistait à mettre sa garde au dernier moment pour supprimer tout recul, est elle aussi de retour (avec la capacité d'apprendre les coups adverses) : en fait, c'est même elle qui permet de déclencher le Hisatsu. En gardant au dernier moment, si votre lame est du côté mortel et si votre adversaire est un personnage non-important, la touche A / Croix va apparaître brièvement, et appuyer dessus tue l'adversaire en un seul coup... mais ce n'est que le début ! Car à partir de là, vous entrez dans un état second, « l'Ombre de la Mort », et croiser d'autres adversaires fera apparaître une des quatre touches de façade. Appuyer sur la bonne, vite et sans erreur, vous fait effectuer un Ren-Satsu, un meurtre en chaîne. On peut enchaîner des dizaines d'ennemis en les supprimant très vite, comme dans les films où le héros n'a pas de temps à perdre avec les sous-fifres. Mais une seule erreur et vous prenez de gros dégâts... c'est pour cela qu'il est possible d'arrêter l'Ombre en se mettant tout simplement en garde. L'ennui avec tout ça, c'est que WS3 est aussi généreux qu'il est maladroit. Il est plein de bonnes intentions, mais s'exécute n'importe comment. Assez vite, on sent que quelque chose ne colle pas. Les combats tout d'abord ont pris un sérieux coup dans l'aile, moins à cause des angles de caméras qui paniquent dès qu'on ne se trouve plus en extérieur sans obstacles, mais bien à cause de l'animation. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, mais Acquire s'est débrouillé pour faire des étapes d'animation moins précises que dans les épisodes précédents ! Peut-être que tout est passé dans l'agrandissement des zones, mais le mal est fait, les mouvements sont saccadés et deviennent donc très difficiles à lire, de fait on ne sait plus vraiment s’il faut pousser ou tirer, attaquer ou bloquer. On se retrouve à marteler le bouton de garde pour déclencher des Hisatsu au petit bonheur la chance (dans 99% des cas, ça marche très bien !), et à suivre le cercle rouge-bleu qui indique si on doit pousser ou tirer, au lieu d'observer et d'apprendre les comportements de ses adversaires. On dirait une réplique du jeu « Simon », mais avec deux couleurs seulement. L'autre souci, c'est que ce qu'il y a à faire et à connaître en dehors des combats n'est pas très intéressant non plus. Si certains jobs sont convenables, comme celui qui consiste à s'excuser au nom du clan Oka pour s'être mal conduit envers une demoiselle, la plupart d'entre eux sont mous, voire carrément mal conçus au point qu'il vaut mieux ne pas les faire du tout, ou même les rater ! En plus, ils ne paient pas beaucoup et tout ce qui est utile – ou appréciable, comme les accessoires – coûte cher chez tous les vendeurs. Il faut donc répéter en boucle les mêmes boulots ennuyeux pour avoir assez d'argent pour arriver à se payer quelque chose qui en vaille la peine. Mais le plus gros défaut de ce troisième épisode, c'est sa structure trop grande, qui annihile toute intensité. Le fait de proposer 22 fins est louable, mais s'accompagne de tant de défauts de conception que ça ne marche pas, tout simplement. Il y a trop d'embranchements et leur enchaînement est souvent confus, peu logique, le jeu raccroche les wagons de manière très grossière, quand il n'oublie pas carrément certains aspects-clés de l'histoire en route ! Certaines parties peuvent être totalement décousues selon la manière dont on y joue, ça en devient involontairement comique... Assez vite, on suit les Intuitions sur la carte sans même plus se poser la question de savoir pourquoi un événement est censé se dérouler là, à ce moment. On fait comme dans les combats, on ne réfléchit plus, on se contente de suivre ce qui brille. On n'est plus acteur, mais simple spectateur d'un théâtre étrange et bancal. Mais la manière dont WS3 est structurée se répercute forcément sur les personnages car, à trop vouloir proposer aux joueurs d'alternatives, la qualité d'écriture s'en ressent, surtout pour un petit studio avec des moyens limités. Les rares protagonistes intéressants sont noyés dans les situations fades, le reste du cast est ennuyeux et les non-dits sentent le manque de moyens à plein nez. Certaines routes où l'on choisit de s'allier avec un personnage que l'on respecte beaucoup se révèlent dès lors ratées, soit parce que la mise en scène est lacunaire, soit parce que ça se finit beaucoup, beaucoup trop vite, omettant le développement nécessaire aux personnalités pour éclore et accrocher. WS3, ça ressemble un peu à un minestrone. C'est délicieux, il y a tout pour plaire dedans, mais le cuisiner a eu tellement peur qu'il n'y en ait pas assez pour tous les convives qu'il a rajouté des tonnes de lait. Alors oui, il y en a pour tout le monde, mais alors qu'est-ce que c'est fade... Il y a trop de tout. Tout est dilué, ça manque d'impact, de liant. Il y a des aspects de gameplay tellement mal fichus qu'on jurerait qu'ils ont été rajoutés au dernier moment suite à une idée « de génie », sans aucun test derrière. Il y a trop de gras, trop d'inutile. Et c'est un peu à ça que me fait penser WS3, à un game-designer si enthousiaste à l'idée de passer à la génération de consoles suivante, si stressé à l'idée de fournir un jeu qui n'aurait pas convenu aux attentes du joueur moderne qui veut tout (en deux fois car il a un creux), qu'il a tout balancé d'un seul coup. Toutes les idées, même les moins réalisables, ont été programmées sans le moindre souci du détail. Assez ironiquement, cela me fait penser à une situation du manga Tokyo Toybox que je mentionnais en début de dossier, où Tenkawa Taiyo, le boss du studio G3, est connu pour être un créateur génial mais absolument intenable, qui veut toujours rajouter des trucs à la dernière minute !
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