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Ultima Underworld II
Année : 1992
Système : DOS
Développeur : Looking Glass Studios
Éditeur : Origin / Electronic Arts
Genre : RPG
Par Tonton Ben (24 juin 2008)
L'introduction, magnifique, résume parfaitement la situation : il valait mieux loger en rase campagne que d'habiter en centre-ville, c'est fou ce que la pollution fait comme dégâts.

Il aura fallu moins d'un an à Looking Glass Technologies, ex-Blue Sky Productions, pour changer de nom, et par la même occasion sortir la suite du plus gros évènement jeu de rôles de l'année 1992 sur Pécé : Ultima Underworld II, Labyrinth of Worlds. Ressortez les torches et les runes, on repart pour une séance de spéléologie en milieu hostile !

Un titre soigné, des décors fournis et travaillés, Ultima Underworld II en met plein la vue !

Ultima Underworld, quoi qu'est-ce ? Si vous êtes en train de vous poser cette question existentielle, commençons par un peu d'étymologie : Ultima, comme la grande saga de Richard Garriott, détaillée avec soin et précision par l'ami Phyl dans son dossier, et Underworld comme le concept initié par son prédécesseur.

Là où l'abysse stygienne développait une intrigue assez indépendante de la saga, Labyrinth of Worlds nous rappelle directement aux préoccupations de l'Avatar et de Britannia depuis Ultima VII - The Black Gate, à savoir cette bonne vieille tronche de Gardien. Ce farceur a en effet, un lendemain de fête à Britannia, enfermé le château dans une espèce de cloche faite de roche noire totalement indestructible par les moyens conventionnels (bonjour le réveil gueule de bois). Toute la population du château, Avatar compris, se retrouve coupée du monde extérieur et n'a à priori aucun moyen d'en sortir.

Voici donc la gemme au cœur du dispositif maléfique...
Comme d'habitude, Lord British ne peut passe débrouiller sans vous.

Cependant, le Gardien ne peut invoquer ce genre de sort aussi simplement et le maintenir sans tirer la puissance nécessaire à l'opération de quelque part ; au fond des catacombes de Britannia, une gemme octogonale géante est apparue, et sert de téléporteur vers huit mondes bien différents qui n'ont comme point commun que d'être sous le joug du Gardien.

La quête devient rapidement claire : il va falloir visiter chacun de ces plans afin de trouver la solution au problème. Chaque monde renferme une gemme créée par écho au sort du Gardien à trouver, un endroit précis à purifier d'où le Gardien tire sa puissance. Pas mal de monde, hostile ou sympathique, peut à sa manière mener l'Avatar à la victoire, c'est-à-dire trouver le moyen de détruire cette chape de pierre noire. Ce qui nous fait, en comptant Britannia, pas moins de neuf univers différents à explorer ! L'abysse stygienne multipliée par neuf ? N'exagérons rien, chaque plan ne contient pas huit niveaux, et leur taille est bien souvent loin d'atteindre celle des souterrains de l'épisode précédent. Mais il y a de quoi découvrir, et le système de découpage facilite les voyages.

Il vous faudra de gros bras pour faire du petit bois de cette vieille branche (mais ça vaut le coup de hache).
Un des rares lieux bien éclairés dans le jeu... et bien chaud, aussi !

Un autre constat s'impose : on se sent moins seul. Même si l'abysse stygienne renfermait du monde, il s'agissait tout de même du combat de l'Avatar contre tous. Ici, l'on démarre dans les quartiers privés de l'Avatar au sein du château ; la première quête consistera à trouver l'entrée des égouts, et la clef pour y accéder. Et ce château est loin d'être vide ! Tout le casting récurrent de la série est présent : Lord British, Iolo, Dupré, Nystul, Geoffrey, Georges, Syria, Patterson, Miranda... et vont participer, plus ou moins indirectement, à la quête qui s'offre à l'Avatar. Et du monde, il y en a pas mal dans les autres dimensions ! Une fois de plus, le dialogue est la clé du succès, il faut soigneusement choisir ses termes, et bien noter les conversations. On obtient souvent tout par la douceur...

On rencontrera aussi des yétis farceurs...
... et des bestioles ridicules qui se révèleront progressivement agressives.

... et méfions-nous des apparences ! Dans Ultima Underworld II, plus que jamais, le délit de sale tronche est à bannir. De manière générale, essayez de discuter avec chaque individu rencontré qui ne cherche pas à vous trucider par tous les moyens. Il devient vite clair que les programmeurs se sont employés à casser les évidences : au-delà des rencontres plus étranges les unes que les autres, le joueur aura l'occasion de mettre en alerte toute son intuition et son intelligence dans de nombreuses situations. Les quêtes s'entremêlent, le terrain recèle de nombreux pièges, trappes, mécanismes et portes dérobées (beaucoup de pièces ne sont mêmes visibles et accessibles qu'au moyen de sorts), voire même de leviers et de systèmes purement décoratifs (j'ai passé plus de deux heures dans Talorus sur un mur rempli de boutons qui ne sert à rien), tandis que dans le château de Britannia, les esprits s'échauffent, paniquent, et se soupçonnent. L'intrigue est belle, pleine de rebondissements et d'évènements qui confèrent à tous les éléments pourtant dissociés par nature d'Ultima Underworld II une cohérence prenante et passionnante. Même si la progression est conditionnée par des déclenchements d'évènements précis, ceux-ci sont suffisamment bien sélectionnés et répartis pour donner l'illusion d'un univers vivant, sans jamais tomber dans une linéarité rébarbative. L'ajout du château de Britannia, et la construction du jeu autour du téléporteur central sont un plus indéniable par rapport à Ultima Underworld premier du nom, cassant l'éventuelle monotonie des enchaînements d'actions.

Ne vous fiez pas aux apparences ! Ce démon ne veut pas vous faire un gros câlin...
... alors que cette colonie d'araignées géantes n'a aucune intention belliqueuse.

Et les combats ? Il va falloir se friter pour sauver Britannia, mais là encore, le dosage est parfait. Si l'on commence l'aventure par une forte sensation de difficulté, il est obligatoire que les premières rencontres soient faites pour mettre la pression au joueur, et pour l'empêcher d'aller voir trop vite dans certains lieux. Les sous-sols de Britannia seront l'occasion de nombreuses visites complémentaires pour nettoyer totalement le terrain des malfaisants, au fur et à mesure de la montée en puissance de l'Avatar. On est loin du schéma cliché j'avance/je tue/je cartographie/je passe à l'étage suivant. De toute façon, encore une fois, il est très rare d'engager le combat, on dégaine quasiment toujours sous le coup de l'agression adverse ; le dosage action/dialogues est différent selon chaque univers. La Goblin Prison, par exemple, peut être entièrement réglée par le dialogue (un autre se chargera du nettoyage à votre place) ; en revanche, dans les Pits of Carnage, tout le monde ou presque vous cherchera des noises (en duel dans des arènes, rien que ça). La Scintillus Academy, elle, mettra l'accent sur le terrain et les défis qui l'accompagnent (ne jamais se jeter tête baissée dans un mécanisme incompris). D'autres demanderont d'abord de la diplomatie, puis des muscles. C'est génial !

Bienvenue dans l'Ethereal Void, le monde des rêves...
... où l'on a une certaine tendance à se moquer des autres jeux.

Les aficionados du premier épisode ne seront pas dépaysés, Ultima Underworld 2 est sorti trop rapidement après son prédécesseur pour proposer des réformes profondes. Néanmoins, les ch'tis gars de Looking Glass Technologies ont amélioré certains points pour notre plus grand plaisir. Ainsi, la fenêtre de jeu s'est agrandie de façon significative, le menu de gauche étant venu se coller en bas à droite. Les graphismes paraissent plus fins et son bien plus variés, certains mondes frisant la prise de drogue hallucinogène. La cartographie automatique annotable remplira toujours le joueur de joie, et se montre tellement indispensable que certains niveaux la désactiveront histoire de corser l'affaire. Le moteur du jeu est toujours aussi impressionnant, de nombreux bugs d'affichages ayant été corrigés. Quant à l'ambiance sonore, le rendu Adlib constitue peut-être le point faible de l'affaire, même si les merveilleuses mélodies d'Ultima Underworld II viennent illustrer parfaitement l'aventure. Un autre grief concerne la gourmandise du jeu en termes de puissance ; Origin, fidèle à sa réputation et à ses habitudes, nous offre une merveille ludique nécessitant une bête de guerre pour profiter du jeu en pleins détails (486 DX2 66 recommandé). Et comme il s'agit d'une exclusivité Pécé, il n'y a que deux alternatives : casser sa tirelire ou sacrifier quelques détails graphiques comme les textures du plafond, du sol ou des murs (voire des trois à la fois pour les plus démunis) pour explorer l'Underworld sans trop de saccades.

UW II, à l'instar des autres titres d'Origin, est surtaillé pour la plupart des Pécés vendus en 1992. Les configs les plus faibles devront jouer avec des degrés de détails inférieurs.

En un mot comme en cent, Labyrinth of Worlds transforme l'essai et transcende l'expérience engagée avec The Stygian Abyss. Suffisamment longue pour tenir en haleine, délicieusement saupoudrée de surprises, la quête interdimensionnelle de l'Avatar pour la liberté de Britannia est à ne rater sous aucun prétexte !

Tonton Ben
(24 juin 2008)
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