Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par MTF (03 avril 2016)
Malgré leurs patronymes, Ron Gilbert et Dave Gilbert ne sont point parents ; mais c'est là un heureux hasard de l'existence. Je m'en vais vous parler ici d'une compagnie récente, Wadjet Eyes Games et d'un de leurs derniers projets : Technobabylon. Il y a là quelque chose de très excitant pour le joueur que je suis : j'assiste, maintenant adulte, à un nouvel âge d'or du jeu d'aventure type point'n click, et je ne parle pas seulement des projets récents tels les Runaway. Cette compagnie nouvelle, car créée en 2006 à peine, s'est en effet spécialisée dans un genre et un style qui fleurent bon les Monkey Island, les Dig, les Gobliiins et consorts, tout en pixels et en VGA. I'm sorry, Dave...Notre histoire prend place en l'an 2087. L'humanité, et le monde tels que nous les connaissons, changèrent des plus brutalement : plusieurs guerres nucléaires reconfigurèrent durablement les relations géopolitiques, la surpopulation a entraîné une raréfaction des ressources et la pollution n'est plus un problème, mais plutôt un paramètre dont il faut, hélas ! tenir compte. Il faut relever néanmoins quelques bons côtés dans ce sombre univers : l'Internet a laissé sa place à un réseau surdéveloppé, le « Trance » dans lequel on peut se plonger du moment que l'on a accès à une connexion aux nanomachines omniprésentes, et un super-ordinateur d'un genre nouveau, « Central », se charge sans mal de la gestion de la cité que nous serons amenés à parcourir, la ville de Newton. Technobabylon fut, avant Resonance, à l'origine une série de jeux flash, développés entre 2010 et 2011 par Technocrat Games. Dix épisodes étaient prévus initialement, trois virent le jour avant un étouffant silence radio. Le projet fut repris par la compagnie de Dave Gilbert, poli, amélioré jusqu'à aboutir à ce jeu que je juge être l'un des meilleurs représentants du genre. Ici, en plus de Latha, nous dirigerons rapidement également le Dr. Charlie Regis, un ancien chercheur qui participa à la création du super-ordinateur dont je parlais plus haut et qui devint, par la force des choses, policier au service de la ville, et sa compère le Dr. Max Lao, plus jeune mais tout aussi compétente. Charlie sera volontiers le plus atypique de cette galerie de personnages dans la mesure où il ne possède pas une connexion au Trance ou des nanomachines lui permettant d'infiltrer les machines l'entourant : c'est là, effectivement, la grande idée de Technobabylon. Get nuuuuked'on!À la vue des images de l'article, je me doute que vous avez dû vérifier à deux fois les dates données. Si ce n'était, effectivement, quelques effets en trois dimensions savamment dissimulés ou l'une ou l'autre lumière bien trop régulière pour être animée à la main, on jurerait avoir sous les yeux un titre contemporain de Day of the Tentacle. Le rendu est absolument bluffant, et la tendresse avec laquelle les sprites, énormes !, sont animés laisse pantois. Les mouvements sont naturels, exquis, nombreux ; les couleurs, malgré l'univers, sont splendides et resplendissantes. Enfin, et comme pour faire un pied-de-nez à l'âge d'or de (feu) Lucas Arts, les dialogues sont souvent émis par des portraits agréablement dessinés, changeant d'expression avec les propos d'une façon, encore une fois, absolument étonnante. Jamais le VGA, ou du moins le « VGA-like » n'avait été aussi réussi : Resonance était déjà beau, mais la résolution augmentant a su réellement rendre justice à ce travail graphique d'une grande précision. Malgré ce panégyrique, il y a peut-être ci et là quelques défauts qu'il me faut, en toute honnêteté, rapporter même s'ils n'ont finalement que peu entaché le plaisir que j'ai pu avoir à parcourir le titre. Tout d'abord, même si j'ai trouvé que c'était là une des grandes qualités de l'écriture, tout l'univers du jeu se découvre en creux, en lisant le flux de nouvelles accessible dans le Trance, en discutant avec les personnages ou en parcourant les écrans omniprésents. Les flashbacks, réguliers, nous en apprennent davantage sur le passé des protagonistes que sur cette ville que nous parcourons en long et en large : il nous faut alors reconstituer le puzzle petit à petit, et même si l'on peut avoir comme une vague idée de l'ensemble, il est encore de nombreux points aveugles et de zones d'ombres qui ne seront, sans doute, jamais éclairés. Cela m'a énormément plu, j'aime à ce qu'un univers me résiste et reconstruire, par l'imagination, ce que l'on ne me montre point, mais je conçois que cela ne plaira pas à tous. You all need some redemption!Technobabylon est un excellent titre : beau, intelligent, intéressant, on en redemande volontiers une fois le générique de fin atteint. Hélas, il est dommage de constater que sa rejouabilité est quasi nulle : bien qu'il y ait deux fins distinctes, et deux variations à celles-ci, elles se débloquent dans les derniers instants de l'aventure ; et on regrettera alors, si ce n'est à quelques endroits qui laissent au joueur le choix de la voie à suivre, d'être ainsi sur des rails. Il faut vraiment prendre la chose comme un bon roman d'anticipation, avec ce qu'il faut de considérations sur la robotique, l'intelligence artificielle et la nature humaine, et on sera heureux d'y revenir quelques années plus tard, une fois les détails oubliés, pour retrouver le Trance et Central et espérer, il le faut !, des lendemains meilleurs. Un avis sur l'article ? Une expérience à partager ? Cliquez ici pour réagir sur le forum (13 réactions) |