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Split Personalities
Année : 1986
Système : Amstrad CPC, C64, ZX Spectrum
Développeur : Ernieware
Éditeur : Domark
Genre : Puzzle
Par Lyle (10 mai 2003)

En anglais, on dit d'un individu qu'il a une "split personality" quand celui-ci change d'humeur d'une manière si abrupte qu'il paraît souffrir d'un dédoublement de personnalité. Pourtant, il n'est ici nullement question de schizophrénie. Split Personalities, sorti sur Spectrum, CPC et Commodore 64, vous propose de recomposer le portrait de célébrités d'horizons divers morceau par morceau. Cet habile jeu de mot n'est pas le titre original du logiciel : celui-ci devait à l'origine être intitulé Splitting Images, en référence à un programme satirique diffusé en Grande Bretagne dans les années 80. Ce programme, dont le nom exact était Spitting Image (portrait craché en français) mettait en scène des marionettes représentant des personalités politiques - Thatcher en était l'une des principales vedettes - tout à fait à la manière de nos Guignols de l'info nationaux. Suite à des histoires de droit, Domark fut contraint de renommer le jeu juste avant sa sortie. Deux ans plus tard, en 1988, l'éditeur sortit cette fois une adaptation directe du show, sans grand intérêt.

Le scanner apporte une aide précieuse
Attention à ne pas se mélanger les pinceaux !

Le principe de Split Personalities semble avoir été inspiré du taquin. Qu'est-ce que le taquin ? C'est un jeu de réflexion centenaire dont on attribue la paternité à Samuel Loyd. Dans les années 1870, cet Américain, féru d'échecs et inventeur de nombreux jeux mathématiques, pose le problème suivant : dans une surface carrée composée de 16 cases, il faut parvenir à permuter les cases numérotées 15 et 14. L'emplacement de la dernière case en bas à gauche est vide, ce qui permet de faire glisser les cases une à une. Nombreux sont ceux à s'être acharnés sur l'énigme, sans succès : les mathématiciens ont depuis démontré que l'inversion des deux nombres est tout simplement impossible. Bien qu'insoluble, le problème pose à lui seul les bases du taquin.

Les nombres ont ensuite cédé la place aux morceaux d'une image qu'il faut reconstituer, objectif identique à celui de Personalities. Mais en fait, les similitudes entre les deux jeux s'arrêtent à peu près là. Comme nous allons le voir, le jeu de Domark exige plus d'improvisation et de rapidité que de réflexion. Il s'agit moins de permuter des cases - Les mouvements ne sont pas limités par un unique emplacement vide comme dans le taquin - que d'en organiser méticuleusement la disposition.

On commence la partie en faisant jaillir des morceaux de portrait du coin supérieur gauche de l'écran. Puis, à l'aide d'un curseur multicolore, on déplace les pièces pour les disposer à l'endroit requis. Le scanner à droite l'écran fournit une aide vitale : il indique le bon emplacement pour chaque pièce. Il n'est ainsi pas indispensable de connaître le portrait pour progresser. Ce coup de pouce est le bienvenu compte tenu de toutes les contraintes imposées par le principe du jeu. Tout d'abord, quand on décide de déplacer une pièce, on ne peut l'arrêter dans son mouvement. Comprenez par là qu'elle doit rencontrer un obstacle pour s'immobiliser. En fait, vous propulsez une pièce dans une direction choisie plus que vous ne la déplacez. Cet aspect du jeu est capital car il oblige le joueur à se servir des autres pièces et des murs qui délimitent l'aire de jeu pour disposer un morceau à l'endroit désiré, et ainsi reconstituer le portrait.

Le premier portrait, celui de Reagan
Les objets parasites encombrent l'aire de jeu

En plus des pièces de portrait que vous faites jaillir au hasard, vous pouvez aussi tomber sur des parasites, c'est-à-dire des objets ayant pour seul but d'encombrer l'aire de jeu déjà très étroite. C'est là qu'interviennent les portes placées le long de certains murs. Celles-ci s'ouvrent et se ferment plus ou moins régulièrement, et permettent de se débarasser soit de ces objets parasites, soit d'une pièce que l'on ne peut pas encore mettre à sa place à ce stade de la reconstitution. D'une manière générale, les portes permettent de " décongestionner " le traffic de pièces et il faut bien vite s'habituer à leur rythme d'ouverture, capricieux et différent d'un niveau à l'autre. Elles sont salutaires dans le cas le plus redoutable, quand par malheur vous faites jaillir une bombe dont l'explosion, si vous ne l'avez pas tout de suite évacuée, vous coûte à chaque fois une vie. Mais vous pouvez aussi éteindre la mèche de la bombe en utilisant un robinet, avec à la clé un bonus au score.

Le second portrait, celui de Thatcher
Neil Kinnock, et une décharge électrique

Ce n'est pas tout. Sur certains murs, vous remarquerez parfois de petites fissures. Si vous envoyer un morceau de portrait sur l'une d'entre elles, il sera renvoyé aussi sec, dans la direction opposée, par une décharge électrique. Pour disposer un morceau à même une fissure, vous n'avez pas d'autre choix que de la contourner en longeant un mur. Le problème, c'est que dans les niveaux avancés ces fissures se multiplient et changent de place en permanance. Et comme en plus le temps joue contre vous, ce genre de manipulations vous coûte de précieuses secondes. Comptez bien entendu sur la difficulté de Split Personalities pour aller crescendo : ce qui est amusant au début devient rapidement stressant. Comme dans un Tetris moyen, le réflexe finit par devenir aussi important que la réflexion, car il faut manier le curseur à une vitesse impossible et certaines erreurs de manœuvre ne pardonnent pas. Pour ajouter encore au stress, le son émis par le curseur casse les oreilles et une petite musique enfantine se moque de vous à chaque fois que vous perdez une vie.

Clive Sinclair, et le logo de sa marque au second plan
Une bombe est sur le point d'exploser

Mais au bout du compte, si Split Personalities est aussi addictif, c'est parce qu'il vous force en permanance à improviser. Etant donné que l'on reçoit les pièces dans un désordre absolu, il est assez difficile de trouver une méthode miracle pour chaque portrait. Il y a bien quelques consignes élémentaires à suivre : mettre les bonnes pièces de côté jusqu'à pouvoir les placer au bon endroit, tout en veillant à ne pas encombrer certains passages vitaux. Il faut aussi s'organiser pour pouvoir se débarasser immédiatement d'une bombe dont la mèche se consume de plus en plus vite au fur et à mesure des niveaux, en espérant qu'il y ait une porte de sortie disponible au bon moment. Finir Split Personalities n'est pas impossible mais il faut quand même pas mal s'acharner dessus...et surtout résister à la tentation de s'en prendre au matériel. Encore un titre à proscrire pour les joueurs trop impulsifs !

Il faut apprendre à se servir des portes

Il reste à parler des sujets des portrait. Beaucoup des personnalités rencontrées sont en quelque sorte des " icônes " des années 80, ou tout du moins y ont joué un rôle prépondérant dans leur domaine respectif. On trouve Ronald Reagan, Margaret Thatcher ou le travailliste Neil Kinnock, les deux acteurs majeurs de l'industrie informatique que sont Lord Clive Sinclair et Alan Sugar, et enfin Charles et Diana. Seul le portrait de Marilyne Monroe n'a pas grand chose à faire dans la galerie. Dernier détail assez amusant, les symboles idéologiques auquels font référence les objets parasites. Certains d'entre eux sont " antinomiques ", ce qui vous permet de vous en débarassez en les envoyant l'un vers l'autre (plutôt qu'en les évacuant par une porte). Par exemple, dans le niveau de Reagan un objet représentant un doigt pressant un bouton en annule un autre représentant un champignon atomique. Dans le niveau de Maggie Thatcher, le " Tory " (le parti conservateur en Grande Bretagne) annule le " Labour " (le parti travailliste)...

Les versions Commodore 64 et Spectrum

Avec son gameplay aussi diabolique qu'intact, Split Personalities captive, amuse, enrage et laisse au bout du compte un très bon souvenir vidéo-ludique. A essayer.

Lyle
(10 mai 2003)
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