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Space channel 5 - la série
Année : 1999
Système : Dreamcast ...
Développeur : United Game Artists
Éditeur : Sega
Genre : Rhythm game
Par Julenstein (19 mars 2007)

Histoire de marquer les esprits, la Dreamcast avait besoin pour son lancement d'une personnalité forte, d'un personnage qu'on pourrait aisément promouvoir, capable de faire frissonner les femmes et les hommes du monde entier. Ce personnage, c'est Ulala. Sortie de l'imagination de Tetsuya Mizuguchi, célèbre pour des jeux tels que Sega Rally Championship, Rez, Lumines ou Meteos, l'héroïne de Space Channel 5 jouit d'un charisme qu'ont peu de personnages de jeux vidéo grâce à un physique, soyons francs, avantageux et un caractère, pour reprendre les mots de la belle, « funky ».

Tetsuya Mizuguchi : le monopole du bon goût...

Ulala devient vite très populaire et l'ambiance vintage dégagée par les différents clips et trailers du jeu attisent la curiosité des gamers et du grand public, au Japon du moins. Tout ce qui touche à Space Channel 5est inutilement design, de la valisette orange fluo en latex à la pochette du CD de démonstration aux multiples façades. Space Channel 5 est même parodié dans une publicité japonaise pour des serviettes anti-humidité. Malheureusement, aussi « moe moe » soit Ulala et malgré deux épisodes de ses aventures, l'héroïne de l'UGA ne remplace pas l'indétrônable Lara Croft dans le cœur du grand public en terme de représentante de la gente féminine vidéoludique. Et pourtant...

« Hello, space cats! »

Space Channel 5
1999 - Dreamcast, puis Playstation 2

« I feel so... funky! »

Dans un futur proche, des Moroliens débarquent au Space Port 9 (un aéroport spatial) pour forcer les gens à danser. Ulala, célèbre reporter de la chaîne Space Channel 5, un des plus puissants canaux télévisuels de l'espace, est réquisitionnée pour mener l'enquête. Sur place, pourtant, tout n'est que chaos et Ulala n'a d'autre choix que d'aider les victimes des Moroliens grâce à son pistolet laser - tout droit sorti de la science-fiction des seventies - et de ses supers pas de danse !

L'ambiance de Space Channel 5est délicieusement vintage, avec du fluo en veux-tu en voilà et des ennemis, des décors et des objets aux silhouettes loufoques. Le tout baigne dans un ridicule assumé, que ce soit la démarche d'Ulala après avoir raté une séance de danse ou les positions bidon que prennent les Moroliens dans les phases de shoot. Vous aurez le droit tout au long des quatre niveaux aux commentaires de Fuse, qui peut communiquer avec vous grâce à votre oreillette.

Pourtant, on se prend à l'histoire de Space Channel 5 tant la mise en scène est réussie et les personnages attacheurs (en passant par Jaguar, le beau gosse spatial à Pudding, la cruche de service). Il n'est d'ailleurs pas rare de se surprendre à tapoter du pied ou balancer la tête pendant les parades de nos danseurs virtuels, grâce à un gameplay addictif assimilable en quelques secondes par les plus mauvais des joueurs.

« Nice dance, Ulala! »

C'est tellement simple de décrire le gameplay de Space Channel 5. Comme dans tout rhythm game qui se respecte, il s'agit de produire une combinaison de touches. Sauf que contrairement à Parappa the Rapper, par exemple, où il fallait appuyer sur les bons boutons aux bons moments (en suivant un « fil » visuel), il faut dans Space Channel 5 écouter et mémoriser la combinaison de touches produite à l'écran par les Moroliens et la refaire au pad, rythme compris, au signal. Ce choix a été pris par Mizuguchi lui-même qui trouvait dommage que le joueur n'ait pas les yeux rivés sur l'action mais braqués sur le « fil » des touches à entrer.

Il y a, en gros, six commandes possibles : up, right, left, down, shoo (chu dans le version occidentale) et shoot. Dans les séquences de danse, on ne peut employer que le shoo en appuyant sur le bouton A. Dans les séquences de tir en revanche (qui se jouent tout à fait de la même manière que celles de danse), il faut appuyer sur A pour tirer sur un Morolien et sur B pour sauver un hypnotisé avec son tir à cœur. À condition d'avoir le rythme dans la peau, le principe du jeu est assimilable en seulement quelques secondes de jeu.

On aura remarqué au fil des titres l'obsession de Mizuguchi pour la synesthésie (la synthèse des différents sens). Aussi Space Channel 5 en est un bon exemple, puisque les prouesses des joueurs auront une influence directe sur le son et le visuel : la parade d'Ulala et de sa troupe sera triomphale en cas de succès ; à vous les dissonances et les pas hasardeux en cas d'échec.

Vous n'avez qu'un nombre limité d'erreurs par séance de danse ou de tir, matérialisé par un certain nombre de cœurs. Le score, lui, est représenté par l'audimat qu'il faut bien sûr faire enfler grâce à vos pas de danse justes et harmonieux. Une fois au bout, on débloque un second tour, plus difficile, avec des parcours alternatifs et toujours quelques bonus agréables à débloquer.

Réalisation millimétrée

Dans ce genre de jeu, la musique a intérêt à être de bonne facture. Ne doutez pas de celles de Space Channel 5 qui sont tout simplement phénoménales. Croyez-moi, elles resteront gravées dans votre tête un très long moment, et vous les remettrez instantanément dans les soirées « blind test » tant elles ont de la personnalité. Pour donner de plus hauts titres de noblesse à l'ambiance du titre, tous les dialogues ont été doublés avec beaucoup de talent.

Le plus étrange reste la réalisation du visuel puisqu'elle mélange des scènes cinématiques pour les décors à des modélisations en 3D pour les personnages et objets. Il faut donc le prendre comme un Biohazard où les plans fixes auraient été remplacés par des scènes cinématiques, ce qui est tout à fait possible puisque le joueur ne contrôle pas directement Ulala. Le rendu est loin d'être mauvais mais la quantité très limitée d'un GD-Rom (un petit giga à peine) réduit grandement la qualité de ces vidéos et la durée de vie de manière plus générale.

Le brouillon

Space Channel 5 se serait suffit. Pourtant, le degré d'excellence de sa suite met en évidence ses nombreux défauts et relègue ce premier opus, pourtant fort bien accueilli, au rang d'épisode brouillon, de premier essai en quelque sorte.

Space Channel 5 part 2
2001 - Dreamcast, Playstation 2

Ça recommence. Quelques années après la libération de la galaxie par la reporter aux dance moves les plus funky Ulala, une nouvelle menace et folie de la danse s'abat ici et là. Plus de Moroliens pour vous jouer de vilains tours puisque ce sont maintenant les robots de l'étrange méchant en vinyle (ben oui...) qui forcent quiconque les croise à danser comme un clubber ! Tout un programme, à nouveau. Redite du premier épisode, me dites-vous ? Pas tout à fait...

Space Channel 5 : Épisode II

À peine deux ans après Space Channel 5 sort Space Channel 5 Part 2. C'est avec une certaine impatience que la suite est attendue par les fans, même si les suites de ce genre de titres apportent leur lot de craintes : difficile d'innover avec un gameplay aussi minimaliste. L'idée était donc de varier les situations et d'épuiser au maximum la corde plutôt que d'en faire des tonnes niveau commandes.

Quelques subtiles nouveautés sont apportées au gameplay : l'ajout d'un bouton « Hey! » en appuyant sur B. Ainsi, les séries alterneront les shoo et les hey, à vous de ne pas vous emmêler les pinceaux. Dans les phases de tir, le « Hey! » sert, comme dans le premier épisode, à sauver les victimes. Autre ajustement très pertinent : certaines séquences où il faut rester longuement appuyé sur une touche ont été ajoutées. Voici un exemple tout simple pour vous faire comprendre : « left, right, left, right, doooooooooown, shoo! » Vous comprendrez sans peine que la pression sur la flèche du bas sera plus longue. Enfin, un petit détail intéressant, des Moroliens sont cachés pendant les niveaux et appuyer sur A au bon moment pendant une cut-scene rapporte de l'audimat.

Quelques petits défauts ont été réglés ici et là. Ainsi, après avoir joué à Space Channel 5 Part 2, on se rend compte qu'Ulala manque de flexibilité dans le premier opus. Elle répond bien plus rapidement dans ce deuxième volet et les petits temps de latence perceptibles avant ont ici complètement disparu. On débloque toujours un second tour une fois au bout et on débloque toujours divers petits secrets, notamment une garde-robe alternative (et très étoffée !) pour Ulala.

Réalisation d'orfèvre

La réalisation fait également un bond en avant avec l'abandon des décors en scènes cinématiques au profit d'environnements en full 3D. Le tout n'est que plus cohérent, plus fin aussi et les mouvements de caméra sont mieux rendus. Les animations sont beaucoup plus souples et les chorégraphies très travaillées. On sent vraiment une patte artistique très minutieuse derrière ce visuel toujours aussi déjanté.

La bande son ne fait pas défaut à celle du premier épisode, d'ailleurs certains thèmes en sont repris et remixés pour l'occasion. Là encore, on frôle le sans faute avec des chansons, des solos d'anthologie et un doublage particulièrement soigné.

Grand spectacle

Comme dit plus haut, les situations de Space Channel 5 Part 2 sont beaucoup plus variées qu'avant, et chaque scène est bien discernable de toutes les autres. On retient bien des passages d'anthologie, trop nombreux pour être tous cités : parmi eux, un « guitar battle » contre Pudding au milieu d'une fontaine, un « drum battle » pas moins démoniaque contre la Space Police ou encore la fameuse scène du « réveil » de Space Michael !

Tout est mis en scène de manière incroyable et on se sent perpétuellement devant une comédie musicale de très bon niveau. Les chorégraphies sont magistrales et j'en reviens encore à cette scène du troisième niveau où Ulala et Space Michael se donnent en spectacle. Encore une fois, on ressent très fort la synesthésie qu'a essayé de mettre en œuvre Mizuguchi avec brio, le visuel, le son et le gameplay ne faisant plus qu'un. On se prend au jeu et on ne manque pas de donner le rythme in real life.

La trame prend une toute autre dimension avec des personnages plus « travaillés », ou du moins mieux mis en scène puisque leurs backgrounds respectifs sont aussi fins que du papier à cigarette. Notamment, encore et toujours lui, Space Michael qui devient un personnage principal (il n'était qu'un guest dans le premier opus) et ses incroyables mouvements (j'adore la vision conférence à la fin du niveau 3 où il prend des positions pas possibles). Bien sûr, on ne s'attend pas à du Shakespeare, mais vous aurez droit à quelques petites surprises.

Les niveaux sont construits de façon à ne jamais s'essouffler : mieux encore, un crescendo émotionnel est opéré dans chacun d'eux. Attendez-vous à être transcendé par des boss tous plus impressionnants les uns que les autres. À nouveau, une exécution parfaite avec des chorégraphies démentielles vous scotchera au canapé... Du très haut niveau, un hit intemporel, tout simplement.

« Perfect, Ulala! »

On ne reste pas de marbre devant Space Channel 5 Part 2. C'est un jeu unique en son genre qui surpasse son prédécesseur à tous les niveaux. Difficile de ne pas se montrer élogieux devant ce spectacle musical. On parle souvent de Rez comme une expérience rare et singulière dans le jeu vidéo. Space Channel 5 Part 2en est une autre et démontre toute l'étendue du savoir-faire de l'UGA...

Après ce coup de génie, ce tableau de maître, l'UGA a subi comme bien des studios la réorganisation de Sega. Plus rien, donc, depuis la mort de la Dreamcast. En 2002, la série connaît un électrochoc avec un remake du premier opus sur GBA, connu sous le nom de Space Channel 5: Ulala's Cosmic Attack. Je n'en dirai pas un mot tant il est laid et loin de l'original en terme de qualité... Puis Tetsuya Mizuguchi quitte Sega quelque temps après pour former son studio. En attendant, Ulala reste sur la touche. Quelques développeurs de l'UGA se sont déplacés dans les studios de la Sonic Team et il ne paraît pas impossible, un jour où on cherchera de vieilles licences à recycler, qu'un Part 3 fasse son apparition. En attendant, la série est morte aussi vite qu'elle est née, au bout de deux ans à peine, mais de quelle manière !

« Ulalaaaaaaaa, arigatoooooooooo! »

Julenstein
(19 mars 2007)
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