Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par MTF (31 décembre 2012)
En
1996, SquareSoft prouva qu'il était possible d'utiliser l'univers
chatoyant de Mario pour construire un
jeu de rôle, et même d'en faire un jeu intéressant,
cité encore aujourd'hui parmi les titres les plus marquants
de la Snes pour son humour, ses graphismes
ou, bien évidemment, son ambiance globale, entre sérieux
et grandguignolesque. Il sera resté, cependant, pendant très
longtemps une énigme pour les joueurs européens, n'ayant
jamais été localisé sur le vieux continent. Quatre
années plus tard, Intelligent Systems, alors surtout connu
au Japon pour la série des Famicom Wars (devenu
Advance Wars par chez nous) et des Fire Emblem
s'essaie à l'exercice sous le nom de Paper Mario,
un jeu qui porte une place toute particulière dans mon cœur.
Malheureusement, il aura quelque peu souffert du « syndrome
Super Mario RPG »,
et ne sera pas des plus connus ni en Europe, ni ailleurs : sa date
de sortie, aussi tard que 2001, en fait l'un des tous derniers jeux
de la N64, sorti quelques mois à peine avant la Game
Cube - au Japon, cela se compte en semaines... -, ce qui explique
alors par conséquent son statut confidentiel. Ça ne fait pas un pli !Si
SquareSoft a voulu construire, jadis, une histoire originale en faisant
même en sorte que les anciens ennemis, Mario et Bowser, s'allient
contre une menace commune, Intelligent Systems décide de tout
remettre à plat : et notre histoire commence, le plus simplement
du monde, avec une fête donnée au château de Peach.
Mais alors que les festivités commencent, voilà le vil
Bowser arriver avec son ULM à face de clown, directement issu
de Super Mario World,
et qui décide de faire du rififi. Un combat fort connu s'enclenche,
mais Bowser a, cette fois-ci, bien préparé son coup
: il a volé un sceptre magique lui conférant une invincibilité
absolue. Et Mario, pour la première fois, de mordre la poussière...
Quoi qu'il en soit, l'intrigue que je vous ai présentée sera surtout un prétexte pour faire voyager le joueur au sein de plusieurs environnements distincts comme autant de « mondes », ici appelés « chapitres » : le but de Paper Mario, comme vous le voyez déjà sur les captures d'écran et comme j'y reviendrai, est de présenter un univers fait de papier et de carton, comme ces livres d'images qui se développent lorsqu'on ouvre leurs pages et révèlent de petites figures, des maisons et des personnages comme surgissant du papier. De là, il n'est pas curieux que le jeu reprenne à son compte cette mythologie de la Littérature, avec résumés, chapitres et tout ce qui s'en suit. Comme on peut l'attendre d'un jeu de rôle, ces différents chapitres sont on ne peut plus variés et vous surprendront souvent par leur originalité : ce seront ainsi des plaines, des volcans, des steppes enneigées ou des îles tropicales qui vous attendront au fur et à mesure de votre périple. La construction en elle-même de ces chapitres ne variera cependant guère : il ne s'agira que d'une ligne droite où l'on traversera différents tableaux, jusqu'à atteindre un village où, généralement, un évènement scripté se déclenchera : il faudra alors soit revenir en arrière pour explorer un nouveau chemin, soit poursuivre plus en avant, dans tous les cas atteindre un donjon labyrinthique et vaincre un des gardiens des sages étoiles pour le libérer, revenir au hub et ainsi de suite jusqu'à atteindre le château de Bowser. L'art de ne pas froisser les joueursAu
début de son développement, Paper Mario
était connu sous le terme « Super Mario RPG 2 ».
Le titre a changé, sans doute d'une part du fait de la « rupture »,
du moins provisoire, entre Square et Nintendo à l'époque,
d'autre part avec à l'esprit la localisation européenne
du titre qui aurait pu déstabiliser celles et ceux qui n'auraient
jamais entendu parler du premier épisode. Malgré cette
considération onomastique (NDchatpopeye : comme disait
Lennon) cependant, il n'est cependant pas anodin de placer cet
épisode dans la même continuité que Super
Mario RPG car il partage un grand nombre de points communs
ou, plutôt, Paper Mario reprend à son
compte un certain nombre d'éléments instaurés
par son ancêtre tout en s'en démarquant légèrement.
Les
scènes de plateformes, tout d'abord, jouissent surtout de la
transition entre environnement en 3D isométrique et 2D à
plusieurs plans - comme un Double Dragon
: et si l'on devra encore sauter sur divers éléments
ci et là, le jeu utilise énormément les effets
d'optiques pour dissimuler ses passages secrets, en proposant par
exemple un passage dérobé derrière un mur que
l'on croyait plein mais qui est composé de deux éléments
juxtaposés l'un devant l'autre, et il est plus aisé
de se repérer dans les décors. Prétexte du papier
aidant, il faudra également parfois activer des interrupteurs
dissimulés ci et là pour développer des escaliers
et des portes qui se déplient ou qui sont « arrachés »,
ouvrant alors de nouveaux chemins ou créant des raccourcis
divers. Copie-carboneLes scènes de combat, en revanche, composent le cœur du jeu et parviennent même à rendre, pour cette raison, les combats de boss particulièrement longs et épiques. Ce sont des combats en tour par tour traditionnels : au début du tour, Mario agit, puis son compagnon actuel s'il en possède un, puis les ennemis. J'ai déjà évoqué les « commandes action », donc je passe sur celles-ci.
À
ceci vient s'ajouter une composante de position : les ennemis sont
en effet arrangés en ligne, et de même, si un saut parviendra
à atteindre n'importe lequel d'entre eux, le marteau ne peut
frapper que le premier ennemi de la rangée ce qui, en association
avec les données précédentes, ajoute encore au
côté « stratégie » de certains
combats. Afin
de se sortir de ces situations inextricables, des objets aux effets
divers pourront être utilisés - blocs POW, moutons
qui endorment, autres objets qui baissent la défense de l'ennemi
ou augmentent votre attaque - et, surtout, il faudra faire appel à
des attaques spéciales que Mario débloquera au fur et
à mesure du temps. Pour finir ce rapide inventaire, rajoutons qu'une fois que vous avez fini un chapitre, vous aurez la capacité d'utiliser le pouvoir d'un des sages étoiles libérés. Ces pouvoirs, très puissants, consomment une barre spécifique se remplissant au fur et à mesure d'un combat ou en choisissant la fonction « prier » au détriment d'un tour de jeu : bien entendu, il conviendra d'essayer au maximum de les réserver pour les boss, car ils pourront très facilement faire la différence. Papier-mâché pour tout le monde !Le développement du jeu, particulièrement long et difficile semble-t-il - il s'agit bien là pour Nintendo, et pour Miyamoto notamment, d'un projet d'envergure et non pas d'une petite farce faite pour s'occuper entre deux épisodes de Zelda ou de Mario - a constamment songé, nous révèlent les interviews des développeurs, aux plus jeunes joueurs et tout a été fait pour faire de ce jeu une initiation, plus ou moins poussée, aux jeux de rôle. Cela
se traduit alors, notamment, par une réduction certaine de
nombreux paramètres, en premier lieu les indications chiffrées
qui deviennent bien moins impressionnantes qu'ailleurs : les points
de vie de Mario ne dépasseront jamais les 60, les points fleurs
rarement les 40 et les points de vie des ennemis s'estiment en dizaines,
rarement s'approcheront-ils de la centaine. Si c'est le cas, c'est
soit qu'il s'agit de boss cachés - il y en a quelques-uns -,
soit qu'il y a une astuce particulière, un objet à utiliser
ou une capacité particulière à mettre à
profit, qui permet de rendre le combat bien plus facile. De plus,
il n'y aura aucun équipement à gérer contrairement
au jeu de Squaresoft : les boutiques ne vendent que des objets utilisables
en combat, et non pas des habits ou d'autres armes. À chaque montée en niveau, et à nouveau dans la lignée de ce que proposait Super Mario RPG, le joueur aura la possibilité d'augmenter l'une de ses trois caractéristiques principales, soit les points de vie, soit les points-fleurs pour lancer des attaques spéciales soit, encore, les fameux points-badges. En effet, les badges demandent, pour être actifs, un certain nombre de points-badges chacun, la plupart n'en demandant qu'un ou deux, les plus puissants en exigent jusqu'à six pour fonctionner. Il faudra alors apprendre, au fur et à mesure du temps, à composer avec ces augmentations pour garder un relatif équilibre mais, surtout, s'adapter à son style de jeu : et l'on peut même s'amuser à n'augmenter que les « points-badges » pour un peu de challenge, l'expérience étant réellement enrichissante et dévoile, alors, que Paper Mario est un jeu bien plus complexe qu'il n'y paraît.
Ces compagnons permettent réellement d'amplifier le système de jeu mais il est malheureux, cependant, de constater qu'à part pour quelques-uns d'entre eux - Goombario et Lady Bow notamment - ils ne possèdent pas réellement d'arrière-plan ou d'histoires en particulier, et l'on a donc du mal parfois à s'y attacher : ce ne seront surtout que de la « chair à canon », ce qui est très dommage. Il était une fois...Cela
est d'autant plus dommage du reste que les développeurs ont
vraiment essayé de doter Paper Mario d'une
histoire naïve et sincère, comme je l'évoquais
au début de cet article. Si sa trame globale, comme indiqué,
exacerbe son aspect « prétexte » sans
même y réfléchir à deux fois, elle parvient
à ménager, au sein du développement des chapitres,
plusieurs petits instants intéressants et plusieurs « micro-séquences
narratives » pour lesquelles on se surprend à s'investir.
Le mérite en revient surtout à la qualité des
dialogues et à leur traduction, particulièrement bien
léchée en français, remplis de clins d'œil,
de jeux de mots et de traits d'esprit. Paper Mario a donc réussi, pour la seule fois selon moi pour un épisode Paper - qui compte, à l'heure où j'écris ces lignes (décembre 2012), trois autres épisodes : La Porte Millénaire, Super Paper Mario et Paper Mario: Sticker Star - a atteindre la qualité d'écriture de Super Mario RPG premier du nom : au sein d'une histoire finalement assez limitée et aux rebondissements quasiment inexistants, les auteurs sont parvenus à tirer de petits fils narratifs touchants de sincérité et de bienveillance que l'on prend plaisir à suivre ponctuellement. Plus qu'un roman, nous avons bien là davantage la structure du conte ou de la nouvelle, soit d'une histoire limitée mais relativement puissante, et des années plus tard on se surprend à se souvenir, encore, de ce monstre mangeur de boos, de ce jardin botanique envahi par les ronces ou de cette baleine souffrant de maux d'estomac. En un mot, le plaisir issu de Paper Mario n'est pas comparable à celui d'un autre jeu de rôle où tous nos sens sont portés vers la résolution de l'intrigue ou du grand mystère qui chapeauterait toute l'aventure, tous les événements, personnages et lieux rencontrés n'étant finalement là que pour nous aider à terminer le jeu ; son intérêt viendrait davantage d'une vision à court terme, comme on peut déguster un poème isolé ou un paragraphe d'un roman plus que tout, et s'en souvenir à jamais, pour une image ou un mot en particulier. La quête générique du jeu, soit affronter Bowser et délivrer une énième fois la princesse, s'effacerait presque totalement devant ces petits instants, le tout n'étant clairement pas ici la somme de ses parties.
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