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Nintendo World Cup
Année : 1990
Système : Game Boy, NES
Développeur : Technos
Éditeur : Nintendo
Genre : Sport / Action
Par Tama (09 mars 2009)

C'est fou ce que les boîtes de jeu peuvent être trompeuses. Exemple : Nintendo World Cup, que nous appellerons NWC. Faisons un saut temporel pour nous retrouver en 1990 : si, alors que j'arpentais d'un air béat les rayons jeux-vidéo du Carrefour du coin, je m'étais fié à l'illustration de cette boîte de NES, j'en aurais déduit que c'était un simple jeu de foot sans aucune saveur, produit en 5 minutes. Heureusement que j'ai eu la bonne idée de tourner la boîte et de regarder les images du jeu : « Ooooh les mecs ils ont des gueules, on dirait Double Dragon ! ». Et même si je ne connaissais pas encore les développeurs, j'avais raison : le jeu est bel et bien produit par Technos Japan, la boîte ayant développé Double Dragon, Super Spike V-Ball, Karate Champ, etc.

En fait, Nintendo World Cup est une version occidentalisée et rendue exclusive à Nintendo du jeu multi-plateforme (Famicom, PC Engine Super CD-ROM², Megadrive, édité par Naxat Soft) Nekketsu Koko Dojjiboru Bu Sakka Hen, qui fait partie de la série Kunio-Kun de Technos. Les Kunio-kun sont des jeux NES/Famicom et des bornes d'arcade de différents genres mettant en scène le personnage Kunio, un jeune voyou plutôt viril et violent. Le premier Kunio-kun fut Nekketsu Ko-ha Kunio-kun, beat'em up sorti dans le reste du monde sous le titre Renegade. Un autre Kunio-kun célèbre est le jeu de ballon-prisonnier Nekketsu Ko-ko- Dodgeball Bu, connu en Occident sous le nom de Super Dodge Ball. Kunio portait le même prénom que le patron de Technos Japan, Kunio Taki, et son créateur est Yoshihisa Kishimoto à qui on doit également le concept de Double Dragon (note : voir aussi l'article sur Street Gangs, qui est un autre Kunio-kun).

Revenons à mon histoire : illico, je demande à ma maman si on peut l'acheter, parce que j'ai eu 2 bons points (oui, j'étais un élève modèle qui collectionnait les bons points et les images) et que je mérite une récompense. Et hop, on rentre avec le jeu sous le bras !

Je suppose que tout enfant non-révulsé par la vue d'un ballon de foot et de gugusses en short court a déjà regardé, et apprécié, Olive et Tom (Captain Tsubasa). Mais si, les terrains qui faisaient 40km de long, les ados de 13 ans qui tiraient des pépites du milieu de terrain propulsant le goal dans les cages, qui s'envolaient en prenant appui sur les poteaux, qui faisaient un drame digne d'Amour, Gloire et Beauté quand un de leurs camarades se prenait le ballon dans la figure ! Pour avoir essayé, en vain, de reproduire ces exploits manga-esques en vrai, je plaide coupable : je suivais assidument la série, ainsi que l'École des Champions (« viens ! À l'École des Champions ! Te battre avec passion ! »). Et NWC s'applique à reproduire ces fantasmes footbalistiques avant l'heure, avant Internation Superstar Soccer, avant Taito Superside Kicks, avant Sega Soccer Slam, avant Mario Smash Football.

Visez un peu la tronche du goal ! Les Hollandais n'ont aucune pitié...

Car NWC n'a rien, mais rien de réaliste, bien au contraire ! Il reprend à bon compte toute la « mythologie » footballistique qui s'est construite au fil des shônen sportifs, de l'imagination collective, et même des acquis des beat'em up au vu de la violence des matchs. Le jeu va, pour ce qui est des règles, à l'essentiel : il n'y a que 6 joueurs par équipe (1 goal, 2 défenseurs, 1 milieu et 2 avants), pas d'arbitre, les scores ressemblent plus à du rugby qu'à du foot, les joueurs en viennent aux mains avec une rapidité déconcertante.

La prise en main est enfantine au possible, mais très bien pensée :

  • A sert à passer, à mettre un coup d'épaule bien vicieux, à demander la passe ou à dire à ses équipiers de mettre le susdit coup d'épaule.
  • B sert à tirer, à tacler, à demander à son coéquipier de tirer, à ordonner à ses coéquipiers d'arracher le tibia du porteur de balle via un tacle bien senti.
  • A+B permet une bicyclette ou une tête plongeante (si on est en mouvement) qui permet un Power Shoot, c'est-à-dire un tir surpuissant à l'effet visuel manga, garantissant le but dans la quasi-totalité des cas.

À partir de là, plusieurs précisions s'imposent :

  • On ne contrôle en fait qu'un seul joueur, le milieu de terrain, qui est donc le capitaine de l'équipe. Quand c'est un coéquipier qui a la balle, bien qu'il soit contrôlé par l'IA, on peut lui demander de nous faire la passe ou de tirer. À l'inverse, quand c'est l'adversaire qui la possède, on peut leur demander de leur la prendre, par tous les moyens... moyens peu orthodoxes, mais très efficaces ! Une des qualités du jeu est que l'on peut paramétrer l'IA de ses équipiers de manière très efficace, en choisissant par exemple s'ils doivent tirer au but ou pas, dribbler ou jouer en passe, marquer ou tacler, et même si le goal doit sortir ou non. À ce sujet, le menu permettant de configurer sa team est clair et concis, on peut même choisir quel joueur on contrôlera, ce qui revêt une certaine utilité dans certains cas...
  • On se doute que tant de violence ne laisse pas les joueurs de marbre ! En effet, chacun à sa propre force et résistance, et s'il prend trop de coups, il perdra connaissance et restera inerte sur le terrain jusqu'à la fin de la mi-temps, ou jusqu'à ce qu'un but soit marqué. Il faut également faire attention, car certains joueurs sont trop faibles pour tacler, et se verront éjecter comme des malpropres par celui qu'ils tentaient de tacler !
  • Le piment du jeu est sans aucun doute présence de tirs surpuissants, les Power Shoot, qui sont non seulement impressionnants, mais qui ont une probabilité vraiment très haute de rentrer, en défonçant le goal si besoin est ! Chaque équipe à son Power Shoot à elle (sauf les USA, où chaque JOUEUR à son Power Shoot à lui !), au visuel et à la trajectoire variable : ça va du tir rendant le ballon ovale et fusant à une vitesse folle au ballon fourbe qui s'arrête toutes les deux secondes pour tromper le gardien, en passant par le ballon qui se dédouble, qui fait une courbe au dernier moment, etc. « Mais, comment diable effectuer cette manœuvre aussi meurtrière que jouissive ? », me direz-vous. Pour cela, deux moyens de s'y prendre : soit on reprend un ballon aérien avec A+B, soit on dribble un certain nombre de pas et on tire, le nombre de pas à faire dépendant de l'équipe. La France et le Japon n'ont besoin que de 3 pas, la surpuissante Argentine doit en faire 10, les USA encore une fois ont un nombre spécifique pour chaque joueur. Mais ne croyez pas que c'est aussi simple : vous n'avez droit qu'à 5 Power Shoot par mi-temps ! Une fois les 5 passés, vous aurez le droit aux Super Shoots, des tirs à l'apparence normale mais à la vitesse démultipliée, réalisable uniquement au nombre de pas.
Un Power Shoot qui divise le ballon en deux ! Le Power Shoot teuton zigzague au-dessus du goal !

Visuellement, c'est évidemment du pur Kunio-kun : style SD, tronches hilarantes, joueurs qui ont les yeux exorbités à chaque impact, les petits poings ramenés vers le corps... Globalement, c'est un joli jeu NES. Mais à vrai dire, on ne concentre pas tellement sur le visuel dans ce jeu, mais bien plus sur l'action. Autant l'IA ne vous posera pas fondamentalement de problèmes (à part contre certaines équipes comme l'Allemagne et l'Argentine), autant il faudra vous accrocher contre un copain qui aura pris le port 2, car, on le sait tous, ce genre de jeu révèle toute sa saveur en multijoueur.
Étant donné que l'arbitre brille par son absence (victime d'un tacle au niveau de la carotide, sans aucun doute), ne comptez pas sur les très rares arrêts de jeu que sont la touche et le corner pour vous organiser, il faut faire travailler les réflexes. Il est difficile de garder la balle longtemps sans manger la pelouse, à croire que certains joueurs sont carrément herbivores. Il faut jouer vite et bien, faire circuler la balle, placer son joueur comme il faut et donner les bons ordres au bon moment. Du coup, ces fameux Power et Super Shoots, difficiles à placer, sonnent comme les tirs du capitaine de la New Team : l'élément salvateur qui va permettre de (re)prendre l'avantage et de bien miner le moral de votre adversaire. N'hésitez pas à en rajouter avec une bonne grosse vanne bien sentie !

En fait, la clé est d'arriver à reprendre en bicyclette ou tête plongeante une passe aérienne, sans se faire détruire par un défenseur sadique. Plusieurs tactiques destinées à tromper l'adversaire (mindgames, en langage branchouille) sont donc à élaborer : par exemple, on peut s'éloigner du porteur de balle pour faire croire qu'on va demander une passe aérienne, alors qu'on va ordonner de tirer ; ou se positionner en renfort près de son coéquipier pour le dissuader de tacler ; ou marquer le capitaine pour gêner au maximum toute tentative de jeu en passe ; ou centrer directement sur le goal, en espérant que la confusion générale qui en résultera (le goal est une vraie brute !) vous profitera... car il faut savoir être opportuniste ! Autre intérêt du mode 2 joueurs : les différents types de terrain.
Outre la pelouse aussi verte que le visage d'un opposant déconfit devant le 22-4 que vous lui avez infligé à la mi-temps, vous avez droit de jouer sur du goudron, du sable, ou même de la glace ! Chaque terrain possède des caractéristiques propres : vous trébucherez sur des cailloux, glissez sur la glace, ralentissez dans le sable, le ballon fuse vite et les joueurs se font plus mal sur le goudron... De quoi largement élargir la durée et l'intérêt du jeu ! D'autant plus que même les équipes faibles peuvent être meurtrières : même si leur joueurs sont faiblards, on peut déclencher leurs Power/Super Shoots tellement rapidement (3 pas avec le ballon suffisent pour les deux plus faibles) qu'elles sont tout à fait capables, une fois les crampons posés sur le terrain (ou sur le visage d'un adversaire, au choix), de tenir tête aux mastodontes statistiques. Ces petits côtés stratégiques se marient très bien avec le côté arcade pur du jeu.

Et dernier gros point fort du jeu, pour les chanceux disposant d'un adaptateur 4 manettes et du même nombre de joueurs, on peut y jouer à 4. Malheureusement, je n'ai jamais eu la chance de toucher ce mode de jeu. Snif.

Il a trébuché tout seul, je le jure ! (d'ailleurs, pourquoi les Français sont en vert ?)

Étrangement, même si j'aime beaucoup des jeux de foot très axés simulation comme Kick Off ou Sensible Soccer, ma préférence a toujours été du côté du genre de l'arcade pure, peut-être parce qu'ils permettent de faire ce qu'on ne peut pas faire en vrai sur un terrain : transgresser allègrement les règles, tirer tellement fort que la balle traverse la moitié du terrain dans une trajectoire improbable et crucifier un gardien médusé, jouer sur des terrains autres que la même pelouse verte, nommer nos techniques comme on nommerait un coup surpuissant dans un jeu de baston : « tu vas goûter à mon Tir de l'Aigle ! Ya-haaa ! »...
Ce type de football totalement fantasmé, NWC le retranscrit parfaitement : on ne croit pas une seule seconde à ce qui se passe sur le terrain, on se marre à voir la gueule de nos joueurs, on compte les morts sur le champ de bataille, on hurle de plaisir quand on arrive enfin à placer ce Power Shoot... Ce jeu a une saveur d'enfance pour moi, c'est un peu ma madeleine en forme de ballon de foot. Et en y rejouant, je l'ai bien croquée à pleine bouche, ma madeleine.

Tama
(09 mars 2009)
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