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Samuraï Shodown - La série
Année : 1993
Système : Arcade, Neo Geo ...
Développeur : SNK
Éditeur : SNK
Genre : Jeu de Combat (VS fighting)
Par Tonton Ben (13 septembre 2004)

En 1993, le milieu de la baston en arcade connaît une effervescence sans précédent. Alors que Capcom caracole avec son Street Fighter II Turbo, et que Midway crée l'évènement avec Mortal Kombat, SNK, qui n'arrive pas à s'imposer sur le marché malgré un Fatal Fury 2 excellent et un Art of Fighting très impressionnant, surprend tout ce petit monde en débarquant avec un titre exceptionnel : Samurai Shodown.

Samurai Shodown (Samurai Spirits)
Année : 7 juillet 1993
Systèmes : NeoGeo / SNES / Megadrive / Mega CD / Game Gear / Game Boy / PSX

Une belle présentation qui annonce la couleur.
Qu'attend-on pour appuyer sur le bouton Start ?

Samurai Shodown relate les aventures de douze guerriers dans le Japon médiéval, face à la menace du sorcier Shiro Amakusa qui pèse sur l'archipel, en provoquant catastrophes, maladies, et conflits armés. Nous avons ici affaire à un jeu de baston classique en un contre un sur deux rounds gagnants, dont les combats se font à l'arme blanche, une première dans le milieu. La jouabilité se fonde totalement sur les quatre boutons de la NeoGeo : deux pour les attaques de lame, deux pour les coups de pieds ; leur combinaison donne de chaque côté un coup fort, ce qui nous fait en tout six attaques de base possible en position haute, et donc six de plus en position basse. Caractéristique intéressante, plus les coups sont puissants, plus ils sont lents. On assiste donc à des combats mâtinés de stratégie, où les bourrins sont très vite sanctionnés en contre-attaque.

L'écran de sélection, déjà bien fourni.
Ah, la belle Charlotte...

Côté graphismes et technique, le jeu reprend et améliore le moteur employé pour Art of Fighting, avec ses zooms géants, tout en réduisant légèrement la taille des sprites, afin de mieux exploiter les sauts, de grande amplitude. La présence d'un assistant de Kabuki qui valide les coups assignés grâce à ses fanions apporte encore un peu plus à l'ambiance et aux décors déjà très animés. L'interaction avec l'environnement du jeu est riche, avec des éléments de décoration à détruire, à la Street Fighter II, mais aussi grâce à la présence d'un personnage qui délivre régulièrement pièces d'or, nourriture et bombes, histoire d'ajouter un peu de piment aux combats. Autre innovation, il arrive fréquemment qu'un duel de résistance survienne entre les deux combattants, suite à deux coups équivalents simultanés : celui qui matraque le plus fort ses boutons désarme l'autre, et prend un avantage certain.

Les coups font souvent gicler le sang.
Puppy, le meilleur ami de Galford !

Un travail tout particulier a été apporté aux mélodies qui donnent une atmosphère musicale sublime, grâce à des thèmes tantôts pesant sur l'ambiance lourde des affrontements, tantôts entraînants et mémorables à la première écoute. Les voix et les bruitages sont criants de vérité, les armes s'entrechoquent, les personnages expriment leur rage, le rendu est saisissant. Si quelques pointes d'humour sont saisissables, Samurai Shodown est un titre sérieux, où les protagonistes se battent jusqu'à la mort : sur ce point, seule la version japonaise affiche le sang dans sa couleur d'origine. Les vaincus finissent régulièrement enroulés dans des nattes de roseau ; selon le type de coup fatal porté, le combat peut finir dans un bain de sang. Ce n'est pas Mortal Kombat, SNK sait rester propre, mais la scène reste explicite.

Les bonus stages, très à la mode à l'époque.
Duel de résistance !

La force de ce jeu ne réside pas seulement dans ses qualités techniques, qui sont pourtant issues de la quintessence du savoir-faire des p'tits gars de chez SNK, mais elle provient également de la sélection des personnages, incroyablement riche. Et pour cause, Samurai Spirits met en scène des héros qui sont pour la quasi-intégralité inspirés de mythes et légendes japonaises ; même si de notre côté de la planète, le contexte nous est inconnu, l'identification du joueur aux personnages est très facile, tant SNK a soigné les profils. La présentation qui suit des protagonistes permettra de mieux cerner des liens entre le jeu et la culture japonaise, des liens pas forcément évidents pour nous, Européens.

En plus, Amakusa se gausse des déboires d'Hanzo...
Nakoruru, grâce à soin aigle, est trop rapide pour Earthquake.

Haohmaru

Héros charismatique de la série, Haohmaru est directement inspiré de Miyamoto Musashi (1584-1645), un ronin, comprenez ici un samouraï sans maître, qui parcourait la contrée afin de tester ses aptitudes au combat. Musashi est un des personnages les plus connus des légendes japonaises, constituant l'archétype classique du samouraï. Il a été réputé pour avoir affronté et battu le plus grand nombre d'adversaires, et a fini sa vie en écrivant un code d'honneur, le "livre des cinq cercles".
Haohmaru se détache quelque peu de son modèle par son attitude railleuse et irrespectueuse ; sans parler de son penchant marqué pour le saké. De plus, Musashi se battait avec deux épées à la fois, technique qu'il avait inventée.

Utagawa Kuniyoshi (1798-1861) : Tôto ryûkô sanjûroku kaiseki Mukôjima : Miyamoto Musashi (1852 , peinture sur bois (ôban) représentant le fameux Miyamoto Musashi.

Tachibana Ukyo

Le combattant tuberculeux est inspiré de Sasaki Kojiro Genryu (1572-1612), le rival de Musashi. Celui-ci, expert du combat avec sa très longue épée, a été finalement terrassé par Musashi au terme d'un combat sur l'île de Genryu, qui gardera son nom. D'après la légende, le combat fut très court, mais l'attente de Genryu très longue, puisque Musashi joua la carte de la pression psychologique en apparaissant très en retard au rendez-vous. C'est pour ça que le décor d'Ukyo est à peu près le même que celui d'Haohmaru, mais de nuit.
Tachibana Ukyo se détache tout de même un peu du portrait original de Genryu : il est moins arrogant, et surtout, il est malade. Sa technique de combat semble être empruntée d'un autre combattant légendaire : Zaitochi. Tachibana est le nom d'une variété de mandarine.

Une statue à l'effigie de Sasaki Kojiro Genryu, visible dans le parc Kikko, à Iwakuni (près de Hiroshima).

Hattori Hanzo

Hattori Hanzo (1541-1596) a également réellement existé, puisqu'il fut le ninja le plus réputé de la province d'Iga, se spécialisant dans l'attaque nocturne de forts ennemis. Lorsque Ieyasu Tokugawa accueillera plus tard les clans ninja comme ses alliés, Hanzo se battra pour la réunification du Japon.
Les cinéphiles auront déjà entendu ce nom dans un excellent flim : Kill Bill Volume 1.

La sépulture du ninja Hattori Hanzo, à Tokyo.

Yagyu Jubei

La famille Yagyu fut une lignée renommée de Samouraïs : Yagyu Muneyoshi était un samouraï réputé pour son habileté au maniement de l'épée ; son fils, Yagyu Munenori, est devenu le maître d'armes des shoguns Tokugawa ; et le fils de ce dernier, Yagyu Jubei Mitsuyoshi (1606-1644), aurait eu pour rôle de réaliser des missions secrètes pour le compte du shogun et même de l'Empereur, d'où sa réputation de samouraï-ninja.

Sonny Chiba, qui a plusieurs fois immortalisé Yagyu Jubei (à gauche, dans Yagyu Conspiracy, 1978) à la télévision japonaise... et qui a également souvent joué le rôle d'Hattori Hanzo (à droite, dans Kage no Gundan II, 1981)... jusqu'à le reprendre dans Kill Bill Volume 1 !

Wan fu

Wan fu consisterait en un mélange de deux guerriers chinois : le premier, Wang Ts-bin Wu, était un dissident de la dynastie des Ch'ing et se battant pour les opprimés, ce qui lui vaudra le surnom de Da Dao Wang Wu (Wang Wu le grand cimeterre) ; le second était le fondateur de la dynastie Chou, King Wu Wang (1100 avant J.C.), un roi aspirant à la réunification de la Chine, et cité par Confucius comme étant un monarque puissant et vertueux.
Dans Samurai Shodown II, Wan fu troque son cimeterre pour un pilier de pierre. C'est tellement plus pratique, un pilier.

Représentation antique de la dynastie Ch'ing.

Senryo Kyoshiro

Senryo Kyoshiro est un joueur de Kabuki, art théâtral traditionnel japonais, qui à l'inverse du No, est composé de chorégraphies et de musiques vivantes et énergiques. Senryo signifie ‘mille (sen) ryo' (ancienne monnaie japonaise), soit le surnom donné à un acteur suffisamment talentueux pour gagner mille ryo par jour. Le costume de Kyoshiro représente le lion.
Le Kabuki n'est pas un art martial, même si le naginata peut y être utilisé comme accessoire ; dans Samurai Shodown, Kyoshiro conjugue ses talents d'acteur et ceux de guerrier ; c'est un artiste complet.

Des acteurs de Kabuki, en costume de lion.

Charlotte

Peut-être le personnage de la série que nous autres, petits français, devrions connaître le mieux, même si sa représentation diffère quelque peu de celle que nous connaissons. Car Charlotte n'est ni plus ni moins que Lady Oscar ! Charlotte est en effet inspirée de Oscar Francois de Jarjayes, la jeune aristocrate qui manie l'épée et revêt des habits de garçon, et qui prendra le commandement de la garde de Versailles, d'après le manga crée en 1972 par Riyoko Ikeda, La Rose de Versailles.

Couverture d'une OST de Lady Oscar.

Nakoruru

Bien qu'elle ne soit fondée sur qui que ce soit, Nakoruru porte la tenue traditionnelle Ainu, tout comme sa famille. Les Ainu vouent une adoration à la nature, et croient que tout élément de la nature est une création ou une manifestation des esprits Kamui. Nakoruru finira par devenir elle-même un esprit de la nature. L'aigle qui l'accompagne s'appelle Mamahaha.
Nakoruru est tout simplement le personnage le plus populaire de la série Samurai Shodown ; elle possède son propre anime et son propre jeu d'aventure sur Pécé et Dreamcast, sans compter ses nombreuses apparitions.

Danse traditionnelle Ainu.

Shiranui Gen-an

Gen-an est un Bakemono, une espèce de gobelin japonais, sans lien particulier avec un quelconque personnage de la mythologie japonaise ; ce n'est ni un tengu, ni un oni.
Il n'a non plus aucun lien de parenté avec Shiranui Mai, de Fatal Fury...

Représentation classique d'un bakemono.

Earthquake

Earthquake est un bandit texan. Ne me demandez pas ce qu'il fait dans ce jeu, je n'en sais rien. Ceci dit, son design rappelle quelque peu Heart, de l'anime culte ‘Ken le survivant'.
Son sprite monumental, couplé aux effets puissants de zoom du jeu, a mis sa claque visuelle dans les salles de jeu, et a contribué à la réputation de Samurai Shodown.

Heart, tiré de l'animé Ken le Survivant.

Galford D. Weiler

Ce ninja blond de San Fransisco n'est lui non plus rattaché à aucune référence ; il semble être présent, comme pour le cas d'Earthquake, afin de représenter le nouveau continent, et peut-être séduire les joueurs occidentaux. À moins qu'il ne s'agisse d'une référence à Shadow Dancer, la suite de Shinobi, le hit de Sega ?
En proposant des personnages épaulés par des animaux, Samurai Shodown continue dans l'innovation créative.

Panneau de décoration de la borne d'arcade Shadow Dancer (1989).

Tam-Tam

Tam-Tam est un mélange de plusieurs cultures tribales : si le jeu affirme qu'il est Inca, le dieu Quetzalcoatl qu'il est censé vénérer est Aztèque ; de plus, les Incas ne connaissaient pas le métal ; enfin, il ressemble plus à un guerrier maori. Manifestement, chez SNK, on est plus fort en histoire japonaise qu'en culture sud-américaine. Enfin, Tan-Tam se retrouve inclus dans le jeu afin de représenter, lui aussi, une certaine diversité de jeu.
Pour la petite histoire, Tam-Tam est possédé par le masque qu'il porte ; un peu à la façon du film ‘The Mask', sorti après le jeu.

Cérémonie inca traditionnelle, et démonstration du fameux Haka maori.

Shiro Amakusa

Également connu sous le nom de Masuda Shiro Tokisada, Shiro Amakusa (1622-1638) fut le jeune leader chrétien d'une rébellion paysanne de la région de Shimbara contre l'autorité des Tokugawa. La rébellion fut sauvagement écrasée, et le corps d'Amakusa n'a jamais été retrouvé. Aujourd'hui encore, une île de l'archipel nippon porte son nom, où l'on peut y admirer, entre autres, un imposant monument à son effigie.
Amakusa est revenu à la vie à la suite d'un pacte avec le démon Ambrosia ; il prépare alors sa vengeance sur le shogun et sa famille responsables de sa mort.

Vue de la statue d'Amakusa, sur l'île du même nom, au Sud du Japon. Elle mesure quinze mètres de haut.
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