Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par MTF (22 avril 2013)
Le monde du jeu vidéo, comme je l'ai déjà indiqué par ailleurs dans mon article sur Earthworm Jim, peut être des plus cruels : on a ainsi souvent tendance à oublier, voire à mettre de côté, de grandes gloires des temps jadis pour plusieurs raisons, non parfaitement justifiées d'ailleurs. Ainsi, beaucoup de joueurs considèrent la période des 32 et des 64 bits comme « la grande purge » : c'est l'époque où, à de rares exceptions près, les grandes icônes du monde de jadis n'ont pas su passer le cap de la trois dimensions. Pour un Mario ou un Zelda, combien de Bubsy, de Sonic, de Megaman ? Fort heureusement, Rayman est de l'autre côté de la barrière, du « bon » côté si je puis dire. Yeah ! Rayman !Quatre années séparent Rayman de Rayman 2: The Great Escape. Le charmant petit bonhomme de Michel Ancel, s'il avait assurément marqué les esprits sur Playstation, Saturn, PC ou Jaguar, n'était pas encore un « héros de série » comme d'autres : et l'on attendait, patiemment, le deuxième épisode du démembré avec impatience. Fort heureusement pour les joueurs, les développeurs ne se sont pas contentés de transposer la recette originale ailleurs sans même y réfléchir à deux fois mais ont véritablement, profondément modelé l'expérience qu'ils créaient pour en ôter le suc, la quintessente moelle. Avant de plonger plus en détail dans ce riche jeu, un mot, comme en prolepse, pour parler de sa renommée. Il me semble que contrairement à d'autres jeux du même genre, les Super Mario 64 ou les Sonic Adventure, le nom de Rayman 2 ne semble pas être reconnu à sa juste valeur. L'on a trop tendance à ne considérer que le premier épisode, magistral sur bien des endroits bien entendu, et l'Origins qui remet le héros sur le devant de la scène comme aucun autre come-back ne l'avait fait auparavant, à tel point que l'on oublie ce qui s'est passé entre temps. Même Rayman 3: Hoodlum Havoc, pourtant plus récent, n'est pas toujours cité lorsqu'on en vient à parler des grands jeux de plates-formes en trois dimensions. Quand le rêve devient cauchemar...Comme signe même du renouveau du développement opéré par l'équipe de Michel Ancel, une histoire parfaitement originale, qui ne garde comme lien avec le premier opus que le héros, a été inventée. Dans la Croisée des Rêves, pays fantastique de paix et de légèreté, d'odieux Pirates mécaniques de l'espace sous l'égide de l'Amiral Barbe-Tranchante ont débarqué et ont décidé d'asservir tous ceux qu'ils trouvaient sur leur route. L'équilibre du monde est menacé, son cœur, composé de mille noyaux ou lums a éclaté et ceux-ci se sont éparpillés de par le globe. Rayman lui-même ne peut rien faire : son amie Ly la fée, qui lui conférait ses pouvoirs, a été enfermée dans une prison magique et le héros lui-même est à fonds de cale, ne pouvant rien faire de plus qu'écouter les cris plaintifs de ses amis réclamant qu'on leur vienne en aide, ou qu'on abrège leur souffrance. La situation semble encore plus désespérée lorsque Globox, son plus proche ami, est aussi fait prisonnier et conduit dans sa cellule. Heureusement, ce dernier a réussi à dissimuler à la barbe des gardes un lum d'argent qu'il confie à Rayman, permettant alors à ce dernier de retrouver une partie de ses pouvoirs et, notamment, celui de lancer des boules d'énergie pour vaincre ses ennemis : avisant une grille d'aération, il l'emprunte pour sortir du navire sans savoir que ce petit geste le guidera vers une longue, une très longue aventure. Contrairement à ce dont le joueur pouvait avoir l'habitude en jouant à Super Mario 64 ou à Banjo-Kazooie, mais conformément à ce qui se passait alors sur ses chères 16-bits, l'aventure de Rayman 2: The Great Escape est d'une linéarité qui peut sembler, de prime abord, déconcertante : plutôt que d'errer dans un hub à partir duquel il accéderait aux différents mondes, ceux-ci se dévoilent les uns après les autres, une fois le précédent terminé. Il n'y aura jamais de choix dans la progression, tout au plus, de temps à autres, un niveau « secret » peut être découvert en prenant une bifurcation au début d'un stage en particulier, mais rien de plus. Ce sera donc une vingtaine de niveaux que le joueur parcourera, l'accès à l'un ou l'autre d'entre eux étant parfois soumis à certaines conditions comme je l'expliquerai ci-après. Cette structure pour le moins rigide, qui retrouvera son moment de grâce dans Super Mario Galaxy 2 par exemple, permet de se concentrer sur l'action et le parcours des différents environnements, et permet de cadencer efficacement chaque session de jeu sans se perdre dans d'interminables quêtes annexes ou en perdant plusieurs minutes précieuses pour atteindre, ne serait-ce, que son prochain objectif. Continuité et variationPlus on joue à Rayman 2, plus on songe à Rayman, son modèle légendaire et plus l'on voit les points de contact et la variation que les développeurs ont insufflés à leur travail. Contrairement à, mettons, Super Mario 64 qui ne reprenait de son histoire qu'un décor ou un ennemi et non un gameplay, partant parfaitement de zéro et développant un style bien à part, Rayman 2 fait tout pour tenter de transposer le premier Rayman dans un univers en trois dimensions tout en sachant pertinemment où s'en éloigner et où le modifier pour proposer une aventure agréable. La linéarité du parcours que j'ai présentée plus haut fait partie de ces éléments repris tels quels, mais l'on peut également citer l'autre grande composante du jeu d'origine, l'exploration. Si vous vous souvenez bien, le gameplay de Rayman était tout orienté vers la découverte de ces cages d'Electoons qui étaient on ne peut mieux planquées. Malgré la rigidité des niveaux de Rayman 2, cette composante demeure présente : et il faudra penser régulièrement à changer la caméra d'angle, ou à passer en vue subjective, pour s'assurer de ne pas passer à côté d'une cage ou d'un lum d'or qui se serait caché dans un passage dérobé et que l'on n'aurait négligemment laissé de côté, porté que l'on était sur la voie principale que le jeu mettait bien en évidence. L'on ne saurait retrouver cependant ici les « événements » pour ces objets : mais ils sont encore d'actualité pour les ennemis et certains pièges qui apparaissent brutalement devant nous, et s'apparentent alors à la notion de script qui est à présent fort connue des joueurs de tous bords. S'ils savent surprendre parfois, ils sont la plupart du temps relativement attendus et serviront surtout à donner un petit coup de stress bien mérité dans une zone qui semblait par trop calme. Le héros, en revanche, peut faire ici quelque chose d'entièrement neuf : saisir et lancer plusieurs objets, notamment les fameuses prunes géantes qui signent ici un retour remarquable (j'adore ces trucs) et des barils de poudre permettant de faire exploser des portes condamnées. Une idée formidable, par ailleurs, s'illustre ici et de souvenir de joueur, je ne me rappelle pas l'avoir vu ailleurs. Lorsque l'on porte un objet quelconque, l'on va pouvoir soit balancer celui-ci droit devant soi en lui faisant suivre une courbe légère, mais on va pouvoir aussi avec un second bouton l'envoyer verticalement, droit au-dessus de nous, ce qui nous laisse alors le champ libre pour tirer quelques projectiles. Au cours de quelques phases agréablement mises en scène, cela nous oblige à amener un objet en particulier à un point convenu tout en écartant les belligérants : un détail certes, mais je puis vous assurer que cela participe grandement à l'atmosphère du jeu. Surprise les petits amis !Ce que sait faire en revanche Rayman 2, et ce qu'il sait bien faire dirais-je même, c'est surprendre le joueur. Les niveaux qui, finalement, nous demandent juste de courir et de sauter du début à la fin en évitant gouffres et ennemis sont peu nombreux : il y a en effet toujours une phase de gameplay qui évolue, qui introduit quelque chose de neuf, qui nous émerveille en un mot. Ce peut être une phase de jet-ski dans un marais, traîné par un serpent de nos amis, une ballade dans un fauteuil associé à un rail et autour duquel l'on peut tourner à 360° ou encore, mes scènes favorites, des séquences où l'on chevauche un obus à pattes courant à toutes berzingues, histoire de tâter un peu du mistral sur notre (gros) nez. La narration du jeu en elle-même n'est pas sans émouvoir ou surprendre. Que ce soit les mimiques rigolotes des protagonistes, qui se mettent à danser une sorte de polka enfiévrée ou leur langage, qui n'est qu'un salmigondis de syllabes auquel je soupçonne même Michel Ancel d'avoir participé nonobstant ce qu'on nous dit dans le générique du jeu, le titre aménage de curieux moments parfois sinistres - l'introduction du jeu détonne et donne un tour sombre à l'ensemble de l'aventure -, parfois grotesques - voir se mouvoir Globox est une ode aux spectacles de marionnettes -, toujours hilarants - les luttes de pouvoir au sein du clan des Ptizêtres me font toujours hurler de rire - et on attend toujours la prochaine scène avec délectation, convaincu avec raison d'y retenir quelque chose. L'environnement global du jeu participe grandement à cet esprit bonhomme qui habite le titre. Les graphismes qui, sur N64, peuvent tirer parti de l'Expansion Pak (supporté mais non nécessaire pour jouer) sont époustouflants bien que, selon moi, un tantinet trop sombres parfois : il m'arrive souvent de ne pas voir certains obstacles, ou certains gouffres, à cause de cela. L'on vogue ainsi des clairières bucoliques à des temples mystiques en passant par des plages enchanteresses, des tombeaux lugubres ou des canopées ombragrées. Le génie de la progression linéaire proposée se lit encore dans la façon dont ces lieux se juxtaposent les uns aux autres, puisque l'on passe progressivement d'une forêt à une usine par l'intermédiaire de plusieurs tableaux qui, au fur et à mesure, montrent l'effet délétère des pirates sur la Croisée des Rêves. Je ne suis pas dupe, Flannagan...Malheureusement, mon honnêteté m'empêche de finir cet article sans évoquer les mauvais aspects de ce Rayman 2: The Great Escape qui, pourtant, a pour lui nombre de qualités : beauté, variation, comédie, gravité. Commençons par le plus évidente : la jouabilité. Si celle-ci « fait le travail », c'est-à-dire qu'elle sait se faire efficace et répond généralement au quart de tour quand on le lui demande, elle souffre de quelques approximations qui la rendent parfois ennuyeuse. J'ai évoqué le plaisir du vol et la gêne de la nage, mais de nombreuses autres phases sont délicates à manœuvrer : les obus à pattes, notamment, ont un masque de collision assez impressionnants et ils se font parfois obtus à tourner ou à infléchir leur course, ce qui fait que l'on explose souvent sans savoir parfois pourquoi. Les glissades, soit les pentes que l'on descend en « skiant », sont de même très particulières à diriger et l'on se retrouve souvent à se culbuter à tous les obstacles sans pouvoir rien y faire. La phase de jet-ski qui compose pour moitié le troisième niveau du jeu est un autre exemple d'une maniabilité parfois défaillante, et il faut s'y reprendre à plusieurs fois pour pouvoir terminer le stage en un seul morceau. Mais ce qui n'est pas sans poser de profonds problèmes, et ce qui ici est résolument un problème de game-design, c'est que le joueur lui-même sera parfois tenu de se suicider, surtout s'il veut finir le jeu à 100 %. Le pourcentage de complétion qui s'affiche à côté du fichier de sauvegarde est en effet tributaire non du nombre de niveaux débloqués ou des masques collectés, mais des lums d'or ramassés. Il y en a 1000 en tout dans le jeu, chacun d'entre eux rapportant 0.1% (1000 x 0.1 = 100%, le compte est bon monsieur Renard). Ces lums sont répartis dans chaque niveau du jeu, et ils sont placés en général sur le chemin du joueur, mais une part non négligeable est dissimulée ou difficile à atteindre : certains niveaux en ont cinquante, d'autres vingt, d'autres soixante-dix... leur nombre est donné au début du stage, de même que le nombre de cages même si, parfois, il faudra acquérir un nouveau pouvoir, ou faire une action dans un niveau ultérieur pour débloquer une route dans un niveau précédent. Je puis vous garantir que c'est on ne peut plus rageant que de devoir refaire une longue section parce qu'on a échoué à récupérer un lum à la toute fin de celle-ci. Il ne faut certes qu'un peu plus de 500 lums pour finir le jeu, mais tout joueur qui se respecte cherchera à tous les récupérer... et la chose peut être on ne peut plus laborieuse. Vous en reprendrez bien encore un peu ?J'ai dit un peu plus haut que Rayman 2: The Great Escape était passé sous les « radars » des joueurs à cause de la « malédiction des 32/64 bits ». Il y a dû y avoir autre chose encore : un sentiment de « trop plein ». Ubi Soft, en effet, n'a pas lésiné sur les éditions et rééditions de son jeu. Sorti initialement sur N64 et Windows, le jeu a été édité l'année suivante sur Dreamcast avec quelques menues modifications (notamment pour le combat final), puis sur Playstation en 2000/2001 (la version la plus laide de toutes sans doute, qui raccourcit même le jeu en éliminant plusieurs sections mais qui propose le prototype initial du jeu dont je parlais plus haut), sur Playstation 2 la même année (sous le nom Rayman 2 Revolution, qui est sans doute la meilleure version à ce jour tant en terme de bonus que de graphismes), puis sur DS en 2005 pour accompagner la sortie de la console, puis sur 3DS en 2011, sans même parler du PSN et des tablettes, avec à chaque fois très peu de modifications (on est plutôt davantage dans l'ordre de l'épuration). Attention à ne pas faire rentrer ici Rayman 2 sur Game Boy Color, qui est une suite directe de l'épisode de Rayman sur la même console et qui ne reprend que l'histoire et quelques ennemis, mais qui est un jeu entièrement différent. 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