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Rainbow Islands
Année : 1988
Système : Arcade ...
Développeur : Taito
Éditeur : Taito
Genre : Arcade / Plate-forme / Action
Par Laurent (31 décembre 2001)

Des arcs-en-ciel dans la fumée

Après le triomphe de Bubble Bobble, une vague de titres similaires est apparue en arcade et sur micros. Il s'agit de jeux aux graphismes colorés, mignons, à l'atmosphère non-violente mais proposant un vrai défi, que l'on a appelés les cute-games, ce qui peut se traduire par "jeux mignons". La plupart de ces jeux sont d'origine japonaise, et Taito fait figure de leader du mouvement grâce à des merveilles comme Bubble Bobble ou Rainbow Islands, même si le travail de Konami (Pooyan, Twin Bee, Circus Charlie) et Irem Corp. (Rodland, The Legend of Hero Tonma) n'est pas à négliger. Beaucoup de joueurs occidentaux ont ainsi été initiés au savoir-faire et à l'imagination nippone en matière de jeux vidéo.

En dehors de leur aspect rafraîchissant par rapport aux shoot'em'up, beat'em'up, beat'em'all et autres jeux de course qui peuplent habituellement les salles d'arcade, ces jeux se caractérisent pas leur facilité d'adaptation sur consoles et micros 8 et 16-bits, et sont à l'origine de grosses recettes pour les éditeurs les plus malins et dynamiques au moment de leur sortie.

Rainbow Islands succède à Bubble Bobble, mais en change un peu le concept. Plus de petits dragons rigolos cracheurs de bulles, mais encore plus poétique : un petit garçon qui génère des arcs-en-ciel. Ceux-ci peuvent être utilisés de nombreuses façons, comme on va le voir. Le héros doit escalader des niveaux qui scrollent sur l'axe vertical bourrés d'ennemis de toutes sortes (insectes, oiseaux, crocodiles armés de mortier...). Au sommet, un trésor l'attend. Tout en grimpant, il ramassera une grande variété de bonus, fruits et fleurs dont certains améliorent ses capacités de tir, lui permettant de tracer jusqu'à trois arcs-en-ciel d'un coup. En fait, lorsqu'il tire, le héros lance une étoile qui trace un, deux ou trois arcs-en-ciel côte à côte, selon le niveau de tir atteint. Lorsque l'étoile touche un ennemi, celui-ci disparaît, et lorsqu'elle touche un bonus, celui-ci est engrangé. Les arcs-en-ciel s'effondrent lorsque le héros les touche par dessous en sautant, ou lorsqu'il tire dessus, et là, tous les ennemis situés plus bas sont tués, et tous les bonus ramassés. Il est aussi possible d'emprisonner des ennemis sous les arcs-en-ciel, et surtout, de tracer une série d'arcs-en-ciel qui forment des marches d'escaliers, afin d'accéder à des plateformes supérieures. Toutes ces subtilités font qu'au bout de quelques parties, on devient expert dans l'art de manier l'arc-en-ciel, et on peut franchir les difficultés comme on le désire, avec une sensation de totale liberté, d'autant plus que la difficulté dans les premiers niveaux est très modérée.

Utilisation des arcs-en-ciels comme escalier, et fin d'un niveau.

Lorsqu'un ou plusieurs arcs-en-ciel s'effondrent, ils descendent tout en bas de l'écran pour disparaître. Le nombre d'arcs-en-ciel affichés à l'écran est limité. Quand il y en a trop, les plus anciennement créés disparaissent un à un. Ces arcs-en-ciel qui descendent sans cesse, couplés au défilement de l'écran et au mouvements gracieux du héros donnent au jeu une sensation de mouvement très agréable, à laquelle vient s'ajouter le nombre de points gagnés à chaque bonus ramassé, qui s'affiche au dessus de ces derniers et monte pour disparaître en haut de l'écran. Les effets sonores étant doux et rigolos, les sensations ressenties par le joueur, très agréables, garantissent rapidement l'addiction et la vidange du porte-monnaie. Autre détail : beaucoup de bonus sont cachés, et apparaissent lorsqu'un un arc-en-ciel en formation les touche.

Jeu : celui qui arrive à expliquer toute les subtilités de Rainbow Islands en répétant moins de fois que moi le mot "arc-en-ciel" gagne un Pif-Poche dédicacé.

Les niveaux sont structurés en îles, chacune étant fondée sur un thème graphique : Ile des monstres, des jouets, des insectes, etc. Il y a également une île reprenant le thème visuel d'Arkanoïd, autre hit de Taito. Il y a au total 7 îles, et à la fin de chaque île, un combat contre un boss attend le héros. Les deux premières îles ne sont pas trop difficiles à franchir, mais la suite est réservée aux fous-furieux. À noter qu'en cours de partie, il est possible de ramasser des diamants de différentes couleurs. Lorsque les dix diamants existants sont totalisés, une vie est gagnée.

La carte des niveaux en début de partie, et le boss de la première île.

Tous les ingrédients de ce type de jeu sont là. Tout est coloré, foisonnant et adorable, et l'action est soutenue par un thème musical enjoué et agréable dont on ne se lasse pas même s'il est plutôt répétitif et ne change jamais. Après quelques parties, il apparaît que l'intérêt est supérieur à celui de Bubble Bobble (à mon goût), notamment grâce aux décors plus variés, et aux boss qui donnent une sensation de progression plus gratifiante. La difficulté est très bien réglée. On joue avec plaisir, et l'envie de continuer est toujours présente. L'action est très répétitive mais les surprises visuelles sont si nombreuses qu'on l'oublie, et on se laisse bercer par la musique et les innombrables choses qui bougent à l'écran. Les nombreuses subtilités dans le maniement du héros sont également à la base du plaisir de jeu ressenti.

Taito a donc parfaitement réussi son coup en proposant une suite à son hit qui fait mieux que l'original. Le public n'en a pas complètement pensé ainsi, réservant à Rainbow Island un accueil enthousiaste mais pas aussi délirant qu'à son prédécesseur.

Des arcs-en-ciel plein ma maison

Boîtier des versions micro et screenshot de la version ST.

Après une honorable carrière en arcade, Rainbow Islands suscite immédiatement la convoitise des éditeurs de jeux micros. La licence d'adaptation sur ST et Amiga est d'abord vendue à Firebird, éditeur Anglais respectable qui confie l'adaptation à Andrew Braybrook, programmeur de grand talent et co-fondateur du studio de développement Graftgold, ô combien vénéré par les aficionados du ZX Spectrum. Braybrook a débuté sur Dragon 32, puis s'est reconverti dans la programmation sur C64. On lui doit notamment le célèbre Uridium. Par la suite, il a fondé Graftgold avec son ami Steve Turner pour développer sur 16-bits, et Rainbow Islands est son premier essai en la matière.

Andrew Braybrook

Un tel jeu doit absolument être commercialisé selon un timing bien précis, et envahir le marché au moment où son potentiel est maximal. Aussi, en 1989, alors que la sortie des versions 16-bits devrait être imminente, les gens de Taito se fâchent tout rouge en s'apercevant que chez Graftgold, on n'est pas du tout prêt, et que le rachat de Firebird par MicroProse survenu entre temps complique le processus d'édition du jeu. Ce sera finalement Ocean, grand chasseur de licences devant l'éternel, qui se retrouve propriétaire de celle de Rainbow Island, alors que la version Firebird, finalisée à 90%, circule déjà en copie pirate.

Page de présentation des versions 16-bits sur la version officielle éditée par Ocean.

Il est d'abord envisagé de recommencer l'adaptation, mais le travail fourni par Braybrook est d'une telle qualité qu'Ocean reprend la collaboration avec Graftgold, dont le nom figure en bonne place sur la magnifique page de présentation du jeu. C'est tout à l'avantage des joueurs, notamment les possesseurs d'Atari ST, qui se sont retrouvés avec un jeu absolument magnifique, en tout point identique à la version arcade, ce qui n'était pas le cas pour Bubble Bobble. Les versions 8-bits sont également très réussies, avec une jouabilité parfaite qui compense des graphismes parfois moins fins et colorés.

Versions Spectrum et C64.

Sur PC, une superbe version du jeu a été éditée par Probe Entertainment, dans un package CD incluant Bubble Bobble et Rainbow Islands, ainsi qu'une autre version de Rainbow Islands en VGA 256 couleurs. Ce package est disponible chez underdogs.com. Il est un peu lourd à télécharger, et c'est une vraie galère de le faire fonctionner (il faut créer une unité CD-ROM virtuelle avec fakecd), mais le jeu est magnifique.

Version relookée sur PC.

Sinon, vous pouvez vous contenter des ROMs de la version arcade pour MAME ou des versions ST et Amiga qui sont excellentes. Pour ce qui est de Graftgold, le studio s'est lancé ensuite dans une suite d'Uridium sur Amiga intitulée Uridium 2. Andrew Braybrook, de son côté, a abandonné l'univers des jeux vidéo, et travaille aujourd'hui dans une compagnie d'assurances.

Laurent
(31 décembre 2001)
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