Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Pendant que Bungie West travaillait sur Oni, les bureaux d'Ontario Street se sont attelés à un nouveau projet, dont les joueurs entendent parler dès février 1999 via les célèbres "Cortana Letters". À cette époque, le site web le plus important consacré à la série Marathon est, et restera, Marathon's Story. Dans Marathon, les écrans de terminaux sur lesquels on découvre l'histoire sont parfois difficiles à dénicher, et les informations qu'ils dispensent sont rédigées sur un ton énigmatique, ne respectant pas forcément l'ordre de déroulement du récit. Marathon's Story se propose de réunir le tout, de l'analyser et de laisser les fans spéculer à l'envie. Début 1999, donc, l'un des webmasters, Hamish Sinclair, qui a ses entrées chez Bungie, reçoit une série de 5 e-mails signés "Cortana", dont l'expéditeur est cortana@bungie.com. En analysant les en-tête et l'IP d'origine des messages il établit que ceux-ci ont réellement été envoyés depuis un ordinateur de Bungie. Leur contenu est sibyllin. Cortana est manifestement une intelligence artificielle en quête de vengeance, qui aurait investi les ordinateurs de Bungie. Ses phrases comprennent certaines référence à l'univers de Marathon (la phraséologie est similaire à celle de Durandal). Sinclair y voit soit un canular (Bungie avait déjà fait le coup avec le Marathon Gold hoax, une annonce mensongère portant sur une version Gold de Marathon enrichie des meilleurs niveaux et scénarios développés par les fans du jeu), soit l'annonce camouflée d'un nouveau jeu en développement... peut-être Marathon 3 ? Il contacte par IRC Matt Soell, une de ses connaissances qui travaille chez Bungie. Celui-ci lui fait des réponses encore plus étranges, lui confirme que les messages sont très sérieux, qu'il y a bien un nouveau jeu de prévu mais que le fait que Cortana s'exprime comme Durandal ne signifie rien de particulier, et que le jeu ne sortira pas avant "la fin du monde"... Il faut bien se dire que dans le milieu du jeu vidéo le secret absolu sur les projets en cours est de mise, et que toute personne prenant à son compte l'initiative de faire des révélations à un site de fans risque le licenciement. Il est donc clair que ces messages font partie d'une manœuvre opérée par Bungie pour créer un effet d'attente sur son prochain jeu : l'imagination des joueurs est stimulée, puis exploitée à des fins promotionnelles. Les habitués de Marathon's Story se régalent, sur les newsgroups du site, à décrypter mot par mot les messages de Cortana, estimant par exemple la période de sortie du jeu à juillet 2000, date de la fin du monde annoncée par Nostradamus. Ils vivent alors un épisode mémorable qui va durer plusieurs mois, pendant lesquels Bungie distille des informations au compte-goutte et dans un souci constant de cohérence avec l'univers de ses jeux. En réalité, les messages de Cortana, qui sera à l'évidence un personnage important, sont adressés au capitaine d'un vaisseau et décrivent des évènements précédant l'introduction du jeu. En juillet 99, au Macworld, la vérité éclate. Bungie annonce, en présence d'un Steve Jobs rayonnant, un jeu nommé Halo, dont une vidéo est présentée. Une chose est sûre : Halo fera les beaux jours du Macintosh G4, car le jeu est d'une beauté graphique stupéfiante. Difficile même de déterminer si ce qui est montré est du "temps réel" ou du "précalculé". Les fans exultent. Halo, qui se présente alors comme un jeu de tir en vue à la troisième personne dans un environnement de science-fiction, est en développement depuis deux ans déjà, et personne ne sait alors qu'il devait être à l'origine un RTS transposant dans un univers futuriste le gameplay de Myth. Une version embryonnaire sous cette forme existe même, qui comprend deux véhicules que l'on retrouvera dans le Halo définitif : le Ghost et le Warthog. Après cette annonce, un site officiel est créé (http://halo.bungie.com), sur lequel des messages de Cortana seront publiés jusqu'en octobre (le site Marathon Story a bien entendu tout consigné). Le jeu que Bungie a dévoilé aux fans de Apple est révolutionnaire. Il doit se dérouler dans un seul et même univers (pas de découpage en zones, donc) comprenant des parties terrestres et maritimes bourrées d'effets météorologiques. De la même manière que dans Myth, mais avec une vue au cœur de l'action, le jeu gérera la physique de tous les éléments mis en scène, et le terrain sera déformable. Le mode multi-joueurs, quant à lui, permettra de faire le jeu en coopération. Jason Jones est présenté comme chef du projet et concepteur du jeu, tout comme cela avait le cas pour Myth. La sortie du jeu est annoncée pour juillet 2000, sur Mac et PC, édité par Rockstar Games et distribué par Take 2. Pendant les mois qui suivent, le site officiel de Bungie diffuse des screenshots si époustouflants que certains y voient une pure esbrouffe... une longue attente commence. Fin 99, Take 2 et Rock Star annoncent que Halo sortira également sur Playstation 2, console dont on attend beaucoup sur le plan technique, avant la fin de l'année 2000. Le jeu prend alors des allures d'évènement mondial, un hit capable de rassembler toutes sortes de joueurs. Près d'un an s'écoule, puis au printemps 2000 se produit un coup de théâtre : Microsoft, en quête d'un line-up décent pour sa première console de jeux, la Xbox, rachète Bungie, prenant le dessus sur Activision qui avait pourtant fait, paraît-il, une offre très intéressante. Bien qu'à ce moment là la Xbox n'intéresse pas grand monde, la nouvelle fait l'effet d'une bombe, car ses répercussions sont faciles à déterminer. D'une part cela veut dire que le jeu va être grandement retardé. La Xbox a beau disposer d'une architecture PC, elle ne se programme pas vraiment de la même manière et nécessite un travail d'optimisation considérable. D'autre part, Halo ne sortira peut-être jamais sur Mac, ou alors avec un retard encore plus important. Pour les fans de Bungie qui suivent le studio depuis ses débuts, c'est dramatique. Enfin, la version PS2 ne verra jamais le jour, c'est une évidence, à moins que Microsoft accepte d'offrir sa killer-app à la concurrence... Mais un rachat n'implique pas forcement un contrôle total sur l'existant. Les droits sur Oni restent la propriété de Take 2, et Bungie garde son mot à dire sur ses projets en cours. Ainsi on apprendra que si la version PS2 est effectivement annulée (Bungie ajoutera même, c'est de bonne guerre, que celle-ci n'aurait jamais pu fonctionner correctement), les version PC et Mac sont confirmées. Il faudra juste, pour y jouer, patienter pendant une période d'exclusivité Xbox. Bungie déménage une nouvelle fois, pour Redmond, et fait ses adieux à Chicago sous la forme d'une fiesta monumentale entre employés. Le développement de Halo reprend, sur Xbox, ce qui implique du bon et du moins bon pour les programmeurs. Ils travaillent sur un système stable, qui garantit que tous les joueurs vivront le jeu de la même manière, mais dont on ne connaît pas encore le vrai potentiel, ce qui est plutôt stimulant, et les coûts de développement ne sont plus un problème. D'un autre côté, la Xbox est annoncée pour fin 2001, et Halo doit obligatoirement être prêt pour cette date. Transformer en jeu console un projet micro en chantier depuis trois ans, le tout en moins de 18 mois, est un challenge que Bungie ne relèvera pas sans faire quelques concessions. Halo devient un FPS découpé en missions, et une partie de ses ambitions est revue à la baisse, notamment sur le level-design. Mais, comme on le verra par la suite, il porte en lui tout l'historique de son développement. C'est un patchwork de sensations ludiques et d'idées venues de différents horizons. Reste à savoir si le tout est cohérent et si le plaisir de jeu est bien là. Halo sort le 15 novembre 2001, en même temps que la console de Microsoft. Dans un premier temps, le nombre de "grosses boîtes noires" qui se vendent est très décevant, mais quasiment tous les possesseurs de Xbox achètent Halo, et à l'échelle d'un jeu ces mêmes chiffres deviennent très satisfaisants. Les critiques sont unanimes : 9.7/10 sur IGN, 8/10 sur Eurogamer, 9.7/10 sur Gamespot, et (roulements de tambour...) Edge se fend d'un 10/10 ! Un scan de la review se trouve ici. Le magazine de jeu vidéo le plus sévère au monde, qui n'a auparavant donné cette note qu'à 3 jeux (Super Mario 64, Gran Turismo et Ocarina of Time), reconnaît en Halo "le meilleur de ce que le jeu vidéo peut offrir", "le titre de lancement le plus important jamais offert à une console"... On imagine que chez Bungie c'est la fête. Mais on ne sait pas encore que Halo est en train de sauver la Xbox. En 2002, une page se tourne : le fondateur de Bungie, Alexander Seropian, qui aspire à une vie professionnelle moins envahissante, quitte la société. Il fondera en février 2003 le studio Wideload Games, spécialisé dans le développement et la préproduction de prototypes de jeux destinés à être revendus pour finalisation. Devant la stabilité de Halo en tête des ventes sur sa console, Microsoft fera tout pour retarder un maximum la conversion sur PC, réalisée par Gearbox Software, à qui on devait les excellents add-onsOpposing Force et Blue Shift pour Half-Life. Halofor Windows ne sortira finalement qu'en septembre 2003 ! On trouve alors déjà des processeurs tournant à 2 Ghz, des cartes graphiques à 128 Mo, les premières vidéos de Half-life 2 ont fait le tour du net et on évoque avec des titres comme Doom 3 et Stalker, dont les premiers screenshots sont hallucinants, le grand retour du FPS sur PC avec à la clé un bond en avant technologique. Les graphismes de Halo sur PC, identiques à ceux de la version Xbox, ont donc pris un petit coup de vieux. Le gameplay, pensé pour tenir compte des contraintes du jeu au pad dans le cadre d'un FPS, apparaît limité lorsqu'on utilise une souris. Les modes multi-joueurs, remaniés et permettant enfin le jeu en ligne, s'avèrent moins maîtrisés que prévu et les carences du level-design, si elles étaient pardonnables sur la version Xbox compte tenu des délais serrés de développement, font vraiment tache deux ans plus tard... Enfin, le jeu est mal optimisé, exigeant les configurations les plus musclées du moment. Bref, Halo n'est pas devenu sur micro la référence qu'il est sur console. La version Mac, arrivée en décembre 2003, souffre des mêmes défauts.
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