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Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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![]() Le vert ! Un vert étrange, souvent brillant et phosphorescent, tirant plus vers le jaune que vers le bleu. Celui de la X-Box... Une couleur récurrente dans les œuvres de science-fiction. Mais pourquoi cette couleur là ? Juin 2000, un très bon livre s'intéressant à ce genre, Science Fiction et Société (P.U.F.), nous explique (entre bien d'autres choses) que ce vert est apparut en même temps que la découverte de certains corps radioactifs, il est récent. En y consacrant plusieurs pages, l'auteur (Alexandre Hougron) énumère les implications de la couleur dans les films de S.F. C'est passionnant. En clair, si ce vert est à ce point récurrent dans les œuvres de science-fiction c'est parce qu'il est, justement, quasiment absent dans la nature, cela le rend étrange. Lors de l'écriture du livre, Matrix n'était pas encore sorti, dommage, à coup sûr un paragraphe lui aurait été consacré. Matrix peut apporter un nouvel éclairage, prenons la liberté de compléter le travail d'Alexandre Hougron dans la direction qui nous intéresse ici. Dans Matrix, ce vert irradiant est partout. Forcément il est dans toutes les lignes de codes : les lignes qui remplissent les écrans d'ordinateurs que l'on voit 'dans' le film, et aussi les lignes qui s'emparent du grand écran, celui de cinéma qui projette le film car la vie est ici un vaste programme informatique relié aux cerveaux des personnages que l'on suit - cette mise en abyme est un peu le thème de Matrix et c'est aussi la raison pour laquelle je vous parle de cette couleur ici. Cette couleur est, définitivement, celle qui symbolise les écritures d'ordinateurs, même dans les œuvres futuristes - ou plutôt - "surtout" dans les œuvres futuristes, et là encore par régression. Ainsi, indépendamment de son étrangeté, de sa référence aux matières radioactives, on doit sans doute rajouter le coté 'rétro cyber' de ce vert, son style 'début des écrans informatiques'. Et les jeux vidéo n'y échappent vraiment pas. Dans Perfect Dark, très bon FPS futuriste où l'on déjoue une conspiration extraterrestre (Nintendo64, Rare, 2000), dès la sélection du stage l'héroïne tape sur son écran verdâtre. Plus loin, d'autres écrans du même acabit remplissent les niveaux... Et les écritures sont justement de ce vert "style premier écran". Verte, sur fond noir et... épurée : Une écriture faite de caractères géométriques pauvres en détail. Résumons : Les transistors, de plus en plus petits, de plus en plus agglutinés, associés au savoir faire des développeurs, nous font vivre, grâce aux jeux vidéo, une bonne partie de notre vie dans des univers futuristes : nos écrans sont des fenêtres sur le futur. Et, paradoxe : sur un futur où l'on ne cesse de côtoyer des écrans d'ordis dignes des premières initiations informatiques des écoles primaires. C'est bien la peine d'avoir des gadgets à ne plus savoir qu'en faire, affichant fièrement : Mardi 15 Avril 2050, si c'est pour vivre au milieu d'écrans de l'an 25 avant PacMan ! Les écrans dans les jeux du futur sont des fenêtres vers le passé, notre passé informatique. Mais les écrans dans les jeux ne sont qu'un exemple de cet étalage des technologies à leurs débuts, les motifs simples, géométriques et répétés à l'infini en sont un autre exemple, là encore récurrents dans les jeux futuristes. Et puis, que dire des autres régressions ? Lorsqu'on s'amuse à décortiquer les images des jeux futuristes, elles s'imposent à l'œil comme autant de paradoxes. Des paradoxes, qui nous apprennent que l'impression visuelle n'a rien avoir avec la réalité ou la logique des évolutions. Carence technique passéiste = futurisme esthétique. IV-b. Croisement ? Mais comment en sommes-nous arrivés là ? Comment est-on passé de l'aspect "limite technologique" contraint à l'aspect "limite technologique" voulu ? ![]() Je crois que j'ai trouvé un exemple intéressant. Vers 1980, certains commençaient à concevoir l'infographie comme un moyen de création permettant d'obtenir de nouvelles sortes d'images. L'image ci-dessus a été créée il y a plus de 22 ans. Elle a fait l'affiche d'une expo du Centre Beaubourg intitulée : "Génération infographie : Images du futur". En plein dans notre sujet en somme. Dans le fascicule, les artistes nous expliquent que, ce type d'images, tributaires des progrès des ordinateurs, vont, à moyen terme, tout changer : ils anticipaient un style tout à fait singulier et inédit Et ils ont bien eu raison de le dire, les images faites par ordinateurs ont (depuis) effectivement créés des impressions visuelles inédites. Mais les quelques pages de textes nous prouvent qu'à l'époque les auteurs sont loin de d'imaginer l'étrange croisement qui se prépare : ils sont loin d'imaginer que : quand les images du futur voudront avoir une connotation futuriste, elles allaient justement simuler (à leur sauce) toutes les contraintes imposées par la technique de leur époque à eux - voire même les contraintes imposées par la technique des époques antérieures. Les témoignages présents dans le fascicule montrent que les artistes voulaient s'extraire des contingences techniques. Aujourd'hui, dans une certaine mesure, on y retourne. C'est un sacré carrefour ! En dehors du choix du motif qui ne s'y prête vraiment pas, le champignon de la vieille photo possède à peu près tout ce qui "fait" futur. Il ressemble même aux hologrammes de la grotte technoïde de F-Zero GX. Au pire, il est presque trop compliqué (trop développé techniquement) pour être futuriste. Du fait de son âge, le champignon est visiblement technologique, et, du coup, il se retrouve futuriste à ses dépends. Mais ne nous éloignons pas des jeux trop longtemps, retrouvons les consoles et cherchons d'autres "futurismes involontaires" du passé. Toutes les vieux jeux le sont un peu mais, certaines consoles se détachent du lot parce que leurs régressions sont encore plus visibles ou atypiques que les celles des autres. L'imposante Vectrex est la candidate idéale. Elle doit tout à ses lignes droites - ou plutôt à ses vecteurs, puisque c'est bien cette notion mathématique qui est à l'origine du concept. En fait, un vecteur est une information très légère, beaucoup plus légère qu'un groupe de pixels, voilà pourquoi la console pouvait proposer, dès 1983, des effets visuels hallucinants : des déplacements, des changements de tailles, des rotations... enfin, pour reprendre le vocabulaire des matheux, ce sont des translations. Et graphiquement la géométrie est loin d'être anodine. Toutes ces lignes, si nettes, si mobiles et si brillantes, ressemblent presque à un spectacle LASER. Mais à un spectacle LASER génialement limité. Démonstration : Dans l'excellent Scramble, version Vectrex, on évite des flammes quadrilatères et on combat des soucoupes pentagones à l'aide d'un vaisseau qui est, en réalité, une longue flèche triangulaire. En bas, patientent les mêmes flèches, simplement retournées, et très remontées contre nous puisqu'à la moindre occasion elles surgissent pour nous tuer. Mais, sur ce même sol, attendent aussi, plus pacifiques, des rectangles à pattes (simulant des recharges d'essence) ou des boites carrées barrées d'une croix (incarnant avec brio des bases secrètes)... Et, après une longue suite de péripéties toutes plus anguleuses les unes que les autres, apparaît enfin la vraie vedette, le colosse : le boss de fin - si on peut dire - qui n'est rien d'autre qu'un carré de 8 millimètres de côté, posé de quinconce sur le sol plat, ça ne s'invente pas. Et tous les jeux que propose la borne miniature partagent ce même style : les formes sont toujours très contraintes et incroyablement géométriques. Ces lignes singulières, qui scintillent énormément sur le gros téléviseur intégré, forment des images vraiment rétros... Résultat : elles sont indéniablement futuristes. ![]() ![]() Autre exemple, bien plus récent mais très intéressant : la console Virtual boy. Encore elle ! Ne comptez plus : c'est sa troisième apparition depuis le tout début de l'article. Quel que soit le paragraphe, ses deux longues pattes reviennent à la charge avec la régularité d'un coucou suisse. Il faut dire qu'elle est incroyable, elle ne fait rien comme les autres. Ce drôle d'oiseau est un véritable assemblage technologique, presque non-sensique, c'est l'ornithorynque des consoles. Et question design, ce grand échassier à lunettes mise tout sur le futurisme. C'est bien simple, le design mais aussi le concept (la réalité virtuelle) ou le merchandising, jouent à fond la carte de l'Anticipation, et ceci comme aucune autre machine à jouer ne l'avait fait avant elle. D'ailleurs, si on en croit la boîte, la console doit sa connotation futuriste à sa technologie développée : "dramatic 3-D effects ; 32-bits risc processor ; digital stereo sound ; high resolution Led optics..." tout ça pour jouer, par exemple, à Teleroboxer : "a futuristic in-your-face fighting action". Sornettes ! Gardez tout ce qu'on a dit en tête, puis mettez vos mirettes dans la grosse bête, vous constaterez, qu'effectivement, le Virtual Boy déborde de futurisme, seulement, ce n'est absolument pas pour ses prouesses, mais bien, à l'inverse : pour ses limites. Une seule couleur, c'est d'abord cela qui donne un charme aussi "science-fictif" aux images de l'engin, c'est à dire, tous ces points lumineux qui ressortent de ce fond noir. Et cette monochromie écarlate accentue aussi la 3-D révolutionnaire dont s'enorgueillit l'engin. Alors, justement, parlons de cette fameuse 3-D : D'accord, le relief est là. Il est même trop là ! C'est presque une 3-D régressive : elle ne se rapproche pas du tout des trois dimensions qui constituent le vrai monde environnant. C'est un relief tout ce qu'il y a de plus artificiel, et disons le : un relief technoïde. Car les axes ressortent terriblement, ils sautent aux yeux - presque au sens propre - comme ces gigantesques poteaux surgissant parfois du sol dans Vertical Force et propulsant le joueur dans une sorte de vertige abstrait. Le jeu de miroirs est super efficace : Largeurs, longueurs et hauteurs sont taillées à la serpe, comme des coups de rasoir virtuels portés à l'œil du joueur. Pour être tout à fait honnête, le cas de la V.B. est particulier. Parler uniquement des limites est injuste... L'engin propose bien, par certains aspects, une technologie et un concept très développés - voir en avance sur son temps - mais ces aspects développés ont impliqués un ensemble de compromis, d'autres aspects qui sont, eux, peu développés et correspondent plutôt, pour une console de 1995, à un énorme retour en arrière technologique, et c'est précisément pour ses singulières limites que la V.B. est génialement futuriste. Comme la Vectrex ou le champignon de tout à l'heure, elle rentre donc dans le club des futuristes involontaires. Mais sur ce point aussi, la relative récence du V.B. lui confère un statut particulier. Elle se veut futuriste, elle, ça l'arrange. Dans le fameux croisement/paradoxe dont nous parlions, elle négocie le virage en traître et tente de faire passer son étrange connotation (due aux limites) pour une avance technologique. C'est de bonne guerre, c'est ce qui s'appelle la Communication. Il n'empêche qu'elle est futuriste essentiellement pour sa technologie plutôt grossière, visible. Sa communication est donc opportuniste. Mais elle n'est pas la seule. L'astuce "Limite technique qui fait Passé technologique qui fait Desing cyber et qui fait finalement Futur" a été suivi par d'autre. C'est même un phénomène courant dans l'histoire des jeux vidéo. La Vectrex de tout à l'heure propose bien, de son côté, un design très futuriste, voulu. Tous quadrillages dehors et emballage métallique à l'appui, elle apprivoise également ses limites pour en faire une force. Le premier F-Zero est, lui aussi, un peu "futuriste à ses dépend mais ça l'arrange et il en joue". Le côté plat, propre et répétitif des extérieurs - complètement imposé par la technique - lui confère un style très particulier et congrue avec le thème qu'il propose. Depuis, les choses ont évolué. Comme nous avons commencé de le voir, la saga et ses concurrents directs continuent de montrer de la technologie - mais cette fois, c'est 100 % volontaire. La technique n'impose plus rien. Quand on montre de la vieille technologie, c'est un choix. Mais que montre-t-on quand on montre une technologie qui se montre (je suis sponsorisé par Swatch) ? La technologie du passé ? Ou la technologie en tant qu'étape de développement ? IV-c. Le canevas du jeu (ses étapes de développements), ou le passé informatique en général ? Des jeux comme Rez (Sega, 2001, Dreamcast/Playstation 2) ont intéressé beaucoup de gens. Rez peut nous mettre sur la voie, mais attention aux fausses pistes. C'est un jeu sur les jeux. Un shoot - comme par hasard ! - qui contient toutes les étapes de l'évolution technique du media depuis Pong (et même les jeux antérieurs). On a dit plein de chose sur ce jeu. Il est archéo, techno, cyber... rajoutons qu'il est complètement futuriste ! (Et futuriste pour le côté 'archéo' de son penchant techno. Si, si !). Car avec de longs passages en fils de fer, et d'autres en formes géométriques abstraites, Rez est de plein pied dans la problématique. Et dans le cas de Rez, on a plutôt dit qu'il s'agissait d'une façon de faire remonter à la surface le squelette du jeu, son canevas. "Voir un jeu à nu" observa Christophe Gans dans une interview mémorable - ce qui est, mine de rien, la plus sérieuse contradiction que l'on puisse trouver à notre thèse. Cela signifierait que la prédominance de la technologie visible dans les œuvres futuristes n'est pas un retour volontaire du passé informatique mais plutôt le retour des entrailles du jeu - ce qui, en soi, n'a rien à voir avec une époque passée, mais plutôt avec une étape du développement du jeu actuel. Il n'est pas facile de distinguer ces deux thèses, et encore moins d'en choisir une, au détriment de l'autre. Un consensus est toujours possible. Cependant, dans les jeux, toutes les unités élémentaires sont visibles, même celles qui n'ont rien à voir avec les jeux et leurs élaborations, ce qui ferait plutôt pencher pour notre thèse, celle en rapport avec la période passée.
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