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Fallout - La série
Année : 1997
Système : Windows, Playstation 3, Playstation 4, Xbox 360, Xbox One
Développeur : Interplay
Éditeur : Interplay
Genre : RPG / FPS

Errance et tourmente

Revenons à Black Isle : en 1999-2000, après Fallout 2, les développeurs du studio sont affectés à divers projets, notamment l’exploitation de licences Dungeons&Dragons. Interplay obtient un gros succès avec les deux premiers Baldur's Gate développés par BioWare et distribués sous le label Black Isle (présenté comme éditeur pour l'occasion). Ce dernier signe en parallèle Planescape: Torment et Icewind Dale. Ces deux jeux remarquables (surtout Planescape, considéré comme un des RPG les mieux écrits de l'histoire du genre) reposent sur les outils de développement des Baldur's Gate (l'Infinity Engine, dont il est question dans cet article). Chris Avellone, qui s'est beaucoup impliqué dans leur conception, devient une petite légende auprès des amateurs de RPG. Les années suivantes (2000-2002), Black Isle développe deux extensions et une suite à Icewind Dale, puis se lance dans un troisième volet de Baldur's Gate avec des graphismes tout en 3d (mais toujours en vue isométrique). Pendant ce temps, la licence Fallout est, timidement, placée dans d'autres mains : Interplay a commandé au studio australien Micro Forté un nouvel épisode qui deviendra Fallout Tactics: Brotherhood of Steel, sorti en 2001.

Malgré sa ressemblance graphique avec les deux premiers volets, Fallout Tactics s'en écarte nettement : le gameplay est très porté sur les combats en escouade, avec un système de tour-par-tour plus élaboré (la difficulté est très retorse). Il y a un scénario, mais il est généralement considéré comme non-canonique (les épisodes ultérieurs de Fallout n'en tiennent pas compte). La progression est linéaire et les interactions avec les NPC très limitées. C'est un bon jeu, mais pas du tout le Fallout 3 que les fans attendent. Interplay est alors en pleine tourmente, entre les problèmes d'argent et les luttes d'influence Fargo vs. Titus. Baldur's Gate 3 est annulé, par crainte de ne pas le rentabiliser. Les développeurs de Black Isle qui ne sont pas encore partis sont mis à l'oeuvre sur un nouveau Fallout dont le nom de code est, comme le studio en a l'habitude, celui d'un ancien président des Etats-Unis : Martin Van Buren (8e président des USA, 1833-37).

Van Buren, le Fallout 3 abandonné de Black Isle.

Van Buren, qui devrait devenir Fallout 3 à sa sortie si tant est qu'elle ait lieu, utilise le moteur 3d mis au point pour Baldur's Gate 3. Le jeu est entièrement écrit, en partie réalisé, puis finalement abandonné. Chris Avellone décrira dans diverses interviews une ambiance de faillite imminente et des développeurs concentrés à fond sur le boulot pour ne pas penser à leur avenir incertain.

Fin 2003, une fois Van Buren enterré (une version partielle circule aujourd'hui sur le net), Black Isle est maintenu sous respiration artificielle quelques mois, puis dissous. Ses membres montent le studio Obsidian Entertainment, avec la ferme volonté de créer des RPG complexes et ouverts, mais capables de s'imposer sur les consoles du moment. Cette transition, c'est BioWare qui la réussit le premier avec Star Wars: Knights of the Old Republic (KOTOR), sur Xbox et PC, un excellent RPG qui propulse le studio canadien dans la stratosphère du développement multi-plateformes triple-A (Jade Empire, puis les séries Mass Effect et Dragon Age...). Obsidian prend le train en marche en réalisant fin 2004 une suite, KOTOR 2: The Sith Lords, développée dans la précipitation mais qui reçoit un très bon accueil critique. Pour Feargus Urquhart, Chris Avellone et leur équipe, l'histoire continue, mais il faudra quelques années encore avant de les revoir à l’œuvre sur un Fallout...

Entre temps, Interplay poursuit son chemin de croix. Certaines tentatives de percer sur le marché des consoles ont pourtant bien fonctionné. C'est notamment le cas de Baldur's Gate Dark Alliance (2002), développé par Snowblind Studios, un hack'n'slash compact, très éloigné des deux Baldur's Gate dans son gameplay, mais bien réalisé (son moteur graphique a servi sur plusieurs jeux par la suite) et franchement fun. Un peu plus tard, c'est un Black Isle sur le point d'être démantelé qui s'occupe de sa suite, Dark Alliance II (sorti début 2004). Parallèlement, toujours avec le Dark Alliance Engine, Interplay cuisine en interne le hack'n'slash Fallout: Brotherhood of Steel (2004).

Bien que pas nécessairement moins bon que les deux Dark Alliance, c'est un jeu haï par les fans de la franchise pour son scénario médiocre, sa linéarité, la vulgarité qui s'en dégage et l'utilisation d'une bande sonore metal qui casse un peu l'ambiance uchronique/fifties habituelle des Fallout. Finalement, Snowblind attaque Interplay en justice pour avoir utilisé le Dark Alliance Engine sans son accord, ce qui provoque (entre autres) l'annulation d'un second hack'n'slash dans l'univers Fallout...

Changement de propriétaire

Hervé Caen

Début 2005, Titus met la clé sous la porte et Interplay redevient indépendant. Hervé Caen en est resté le dirigeant, mais la société est dans un état financier lamentable, forcée d'annuler la plupart de ses projets. La vente de la franchise Fallout est inévitable, reste à savoir qui la reprendra. À cette époque, Bethesda Softworks a le vent en poupe : Morrowind, troisième volet de leur série de RPG The Elder Scrolls, a fait un carton sur PC et le succès de la version XBox confirme qu'un passage réussi au multi-plateformes est possible. Mais Bethesda souhaite se diversifier et certains de ses développeurs les plus talentueux (Todd Howard, Ken Ralston, Emil Pagliarulo) sont des fans de Fallout depuis longtemps. L'idée d'acquérir la licence est soulevée, et lorsque The Elder Scrolls IV: Oblivion sort, en mars 2006, un épisode de Fallout utilisant le même moteur de jeu est secrètement en développement chez Bethesda depuis environ deux ans.

Le transfert d'IP n'est officialisé qu'en avril 2007 : Interplay reçoit, pour les droits de Fallout, 5.75 M$, et conserve la possibilité de finaliser un projet assez nébuleux : Fallout Online, un MMORPG supposément développé en Bulgarie par Masthead Studios. Mais l'accord prévoit, pour ce jeu, une sortie dans un délai de deux ans. Du non-respect de ce délai découlera en 2009-2010 une bataille juridique compliquée impliquant Bethesda, Interplay, Masthead Studios et plusieurs tribunaux. À l'arrivée, Bethesda se retrouve seul propriétaire de la licence Fallout. Interplay et Masthead peuvent continuer à développer leur MMORPG, mais celui-ci devra être expurgé de toute référence à Fallout. Enfin, Interplay est autorisé à rééditer les deux premiers Fallout et Tactics jusqu'à fin 2013.

Bethesda Softworks est un éditeur de jeux vidéo fondé en 1986 par Christopher Weaver à Bethesda, Maryland (non loin de Washington DC), puis élargi en 1999 sous le nom de Zenimax Media, société plus large qui possède aussi, entre autres, Id Software et Arkane Studios. Bethesda Game Studios est son principal studio de développement.

Fallout 3, par Bethesda, sort en octobre 2008 après quatre ans de développement, sur Xbox 360, PS3 et PC. Il séduit sans peine la critique (plus de 90% chez les agrégateurs de notes) et le public (5 millions d'exemplaires vendus pendant les premiers mois), mais on va en parler en détail dans la partie suivante de l'article. Retenons pour l'instant que c'est un jeu développé de A à Z dans le Maryland, qui n'a rien à voir avec feu-le Van Buren de Black Isle.

Pour autant, Feargus Urquhart, Chris Avellone et leurs camarades sont loin d'avoir oublié Fallout, bien au contraire. Depuis les débuts de l'Internet grand public des communautés de fans échangent des idées sur le monde post-apocalyptique initié par Brian Fargo et Tim Cain. Avellone s'est joint à eux, participant en 2002 à des séances de question-réponse par e-mail qui l'ont conduit à rédiger deux importants documents à usage des fans et de tout développeur appelé à travailler sur la licence : la Fallout Bible et la Fallout Timeline, qui regorgent d'informations archi-détaillées, longuement recoupées et analysées. Ce travail considérable, et le respect qu'il suscite chez les fans de la première heure, vont conduire Bethesda à confier le développement d'un nouveau Fallout à Obsidian. L'opération permet d'autre part aux équipes dirigées par Todd Howard de se concentrer à fond sur The Elder Scrolls V: Skyrim.

Parmi les principaux responsables de Fallout 3 : Istvan Pely (directeur artistique), Todd Howard (chef de projet), Emil Pagliarulo (scénariste et game designer) et Pete Hines (directeur marketing).

Utilisant le moteur de Fallout 3, Fallout: New Vegas est développé en 18 mois, en parallèle d'Alpha Protocol (un autre RPG d'Obsidian, édité par Sega). À sa sortie fin 2010, il fait l'admiration de tous. Les critiquent saluent un RPG d'une intelligence exceptionnelle, mais toutefois le sous-notent légèrement à cause de ses graphismes médiocres et de bugs qui renvoient à un âge révolu. Les fans adorent son scénario, son ambiance, mais certains restent réservés sur le gameplay dérivé de Fallout 3, autrement dit des Elder Scrolls. Les ventes sont excellentes et engendrent des millions de dollars de recettes, mais Bethesda refuse à Obsidian un bonus conditionné par les notes attribuées au jeu dans les sites et magazines spécialisés (la pratique est courante et fait polémique). Ce manque à gagner, et sans doute d'autres soucis financiers, poussent Obsidian à licencier, début 2012, 30 personnes. Autre répercussion : les bugs de Fallout: New Vegas n'ont jamais vraiment été corrigés. Sur PC, les moddeurs finiront sans doute par le rendre stable, mais les versions Xbox 360 et PS3 resteront imprévisibles (pour le moins).

L'équipe d'Obsidian pendant le développement de Fallout: New Vegas.

À l'heure où ces lignes sont écrites, on ne sait pas si les anciens de Black Isle reviendront dans les terres dévastées. Selon Feargus Urquhart, le studio a gardé de bonnes relations avec Bethesda et rempilerait volontiers. Mais on n'en sait pas plus. En attendant, il s'est lancé dans tout autre chose : Project Eternity, un RPG old-school d'heroic fantasy, en vue isométrique, exclusif au PC et financé par Kickstarter (la campagne a rapporté 4M$, encore plus que pour Wasteland 2). Pour ce qui est de Bethesda, tout le monde est convaincu qu'un Fallout 4 est en gestation depuis l'achèvement de Skyrim fin 2011, mais à la fermeture de l'E3 2013, l'annonce n'en avait toujours pas été faite.

Une chose est sûre, en tout cas : quasi-morte au début des années 2000, la licence Fallout se porte, dix ans plus tard, comme un charme.

  

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