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Eroge : Les jeux érotiques japonais
Un petit tour d'horizon d'un genre un peu en marge de la production classique et pour des raisons évidentes. De quoi compléter sa culture personnelle!

Les différents types de jeu

La partie historique étant faite, parlons maintenant des jeux en eux-mêmes. En effet, le terme eroge ne désigne ni un genre, ni type de gameplay : cela signifie seulement qu'il contient de la pornographie, point. Je ne pense cependant pas me tromper en disant que certains vont associer les eroge aux visual novel. C'est bien entendu très réducteur et totalement erroné, mais cela peut se comprendre. Car si en effet, une majorité de jeux X sont bien des visual novel ou apparentés, on trouve également des tonnes de titres appartenant à des genres aussi divers que variés, comme des RPG, des puzzles, des Tactical, des jeux de baston voire des shoot'em up !
Il convient d'ailleurs de bien faire la différence entre les softs où le sexe occupe une place centrale, et ceux où les scènes érotiques sont un simple ajout au jeu. Vous vous doutez bien que dans le cas d'un shoot, ce sera difficile à intégrer au sein même des phases d'action. Pour chaque genre, j'ai donné un ou deux exemples notables pour illustration.

Visual novel

Lovers (Jellyfish, 2003). La première version sortie en 98 sous le titre « Love Escalator ».

C'est de loin le genre plus courant, on va donc commencer par là. Le héros discute (beaucoup), pense (énormément), se déplace parfois dans divers lieux, doit faire certains choix lors d'évènements ou de conversations, et c'est à peu près tout. Parfois le déplacement est automatique, la seule action du joueur consistant à valider un choix après dix ou vingt minutes de texte. Le rythme est généralement très lent, afin de s'imprégner au maximum de l'ambiance. Dans certains cas (plus nombreux qu'on ne pourrait le croire), la partie interactive se limite à trois ou quatre choix de toute la partie ! Peu importe que le scénario soit génial ou les images magnifiques, j'ai quand même du mal à faire entrer ce type de programme dans la catégorie « jeu », c'est plutôt un roman avec des images et du son.
Dans Lovers par exemple, vous avez une petite amie officielle presque dès le début du jeu (dont est amoureux votre meilleur ami, ce qui va grandement compliquer les choses), plus deux autres candidates potentielles (cinq dans le remake). L'aventure se déroule sur quelques mois (ce qui doit correspondre à moins d'une dizaine d'heures de jeu au final), mais rien ne dit qu'elle se terminera bien... Pour ce qui est du côté X, au fur et à mesure que votre relation avance, Mademoiselle acceptera des choses de plus en plus « osées ». Contrairement à un jeu comme Dôkyûsei où les scènes érotiques se limitent à quatre ou cinq images et ne sont pas jouables, celles de Lovers sont entièrement animées, nombreuses, et jouables. Les relations entre les personnages sont très développées, le jeu est franchement joli, et les scènes X sont plutôt bien conçues. Un jeu que je conseille vraiment, si devoir parfois vous taper 20 ou 30 minutes de parlotte ne vous dérange pas.

Un autre titre, que j'ai eu la chance de découvrir très récemment et pour lequel j'ai eu un coup de cœur, est Prime Girl (Trifact, 2001). Radicalement différent de la majorité des titres du genre dans son approche, et c'est bien ce qui m'a poussé à l'essayer, il s'agit moins d'une simulation de drague que d'une simulation de vie de jeune salaryman célibataire. Notre héros, Takuya Minagawa, est un jeune employé très compétent de 23 ans qui développe des programmes informatiques pour la petite société Ash, qui ne compte que sa patronne, un autre employé, et une étudiante/stagiaire (Kiriko) qui débarque au début du jeu et est censée rester là quelques semaines. Le soft se déroule sur exactement un mois, à savoir du 24 Décembre 2000 au 20 Janvier 2001. Alors bien sûr vont se nouer (ou pas) diverses histoires de cœur, et c'est évidemment un des points centraux du jeu, mais pas que. Quasiment tous les protagonistes sont donc des adultes, et déjà insérés dans le monde professionnel, ne serait-ce que partiellement. Cela change considérablement de la majorité des titres qui se déroulent en milieu étudiant voire carrément lycéen, ce qui peut être assez gênant dans ce dernier cas... Et justement ! La vie professionnelle (au Japon) est très mise en avant dans Prime Girl : heures supplémentaires, beuveries après le boulot, hiérarchie, congés payés, relations avec les sous-traitants, travail intérimaire, pot de fin d'année, cartes de vœux du Nouvel-An... Et cela aura bien entendu une influence sur le scénario.
Selon les rencontres, nos choix et les conversations, chaque personnage verra sa jauge d'intérêt à notre égard augmenter ou diminuer (les mecs aussi, mais là il s'agit de pure amitié évidemment), et donc selon l'état de ces différentes jauges, le scénario évoluera dans tel ou tel sens. Pour en connaître un maximum sur le passé ou l'histoire personnelle de chacun des protagonistes principaux, plusieurs parties seront nécessaires, car ceux-ci ne nous sont donnés que par bribes. J'ai fait un test complet de Prime Girl sur mon blog, si cela intéresse.

Je me permets également d'inclure dans cette catégorie les jeux d'aventure, généralement de type enquête policière, comme Desire ou Eve (de C’s ware, sortis respectivement en 94 et 95). Aussi, et dans la catégorie onna-muke, je conseille vivement Mashô Megane (2016), où notre héroïne voyage dans divers mondes tirés des contes de fées, et dans une moindre mesure Ai ha nikushimi ni yoku nite iru (2018), se déroulant dans les années 20.

A-RPG

Words Worth (Elf, 2004). La première version sort en 93.

De tous les eroge auxquels j'ai joué, Words Worth est probablement mon préféré. Attention, je ne parlerai que du remake, bien plus beau que l'original (mais beaucoup moins hardcore). Il existe un premier remake en 99, le 2004 c'est strictement le même avec un chapitre en plus qui permet d'avoir des scènes X avec l'héroïne principale, qui n'en disposait d'aucune dans la version précédente !
On est à mi-chemin entre A-RPG (on ne dirige qu'un seul personnage et les combats sont en temps réel), Dungeon-RPG (presque tout le soft se passe dans le même donjon), et la vue est en 3D de type FPS. Le superbe character design est signé Rinshin, l'autre grand, ou grande, artiste de Elf avec Takei. Grand ou grande, car on ne connaît que son pseudo, il (ou elle) n'a jamais voulu révéler son genre.

Au premier abord, on pourrait penser qu’on a affaire à un scénario bateau typique d'heroic fantasy (les Forces de Lumière et des Ténèbres, bla bla bla...), mais pas du tout. Les personnages sont nombreux et variés, l'ambiance et le scénario (parfois franchement comique, mais dramatique à d'autres moments) sont travaillés et ce dernier n'est mais alors vraiment pas manichéen. En fait, il n'existe pratiquement pas de personnage vraiment « méchant », même si on trouve une ou deux ordures dans chaque camp. C'est l'un des rares jeux qui m'a pris à la gorge quand j'ai vu l'écran de fin. Vous savez, c'est ce genre de softs où on s'immerge tellement dans l'univers qu'il devient dur d'en sortir.
Notons qu'il existe un anime pour adultes (bien plus salé que le jeu) en sept épisodes, mais s'il est graphiquement aussi beau et qu'il reprend la même trame scénaristique, mais il ne fait vraiment pas honneur à l'œuvre d'origine. De nombreux persos sont passés à la trappe, ceux qui restent sont peu développés, et l'histoire est ultra résumée.

RPG

Danger Angel (Mink, 2003).

Sous certains aspects, à commencer par le héros, Danger Angel fait furieusement penser au manga Bastard!!, avec là encore de l'heroic fantasy mais cette fois avec des anges et des démons, dans une ambiance assez sombre. Les cinématiques et écrans-fixes sont absolument magnifiques ! Les graphismes des phases de jeu par contre, semble droit issus de la Super Famicom... Ce n'est pas à proprement parler moche, c'est juste qu’ils ont une bonne génération de retard.

T-RPG

Dragon Knight 4 (Elf, 1994).

Alors que les trois premiers Dragon Knight étaient des RPG purs et durs, le quatrième (et ultime) épisode est un Tactical-RPG. À l'instar des Fire Emblem, un personnage mort sur le champ de bataille disparaît définitivement, il vaut donc mieux faire gaffe. L'histoire est vraiment prenante et réserve son lot de surprises, mais elle oblige également à faire le jeu deux fois d'affilée, un moyen artificiel de prolonger la durée de vie (il y a un peu de l'abus à ce niveau-là), et la fin est franchement triste.
Le jeu datant de 1994, les graphismes sont évidemment un peu datés (on lui préférera les versions PS et PC-FX de ce point de vue, sachant que de manière surprenante, le jeu est même sorti sur Super Famicom, dans une version totalement édulcorée, cela va sans dire, mais le character design de Takei est toujours aussi excellent. Un remake a vu le jour en 2007 avec des cartes en 3D, ce qui a nettement moins de charme.

J'ai également bien aimé

Princess Knights

(Mink, 2002) qui mélange Tactical et Ren'ai game (un peu comme Langrisser, mais cela va beaucoup plus loin ici bien évidemment !). Le héros, dans lequel coule le sang du Dragon Sacré, devra recruter plusieurs femmes chevaliers (8 sur un total de 28). On notera un intéressant système basé sur les éléments (terre, eau, feu, air, lumière, ténèbres). On peut également dompter des monstres et en faire des familiers pour les personnages. Les graphismes sont assez jolis et les cinématiques sont superbes.

Shoot'em Up

Steam Hearts (Giga, 1994).

Steam Hearts est un shoot'em up classique à scrolling vertical, où vous dégommez des aliens dans votre vaisseau spatial ; il est ni mieux, ni moins bon que nombre de softs du genre. Là où il se démarque des Raiden et autre R-Type, c'est évidemment qu'il s'agit d'un eroge. Les Boss sont pilotés par de jeunes et jolies jeunes femmes, et une fois que leur vaisseau est détruit, c'est à un autre type de joute à laquelle on assiste...
Un seul souci : le jeu propose des continues infinis et on reprend là où on est mort, il peut donc se finir dès la première partie. Il est également sorti sur PC-Engine et Saturn, en version largement adoucie évidemment.

Fighting

Battle Raper 2 (Illusion, 2005)

Il y a bien eu des eroge de combat en 2D, les séries Variable Geo et Ningyo Tsukai (aussi connu sous le nom Metal & Lace) me viennent en tête, mais en tant que jeux de combat, ils ne valent rien du tout (même si le second Ningyo Tsukai bénéficie d'un superbe design).

Variable Geo.
Ningyo Tsukai 2.

Si je vous parle de Battle Raper DEUX, vous vous doutez bien qu'il y a également eu un premier épisode, en 2002 en l'occurrence mais qu'il vaut mieux oublier à cause de la polémique qu'il a engendrée. Rien qu'avec le nom du jeu, je pense que vous comprenez : Battle Raper premier du nom proposait au joueur, une fois ses adversaires vaincues (toutes des femmes, il va sans dire), de les violer. Le second épisode a supprimé cette option, et il s'agit désormais de relations librement consenties. Certes... mais pourquoi avoir gardé un tel titre, alors ? Illusion a peut-être voulu consciemment jouer les provocateurs.
La première chose qui frappe, ce sont les graphismes en 3D, ce qui est une rareté pour les eroge, mais une spécialité de la firme. Et par rapport aux jeux de combat de l'époque, ils sont tout à fait acceptables ! Le jeu propose les modes attendus d'un jeu de combat classique (Histoire, VS, Options, plus de nombreux costumes à débloquer dans le Extra Mode), le mode Histoire étant évidemment le plus intéressant ; après avoir remporté un combat, vous avez droit au « repos du guerrier ». D'un pur point de vue ludique, c'est sûr que ce n'est pas Tekken ou Soulcalibur non plus, mais Illusion a quand même fait quelques efforts de ce coté-là. Il se joue à 3 boutons (coup d'épée faible et fort, coup de pied) et les manipulations se font via des combinaisons de touches. Le jeu compte un seul perso masculin (fortement inspiré de Kyo de King of Fighters) pour cinq féminins, et c'est le gros point noir du jeu : six persos pour un fighting game, qui plus est de 2005, ça va faire rigoler les puristes.

Jeu de tir / Exploration

Des Blood VR (Illusion, 2003)

Illusion oblige, nous sommes en 3D encore. L'histoire de Des Blood VR se déroule en 2156, après la collision entre une météorite et une station spatiale. On incarne deux policiers, Tatsuya et Kaoru. Le jeu mélange phases d'exploration, d'action, et de séduction avec différents personnages. Les possibilités sont assez nombreuses lors des scènes de sexe, la 3D aidant pas mal.
Dans le même genre, on avait aussi un peu plus tôt Requiem Hurts (sorti en 2001 lui, encore et toujours de Illusion) où on pouvait jouer trois filles différentes durant la même partie.

Puzzle / Mah-Jong

La série des Super Real Mah-jong (Seta, de 1987 à nos jours)

Après les visual novel, voila clairement le genre de jeu sur-représenté au sein des eroge. Eh bien, c'est du mah-jong classique, mais quand on gagne, la fille se déshabille, voire plus. Le même concept peut être repris avec d'autres puzzle game comme des casse-briques. C'est aussi quasiment le seul type de jeu qui propose parfois des images de « vraies femmes », et non de personnages dessinés.

Simulations diverses

Enfin, on peut trouver tout et n'importe quoi : gestion de lycée, de manoir, de cafétéria, d'éducation de jeune fille... Par exemple dans MinDead Blood, vous incarnez un duo de vampires ; quant à Suzukuri Dragon, il vous faut fabriquer une tanière pour dragon ! Majo no shokuzai, quant à lui, est une simulation d'exorcisme. Dans un monde médiéval (et non pas médiéval-fantastique), vous incarnez la jeune Sedia qui, par un malheureux concours de circonstances, va se retrouver jugée responsable d'une étrange maladie qui décime la population. Au lieu de finir sur le bûcher en tant que sorcière cependant, elle va au contraire devoir exorciser les différents villages atteints. Cet « exorcisme », vous vous en doutez, sera d'ordre sexuel.
On alterne ainsi les (longues) phases de dialogues avec les déplacements sur la carte, les emplettes chez le marchand, les séances d'exorcisme... Une dizaine d'heures est nécessaire pour en voir la fin mais rien ne dit que vous réussirez à la première tentative. Il y a, de plus, plusieurs fins différentes, le chara design est superbe, le jeu est intégralement doublé et point de vue scènes porno, vous en aurez pour votre argent. Si le graphisme fait presque shojo manga, c'est parce qu'il a plutôt été pensé à l'origine pour un public féminin (ce qui ne change rien au fait que ce soit parfois bien hardcore). Cela explique à la fois le choix de Sedia comme personnage principal et la manière de traiter certaines relations amoureuses. J'ai vraiment pris du plaisir dessus (... ce n'est peut-être pas la meilleure façon de dire les choses, remarquez).

Avant de finir ce petit tour d'horizon, mentionnons la série des Sexy Beach, de Illusion encore. On dirige un petit hôtel sur une île de vacances et... bon... Il y a bien un minimum d'interactions avec les personnages, divers mini-jeux, etc, mais tout est prétexte à avoir du sexe. Ceux qui ont acheté Dead or Alive Xtreme Beach Volley, dont il est sans nul doute inspiré, pour se rincer l'œil auraient mieux fait de directement prendre celui-là. En préparant ce dossier, je suis carrément tombé sur des séquences du jeu sur des sites de vidéos X classiques (ça, c'est du travail d'investigation !).

Dôjin soft / Jeux amateurs

Il existe un nombre incommensurable de jeux amateurs, bien que la plupart ne soient pas à proprement parler des jeux. Je citerai toutefois Succubus Academy, sorti en 2019, et qui est un remake du plus ancien Succubus Quest au système de jeu unique : le Sex Battle RPG ! Il s'agit à la base d’un RPG classique, mais lors des « combats », au lieu d’y aller aux coups d'épée et autres sortilèges, et bien il faudra jouer du côté des caresses plus ou moins poussées. Vous devrez ainsi amener votre adversaire à l'orgasme, afin qu’il abandonne le combat. Durant ce dernier, il existe une barre qui augmente au fil des actions : plus elle se remplit, moins l'ennemie se montre farouche, et on peut utiliser des « techniques » de plus en plus puissantes. Bien entendu, tous les ennemis du jeu sont de sexe féminin.
Une majorité de jeux amateur se limitent cependant le plus souvent à une suite d'images sans beaucoup d'interactions, voire aucune, et sont généralement des parodies de jeux ou d'anime célèbres, qui permettent par exemple au joueur de voir Tifa faire des choses qui auraient été impensables dans Final Fantasy VII.

Succubus Academy
...sans commentaire...

Les eroge hors du Japon

Quasiment tous les eroge des années 80-90 n'ont jamais franchi les frontières de l'Archipel. On se souviendra néanmoins du cas de Cobra Mission, sorti en 1991 et qui fut le tout premier eroge à être traduit en anglais, l'année suivante, par Megatech Software. L'éditeur sortira deux autres titres jusqu'en 1995, avant de disparaître des radars. Cette version se jouait sous DOS et est sortie officiellement en France en fin d'année 1993. Les magazines micro de l'époque en avaient parlé, comme cette double page du magazine Génération 4 le prouve, mais ils n'auraient jamais dû inclure des images aussi explicites dans une revue tous publics...

Autrefois, pour ceux qui auraient voulu s'essayer à l'import, deux problèmes de taille se posaient :

  • Tout d'abord, la plupart des eroge sont des visual novels ou des RPG, et donc s'adressent aux nippophones.
  • ensuite et surtout, certains jeux ne peuvent être installés ou tourner convenablement qu'avec un OS nippon.

Cela limitait terriblement les possibilités. Même en lisant couramment le japonais, vouloir lancer un titre prévu pour le Windows 95 local sur un PC équipé d'un OS différent aurait tenu de la mission impossible. Et contrairement aux consoles, personne ne se faisait importer d'ordinateur du Japon, ce qui aurait en outre coûté une fortune en frais de port.
Il semble bien y avoir eu ensuite quelques timides tentatives officielles par la suite, toujours en anglais, mais qui ne semblent pas être allées très loin. Cela a néanmoins changé depuis le milieu des années 2010, notamment avec la société canadienne Nutaku, qui outre des titres qu'elle développe elle-même, diffuse – en dématérialisé uniquement – des traductions de nombreux eroge, jeux indépendants inclus. Ils disposent d'une horde de traducteurs (une cinquantaine apparemment), et il faut bien cela, vu que la majorité sont des visual novels... Cela semble plutôt bien fonctionner même si, encore une fois, seul l'anglais est disponible. Parallèlement, on trouve aussi des groupes amateurs qui proposent des traductions maison, tout comme ce fut la norme dans le domaine du hack de ROM pour jeux console autrefois, mais je serais bien incapable de vous dire l'ampleur de ce marché.

Cela nous amène, alors, à une question cruciale : pourquoi n'y a t-il quasiment pas de eroge en Occident ? Les raisons sont multiples, et c'est leur multiplication et leur imbrication les unes dans les autres qui rendent la chose problématique. Je pense qu'il y a là, au moins, quatre explications.
Premièrement, la majorité des eroge sont des jeux à texte. Avec beaucoup de texte. Cela nécessite donc un très très gros travail de traduction, sans avoir l'assurance que les joueurs ne privilégieront pas les titres mettant en avant l'action ou la stratégie plutôt que la lecture. Bref, les coûts engendrés, tant en temps qu'en argent, sont déjà un gros frein pour un résultat plus qu'incertain au final.

Doki Doki Literature Club! est un visual novel qui ressemble à un eroge, mais il s'en déporte au fur et à mesure.

Deuxièmement, la juridiction. Mettons de côté certains jeux qui seraient dès le départ inimportables, à cause d’un contenu trop problématique, genre lolicon. Il y a d'une part il y a la question des taxes : la France notamment surtaxe les produits pornographiques. Et même si, dans l'ensemble, les jeux sont aujourd'hui moins chers que dans les années 90, cela resterait néanmoins trop élevé dans l'ensemble. D'autre part, se pose ensuite le problème de la distribution : où voulez-vous faire de la pub et vendre les jeux ? S'il n'y a pas d'eroge disponible, ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de demande... mais il faudrait déjà savoir que cela existe, ce qui n'est généralement pas le cas du grand public. Vous imaginez, un rayon eroge à la FNAC ou chez Micromania ? Et quid de la presse vidéoludique ? On ne pourrait guère se tourner que vers les sites spécialisés.
Troisièmement, les différences culturelles. En Occident, le sexe est encore un tabou, et il y a un rejet net du porno sous toutes ses formes, alors qu'un très grand nombre de gens en consomment. C'est bien cet aspect-là que je ne comprends pas, et qui me met hors de moi. Tout au long de ce dossier, j'ai tenté d'être le plus neutre et objectif possible, mais je me permets un petit aparté. Les jeux sont de plus en plus violents. Aujourd'hui, on peut trouver sans problème des titres, sur consoles également, au contenu ultra-sanglant, voire carrément gore, et cela ne semble choquer personne. Alors oui, bien sûr, ces jeux sont censés être interdits aux moins de 18 ans, même si dans la pratique on sait bien que la plupart des adolescents n'ont pas trop de soucis pour y avoir accès, au porno non plus d'ailleurs. Franchement, de nos jours, le gamin moyen de 15 ans a sûrement déjà vu au moins un film X. Qu'on le déplore ou non n'est pas la question, c'est une simple constatation. Mais donc tuer des gens, c'est oui, mais faire l'amour, c'est non ? Qu'on puisse éventrer, éviscérer, éclater des têtes dans des mares de sang ça passe, mais il est interdit de se faire XXX ? Franchement, c'est n'importe quoi.
Et autant je peux comprendre qu'on puisse avoir un profond rejet par exemple pour une scène de viol, autant quand c'est entre adultes consentants (soit, tout de même, une majorité d'eroge), qu'est-ce qui gêne ? Pourquoi diable, au sein d'un RPG par exemple, on ne pourrait pas avoir des scènes où des persos couchent ensemble ? Cette discussion ne date pas d'hier d'ailleurs. En 1991, un des responsables de la branche américaine de SNK avait déclaré « les utilisateurs de Neo Geo [...] sont des adultes [...]. Ils veulent de l'action, de la violence et, pourquoi pas, du sexe : c'est aussi ce que nous pouvons leur offrir avec la Neo Geo ». Bon, dans la pratique cela n'aura rien donné, mais l'idée était déjà évoquée.

Ceci est autorisé...
...mais ça, non ! Cherchez l'erreur.

Quatrièmement, même si les choses ont beaucoup évolué à ce niveau en vingt ans, le jeu vidéo reste encore et avant tout associé aux enfants et aux adolescents. Quand on repense au tollé qu'a provoqué la sortie du premier Mortal Kombat, on n'ose imaginer les réactions des associations s'ils étaient tombés sur un eroge... Même si les mentalités changent peu à peu, tout comme de nombreuses personnes considèrent encore qu'un dessin animé est nécessairement pour les enfants, une certaine génération continue à penser de même pour les jeux vidéo. À dire vrai cependant, et au sein même de la communauté des joueurs, les eroge ont mauvaise réputation et ceux qui s'y adonnent tout autant. Les images d’Épinal ont la vie dure et, il faut le rappeler, tous les joueurs de jeux X ne sont pas des mecs de 30 ans frustrés et asociaux qui n'ont jamais touché une fille de leur vie. Peut-être y a-t-il également amalgame entre jeux X et cinéma X ? Mais autant j'admettrais volontiers que, généralement, le cinéma porno n'a de cinéma que le nom, dans le sens où ce qui est important n'est ni l'histoire, ni le jeu des acteurs, ni même la mise en scène, autant ce n'est absolument pas le cas des eroge qui sont des jeux obéissant aux mêmes critères qu'un jeu vidéo « classique » : on y trouve du gameplay, une histoire, des graphismes de qualité, etc.
La seule question qu'il convient de poser, c'est de savoir s'il s'agit d'un bon jeu, ou non. Avec ou sans sexe, cela ne changera rien à l'affaire. Un bon titre à la base, avec ou sans X, sera toujours bon ; un mauvais jeu, même avec de splendides scènes cochonnes, restera une daube. Alors, ensuite, on peut certes se poser le problème du contenu. Jusqu'où peut-on aller ? A t-on le droit de tout montrer ? Peut-on autoriser la mise sur le marché d'un jeu où on incarne un violeur, quand bien même cela existerait-il déjà ? On tombe facilement dans le débat de l'interdiction pure et simple de la pornographie, comme si on pouvait facilement confondre réalité et animation...

Je ne suis pas spécialement fan d'eroge, même si j'aime bien en faire un bon de temps en temps. Mais au fur et à mesure que je suis rentré dans cet univers, je me suis mis à découvrir un monde vraiment riche, et des titres comme Word Worth, Dôkyûsei 2, Prime Girl, ou Dragon Knight 4 resteront dans ma mémoire comme des expériences extrêmement intéressantes, et sur lesquels je me suis autant amusé que sur bien des jeux « standards », dits de qualité. Bien entendu qu'il existe des tonnes et des tonnes de daubes... mais c'est pareil pour le jeu vidéo dans son ensemble !
Même si le marché des eroge ne représente qu'une petite frange du marché vidéoludique global, car surtout représenté par des des jeux à texte non traduits, on ne peut pas l'occulter, et il ne mérite pas davantage d'être dénigré comme il l'a trop souvent été. J'espère en tous cas qu'après ce long dossier, j'aurais réussi mon pari de vous faire changer d'avis.

LVD
(16 juillet 2007)
Sources, remerciements, liens supplémentaires :
Une version vidéo de cet article se trouve sur Youtube (lien)

Pour les personnes intéressées, un lien (en japonais) qui mène vers la plupart des sites d'éditeurs de eroge, y compris de Boys Love et Onna-muke game.
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